mercredi, août 27, 2008
L'HOMME DU LAC (Arnaldur Indridason)
samedi, août 09, 2008
ESSAIS DE REPONSE (Erri De Luca)
Nos étés sur l'île duraient des mois. On avait le temps de s'habituer à vouloir y vivre pour toujours. Repartir contenait un grain d'exil. (extrait de Tu, mio)
Ischia est l'île de mes étés d'enfance. Pour ceux qui venaient des arrière-lignes de Naples et de la densité, des ruelles, l'île contenait les distances, le vide et la possibilité d'être libres. A peine arrivés sur l'île, on se "déchaussait", on coupait immédiatement ce lien avec la terre ferme et avec la ville, la peau s'épaississait au soleil et à force de marcher sur le terre et sur les rochers. Elle était la suspension des règles, l'ensauvagement des vacances, l'apprentissage de la mer.
Ecrire me permet une intimité avec le monde des autres, celui qui se trouve derrière l'écorce des visages que je vois. Quand je sais qu'une de mes pages a été accueillie avec intensité par une personne , il me semble que les traces légères qu'un homme laisse sur le sol peuvent devenir un sentier pour qu'un autre les foule avec amour. Pour moi, écrire c'est entrouvrir un passge, en espérant que quelqu'un, en le parcourant, le rende achevé.
Les livres ne possèdent pas de public mais ils possèdent une personne seulement, ils possèdent non pas le vaste monde de la lecture, mais exactement et seulement un seul lecteur. J'offre à cette personne qui est en train de lire en ce moment l'appel d'un complice, j'essaie de l'obliger à être témoin de ce qui est en train de se passer ou qui s'est passé; je veux la déplacer de là où elle est, je veux la faire venir avec moi, même si cela ne coïncide qu'avec un seul mot; même si ce n'est qu'un seul mot dans cette centaine de pages, ce mot-là suffit pour que nous ayons été ensemble en lui. pages 28, 29 30
Les souvenirs ne sont pas des archives, ils ne sont pas un répertoire, un agenda. Les souvenirs sont des des coups qui éclatent de l'intérieur, qui te sautent à la gorge à l'improviste et toi, tu te rappelles une chose que tu avais complètement oubliée. "Le souvenir redonne une possiblité au passé" (Agamben) page 33
"On se glisse , selon son filetage, dans une existence fixée par la nécessité et les devoirs, en rêvant toujours de laisser à la surface une trace en creux de notre passage forcé" (extrait d'Alzaia)
Quelle que soit la chose que le destin t'a confiée, quelle que soit la portion de devoir qui t'est échue, fais en sorte qu'elle soit bien faite. Ce n'est pas une réponse, mais directement une prière: fais que ce qui t'est imparti soit exécuté avec scrupule et intensité de soin. "Il ne t'est pas imposé de compléter l'oeuvre , mais tu es libre de t'y soustraire". (Rabbi tarphon, Rouleaux des Pères). page 40
Nous sommes d'un siècle bavard et bouché à la fois., nous sommes d'un tempsqui a soustrait de la valeur à la parole et à la vie. page 42
Une personne qui ne doit pas aux mains , aux bras, son propre salaire, qui ne serait ni porteur, ni ouvrier, ni artisan, ni paysan, finit par savoir peu de choses des mains. Bien sûr, elle les distingue, habituellement avec la main droite elle écrit, se coiffe, serre un verre ou une autre main qu'on lui offre pour dire bonjour, ou bien elle donne une gifle. L'autre est auxiliaire, ombre de la première. Celui qui a un métier manuel a une autre notion des mains. Elles ont mis des années et des années, depuis qu'elles étaient petites, à apprendre un art, se trompant et se bLessant de mille façons. Elles se sont appliquées à l'usage de tous les efforts jusqu'à obtenir une habilité..page 44
Pour arriver, l'impossible a besoin de circonstances urgentes...Le coup de pied à la lune , l'impossible devient indispensable, nécessaire à certains moments. page 46
J'étudie l'hébreu ancien parce que les livres de la Mikra sont merveilleux. Je ne me sens appartenir à aucun peuple ou communauté, mais , à ce livre, oui,je lui appartiens. Apprendre la langue hébraïque a été comme apprendre à jouer d'un instrument à vent. Le Talmud dit que la lecture de celui qui s'arrête au seuil de la lettre est la lecture de l'insensé, c'est-à-dire de celui qui reste au dehors. Moi, je reste au dehors, je suis hors de la profondeur et aussi de la tradition. Hors de la profondeur, parce que je ne vais pas plus loin que le premier sens , le sens littéral, car pour moi, c'est déjà beau ainsi, bien suffisant à mon bonheur. Mais aussi hors de la tradition, parce que la tradition est le commentaire infini ajouté à la Mikra, la tradition est la civilisation du commentaire, des schismes, des hérésies et des retours sanglants à quelque orthodoxie. Moi, je reste à l'entrée, au début, je m'arrête à la source, tandis que la religion, la tradition sont l'estuaire de cette eau qui, chemin faisant, s'enrichit et se trouble de tout. page 57
dimanche, août 03, 2008
CHAT SAUVAGE (Jacques Poulin)
-Je suis une sorte de psychologue dit-elle.(Kim qui deviendra l'amie du personnage principal). Et voyant sans doute un point d'interrogation dans mes yeux, elle précisa: mais je n'essaie pas de rendre les gens normaux.
-Ah non?
-Je veux leur donner la chance d'aller jusqu'au bout de leurs capacités, sans tenir compte des normes sociales.
-Vous faîtes de la psychothérapie?
-Oui, en ce moment, je cherche une méthode qui me permettrait de m'occuper du cortps autant que de l'âme....Et vous? qu'est-ce-que vous faîtes dans la vie?
--Je suis un sorte d'écrivain public.
-Au lieu d'écrire pour vous-même, vous écrivez pour les autres?
Cette façon de dire les chosesme plut beaucoup et me fit remonter dans ma propre estime. Je me mis à penser que nos préoccupations n'étaient pas si éloignées l'une de l'autre. page 69