dimanche, octobre 31, 2021

MADAME HAYAT ( Ahmet Altan) 2021

 Fazd, le jeune narrateur de ce livre, part faire des études de lettres loin de chez lui. Devenu boursier après le décès de son père, il loue une chambre dans une modeste pension, un lieu fané où se côtoient des êtres inoubliables à la gravité poétique, qui tentent de passer entre les mailles du filet d'une ville habitée de présences menaçantes. Au quotidien, Fazd gagne sa vie en tant que figurant dans une émission de télévision, et c'est en ces lieux de fictions, qu'il remarque une femme voluptueuse, vif-argent, qui pourrait être sa mère. Parenthèse exaltante, Fazd tombe éperdument amoureux  de cette Madame Hayat qui l'entraîne au-delà de lui - même. Quelques jours plus tard, il fait la connaissance de la jeune Sila. Double bonheur, double initiation, double regards sur la magie d'une vie. L'analyse tout en finesse du sentiment amoureux trouve  en ce livre de singuliers échos. Le personnage de Madame Hayat, solaire, et celui de Fazd, plus littéraire, plus engagé, convoquent les subtiles métaphores d'une aspiration à la liberté absolue dans un pays qui se referme autour d'eux sans jamais les atteindre.  Pour celui qui se souvient que ce livre a été écrit en prison, l'émotion est profonde. 

La vie des gens changeait en une nuit. La société se trouvait dans un tel état de décomposition qu'aucune existence ne pouvait plus se rattacher à son passé comme on tient à ses racines.  Chaque être vivait sous la menace de sombrer dans l'oubli......Ma propre vie  avait changé du jour au lendemain. Ou, à vrai dire, celle de mon père. A l'issue de divers événements que je n'ai jamais compris, un grand pays ayant déclaré " l'arrêt des importations de tomates", mille hectares de terrain agricole se transformèrent en une immense décharge rouge. ..;Une phrase donc avait suffi à ruiner mon père. page 7

( Fazd a quitté son appartement de trois pièces avec grand salon, suite au décès de son père,  pour une  chambre d 'étudiant) Je saluais tout le monde, j'échangeais quelques mots avec chacun, mais ne me liais d'amitié avec personne. ( dans son immeuble) page 11

C'était il y a un an. A l'époque, j'ignorais encore que la vie est littéralement  la proie du hasard. page 12

( Fazd s'est rendu à une soirée pour être figurant dans une émission et gagné ainsi un peu d'argent)  " Qu'est-ce-que tu attends avec cet air triste?  - Rien, finis-je par articuler.  - Il y a un restaurant pas loin, dit-elle, j'y vais dîner. Accompagne-moi si tu veux, on dînera ensemble. Deux personnes valent toujours mieux qu'une....C'est moi qui t'invite.  - D'accord. "..;" Bonsoir Madame Hayat, dit-il ( le serveur) où souhaitez-vous vous installer ce soir? - Dans le jardin." Son nom m'obsédait.  page 18....Il y avait tant de choses dans son rire: les oiseaux du matin, des éclats de cristal, l'eau claire qui cascade sur les pierres du torrent, les clochettes qu'on accroche aux arbres de Noël, une bande petites files courant main dans la main. page 20....Son visage  était illuminé par une forme de maturité espiègle, elle n'était pas belle à proprement parler, mais elle avait quelque chose de plus attirant encore que la beauté, un pétillement de vitalité qui annonçait autant de hauteur et de moquerie que de tendresse désintéressée, comme devinant toutes les nuances de l'âme humaine. page 21

C'est le malheur qui nous enseigne la vie. page 31

( Fazd a rencontré une jeune fille dans les séances de figuration  de télévision) " La police est venue chez nous en pleine nuit. " dit-elle . Son père était le patron d'une holding importante. Ils habitaient  dans une villa entourée d'un bocage. L'un des a actionnaires minoritaires de l'entreprise de son père, qui détenait à peine deux à trois pour cent du capital, avait été arrêté pour  "préparation d'un complot contre le gouvernement." Ils  s'étaient servis de lui comme prétexte pour saisir toutes les entreprises du père.  - C'est possible de faire ça ? lui demandai-je. - Aujourd'hui oui, c'est  possible. ...Ils ont fouillé la maison pendant quatre heures, puis, ils nous ont dit qu'on devait partir sans délai. une valise chacun, c'est tout ce qu'ils nous autorisaient à emporter.  Ils nous ont chassé de chez nous en pleine nuit. .;Ils ont pris les cartes de crédit, ce qui n'avait d'ailleurs plus d'importance puisqu'ils avaient déjà saisi tout notre argent à la banque....Nous avons quitté la maison en pleine nuit, juste avec une valise.   page 41   Je n'oublierai jamais cette nuit dans le parc, nous trois assis sus un arbre avec notre valise. Le matin, nous étions riches, au dîner encore nous étions riches, et la nuit,  nous étions des vagabonds misérables, sans argent et sans toit.  page 42

Nous ne savions pas où aller, où seulement passer la nuit. Allons chez des amis  a dit ma mère, em on père a  répondu: non, ils ont trop peur de nous avoir chez eux, ne les obligeons pas à nous fermer la porte...Les riches sont des trouillards, tu sais, et plus ils sont riches, plus ils ont peur. Mais il faut tomber dans la pauvreté pour s'en rendre compte, quand on est  riche, cette peur-là paraît absolument naturelle.  page 42

( A un cours de littérature) Madame Nermin, le professeur: " La littérature ne s'apprend pas. je ne vous enseignerai donc pas la littérature. Je vous enseignerai plutôt quelque chose sans quoi la littérature n'existe pas: le courage, le courage littéraire. Ne vous contentez pas de répéter ce que d'autres ont déjà dit...Soyez courageux et c'est le courage qui distingue les grands écrivains des autres. page 49...;;;;;;;;;;La littérature était plus réelle et plus passionnante que la vie. Elle n'était pas plus  sûre, sans doute même plus dangereuse...." La littérature est un télescope braqué sur les immensités de l'âme humaine" avait dit notre professeur d'histoire littéraire, monsieur Kaan. page 51

Grâce aux livres, j'avais appris à examiner ainsi tous les êtres qui croisaient ma route, à commencer  évidemment par moi-même. Je savais désormais que l'âme humaine n'est pas un tout, lisse et cohérent; c'est un agrégat de morceaux dépareillés qui se soudent progressivement les uns aux autres. ..J'avais honte d'être pauvre et j 'avais honte de mentir  sur ma pauvreté. D'un autre côté, les paroles de madame Nermin faisaient leur chemin dans mon esprit. Je m'aperçus que je n'avais jamais réfléchi à la question de la liberté/ "Suis-je libre? " me demandai-je tout à coup.  La question était-elle si effrayante? " Suis-je libre? " C'était la réponse , plus que la question qui m'effrayait; " Non, je ne suis pas libre" Une autre question plus cruelle encore, se posait alors: " Serai-je jamais libre? "...J'étais ballotté au gré des événements, indépendamment de ma liberté....page 52

Madame Hayat m'avait fait entrer dans  sa vie  avec la même simplicité naturelle , la même douceur  harmonieuse avec laquelle elle offrait son corps et je m'y étais installé sans rencontrer  le moindre obstacle....Elle était comme une déesse pour moi , une divinité  mythologique....page 60  Je n'avias d'yeux que pour son corps voluptueux, sa chair, ses plis et ses replis. page 61

'Madame Hayat vient d'acheter une lampe)  " Une lampe vous rend heureuse? - Oui, Très heureuse, même. - Et si demain vous aviez besoin de cet argent?  - Et si demain, je n'avais pas besoin de cet argent?  - Vous seriez quand même plus tranquille. - Et si être heureuse  m'intéresse plus que d'être tranquille?  page 64

Avec elle, je découvrais le bonheur d'être un homme,  un mâle, j'apprenais à nager dans le cratère d'un volcan qui embaumait le lys. C'était un infini safari du plaisir. page 68

" Tu es heureuse? " Elle m'avait regardé longuement  d'un  air interrogateur et presque menaçant, avant de répondre: " on ne pose pas cette question à une femme. Une femme ne sait pas si elle est heureuse, elle sait, en revanche, très bien  ce qui manque à son bonheur.  Donc pas besoin de le lui rappeler".  page 74  ( L'auteur part de chez madame Hayat à sa demande. ) "La seule chose que je te demande,  c'est de choisir un moment, un unique moment.....Si tu essaies de te souvenir de tout, tu oublieras tout....Mais si tu choisis un moment  parmi ceux que nous avons partagés, alors, il t'appartiendra pour toujours, tu ne l'oublieras jamais. ...Et moi, je serai heureuse,  heureuse de savoir que j'existe encore un peu pour toi...." page 75

(Fadz revient chez lui , la police est venue embarquée deux locataires.) " Les flics ont débarqué ce matin, il sont arrêté deux gamins du premier. - Pourquoi? - Ils avaient partagé un texte sur Facebook.  - C'est un crime ça?  - Faire une blague sur la gouvernement est devenu un  crime.  Dorénavant, interdit de blaguer. - Tu es sérieux? -  C'est eux  qui sont sérieux. "page 79

(Au cours de monsieur Kaan) " Le fond de toute littérature, c'est l'être humain. ....Les émotions, les affects, les sentiments humains. Et le produit commun à tous ces sentiments , c'est le désir de possession. Quand vous voulez posséder quelqu'un,  vous rendre maître de son coeur et de son âme,  c'est l'amour. Quand vous voulez posséder le corps de quelqu'un, c'est le désir, la volupté. Quand vous voulez faire peur aux gens,  et les contraindre à vous obéir, , c'est le pouvoir. Quand c'est l'argent que vous désirez plus que tout, c'est l'avidité.  Enfin, quand  vous voulez l'immortalité après la mort,  la vie après la mort,  c'est la foi. La littérature, en vérité,  se nourrit de tous ces cinq grandes passions humaines, dont l'unique et commune  source est le désir de possession , et elle ne traite pas d'autre chose. Tel est le fond. page 82

Je ne connaissais des hommes  que ce que les romans savaient en faire surgir de sous l'infini tissu  de l'humanité.  Les hommes ne m'apparaissaient  que sous les feux scintillants de la littérature. Or, pour la première fois, je voyais  les hommes  et leur psyché  sous une toute autre lunette, à la lumière de leurs ombres, et je me rendais compte que je n'y connaissais rien.  page 104 ( des jeunes de son immeuble ont été raflés par la police sans motif). 

" Les hommes peuvent tout changer sauf eux-mêmes. C'est la seule chose qu'ils sont incapables de transformer. Tel est leur malédiction. " ( Madame Hayat) page 107

(Un commerçant) " Les gens n'ont plus d'argent, et ceux qui en ont s'y agrippent farouchement. : tout le monde a peur du lendemain." On comprenait tout de suite que madame Hayat ne faisait pas partie de ces peureux-là.  " Je n'aime pas la peur, elle m'ennuie. - Mais quand on n' a pas d'argent...- Je sais ce que c'est de ne pas en avoir. Quand on a de l'argent, on le dépense quand on n'en a pas, on s'en passe....Il ne faut  avoir peur de rien dans la vie...La vie ne sert à rien d'autre que d'être vécue.  La stupidité, c'est  d'économiser sur l'existence , en repoussant les plaisirs au lendemain. , comme les avares.  Car la vie ne s'économise pas.  page 111

(Sila et Fadz) Si nous nous étions habitués assez facilement au manque d'argent, nous avions encore du mal à nous faire l'idée  d'être pauvres.  Tous les deux avions grandi dans un milieu qui méprisait la pauvreté, pour lequel elle équivalait au manque de talent, de réussite, à la bêtise et à la paresse. Et maintenant, nous avions rejoint la grande foule des pauvres gens, nous savions bien comment les riches nous jugeaient.  Nous ne méprisions pas les pauvres, non, mais nous n 'étions pas non plus prêts à accepter que nous aussi, désormais , faisions partie de cette catégorie.  Nous ne l'accepterions jamais.  page 125

"Dénoncer quoi?  répondis-je abasourdi. Il n'y a rien à dénoncer' - Est-ce qu'ils ont besoin d'avoir fait quelque chose de dénonçable pour être dénoncé?  On te dénonce et on t'arrête, après ça, va essayer  d'expliquer  que t'es innocent. ...Mais dans quel monde tu vis? Ouvre un peu les yeux. "page130

"La vie commence par hasard et se poursuit dans le hasard". (Monsieur Kaan page 138

" Chacun fait ce qu'il peut. L'essentiel est de savoir ce qu'on peut et ce qui est au-dessus de nos forces. " (Sila) page 157 ( Un colocataire - le Poète- à Fadz s'est défenestré car poursuivi par la police, un autre, gay, a été molesté par la police)

Tout changeait, certes , mais après la mort du Poète le rythme s'accéléra. J'avais la sensation d'être entraîné dans le courant de plus en plus rapide  d'un torrent qi s'approche d'une cascade.  Six mois plus tôt seulement, je menais une autre vie, j'étais un autre homme. Je faisais ma mue. page 197....Mümtaz m'apporta les textes. (pour un journal d'opposition) . Ils parlaient de milliers de personnes enfermées en prison,  de pauvres gens au chômage,  de pressions politiques, de souffrance, d'oppression.  C'était comme si j'avais  ouvert le couvercle et que  la vie réelle sortait de sa boîte, un autre monde, un e autre vie.  Elle ressemblait à cette chose qu'on appelle "l'enfer".  Des gens s'immolaient en pleine rue pour protester contre la famine, des pères de famille ruinés se suicidaient avec femmes et enfants....page 198

( Sila) "Moi, j'en ai marre dit-elle d'une voix déterminée. Moi, je me tire. Toi, tu réfléchis. Si tu veux venir, on part ensemble. ( au Canada) Mais , pour ma part, je n'en peux  plus de ce pays, je n'en peux plus d'avoir peur en permanence, je n'en peux plus d'angoisser  en pensant au lendemain, à la prochaine catastrophe qui va nous arriver.  Je suis fatiguée d'avoir peur."  On se quitta fâchés. ...A vrai dire, elle avait raison....page 206

Le poids de ce que j'avais vu, appris,  vécu pesait parfois si lourd que je me sentais épuisé comme un vieillard.  Je n'arrivais pas à concevoir ni les actes des hommes, ni le silence de la société, je ne pouvais plus vraiment   comprendre les vivants. Cela me déprimait parfois jusqu'à en tomber malade.  Alors, j'allais à la bibliothèque lire des romans. page 211

( Madame Hayat a disparu, Madame Nermin et Monsieur Kaan ont été emprisonnés, ses professeurs de littérature, Sila est partie au Canada, seule). L'été est passé, cédant la place à la fraîcheur cristalline des matins d'automne.  Cela fait maintenant trois moi que Sila est partie. Je ne l'ai pas suivie, au dernier moment, j'ai renoncé.  Où que j'aie pu égarer le bonheur, j'ai  décidé de le chercher ici,  et c'est ici que je le trouverai.  Je crois que j'ai senti qu'en mettant tout mon passé dans une valise jetée par-dessus bord avant le départ,  c'est un peu de mon avenir qui disparaissait aussi,  et qu'il me manquerais toujours quelque chose, que ce serait une mutilation dont je ne guérirais jamais. ...Le temps passe.  page 261 Nermin et Kaan sont toujours en prison. On ne sait pas exactement quand ils sortiront.  Nous parlons souvent d'eux. Je cois en tout cas qu'après avoir vécu tout ça,  j'ai trouvé une réponse à la question de monsieur Kaan sur les clichés et le hasard: naître est un cliché, mourir est un cliché, l'amour est un cliché, la séparation  est un cliché, la trahison est un cliché, le manque est un cliché,  renier ses sentiments est un cliché,  les faiblesses sont un cliché, la peur est un cliché, la pauvreté est un cliché, le temps qui passe est un cliché, l'injustice est un cliché....Et l'ensemble des réalités qui déchirent l'homme tient dans cette somme de clichés.  . Les gens vivent de clichés, ils souffrent de clichés,  ils meurent  de leurs clichés. page 265...Je me suis habitué à la peur, à la solitude,  au manque,  je ne me plains pas, j'ai appris à  avaler en silence le poison qui est dans le miel. ..;Elle (Madame Hayat) me manque. page 266



samedi, octobre 23, 2021

UN ALLER SIMPLE (Didier van Cauwelaert) 1994

 Ni beur malgré son nom, ni gitan malgré son adoption par des tsiganes, marocain d'après ses faux papiers, Aziz est un jeune marseillais qui se retrouve expulsé de France pour rejoindre son pays d'origine. Dans l'avion qui l'emporte vers le Maroc où il n'a jamais mis les pieds, Aziz devient le confident et ami de son chaperon ministériel, un jeune "attaché humanitaire" , rigide et idéaliste, tout aussi paumé et floué dans la vie que lui-même. Pour ne pas le décevoir, ni faire échouer sa mission, Aziz s'invente un pays natal de légende, une vallée imaginaire où vivent en paix des "hommes gris". A la recherche du pays qui n'existe pas, les hasards du voyage seront nombreux, le suspense permanent et  le dénouement des plus inattendus. 

Le soir, à la veillée, chacun se rappelle ses origines, ses traditions, les pays où il a roulé ses racines,...Moi, je suis là et je me tais. je hoche la tête, et j'ai l'esprit ailleurs. Je n'aime pas d'où viennent les autres. je veux bien être sans histoire, à part l'Ami 6, mais ça me fait mal d'être le seul. Alors, le bonheur , c'est quand je suis allé à l'école. Le bonheur , c'était d'apprendre. Je m'inventais une autre famille , rien qu'à moi, avec les mots et les chiffres que je pouvais changer d'ordre comme je voulais, additionner, conjuguer, soustraire, et tout le monde me comprenait.  Au tableau, je récitais les batailles et les fleuves, on m'écoutait comme si c'était mon histoire à moi. Les millions de morts, les inondations   et la haine des hommes se transformaient en bons points. ..Et ce n'était qu'un début: il restait tant de choses à connaître, j'en aurais pour la vie. Mais j'ai dû arrêter l'école au milieu de la sixième, à cause de Vallon-Fleuri qui n'aime pas les bouches inutiles. ...M. Giraudy, le professeur de géographie, a dit qu'il avait de la peine que je parte...M. Giraudy m'a dit que la vie était mal faite...Il avait l'air si triste...IL m'a souhaité bonne chance, et m'a offert un livre incroyable, un atlas de trois kilos qui s'appelait Légendes du monde". Je n'ai rien dit pour ne pas pleurer. page 14

(Aziz est accusé de vol d'une bague qu'il dit avoir achetée pour son mariage)  - "On va te ramener chez toi, Aziz. J'ai remercié, mais ce n'était pas la peine: je n'avais plus de "chez moi" et j'ai perdu Lila; autant la justice suivre son cours. - Tu n'as pas compris, Aziz. Te ramener chez toi, ça veut dire: dans ton pays.  - Mon pays? - Le Maroc. J'ai mis un temps à comprendre, et puis je me suis souvenu que, sur mes papiers, j'étais marocain....page 41

 (Pignol, un ami, gendarme)  " ça vient de plus haut. , Aziz. Le gouvernement a pris des mesures contre les clandestins, Enfin, ...pour les clandestins. C'est une opération conjointe avec les Droits de l'Homme  et l'OMI, l'office des migrations internationales. " Et il m'a expliqué en gros que pour lutter contre le racisme, en France, il fallait renvoyer les immigrés chez eux.  page 42    A cinq heures moins vingt,  Pignol est revenu. Il évitait mon regard, mais j'avais eu le temps de réfléchir et je m'étais rassuré. Il   a laissé tomber " Ton attaché est arrivé". J'ai demandé , les jambes croises, l'air de rien: " On lui a donné mes papiers? - Oui. - Bon, ben ça v alors: il a vu que c''étaient des faux.  - Non. ..;tout ce qu'il a vu, c'est que ton permis est périmé. " Il s'est assis , près de moi, sur le matelas, les mains entre les genoux, la tête basse. Mon inquiétude est revenue d'un coup. - Mais vous le lui avez dit que c'était un faux?  Il n'a pas répondu tout de suite.  page 43, page 44

Depuis des dizaines d'heures, je ne pensais qu'à mon atlas, aux Légendes du monde, parce que ...mon livre serait vendu vingt francs à un bouquiniste et personne n'aurait jamais les mêmes rapports que j'avais eus avec lui. page 48 (L'attaché veut savoir dans quelle région du Maroc, il est originaire) J'ai sèchement dit qu'on verrait plus tard; j'étais dans mon rêve. page 49

J'ai très peur au décollage, mais je n'ai rien montré.  Je ne savais pas si une nouvelle vie commencerait pour moi, mais la précédente était bien morte;  c'était déjà un espoir. page 69

" Vous êtes d 'où, monsieur l'attaché.? - Tu peux me dire "tu". , comme dans ton pays, ça ne me gêne pas. " Je n'ai pas osé lui répondre que moi, ça me gênait qu'il me tutoie. J'avais un si doux souvenir de mes six mois  de sixième où, pour la première fois, des gens m'avaient dit " vous" - mais il s'est remis à me vouvoyer de lui-même, au bout d'un moment. page  75

C'était vraiment un têtu, ce type. Je lui ai sorti en vrac, pour en finir, que j'étais un enfant marseillais percuté par une Ami6, d'où mon prénom, et que la vallée des hommes gris était une légende de l'atlas que m'avait offert Mr Giraudy, le jour où j'avais quitté l'école pour devenir une alouette. Il souriait avec un air fin...page 88

(A Rabat) Pour la première fois de ma vie, je me sentais un immigré. Et je pensais , pour me tenir compagnie, à la solitude de l'Arabe  qui débarque en France, surtout quand il est clandestin. J'avais drôlement de la chance, moi,  d'avoir un attaché, un garde du corps muni d'un laisser-passer du Roi pour me fiche la paix...Page 105

l'Occidental est coupable, comme toujours, où il passe, il accumule, en créant le besoin. page 136


mardi, octobre 19, 2021

NOTES SUR LE CHAGRIN ( Chimamanda Ngozi Adichie) 2021

 Chimamanda Ngozi Adichie a été invitée à La Grande Librairie le 20 octobre 2021

 Comment dire adieu à un être cher alors que le monde entier est frappé par une crise sanitaire, que le défunt repose au Nigeria et que ses enfants sont bloqués en Angleterre et aux Etats-Unis.? Le père de Chimamanda Ngozi Adichie vient de mourir. Séparée de ses proches, cette dernière vit un deuil empêché et solitaire. Elle écrit alors sous la forme de courts chapîtres, composés comme de soubresauts de chagrin et de rage, où l'amour et l'admiration qu'elle portait à son père explosent à chaque page. James Nwoye Adiche a traversé plusieurs époques de l'histoire du Nigeria. S'il a transmis la culture et la langue igbos à ses enfants, essentielles à l'oeuvre de l'autrice, il s'est aussi élevé contre certaines traditions de son pays. En partageant des anecdotes familiales simples et touchantes, Chimamanda Ngora Adiche rend hommage au professeur émérite de l'université du Nigeria mais surtout au père humble et affectueux qu'il était, son " dadounet originel". La perte se voit ainsi transcendée par l'amour et la transmission. 

Tous les dimanches, mon frère organisait  une réunion zoom depuis l'Angleterre, notre turbulent rituel de confinement: deux d'entre nous, les enfants, nous connections depuis Lagos, les trois autres depuis les Etats-Unis, et mes parents;, avec parfois de la friture, depuis Aba, la ville d'origine ancestrale de notre famille dans le sud-est du Nigeria. Le 7 juin, mon père était là, du moins sur front sur l'écran....Le 10 juin, il était parti. Mon frère a appelé pour me prévenir et je me suis effondrée. page 11

Le rire devient larmes, devient tristesse et devient fureur.  Rien ne m'a préparée à ma rage rugissante et malheureuse. Face à cet enfer qu'est le chagrin, je suis dépourvue d'expérience et de formation.  Mais comment est-il possible qu'il parle et plaisante  le matin, et qu'au soir, il soit parti pour toujours?  page 18...Comment le monde peut continuer à tourner, à inspirer et expirer  sans rien de changé, alors que dans mon âme , c'est une déroute  permanente? page 23

Je  regrette, je regrette. La culpabilité me ronge l'âme. Je pense à toutes les choses que auraient pu arriver et à toutes les façons  dont on pourrait remodeler le monde pour  empêcher  ce qui s'est produit le 10 juin, le faire se déproduire.  page 30

Parce que j'aimais mon père, que je l'aimais si  farouchement, si tendrement, j'ai toujours, dans un coin de ma tête, redouté ce jour.  page 33

Je fuis les condoléances. Les gens sont gentils, les gens sont de bonnes intentions, mais  savoir cela ne rend pas leurs paroles moins irritantes.  page 37

Le chagrin n'est pas vaporeux; il a du corps,  il est oppressant,  c'est chose opaque.  Son poids est plus lourd  le matin, après le sommeil...Je ne reverrai jamais mon père. Jamais plus. page 41....Il y a quelques années, quelqu'un est mort et un de ses proches a dit: " L'épouse ne doit rester seule" et je m'étais dit: " Mais si elle veut l'être? " page 41

Nous lui achetions souvent des choses dont il se servait jamais parce que , disait-il, sa chemise  de 1970 ou ses chaussures de 1985 étaient encore en bon état.  page 59

Il n'était pas matérialiste, ce qui ne serait pas aussi remarquable s'il  n'était pas un Nigérien   vivant au Nigeria, pays à l'impitoyable culture de la cupidité, à l'instinct de la possession débridé de bas en haut de l'échelle sociale. Nous sommes tous touchés, à différents degrés, mais lui seul n'était absolument pas contaminé. J'aimais son sens du devoir....Il donnait du sens aux descriptions les plus simples: un homme bon,, un bon père. J'aimais le qualifier de " gentil et gentleman".  page 64

"Jamais" est entré dans ma vie pour y rester. "Jamais " semble si injustement punitif. Pour le restant de mes jours, je vivrai en tendant les mains vers des choses qui ne sont plus là. page 66

(A propos des obsèques de son père) Organiser cela veut dire calmer les ego de l'église et des groupes traditionnels et obtenir leur approbation pour une date d'enterrement....Mais la chose la plus importante , c'est le "règlement"...Il témoigne de ce que la culture igbo  demeure, profondément et fermement, une culture communautaire.  page 75

"Le chagrin était la célébration de l'amour, ceux qui pouvaient ressentir un véritable chagrin avaient la chance  d'avoir aimé". ( Une  phrase d'un des livres de l'auteur).  page 78...;Jusqu'à présent, le chagrin appartenait à d'autres. L'amour apporte-t-il , même inconsciemment, l'arrogance trompeuse de croire qu'on ne sera jamais touché par la douleur de la perte? page 79..;Ma mère m'a dit que des veuves sont venues lui expliquer la coutume. Tout d'abord, la veuve aura la tête rasée - sans la laisser continuer, mes frères s'empressent de dire que c'est ridicule et qu'il n'en est pas question.  Je dis que personne ne rase jamais la tête des hommes  quand leurs épouses meurent, personne n'impose aux hommes de manger frugalement des jours durant, personne ne s'attend à ce que des hommes portent l'empreinte de leur perte.  Mais ma mère dit qu'elle veut tout faire. " Je ferai tout ce qui se fait. Je le ferai pour Daddy." page 80

Les épaisseurs de perte donnent le sentiment que la vie est mince du papier. page 96....Le chagrin vous dit que c'est fini et votre coeur que ça n'est pas: le chagrin essaie de réduire votre amour au passé et votre coeur dit qu'il est présent. page 98

mercredi, octobre 13, 2021

L'HIBISCUS POURPRE ( Chimamanda Ngozi Adichie) 2003

 Kambili a quinze ans. Son monde est limité aux murs de la résidence luxueuse d'Enugu, au Nigeria, où elle vit avec ses parents et son frère Jaja. Son père , Eugène, est un riche notable qui régit son  foyer selon des principes d'une rigueur implacable. Sa générosité et son courage politique ( il possède le seul journal indépendant du pays) en font un véritable héros de sa communauté. Mais Eugène est aussi un fondamentaliste catholique, qui conçoit l'éducation de ses enfants comme une chasse au péché où les plus terribles punitions trouvent leur justification dans la foi. 

Quand un coup d'Etat vient secouer le Nigeria, Eugène est très impliqué dans la crise politique, est obligé d'envoyer Kambili et Jaja chez leur tante. Les deux adolescents y découvrent un foyer bruyant, plein de rires et de musique. Ils prennent goût à une vie simple, qu'ils croyaient dangereuse et païenne, et ouvrent les yeux sur la nature tyrannique de leur père. Lorsque Kamili et son frère reviennent sous le toit paternel, le conflit est inévitable et la maison se transforme en champ de bataille où les enfants vont se révolter pour gagner leur liberté. 

A la maison, la débâcle a commencé lorsque Jaja, mon frère, n'est pas allé communier et que Papa a lancé son gros missel en travers de la pièce et cassé les figurines des étagères en verre. Nous venions de rentrer de l'église. page 11...Papa s'asseyait toujours au premier rang pour la messe, au bout de banc à côté le l'allée centrale, Mama, Jaja et moi près de lui. Il était le premier à recevoir la communion. La plupart des gens ne s'agenouillaient pas pour recevoir la communion à l'autel de marbre.....mais Papa oui. page 12

Il (Papa) ne parlait pratiquement jamais ibo et même si Jaja et moi le parlions avec Mama à la maison. Il n'aimait pas que nous l'utilisions en public. Nous devions paraître civilisé en public, nous disait-il: nous devions parler anglais. La soeur de Papa, Tatie Ifeoma, avait fait remarquer que Papa était un pur produit du colonialisme. page 25

"Vas-tu remplacer les figurines? " ..;" Kpa, dit-elle ( la maman) Je ne les remplacerai pas. Peut-être Mama avait-elle compris qu'elle n'aurait  plus besoin des figurines....ce n'étaient pas seulement les figurines qui avaient dégringolé, c'était tout. Je ne me rendais pas compte qu'à présent, m'autorisais tout juste à le penser. page 28

Papa aimait l'ordre. Cela se voyait même dans ses emplois du temps, à la façon dont ses lignes tracées méticuleusement, à l'encre noire, traversaient chaque  journée, séparant le travail de la sieste, la sieste du temps familial, le temps familial des repas, les repas de la prière, et la prière du sommeil. page 37....Je voulais faire la fierté de Papa, réussir aussi bien que lui...page 57

Papa changea d'accent ( il parle avec une religieuse britannique) pour lui répondre, prenant des inflexions britanniques, exactement  comme lorsqu'l s'adressait  au père Benedict.  Il était affable, manifestant cet empressement à plaire qu'il avait toujours à l'égard des religieux, en particulier à l'égard des religieux blancs.  page 67...(Le père à sa fille) " Pourquoi crois-tu que je travaille aussi dur pour vous donner le meilleur, à Jaja et à toi?  Il faut que tu fasses quelque chose de tous ces privilèges....Je n'ai pas eu  un père qui m'envoyait  dans les meilleures écoles. Mon père passait son temps à adorer les dieux de pierre et de bois. Sans les prêtres et les soeurs de la mission, aujourd'hui , je ne serais rien.  J'ai  été boy chez le prêtre de la paroisse pendant deux ans. Oui, boy. Personne ne m'emmenait en voiture à l'école. Pendant tout mon primaire, je devais faire treize kilomètres à pied  par jour pour aller à Nimo. A l'école secondaire, je travaillais comme jardinier, pour les prêtres.  page 68

(La famille  est au pays natal) Papa appréciait  que les villageois fissent un effort pour parler anglais en sa présence. Il disait que cela montrait  qu'ils avaient du bon sens. page 88...( Jaja et sa soeur se rendent chez le grand-père) " ça ne me plaît pas de vous envoyer dans la maison d'un païen , mais Dieu vous protègera. " dit Papa. " Papa -Nnukwu  habite tout près, nous pouvons y aller à pied en cinq minutes, nous n'avons pas besoin que Kevin nous y conduise. " dit Jaja page 91

( La tante) "Quelquefois la vie commence quand le mariage prend fin" - Toi et  tes propos d'universitaire! C'est ce que tu racontes à  tes étudiantes? " Maman souriait.  - Sérieusement oui. Mais elles se marient de plus en plus tôt, ces temps-ci. A quoi sert un diplôme , me demandent-elles, si nous ne trouvons pas de travail avec? - Au moins, elles auront quelqu'un qui s'occupera d'elles si elles se marient. - Je ne sais pas qui s'occupera de qui. Six filles de mon séminaire sont mariées....elles deviennent la propriété de leur mari, elles et leurs diplômes." Mama secoua la tête. "Encore des propos d'universitaire. Un mari couronne la vie  d'une femme, Ifeoma.  C'est ce qu'elles veulent" page 108

(Chez les cousins, les enfants d' Ifeoma,  U coup d'Etat a eu lieu) ) " Pouvons-nous regarder CNN? ....;" Nous ne regardons pas beaucoup la télévision,., dis-je. -Pourquoi demanda Amanda. ....Je voulais lui expliquer que,  malgré les énormes paraboles  qui trônaient  sur le toit de nos maisons d'ici et d'Enegu, nous ne regardions pas la     télévision.  page 114  -Kambili, je crois que tu seras plus à l'aise en pantalon, me dit Tatie Ifeoma - ça ira répondis-je. ....je n'avais pas de pantalon parce que c'était un péché pour une femme de porter un pantalon. page 115

"  Papa-Nnukwu (le grand-père) est un païen" Papa serait fier que j'ai dit cela.  " Votre Papa-Nnukwu n'est pas païen, Kambili, c'est un traditionaliste. " Je la dévisageai ( la tante) . Païen ou traditionaliste , quelle importance! Il n'était pas catholique, voilà tout. Il n'avait pas la foi.  page 117

"C'est une chaîne stéréo, n'est-ce pas?  pourquoi vous ne mettez pas de musique?  -Oui, c'est une chaîne stéréo " répondit Jaja. Il n'ajouta pas que nous ne l'utilisions jamais. ...La seule chose que nous écoutions, c'étaient les nouvelles à la radio de Papa, pendant le temps familial. page 131

Papa  nous regarda nous asseoir à table, puis, il commença la prière.  Elle dura  un peu plus longtemps que d'habitude, plus de vingt minutes. page 137

( Jaja et sa soeur sont chez la Tatie Ifeoma) " Nous ne chantons pas à la maison", expliqua Jaja.  - Ici, nous chantons" dit Tatie Ifeoma page 175...Après avoir fini, nous dîmes les prières du matin au salon, une série de prières courtes ponctuées de chants. Tatie pria pour l'université, pour les professeurs et la direction, pour le Nigeria, et, à la fin, elle pria pour que nous puissions trouver paix et rires en cette journée...Je levai la tête  et cherchai le regard le visage de Jaja, pour voir s'il était aussi stupéfait que Tati Ifeoma et sa famille prient , entre toutes les choses possibles et inimaginables, les rires. page 175

" Je ne t'ai pas vue rire ni sourire aujourd'hui, Kambili" finit-il par dire. Je baissai les yeux sur mon maïs. je voulais lui dire que j'étais désolée de ne pas sourire ni rire, mais les mots refusèrent de sortir .."Elle est timide" dit Tatie Ifeoma. page 194

"ça peut être une bonne chose d'être rebelle, dit -elle ( la tante) .L'esprit de rébellion est comme la marijuana; ce n'est pas mauvais  quand on l'utilise  comme il faut. " Le ton solennel plus que le contenu sacrilège  de ces paroles, me fit lever la tête. page 201

Je me souvenais des paroles de Tatie Ifeoma la veille, me disant que Papa-Nnukwu ( il est chez  sa fille, Tatie Ifeoma) était un traditionaliste et non un païen. page 229  Papa-Nnukwu était assis sur un tabouret bas, les jambes en triangle. ...Une lampe à pétrole, baissée au minimum , était posée juste à côté de lui....IL se pencha pour tracer une ligne au sol, avec le morceau de nzu qu'il tenait à la main. Il parlait, le visage penché comme s'il s'adressait au trait de craie blanche, qui paraissait jaune à présent. Il parlait aux dieux ou aux ancêtres; je me souviens que Tatie Ifeoma avait dit qu'on pouvait les intervertir.  "Chineke! Je te remercie pour cette nouvelle matinée! Je te remercie pour le soleil qui se lève. " Sa lèvre inférieure tremblait. ...Il se pencha pour tracer une autre ligne...." Chineke! Je n'ai tué personne, je n'ai pris la terre de personne, je n'ai pas commis d'adultère! " Il se pencha et traça la troisième ligne. " Chineke! J'ai souhaité le bien des autres. J'ai aidé ceux qui n'ont rien avec le peu que mes mains ont à offrir. .." Chineke! Bénis-moi! Fais-moi trouver de quoi remplir suffisamment mon ventre. Bénis ma fille Ifeoma. Donne-lui suffisamment pour sa famille. " Il remua sur le tabouret.... "Chineke! Bénis mon fils Eugène. Que le soleil  ne se couche pas sur sa prospérité. Romps le sort qu'ils lui ont jeté. " Papa-Nnukwu se pencha et  traça une ligne de plus. J'étais étonnée qu'il priât pour Papa avec la même sincérité que pour lui-même et Tatie Ifeoma.  " Chineke! Bénis les enfants de mes enfants. Que tes yeux les regardent s'éloigner du mal et se diriger vers le bien. " Papa-Nnukwu souriait en parlant.  ..."Chineke! Ceux qui souhaitent le bien d'autrui , veille à leur bien. Ceux qui souhaitent le mal d'autrui, veille à leur mal." Papa-Nnukwu  traça une dernière ligne, plus longue que les autres, dans un grand geste de la main. Il avait fini. pages 229, 230,  231

'Papa-Nnukwu est mort dans son sommeil). "Il y a quelqu'un qui vient de se  garer devant l'appartement". dit Obiera..." Qui est-ce?" demanda Tatie Ifeoma. avec lassitude..." Oncle Eugène". Pétrifiée dans mon fauteuil, je sentis ma peau de mes bras se liquéfier pour ne faire qu'un avec les accoudoirs.  la mort de Papa-Nnukwu avait tout éclipsé...; " Bonjour Papa, dis-je mécaniquement. - Kambili, comment vas-tu? Où est Jaja? ..;" Je t'avais demandé de ne pas venir, Eugène, dit Tata Ifeoma..

- "Je ne pouvais pas les laisser rester un jour de plus " rétorqua Papa....."Eugène, notre père s'est endormi" annonça Tatie Ifeoma. ..- Quand? - Ce matin. Dans  son sommeil. Ils l'ont emmené à la morgue il y a quelques heures à peine. ..."As-tu appelé un prêtre pour lui donner l'extrême onction?  demanda-t-il..." C'est tout ce que tu trouves à dire, eh Eugène! N'as-tu rien d'autre à dire, gho? Notre père est mort! As-tu la tête à l'envers? ".."  Je ne peux pas prendre part à un rituel païen mais nous pouvons discuter avec le prêtre de la paroisse et organiser un enterrement catholique....- Notre père était-il catholique? Je te le demande,, Eugène, était-il catholique? ...." Kambili et Jaja , venez" dit Papa, en se levant.  "Allez faire vos bagages"...page 258

'Arrivés chez à  la maison, le père de Kambili et Jaja verse de l'eau bouillante dans la baignoire sur les pieds de ses deux enfants. Ils n'ont lui ont rien dit sur la venue de leur grand-père - païen - chez sa fille Ifeoma) ..." Voilà ce que tu fais quand tu marches dans la voie du péché. Tu te brûles les pieds.  Je voulais dire "Oui, Papa" parce qu'il avait raison mais la sensation de brûlure  sur mes pieds grimpait par rapides assauts de douleur atroce, à ma tête, à mes lèvres, à mes yeux. page 267

St Peter n'avait ni les immenses bougies ni le riche marbre de St Agnes. Les femmes n'attachaient pas leurs foulards sur la tête comme il faut, en couvrant le maximum de cheveux. Je les observai quand elles s'avancèrent pour l'offertoire.  Certaines avaient juste un voile noir sur leurs cheveux; d'autres étaient en pantalon, voire en jean. Papa aurait été scandalisé.  Une femme doit se couvrir les cheveux dans la maison de Dieu, et aucune ne doit porte des vêtements d'un homme, en particulier  dans la maison de Dieu, aurait-il dit. page 327

(Mama arrive chez sa belle-soeur Ifeoma  où sont  ses deux enfants . " Je ne sais pas si ma tète fonctionne correctement. " dit-elle. .."Je suis rentrée de l'hôpital aujourd'hui. Le docteur m'a dit de me reposer mais j'ai pris l'argent d'Eugène et ...J'ai demandé un taxi et je suis venue ici".  "Que s'est-il passé? " demanda doucement Tatie Ifeoma.  Mama parcourut la pièce du regard...." Tu vois la petite table où nous rangeons la Bible familiale, nne?  Ton père me l'a cassée sur le ventre. Elle parlait comme s'il s'agissait de quelqu'un d'autre qu'elle, comme si la table n'était pas en bois massif. " J'ai saigné par terre avant même qu'il m'emmène à St Agnes. Mon docteur a dit qu'il ne pouvait rien faire pour le sauver. "..."Pour le sauver? , murmura Tatie Ifeoma. Qu'est-ce que tu veux dire?  - J'étais enceinte de six semaines....Eugène ne le savait pas." ...Elle pleura longtemps. page 337

( Beaucoup de longueurs sur un peu plus de cent pages...Tatie et ses enfants partent aux USA, elle a perdu son travail à l'université....Mama verse du poison dans le thé d'Eugène et il en meurt, son fils,  Jaja, s'accuse et est emprisonné....La fin me semble un peu confuse)

vendredi, octobre 08, 2021

LES IMPATIENTES ( Djaïdi AMADOU AMAL ) 2021

 Trois femmes, trois histoires, trois destins liés. Ce roman polyphonique retrace le destin de la jeune Ramla, arrachée à son amour pour être mariée à l'époux de Safira, tandis que Hindou, sa soeur, est contrainte d 'épouser son cousin. Patience! C'est le seul et unique conseil qui leur est donné par leur entourage, puisqu'il est impensable d'aller contre la volonté d'Allah.  Comme le dit le proverbe peul,  " Au bout de la patience, il y a le ciel". mais le ciel peut devenir un enfer. comment  ces trois femmes impatientes parviendront-elles à se libérer? 

Mariage  forcé, viol conjugal, consensus et polygamie: ce roman de Djaïdi Amadou Amal brise les tabous en dénonçant la condition féminine au sahel et nous livre un roman bouleversant sur la question universelle des violences faites aux femmes. 

Patience  mes filles! Munyal! Telle est la seule valeur du mariage et de la vie. Telle est la vraie valeur de notre religion, de nos coutumes, du pulaaku. Intégrez-la dans votre vie , répétez-la dans votre esprit! Munyal, vous ne devrez jamais l'oublier" fait le père d'une voix grave. page 15

J'ai lu le roman mais il ne m'a pas intéressé

lundi, octobre 04, 2021

LETTRE A MA FILLE (Maya ANGELOU ) 2009

 Dédiée à celle qu'elle n'a jamais eue, Lettre à ma fille est une succession de courts textes décrivant les souvenirs qui ont façonné la vie exceptionnelle de Maya Angelou. Féministe, avant l'heure, et après une enfance et une adolescence marquée par la violence, elle écrit avec le coeur de millions de femmes qu'elle considère comme ses soeurs de combat. La littérature la sauvera et l'amènera à être la première étudiante noire d 'une école privée. C'est grâce à l'écrivain , James Baldwin, qu'elle  se mettra à écrire après la mort de Martin Luther King. et deviendra l'auteure que l'on connaît aujourd'hui.  Dans ce captivant récit, l'auteure fait partager ses combtas etses épreuves qui ont forgé son caractère dans la compassion et le courage. 

" Elle a poussé et inspiré des millions d'Américains à vivre leurs vies de manière plus bienveillante, courageuse et honorable"; Hillary Clinton.

Les gens bienveillants à mon égard m'ont appris de précieuses leçons et d'autres, plus malveillants, m'ont simplement signifié que le monde n'a aucunement l'intention d'être rose. page 15

Tu ne peux contrôler tous les événements qui t'arrivent , mais tu peux décider de ne pas être réduite à eux. Essaie d'être un arc-en-ciel dans le nuage d'autrui. Ne te plais pas. Fais tout ton possible pour changer les choses qui te déplaisent et si tu ne  peux opérer aucun changement, change ta façon de les appréhender. Tu vas trouver une solution. Ne geins pas....page 16

Je suis convaincue que la plupart d'entre nous ne grandissent pas. On apprend à se garer, à rembourser ses cartes de crédit, on se marie, on ose avoir des enfants et on appelle cela grandir. Or, nous accumulons les années dans notre corps, sur notre visage, mais au vrai,; dans notre chair, demeure l'enfant que nous étions, innocent et timide comme un soupir.  On a beau agir avec finesse, complexité et empirisme, l'endroit où l'on se sent le plus en sécurité, c'est , je crois, en soi-même, dans le foyer que l'on trouve au fond de soi, le seul que l'on habite vraiment. page 19

(Sa mère l'a embrassée sur les joues et s'est mise à pleurer et lui a dit: " C'est  la première fois que je te vois sourire. Quel sourire lumineux! Mon magnifique amour de fille peut sourire".  J'ai appris , ce jour-là, que le sourire peut être un don.  Et les années qui ont suivi m'ont appris qu'un mot aimable, un geste, des paroles de réconfort sont des dons  charitables....page 24

J'ai appris à aimer mon fils sans vouloir le posséder, et je me souviens lui avoir appris à apprendre tout seul. page 27

On n'a pas besoin de dire toujours ce qu'on sait , néanmoins, on devrait au moins faire l'effort de ne dire que des paroles vraies. page 42...Osons dire la vérité. Quand quelqu'un nous demande "comment vas-tu? " , ayons l'audace de répondre  ce qu'il en est.  page 43....Les enfants insolents et leurs parents soumis ne sont pas des modèles à admirer ou à imiter. page 45

L'indépendance est un vin qui monte vite à la tête et peut avoir un effet tout aussi toxique que le vin nouveau. Peu importe qu'il soit bon , c'est addictif , et après chaque verre on en désire un autre. page 51

Quand je me confronte à la rage d'avoir perdu quelqu'un, j'essaie aussitôt de me concentrer  sur les questions que soulève la perte d'un être cher, sur ce que j'ai appris ou ai encore à apprendre du départ de ceux que j'aime. Quel héritage en conserverai-je pour m'aider à vivre une vie meilleure? page 92