vendredi, août 31, 2007

MERCI (Daniel Pennac)

"C'est complexe, vous savez, la question des honneurs. L'honneur honore, ce n'est pas douteux, mais... l'important est ailleurs. L'important, c'est le nombre de personnes à qui ça fait plaisir! En dehors de l'honoré, je veux dire"page 19
Prenez Hitler...
-Peintre médiocre, néanmoins convaincu de son génie pictural, architectural tout juste bon à entasser les trois cubes de son enfance, mais hautement conscient de ses mérites en ce domaine...Il fallait le primer! Tout de suite! Dès ses premières taches d'aquarelles, pour l'ensemble de son oeuvre! Peinture, architecture, tout! Et que ça se sache! Une récompense planétaire! Le podium universel, la mise sur orbite! Ca nous aurait épargné...42 millions de morts! Ce n'est pas tout à fait... négligeable...comme économie.
Un temps:
-Et que je sache...
Il regarde pesamment sur sa droite, où doit se tenir le jury qui vient de le primer
-Aucun membre d'aucun jury ne s'est trouvé assigné au tribunal de l'Histoire!page 25
-Comme tous les genres, le remerciement obéit à des lois. C'est un genre centrifuge, au sens ondulatoire du terme. Comme un caillou que l'on lance dans une mare, le remerciement fait des cercles...centrifuges, de plus en plus...larges...de plus en plus éloignés du centre.
Il souligne sa démonstration avec les mains.
-Le lauréat remercie d'abord le premier cercle: les notables, les importants, le jury, sans qui la récompense ne lui aurait pas été attribuée; puis le deuxième cercle: le public, vous en l'occurence, qui vous êtes ici à vous réjouir avec moi, ce soir, et c'est très gentil à vous, vraiment, je vous en remercie, ça me ...puis le troisième cercle: l'équipe, sans laquelle son oeuvre ne serait pas ce qu'elle est: "Je tiens surtout à remercier mon équipe...", "tous ceux qui...", "tous ceux grâce à qui mon...", "tous ceux sans qui je n'aurais pas pu...", " je leur offre ce..."
-Ce qui nous change beaucoup des ministres. Un ministre ne parle jamais au nom de son équipe: "Depuis que je suis entré aux Finances- à l'Intérieur, à la Justice, à l'Education, à la Culture-, j'ai fait en sorte que...je me suis battu pour... j'ai également demandé à mes services de me...Et dès que j'ai su que...j'ai pris la décision qui s'imposait"
Un ministre n'attend jamais qu'on le félicite; il se félicite lui-même. Grammaticalement parlant, le verbe se féliciter utiliser au sens pronominal direct : se féliciter-et à la seule première personne du singulier! - est exclusivement ministériel. "Et je m'en félicite"! pages 29,30,31
"Vous avez remarqué qu'on remercie toujours beaucoup, jamais peu : "Merci beaucoup", oui, "Merci un peu", non. "Merci bien", oui, "Merci moins", non. Ne se dit pas. En amour, en revanche, on peut aimer peu, moins, voire beaucoup moins, et le dire à l'intéressé: "Je t'aime beaucoup moins", à part l'intéressé(e), ça ne choque personne.........En sorte qu'il faut remercier de plus en plus des gens qu'on aime de moins en moins. page 99
Mes origines... Cholonge-sur-Soulte... En ces temps où les hannetons existaient encore dans les cours de récréation...Où les hivers étaient des hivers...Où la Soulte gelait au point que les goujons et les perches restaient saisis par les glaces... J'avais si froid, dedans...Ces hivers-là, l'encre gelait dans nos encriers en porcelaine... Violette et gelée au petit matin, oui...Et gourds, nos doigts, malgré nos mitaines, ô combien... Et bleues , nos jambes, lorsque Monsieur Blamard rectifiait notre alignement sous l'exact vent coulis du préau...page 112

mercredi, août 29, 2007

SOUS LES YEUX DE L'OCCIDENT (Joseph Conrad)

Razumov était un de ces hommes qui, vivant dans une période d'agitation des esprits et de la politique, restaient instinctivement en prise directe avec la vie quotidienne normale et usuelle. Il avait conscience de la tension émotionnelle de son époque, il y répondait même d'une manière vague; mais sa principale préoccupation était son travail, ses études, son avenir. page 17
Il n'était pas personnellement affecté. (Il vient de dénoncer un ami qui a été exécuté sur-le- champ)
Il pensait simplement que la vie sans le bonheur était impossible. Mais qu'était le bonheur?. Il continua de traîner ses pieds entre les murs de sa chambre. Attendre le bonheur. C'était tout. Rien de plus. Attendre la satisfaction d'un désir, d'une passion: amour, ambition, haine-la haine aussi, sans aucun doute. L'amour et la haine. Et c'était aussi le bonheur d'éviter les pièges de l'existence, de vivre sans crainte. Il n'y avait rien d'autre. Absence de peur - attendre. "Oh , qu'il est misérable le sort de l'humanité", s'écria-t-il mentalement; et il ajouta aussitôt: "Si ce n'est que cela, je devrais être heureux." Mais cette constatation ne le stimula pas.page 69

"Je vais vous dire ce que vous pensez, explosa-t-il sans élever la voix. Vous croyez avoir affaire à un complice secret de ce malheureux. Mais non, j'ignore s'il était malheureux. Il ne me l'a pas dit. C'était un misérable à mes yeux, parce que nourrir une idée fausse est un + grand crime que de tuer un homme. Vous ne nierez pas cela, je pense. je le haissais! Les visionnaires apportent éternellemnt le malheur sur cette terre. Leurs utopies inspirent à la masse des esprits médiocres le dégoût de la réalité et le mépris de la logique séculaire du développement de l'homme."page 91

La dernière chose que je veux vous dire est celle-ci : dans une véritable révolution- pas un simple changement de dynastie ou un banal remaniement des institutions - dans une véritable révolution, les personnes les + importantes ne viennent pas sur le devant de la scène. Une révolution violente tombe d'abord aux mains des fanatiques à oeillères ou d'hypocrites tyrants. Ensuite, vient le tour des intellectuels ratés et des prétentieux de l'époque. Tels sont les chefs et les meneurs. Les natures justes et scrupuleuses, nobles, humaines, dévouées, les intelligents et les altruistes pourront amorcer un mouvement- mais il leur échappera. Ce ne seront pas eux les maîtres de la révolution. Ils en seront les victimes: victimes de l'écoeurement, de la désillusion, du remords même. Des espors ridiculement déçus, des idéaux caricaturés, telle est la définition du succès révolutionnaire. Page 130
Notre cher disparu m'a dit un jour de ne pas oublier que les hommes servent toujours quelque chosed e+ grand qu'eux-mêmes. Une idée. page 325

lundi, août 06, 2007

L'ENFANT DE SABLE (Tahar Ben Jelloun)

C'est vrai, dans cette famille, les femmes s'enroulent dans un linceul de silence..., elles obéissent..., mes soeurs obéissent; toi, tu te tais et moi, j'ordonne! Comment as-tu fait pour n'insuffler aucune graine de violence à tes filles? Elles sont là, vont et viennent, rasant les murs, attendant le mari providentiel..., quelle misère! page 53
Le père est mort lentement. La mort a pris son temps et l'a cueilli un matin, dans son sommeil. Ahmed prit les choses en main avec autorité. Il convoqua ses sept soeurs et leur dit à peu près ceci:"A partir de ce jour, je ne suis + votre frère; je ne suis pas votre père non +, mais votre tuteur. J'ai le devoir et le droit de veiller sur vous . Vous me devez obéisance et respect.Enfin, inutile de vous rappeler que je suis un homme d'ordre et que, si la femme chez nous est inférieure à l'homme, ce n'est pas parce que Dieu l'a voulu ou que le Prophète l'a décidé, mais parce qu'elle accepte ce sort. Alors, subissez et vivez dans le silence."page 65,66
Etre femme est une infirmité naturelle dont tout le monde s'accommode. Etre un homme est une illusion et une violence que tout justifie et privilégie. Etre tout simplement est un défi. page 94
Les gens aiment parler des autres. Page 145