mercredi, mars 31, 2021

LA VALLEE DU NEANT (Jean-Claude Carrière) 2018

 Nous en venons et nous y retournons. Pourtant, nous ne pouvons rien en dire. Le néant - qui n'est rien, ni le vide - reste l'inconnu fondamental, le non- être, sans  sensation, sans conscience et sans mémoire.

Pour m'en approcher, prudemment, je me suis lancé dans une promenade, au  hasard des chemins, en reprenant un vieux thème persan. J'ai voulu voir comment d'autres ont réagi, ici ou là, dans l'histoire du monde, au plus secret, au plus insistant es mystères. J'ai découvert au passage, plusieurs attitudes qui peuvent paraître contradictoires. Chacun peut choisir.

C'est banal à dire, nous sommes tous emportés par un mouvement irrésistible. Il est notre maître, et nous ne savons où il conduit. Rien ne reste, rie n ne revient. pour peupler ce passage où il n'y a "rien" ( "N'y a-t-il rien dans ce rien?")  se demandait Chateaubriand), nous avons, au long des siècles, imaginé toute une farandole de monstres, de fantômes, des hurlements, dont un grand nombre sont évoqués ici.

Avec quelques questions inévitables: comment nous protéger du désespoir et de la vanité de toutes nos vies, si nous n'en devons rien garder? 

Comment , peut-être, en tirer une force, et même une joie?

Pourquoi rire? Pourquoi pleurer?

Et pourquoi rêver d'immortalité? 

Chacun aura sa part de douleur  et de deuil, plus ou moins sévère. C'est garanti dès le départ. ...Et chacun mourra, un jour ou l'autre. ...Etre ou ne pas être, nous n'avons pas le choix. D'autres ont pris la décision à notre place.  " L'homme naît libre " écrivait Rousseau. Faux, archifaux. Il  n'est même pas libre de naître. page 12

La mort est souvent du sexe féminin, tout comme la mère qui donne la vie ( sauf en allemand) . elle est même souvent un personnage, qui vient nous  visiter à l'improviste ou bien nous prévenir que la date approche; une femme redoutable que nous essayons de tromper, de séduire, ou qu'elle nous accorde un sursis - ce qui arrive rarement. page 16

La mort est la fin de toute vie, et la vie sur la Terre est tout ce que nous avons. ....La mort  nous aide à en apprécier  les joies et tout simplement les plaisirs , même passagers , même menacés, même frelatés parfois. page 18

Le néant est inconnaissable. Il n'a pas son contraire, il ne peut présenter aucune équivalence . et n'étant rien,  il ne peut se comparer à rien. page 20

Le Temps est la plupart  du temps masculin, alors que la mort est féminin. page 22

On est ou on n'est pas. Il est impossible "d'être mort".  page 23

Si je pense, et par conséquent si je suis, si je respire, si je me déplace, si j'écris, si je regarde autour de moi, c'est parce que mon sang circule dans mes vaisseaux , poussé par le coeur, et irrigue, entre autres organes, mon cerveau  page 26

Si nous restons attentifs, quel que soit notre âge, à ce qui se passe autour de nous, il nous est facile de voir que  l'écriture, par exemple,  cet exercice dont nous étions si fiers, est  en train de s'effacer. L'écriture à la main,  qui faisait autrefois  le prestige des scribes,   des mandarins  et des clercs, ( et le gagne-pain des écrivains publics)  disparaît peu à peu.  Nous tapons des touches, , mais nous n'écrivons plus. Nous pouvons même dicter à un petit appareil portable tel ou tel texte et faire  croire que nous savons écrire, sans aucune faute. Nous ne formons plus les lettres et les mots de nos propres mains mais, ce qui faisait naguère le bonheur des graphologues.  Avouons-le, nous avons tous, désormais,  la même écriture. Bientôt, nous n'aurons même plus de lettres, ni de mots, mais des signes que nous placerons les uns à côté des autres et que nous serons compris partout dans le monde...Adieu l'écriture personnelle...Adieu la correction manuscrite,  adieu même  la dédicace et le mot d'amour. page 32

Nous croyons nous fixer, acquérir une identité, un  nom, un territoire, nous nous trompons, nous sommes des errants, nous allons ici et là, aux hasards de la marche du monde; des nomades comme si le mouvement , en tout cas , le déplacement , était plus près de la vérité que la stabilité armée, que les barbelés,; que les enclos des sédentaires. page 37

La Terre est semée d'escales possibles,  d'arrêts plaisants. Ici ou ailleurs, à l'ombre aussi bien qu'au soleil. page 39

Vieillir est le seul moyen que nous avons trouvé pour vivre plus longtemps. Page 40































































































































































jeudi, mars 18, 2021

PATAGONIE ROUTE 203. (Eduardo Fernando Varela) 2020

 Au volant de son camion, un énigmatique saxophoniste parcourt la géographie folle des routes secondaires de la Patagonie  et subit les caprices des vents omniprésents. Perdu  dans l'immensité du paysage, il se trouve confronté à des situations aussi étonnantes et hostiles que le paysage  qui l'entoure. Saline du Désespoir, La Pourrie, Mule Morte, Indien Méchant et autres lieux favorisent les rencontres improbables avec des personnages peu aimables et extravagants: un journaliste qui conduit sa voiture sans freins et cherche des sous-marins, nazis, des trinitaires anthropophages qui renoncent à la viande, des jumeaux évangéliques boliviens d'un Train fantôme, un  garagiste irascible et un lari jaloux. 

Au milieu de ces routes où tout le monde semble agir selon une logique insaisissable, Parker tombe amoureux de la caissière d'un e fête foraine. Mais comment peut-on suivre à la trace quelqu'un dans un  univers où quand on demande son chemin, on vous répond:" Vous continuez tout droit, le jeudi vous tournez à gauche et à la tombée de la nuit, tournez encore à gauche, tôt ou tard, vous allez arriver à la mer. 

Ce fabuleux premier roman est un formidable road-trip, dans un paysage dévorant, sur les routes les plus inhospitalières et sidérantes du sud du monde où rien ni personne  n'est ce qui semble être. 

Parker jeta un regard circulaire au paysage vide, puis pointa son index vers le haut: " Ici, le temps n'existe pas, ni les dates, c'est pour ça qu'on dort si bien. " page 31

"Ici, personne n'est d'ici, ils  viennent tous d'ailleurs. Ceux qui étaient d'ici n'existent plus". page 34

Il n'est pas de désir plus tenace que  celui qui reste à mi-chemin, ni nostalgie plus puissante que celle qui tient à ce qui n'est jamais arrivé.  page 80

Cette nuit-là, Parker dormit dans la cabine pour gagner du temps, une sensation de hâte le dominait depuis le moment où il avait décidé de revoir cette femme. "Maytén" répétait-il dans sa tête. Le son de ce prénom évoquait la terre et le paysage, les lacs bleutés de la cordillère, la brise tiède du printemps qui caressait les corps; il produisait un écho fragile, cristallin, un accent, un final sans voyelle, ce qui ajoutait une grâce subtile, vaporeuse.  page 89

"Maytèn" répéta-t-il pour la énième fois, et il comprit enfin qu'il avait trouvé ce qu'il cherchait. mainte nant le prénom sonnait différemment et l'écho qui au début, paraissait forcé et lointain, perdait son étrangeté pour devenir familier.  page 91

En observant l'espace qui l'entourait, elle se dit que la cage qui l'emprisonnait était vaste, sans barreaux, ni portes, ni fenêtres, infinie. Une cellule où elle pouvait se mouvoir à volonté, mais d'où elle ne pourrait jamais s'échapper. C'était la plus terrible des prisons , dont les murs s'étendaient à perte de vue et au-delà.  Elle se demanda ce qu'étaient devenus ses rêves et ses espoirs, son ambition de quitter pour toujours ces solitudes et de vivre dans une ville  avec de vraies rues et des immeubles, des gens marchant sur les trottoirs sans devoir se protéger des bourrasques et toujours chercher un abri.  page 100

Maytèn s'éloigna de Parker et, au moment de franchir la barrière du temps qui sépare le passé du présent, cet instant où elle allait disparaître pour toujours, elle le regarda par-dessus son épaule , avec une lueur de malice. " On se voit à la foire, plus tard?"   page 113

Maytèn traversa le village, contente, quasi euphorique, le simple fait d'avoir échangé quelques paroles anodines  avec qui n'était pas son mari, produisait en elle une bouffée d'oxygène, qu'elle  n'avait pas éprouvée depuis longtemps. Elle se sentait différente,  regardée par d'autres yeux, désirée,  et séduite,  vivante, plus attirante que l'image dégradée qu'elle avait d'elle- même: celle d'un e femme fanée et triste qui  gâchait sa vie chaque jour, sa jeunesse et les meilleurs année  de sa vie en  disputes et besognes domestiques. page 114

Elle n'éprouvait pas de remords d'avoir trahi Bruno, mais de la peur qu'il découvre son infidélité. Elle avait été longtemps fidèle  à sa parole  et à son compagnon , très longtemps, mais elle commençait  à sentir  que le moment était venu d'être fidèle à elle-même. Sacrifier sa jeunesse  et sa vie entière en échange de rien était la  pire des trahisons qu'elle puisse commettre.  page 127

Il (Parker) aimait sa solitude plus que tout et n'éprouvait pas le besoin de la partager , mais quelque chose de différent était  survenu, plus qu'un amour dérisoire, c'était une obsession. page 144

Plus Parker descendait vers le sud, plus sombres étaient les habitants et plus accusées leurs résignations. page 149

(Parker retrouve Maytèn) Elle ne ressemblait plus à une déesse orientale , mais à une vierge  exposée dans une niche. Lorsqu'elle le reconnut, la cigarette aux lèvres, elle ne sembla pas très surprise. Une expression imperceptible  de résignation voilait ses yeux, mais en quelques  secondes, son visage  s'éclaira  et elle parut revenir à la vie.  Elle lui adressa un sourire et une petite moue qui hypnotisèrent Parker. page 167

Elle ne le regardait plus, ne guettait plus les environs, elle regardait  en elle-même, passant sa vie en revue, celle qu'elle avait vécue comme celle qui s'ouvrait devant elle. Page 174

Le camion  épousait les courbes de la route avec la souplesse d 'un serpent  et se glissait  entre les plis des collines. Depuis plusieurs jours Parker conduisait  en regardant alternativement le paysage  qui s'ouvrait devant lui et les rétroviseurs latéraux qui lui offraient la perspective du chemin parcouru et l'assurance qu'ils n'étaient pas suivis. Page 181

"C'est le temps qui manque ici, regarde tout ce temps qu'il y a ici. " dit-elle. 

Il n'est pas de  désir tenace que celui qui reste à mi-chemin, ni nostalgie plus puissante que celle qui tient à ce qui n'est jamais arrivé. 

"Quand elles sont sèches, les larmes ne servent plus à rien ", dit-il, trouvant aussitôt la phrase plus banale qu'au moment où il l'avait pensée. page 182

Ici, on n'est personne et on est tout le monde. page 187

Je pleure en moi-même des larmes sèches. C'est bon pour la santé....page 190

La vie monotone et ennuyeuse dans ces régions obligeait les gens à inventer des légendes pour avoir un sujet de conversation le soir. Il avait entendu toutes sortes d'histoires pendant ses voyages, elles faisaient partie du pauvre folklore local, ces récits collectifs où chacun ajoutait des détails, qui modifiaient la version originale. page 212

" Pour connaître la nature humaine,, il n'y a pas besoin d'être très savant, il suffit d'observer.  Tu ne veux pas affronter les autres, c'est pour ça que tu vis enfermé dans ton camion et tu fuis le monde. Ton passé est une bonne excuse, mais en fait, tu  as toujours été comme ça. Tu as perdu quelque chose, tu ne sais même pas quoi et  tu passes ta vie à le chercher, dit-elle ( Maytèn à Parker) page 220

Son visage (celui de Maytèn) s'était assombri ces derniers mois aux côté de Parker, elle avait commencé à faire le bilan de ce qu'avait été sa propre vie et surtout de ce qu'elle n'avait pas été. Aussi loin que remontait sa mémoire, peu  de choix s'étaient présentés à elle, tous  sans importance. Tout lui était arrivé par une sorte de décantation à force de se laisser emporter par les choses quotidiennes...Quitter son mari  et son existence précédente  n'avait pas été non plus une vraie  décision: tout s'était passé dans la précipitation comme une surprise ou une facétie du destin. page 222

Qu'est-ce que je vais devenir dit-elle, l'air sombre et elle s'interrompit. Elle ne voulait pas ressembler à ces bonnes femmes qui passaient leur temps à soupirer et à pleurnicher.  Elle s'était endurcie dans la steppe, en affrontant la solitude, la  neige et le vent., mais elle éprouvait maintenant quelque chose d 'étrange.  page 239

"D'où venez-vous? " ( des policiers à Parker) Parker ne sut pas davantage  quoi  répondre. D'où il venait?  Depuis des années , il tournait en rond dans ces confins du continent, d'un endroit à l'autre, sans point fixe de départ  ou d'arrivée.  C'était devenu un périple incompréhensible et absurde. ...Comment pouvait répondre  à cette question quelqu'un qui conduisait en se guidant avec les étoiles, au gré des caprices de la nature. ..." Je ne sais pas d'où je viens, je ne sais pas quoi vous dire "parvient-il à articuler dans un filet de voix. page 284

"Je veux rentrer à la maison, murmura Maytèn.  Parker la dévisagea tout surpris. - "On n'a plus de maison! s'exclama-t-il.  - Si on en a encore une...La maison, c'est toi et moi, pas un camion. ça s'appelle un foyer." page 290

Parker regarda Maytèn longuement, il ne pouvait plus attendre, ils devaient prendre une décision tout de suite. ...Maytèn risquait de gâcher son propre avenir...Il devait faire un effort pour la regarder dans les yeux pendant qu'il parlait. Il comprit qu'à cet instant se terminait cette étape de sa vie, c'était presque une chance qu'on les ait arrêtés à cet endroit et empêchés de repartir. Le bonheur illusoire qu'ils avaient vécu n'avait servi qu'à leur faire oublier l'absence d'horizon hors de la cabine du camion.  Et ce  camion immobilisé au milieu de la plaine, assiégé par le sable que le vent accumulait sur ses flancs, était déjà une ligne de partage. page 318

La plupart des routes restaient coupées mais des corridors avaient été ouverts grâce à l'intervention des ingénieurs militaires. les passagers étaient des hommes et des femmes aux mains et aux visages tannés par les intempéries, mais souriants et aux corps robustes. Taciturnes, enveloppés dans des ponchos et des manteaux, ils voyageaient en regardant par les fenêtres embuées et couvertes de poussière . Ils partageaient leurs provisions en silence, comme si ls paroles  n'avaient plus de sens et que la véritable communication passait par le  simple partage d'une gorgée de vin ou de maté, d 'un morceau de pain et du silence monotone de la route. C'étaient les règles  implicites de la  coexistence qui prévalaient dans la vie hasardeuse de la steppe.  Maytèn était assise  sur le dernier siège, entourée d'enfants avec lesquelles elle avait joué pendant le voyage. Une petite communauté s'était ainsi  créée entre les passagers, qui l'avaient adoptée, depuis qu'ils avaient quitté un campement d'évacués. Cette jeune femme aimable,  qui voyageait seule et cherchait quelque chose qu'elle na savait pas trop bien expliquer, avait éveillé un sentiment  de solidarité. Maytèn ne savait plus combien de temps avait passé depuis qu'elle s'était séparée de Parker, ni combine de semaines elle avait parcouru pour arriver où elle voulait aller avant que le temps et les eaux emportent une partie de sa vie ...Parker représentait le peu qu'elle avait obtenu de la vie, la seule  et brève  amorce de quelque chose ressemblant à de l'amour, avant que la plaine ne les avale. La vie lui accorderait une seconde chance...page 348

mercredi, mars 10, 2021

LA FAUCILLE D'OR ( Anthony Palou) 2020

 En reportage dans le Finistère, cette "fin de terre"  de son enfance, un journaliste quelque peu désabusé, s'intéresse à la disparition en mer d'un pêcheur. Une manière d'oublier  sa femme et son fils, qui lui manquent. Préférant la flânerie à l'enquête, David Bourricot peine  à chasser ses fantômes et boucler son papier, malgré les liens noués avec des figures du pays: la patronne du bistrot où il a ses habitudes, un peintre nain, double de Toulouse - Lautrec, ou encore Clarisse, la jolie veuve du marin-pêcheur. Retrouvera-t-il, grâce à eux, le goût de la vie? 

Roman envoûtant, porté par des personnages fantasques et poétiques, La Faucille d'Or, allie l'humour et mélancolie, dans une atmosphère qui évoque , à la fois, l'univers onirique de Fellini et les ombres chères de Modiano. 

L'hiver dure ici plus longtemps. Quimper s'éteint aux heures du soir. Les rues, les places, les avenues se vident. la ville se noie dans le silence. Quimper est une impasse, un  cul-de-sac. L'Odet couleur de thé, quand il rencontre le Steïr à l'angle de la rue René-Madec et de la rue du Parc. C'est à Quimper, ville confluente, que la Bretagne se concentre. Entre mer et campagne, le soleil se transforme en pluie en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Les rues, tout à l'heure pleines de lumière, luisent maintenant sous l'averse. Les pavés de la place Saint-Corentin brillent comme les yeux bleu de mer de cette jeune Bigoudène au teint pâle, qui traverse la place, regarde la statue e bronze  - blanchie par le guano des mouettes et des cormorans - de René Théophile Laënnec, illustre Quimpérois inventeur du stéthoscope. Ici , le printemps et les étés passent et se ressemblent. D'une année à l'autre, ces deux saisons  changent de tons  de couleurs, d'odeurs.  Quant à l'automne, Quimper aurait pu s'appeler ainsi. On ne croise plus, rue Kéréon, du Chapeau Rouge ou Saint-François , des femmes portant la coiffe en broderie Venise. Il faut attendre le Festival de Cornouailles , pour que la ville prenne le sang de sa tradition; autant dire que tout ici semble bien fini. page 19

( David est arrivé à Kerity-Penmarc'h et rencontre Henri-Jean ,nain dans un café) " Je suis un monstre, je suis un diminué, , monsieur le journaliste. Un monstre, vous comprenez. Je ne suis qu'une plaisanterie, une tâche dans le tableau de Dieu. La vie est maladroite en fin de compte. Le Créateur a dû oublier, en ce qui me concerne, quelques pièces lors de  sa Création.  page 30

Clarisse ( la veuve du marin péri en mer sur qui le journaliste est venu enquêter.)  s'assit à côté de David. Elle sentait si bon. Curieusement, il se dit qu'elle était de l'autre côté des inconstants, du côté de ceux, paradoxalement,  à qui on peut faire confiance, du côté de ceux qui rament, un coup à droite, un coup à gauche. ...Clarisse était veuve et cela ne se voyait pas trop. Elle était veuve du type sur la photo. , le type sur lequel il devait enquêter et il ne savait pas s'il fallait  aller plus loin ou pas. page 61

Vous savez, avant, l'alcool était dans les moeurs.  Finis le pastis,  le muscadet, le rouge-lim, la bibine...Aujourd'hui, les marins sont plutôt sobres: ils se tournent vers d'autres  substances . Ils ont fumé du shit, mais il leur faut  quelque chose de plus fort. - de la cocaïne?  - Exactement, ç ales aise à tenir le coup.  la mer est un métier de chien.  On ne chôme jamais. page 71

Tu connais le proverbe: qui est qui quand tout le monde est quelqu'un d'autre?  page 89

Pierre était un obsédé.  Comment est-il mort? C'était un accident, juste un accident.   Vous avez,  ce que je vais vous dire, je le dis bien personne, ne peut comprendre , personne ne comprendra  la mer.   Une vague, juste une vague, peut résumer l'existence d'un pauvre pêcheur.  La vie d'un pêcheur, David,  se borne à rien. Pierre est mort bêtement car, dans ce métier, on meurt  toujours bêtement.  La mer a toujours raison.  Pierre est mort, , pardon ,¨Pierre a disparu.  Il est parti faire la conversation avec ces putains de crabes qu'il aimait tant. ...Passé la mer d'Irlande, il ne se  sentait pas chez lui, il ne pensait qu'à une chose: rentrer chez lui.  Il n'avait pas le mal de mer, il avait le mal de la mer.  ..Le grand large, en fait, n'était pas sa chose. . Son rêve:  retrouver Clarisse et son fils handicapé.  ..Pierre, il se voyait grand voyageur, pas marin-pêcheur. ..Il nous racontait ses rêves.  Un poète aux semelles de pluie.  pages 99, 100

Pierre, lui, était obsédé par la fin d'un métier qu'il aimait plus que tout, par la fin de la pêche, les quais du Finistère sont dépeuplés. Concarneau avec son musée de la Pêche. les dernières conserveries de Douarnenez. Les derniers ligneurs qui pêchent le bar ou la dorade, à Audierne.  page 102

"Et alors? - Et alors, je me suis retourné et plus de Pierre. Jean-Marc et moi avons gueulé son prénom. Il devait être minuit, peut-être, un peu plus. Jean-Marc s'est précipité à la barre  pour faire machine arrière, mais la houle n'était pas avec nous. Des creux de trois ou quatre mètres. La mer est son linceul. Pauvre Clarisse.... - Elle se porte pourtant bien, fit remarquer David.  - Mieux que lui....page 104

Elle (la patronne du bistrot)  cita un médecin qui constatait une prévalence de toxicomanie chez ses patients marins-pêcheurs: des dépendances au cannabis, à la coke, à l'héroïne . Et termina: "  La cocaïne est devenue accessible  car la hausse de la production colombienne a entraîné  une reconfiguration du marché français.  Un billet de vingt euros suffit à se procurer  de la "C".  Lorsque Gwenaëlle tendit le journal à David, elle soupira: " et encore,  ils ne parlent pas des trafics en mer..."page 115

( Clarisse) "le jour où Pierre est parti en mer pour quinze jours, j'étais soulagée.  Lorsque j'ai appris l'accident,  j'ai pensé": il voulait mourir. Il voulait déserter, être enfin libre et en paix. Tu sais, avant l'héroïne était consommée sous forme de  sniff, comme la cocaïne. Pierre, je m'en souviens, s'injectai l'héro dans les toilettes lorsqu'il tait à terre....la hantise de Pierre, c'était  non pas de mourir noyé, mais que sa mort me pèse. Il y pensait tout le temps, à ces malheurs, et bizarrement, je m'y suis faite.  Sa disparition n'est pas un drame, elle est simplement la fin d'une histoire. Il n'y a pas de meilleure mort que la disparition en mer,  pour un marin. page 128

" Hé , les gars, regardez ce que nous avons trouvé dans l'estomac de la bestiole! ( une lotte)  " Il sortit de  sa poche,  un portefeuille , celui de Pierre Kermadec.....Marie se saisit du portefeuille, l'ouvrit, en tira une carte d'identité et s'écria: " Nom de Dieu, c'est comme s'il avait été avalé par la baleine  de Pinocchio! ...Elle avait pâli, mais on reconnaissait la photo de Pierre. " Qui est qui quand tout le monde est quelqu'un d'autre?  dit le nain, philosophe. page 133....Le curé ouvrit l'étui et y trouva une lettre en forme de testament de Pierre.......Le prêtre prit le petit billet, demanda le silence et lut : Ma chère Clarisse,  Je ne sais si ces quelques mots te parviendront un jour. Ce que je sais, c'est que la mer rend toujours ce qu'elle a pris, enfin, je l'espère. Maintenant , je suis loin de toi, peut-être pas si loin, mais je voulais te dire.....que je m'en vais. je connais, ô combien, ton caractère, tu connais le mien, ce côté mélancolique. Sais-tu, ma disparition ne sera  un drame que pour les parents, ou peut-être pour toi que j'ai toujours aimée.  ...Je te souhaite le meilleur  sans moi. Un dernier mot: Accepte-moi tel que je suis...Ton Pierre ......Clarisse sortit  sur le port, s'accouda à la balustrade où elle envoya , en guise de bouquet de fleurs, des baisers à la mer. page  135. 

Ce Pierre, tombé à l'eau un  livre à la main, ce Pierre qui, sans doute avait rêvé d'autre chose et  avait voulu oublier  la peur en se droguant. Non, il n'était pas mort à cause de l'héroïne, il était mort de désespoir, il incarnait  la vraie pêche à lui tout seul, celle qui avait fait de lui ce qu'il était . La mer l'avait pris, se vengeant de ce qu' était devenu ce métier aujourd'hui : un cimetière... page 141

Pierre, là-haut, contemplait désormais son océan d'un point de vue divin. Il régnait sous ses pieds légers. un signe grandiose apparut au ciel. Et c'est ainsi que le soleil enveloppa la lune, faucille d'or.  Et David versa cinq larmes, ravala la sixième. Fallait pas trop s'épancher quand même.  La mer le regardait encore. Au loin, le phare se coiffait d'orages. Il se souvint de cette phrase du nain: "Dans la  vie, il faut savoir nager". Oui, il fallait bien de débrouiller avec ça.  Quel rêve étrange il avait fait. page 



samedi, mars 06, 2021

DES VIES A DECOUVERT ( Barbara Kingsolver) 2018

 2016, Willa Knox et sa famille, issus de la middle class, subissent les revers de la crise économique tandis que Trump grimpe dans les sondages. 1871, Thatcher Greenwood, professeur de sciences et farouche défenseur des théories de Darwin, se heurte à une société résolument conservatrice. Reliant ces personnages, une maison à Vineland ( New Jersey) qui menace de s 'effondrer.

Des vies à découvert met habilement en miroir deux époques de profonds bouleversements et pose la question: comment se réinventer quand les vieilles certitudes n'ont plus cours? Deux femmes libres montent la voix: Tig, milléniale rebelle au système, et Mary Treat, scientifique émérite, amie de Darwin. Chacune , à sa façon, elles s'emparent du monde nouveau, tel qu'il est. avec toute l'ironie subtile qui la caractérise, Barbara Kingsolver dresse un portrait de l'Amérique saisissant de vérité. 

" Voici le premier grand roman qui affronte l'ère Trump droit dans les yeux pour la placer au coeur d'une chronique plus large des menaces existentielles."  The Washington Post. 

Il se sentait marié. Chose tellement inattendue. page 52

Tout le monde dit que le Dr Treat est ennuyeux, mais elle préférerait assurément l'avoir à la maison que de n'avoir pas de mari du tout. page 54

Si d'aventure Thatcher venait à serrer la main du Président Grant comme Polly l'avait prédit, il resterait  néanmoins l'homme  qui contemplait la vie depuis le fond du passé, pas le sommet. Bon gré mal gré, il s'était élevé un peu  et Rose (son épouse) l'avait déchu. page 66

J'ai lu plus de cent pages mais ce récit ne m'accroche pas. J'arrête la lecture. 

 s'était élvé