jeudi, décembre 30, 2021

DES MILLIERS DE LUNES ( Sébastien BARRY) 2021

 Bien qu'il s'agisse d'une histoire à part entière, nous retrouvons Winona Cole, la jeune orpheline indienne lakota du roman DES JOURS SANS FIN , et sa vie dans la petite ville de paris, Tennessee, quelques années après la guerre de Sécession. Winona grandit au sein d'un foyer peu ordinaire, dans une ferme à l'ouest du Tennessee , élevée par John Cole, son père adoptif et son compagnon d'armes, Thomas McNulty. Cette drôle de petite famille tente de joindre les deux bouts dans la ferme de Lige Magan avec l'aide  de deux esclaves affranchis, Tennesson Bouguereau et sa soeur Rosalee.  Ils s'efforcent de garder à distance la brutalité du monde et leurs souvenirs du passé. Mais l'était de Tennessee est toujours déchiré par le cruel héritage de la guerre civile, et quand Winona puis Tennyson sont violemment attaqués par des inconnus, le colonel Purton décide de rassembler la population pour les disperser. 

Magnifiquement écrit, vibrant de l'esprit impérieux d'une jeune fille au seuil de l'âge adulte, Des milliers de lunes est un roman sur l'identité et la mémoire, une sublime histoire d'amour et de rédemption. 

La faiblesse de Thomas McNulty, c'est qu'il était pauvre. On était tous pauvres. Lige Magan était pauvre, lui aussi, alors qu'il possédait la ferme, et nous, on était plus pauvres que Lige. Bien plus pauvres que Lige. page 14

Thomas McNulty n'était pas une vraie mère, mais presque. de temps en temps, il enfilait même une robe. ....Un descendant de Polonais ayant émigré en Amérique, mais ce qui comptait pour les habitants de Paris, c'est qu'il était blanc. C'était un Blanc. page 21

Mais on était pauvres, et deux d'entre nous étaient indiens. Et comme j'ai dit, ce n'était pas un crime de frapper un Indien. page 24 (Winona  a été violemment frappée. ....Quand on  était pauvre en Amérique, il suffisait de donner l'impression d'avoir fait quelque chose de mal pour être pendu. page 26

Thomas McNulty disait toujours qu'il venait de rien. Au sens propre. Toute sa famille était morte là-bas , en Irlande, comme la mienne au Wyoming. Sa famille était morte de faim, et bien des Indiens étaient morts pour la même raison. Thomas disait venir de rien mais vivre maintenant en compagnie de rois et de reines.  Il ne le disait jamais que nous, nous n'étions rien. page 32

Ma mère avait dans notre tribu une réputation de grande bravoure...Elle savait repérer l'ennemi dans le paysage, même s'il se cachait. .....Un pasteur itinérant lui avait un jour demandé: " Quand es-tu donc arrivé en Amérique, Thomas? - " il y a cent ans" telle avait été sa réponse. Ma mère voyait le temps comme un cercle, une boucle et non  comme une corde tendue. A condition de marcher  assez longtemps, disait-elle, on pouvait rejoindre des personnes ayant vécu il y a longtemps, mais qui vivaient toujours. C'était impossible de marcher assez loin, expliquait-elle, mais ça ne signifie pas que cs personnes n'étaient pas là. ..Pourtant les soldats l'avaient tuée comme ils avaient mon père et mes oncles. Ils avaient tué ma soeur, mes tantes, et beaucoup d'autres encore.  page 39...Rien, rien, rien, nous n'étions rien...mais peut-être que c'est pour ça que Thomas McNully et John Cole  m'aimaient  parce que j'étais l'enfant de rien.   page 40

Tennessee Bougueneau..;en tant qu'ancien esclave, il ne pouvait porter une arme que dans le plus grand des secrets. pendant un temps, tout avait paru aller mieux pour les esclaves. Ils avaient déposé leurs outil dans les fermes où ils ne désiraient plus travailler. Ils avaient obtenu le droit de vote, les hommes en tout cas; Ils pouvaient soutenir le regard d'un Blanc et lui parler aussi droit que le tir d'une flèche. ça avait duré un temps. Maintenant , tout allait en sens inverse. les fermiers des environs n'avaient plus personne pour travailler dans leurs fermes si les Noirs ne le voulaient pas, et ça les rendait fous...;Il ne savait ni lire  ni écrire , mais il pouvait dessiner votre visage sur le joli papier de Rosalee....page 54

Ma mère m'avait appris à chasser la peur et à avoir un  courage de mille lunes. page 95

Le lundi de la Pentecôte est arrivé, c'était un jour où Lige nous donnait congé. Personne n'avait le droit de se baisser pour travailler ce jour-là. ....C'était un jour joyeux, même pour ceux qui n'avaient pas la joie en eux. Une joie qu'on pouvait emprunter afin que même les gens tristes en bénéficient. Puis Lige se levait avec son violon....On dégustait le cochon avec une joie solennelle et Rosalee chantait une vieille chanson dans une langue qu'elle - même ne comprenait pas.  mais qu'elle tenait de sa grand-mère quand elle était petite, Majestueuse Rosalee. ...;Je chassais alors ma tristesse et je montrais ce que je savais du monde par une folle danse lakota.  Le lundi de la ¨Pentecôte, c'était la liberté, le jour où l'amour était palpable entre nous. Cette façon dont John Cole caressait le dos de Thomas tandis que tous deux regardaient s'étirer  les longues ombres de mai. page 148

....Mais le passé, le présent, le futur, ça n'existe pas, ce que ma mère savait déjà. Il n'y a qu'une boucle qui tourne sans cesse.  page 151

jeudi, décembre 16, 2021

POUSSIERE DANS LE VENT ( Leonardo PADURA) 2021

 Ils ont vingt ans. Elle arrive de New-York, il vient de Cuba, ils s'aiment. Il lui montre une photo de groupe prise en 1990 dans le jardin de sa mère. Intriguée, elle va chercher à en savoir plus sur ces jeunes gens. Ils avaient  huit amis soudés depuis la fin du lycée. Les transformations du monde et leurs conséquences sur la vie à Cuba vont les affecter. Des grandes espérances jusqu'aux pénuries de la "Période spéciale" des années 90 après la chute du bloc soviétique, et à la dispersion dans l'exil à travers le monde. Certains vont disparaître, certains vont rester, certains vont partir.  Des personnages magnifiques, subtils et attachants, soumis au suspense permanent qu'est la vie à Cuba et aux péripéties universelles des amitiés, des amours et des trahisons.  

Depuis son île, Leonardo Padura nous donne à voir le monde entier dans un  roman universel. Son inventivité, sa maitrise de l'intrigue et son sens aigu du suspense nous tiennent en haleine jusqu'au  dernier chapître

Ce très grand roman sur l'exil et la perte qui place son auteur au rang des plus grands écrivains actuels, est aussi une affirmation de la force de l'amitié, de l'instinct de survie et des loyautés profondes. 

Après avoir achevé sa licence de lettres à la FIU, elle avait postulé et obtenu un poste minable à la bibliothèque de l'université tout en faisant un master dans une matière aussi inutile et fleurant le sous-développement que les études latino-américaines, avait été qualifiées par sa génitrice de gâchis de neurones....Mais que, pour comble de déchéance, elle tombe amoureuse  d'un balsero, un réfugié cubain, et que, cerise sur le gâteau , à peine quelques mois plus tard, elle aille s'installer avec ce type, dans un appartement immonde de l'immonde Hialeah, non, mais, je n'y crois pas.  page 22 

Grâce à cette capacité bien cubaine à défendre férocement son essence propre, l'adolescente devint presque militante d'une religion sans dieu, qui avait apôtre appelé Joseph comme le patriarche biblique: José Marti, poète prophétique qui plus est.  page 33

Marcos, habitué à ce que d'autres décident à sa place dans ce genre de questions ( les panneaux électoraux candidate Hilary Clinton)) , se fichait de l'occupant de la Maison Blanche en tant qu'il ne s'intéressait pas à lui; il vaut mieux qu'on m'ignore disait-il.  page 35

" Si ce n'est pas indiscret,...pourquoi  toi, es-tu parti de Cuba? Aujourd'hui, tout le monde s'en va, les jeunes comme toi s'en vont, c'est pas les raisons de partir qui manquent, mais toi.... - " Il fallait que je m'en aille...Je voulais une maison, une voiture, et là-bas....même pas la peine 'y songer."  - " Une maison, une voiture....ça peut-être une bonne raison...Moi, je suis parti pour suivre mes enfants. Eux aussi, voulaient avoir une maison, une voiture. En un seul bloc; une maison, une voiture....Mais toi, tu n'es pas comme ça? je le sens.... - " Non Casamayor, je suis comme  les autres. ...Un Cubain lambda qui habite maintenant à Hialeah et....page 43

Quatre mois après son arrivée, alors qu'il venait juste de débuter sa relation avec Adela, ...Marcos était déjà devenu associé commercial de Gros Nez. Son ascension avait été fulgurante et avait commencé à se forger quand il avait demandé à son employeur  de le laisser parler, lui, avec les fournisseurs nord, -américains.....Une semaine plus tard, il était passé du statut de nettoie-toute- la- merde-et - porte- tout ce- qui- est- lourd à celui de responsable de la comptabilité., des achats ....C'était peu après qu'il est devenu indispensable, le jour où il avait sauvé les ordinateurs du propriétaire du garage du virus qui menaçait de dévorer tous les fichiers techniques,  administratifs et financiers.... Six mois après, ...Marcos gagnait en moyenne trois mille dollars par mois.....page 52

Adela commença par constater que le rapport viscéral de son amant avec ses habitudes et sa culture d'origine, semblait imperméable   au territoire où il vivait à présent...Pourquoi une personne quitte-t-elle ainsi son pays? Pourquoi quelqu'un s'éloigne-t-il de son pays sans en sortir? ...Adela savait qu'on ne quitte jamais l'endroit où on est heureux, à moins d'y être forcé...page 62....." A Cuba, personne ne dit tout. Personne. ....Et ça tu l'apprends dès ta naissance. Tu veux la vérité? OK......On était trop loin dans le business" " dit Marcos)  - De quel business tu parles. Du fromage? " Il secoua la tête. - Des business dans l'entreprise où je travaillais....Là-bas, on volait et on revendait de tout....C'était comme ça avant que j'arrive, depuis des années....c'est des choses normales..."page 64...." Comme je te l'ai dit, il y a un million de gens qui vivent  de la débrouille qui vivent comme je vivais à Cuba.  Certains gagnent plein de fric, d'autres survivent, mais toujours en se débrouillant...La politique ne les intéresse pas et ils ne gobent pas les histoires d'avenir meilleur racontées par les politiques....page 70

" Ces horribles tasses! Tout ça, c'est volé? - Les voisins du quartier....dit Clara avec un sourire. Il y en a plusieurs qui travaillent à l'aéroport et ils embarquent même le kérosène pour les avions. ...Ils piquent tout ce qu'il y a....Les pilotes, les hôtesses rapportent tout ce qu'ils peuvent de l'étranger pour le revendre.... page 85

 " L'Union soviétique tombe en morceaux....Qui l'aurait dit , hein? - La mère le disait...Tu sais que ma soeur a fait ses études là-bas....- C'est Gorbatchev qui a tout foutu en l'air. - Tu ne crois pas plutôt que c'était foutu et que Gorbatchev, il a juste publié dans le journal, comme dit Walter. Tu crois vraiment qu'on peut rendre la société plus juste en donnant des coups de pied au cul...page 96

Le Clan s'appelait déjà le Clan quand plusieurs d'entre eux avaient découvert  1984, trois ans avant l'année choisie par Orwell pour situer sa fable d'anticipation politique. Elisa l'avait apporté au conclave, a ait eu accès au livre grâce à Irving....Apparemment , c'était Horatio, durant la dernière année de lycée, qui avait eu l'idée de baptiser leur petit groupe "Le Clan"...page 103

L'enfermement physique et mental auquel ils étaient soumis, sans vraiment en avoir conscience ( sauf Elisa, la British)  leur faisait voir le monde extérieur comme une carte divisée en deux entre deux couleurs antagoniques; les pays socialistes ( les gentils)  et les pays capitalistes ( les méchants) . dans les pays socialistes ( où il était en plus possible de se rendre) on construisait, avec ardeur, l'avenir radieux ( même si pas très joli disait Irving) d'égalité et de démocratie juste, régie par la dictature du prolétariat confiée à l'avant-garde  politique du Parti durant la phase de construction du communisme dont l'événement constituerait le point culminant de l'Histoire, le bonheur de l'humanité. dans les Etats capitalistes décadents, prédominaient le vol et la discrimination, l'exploitation de l'homme par l'homme, la violence, le racisme, l'hypocrite démocratie bourgeoise, des guerres comme celle du Vietnam y étaient générées. Il se produisait des scandales comme celui du Watergate, il s'instaurait des dictatures sanguinaires comme au Chili.....page 106....C'était là  qu'un frais dimanche soir de 1981, Clara et Dario avaient accueilli Horacio, Bernardo et Elisa oscillant entre euphorie et désenchantement après l'inquiétante lecture d'Orwell...Elisa sortit de son sac tissé latino-américain un exemplaire déjà bien usé de 1984 et le tendit à Clara. " Je vous laisse trois jours pour le lire.. Il faut absolument que vous le lisiez..." " C'est  de la littérature subversive, intervint Bernardo. de l'anticommunisme pur...." page 108

" Je n'ai pas ma place ici. Ils veulent que je sois d'une certaine manière et moi, je suis d'une autre. j'étouffe.   ( Walter)..." Tout ça, c'est de la folie, mec.  Vouloir aller vivre ailleurs, c'est presque un délit. ..On peut même enlever le "presque. " page 120

( Irving,  revient à Cuba après 15 ans à Madrid) Pour passer le contrôle, trente minutes de queue, tu débarques à Cuba, et c'est une queue qui t'attend." Le pays  des longues queues" se dit-il en lisant sur une affiche qu'il était arrivé dans un "paradis sous le soleil". "En quelle année avez-vous quitté Cuba? insista le représentant de l'autorité. - " En 1997...Non pardon, en 1996. Presque 15 ans - " Et le motif de votre voyage? L'exilé avait souvent réfléchi à cette question. - " Ma mère, comme je vous l'ai dit, est au plus mal. ...Ma soeur m'a demandé..."  " Bienvenue dit le policier. Et il avait souri. page 136

"(Walter s'est suicidé  - 1990 - ou a été tué, Irving est en prison) La cellule du bâtiment colonial où on l'avait mis contenait un lit avec sommier métallique recouvert d'un  fin matelas; il faisait humide et froid à cette époque de l'année. ...On lui servait ses repas à des intervalles qui lui semblaient parfois  plus courts et d'autres fois, plus espacés,  et toujours avec les mêmes ingrédients ( une assiette en plastique avec  du riz, un peu de potage aux petits pois ou aux haricots rouges, deux croquettes et un morceau de pain), ce qui ne l'aidait pas à savoir s'il s'agissait du petit déjeuner ou du déjeuner. On ne lui donnait jamais de café et le manque de caféine lui donnait des maux de tête permanents. page 165 (A la libration d' Irving) Horacio avait réussi à dégoter, je ne sais où, un poulet canadien et dodu, découpé par Clara de façon à ce que chacun  en ait un morceau  dans le riz au poulet qu'elle se mit à préparer, tandis que Liuba apportait une boite de croquettes à la viande made in Vietnam, qui avait  été distribuée par le ministère comme récompense pour  avoir atteint les objectifs dont personne  n'avait souvenir de l'existence ou de la réalisation. ...Le médecin (Dario) avait sorti un litre de White Horse... cadeau de ses patients...page 171

( Irving se rend en Espagne rendre visite à son ami Dario) Une heure plus tard,  tandis qu'il ( Dario) montrait  l'appartement de  Segur  de Calafell ( qualifié de super affaire)  tout en tenant par la main Montse, comme s'ils étaient de jeunes fiancés....Irving eut la pensée perverse que l'invitation de Dario était due au besoin que quelqu'un tel que lui, justement, soit le témoin et peut-être le porte-parole de son succès, symbolisé de manière spectaculaire par une maison de rêve. page 180..."Quitter Cuba , mon vieux,  c''est ce qui pouvait m'arriver de mieux. Et je remercie tous ceux qui m'ont poussé  à le faire. je ne sais comment je continuerais à vivre là-bas, ce serait sûrement de pire en pire. Là-bas, c'est sans remède, sans remède....En plus , tu as vu la femme que j'ai trouvée...Elle me traite comme un dieu...page 182

Jusqu'au 11 Septembre 2001, Adela  n'avait eu qu'une vie. Ce jour-là,  à neuf heures deux minutes du matin, à l'âge de onze ans et quatre mois,  l'adolescente avait commencé une autre vie, celle qui depuis avait été la sienne.... page 215

( Marcos  - aux USA à sa mère, Clara à Cuba) Marcos lui demanda de le prévenir immédiatement si elle  avait besoin d'un  médicament impossible à trouver à Cuba. ( Bernardo a un cancer. ) " Maman, il va très mal? - " Il a un traitement, ne t'inquiète pas...;Je garde la foi. - " Mais, c'est quoi, cette manie de ne pas dire les choses clairement! Sa chimio, il va la reprendre oui ou non?  Bon, d'accord, d'accord. Dis à Bernardo que je l'embrasse. ...Et je vous envoie cette semaine un peu d'argent pour que vous mangiez un peu mieux et que vous preniez des taxis si nécessaire. " Bernardo dit que ...si tu vois Obama, tu lui signales que, quand il est venu à Cuba, il n'est pas venu le voir...; page 236

Décrépite et prétentieuse, attirante et repoussante, aimable et agressive, exotique et familière, c'était l'image de la Havane. Et tout cela, en même temps.  (Adela) page 243...'.Quelques années plus tard, en fac, un voyage est organisé pour Cuba, Adela veut savoir des précisions sur  sa mère  quand elle vivait à La Havane. ) Sur la liste des diplômés de la faculté de médecine vétérinaire de La Havane, en 1982, il n'y avait aucune personne  du nom de Loreta Aguirre Bodes...Page 245

"La vie individuelle de chacun mérite le respect des autres.  Chaque personne est responsable de ses actes. ...Je peux juste dire que Loreta  m'a avoué  plusieurs fois qu'elle  avait envie d'une autre vie..." un moine bouddhiste)  page 249

Au fil des jours de l'intimité croissante, Loreta révéla enfin à son amant certaines des raisons, que durant des années, il crut véritables, expliquant l'existence d'une Loreta Aguirre Bodes qui s'appelait en fait Elisa Lucinda Correa ..Loreta lui avoua qu'elle avait dû dissimuler sa véritable identité pour pouvoir sortir de Cuba avec le passeport au nom de Loreta muni d'un visa anglais, que, des années auparavant, son père lui avait  remis.  Avec ce passeport ( parfaitement authentique, mais avec le nom changé,) elle était arrivée à Boston où elle avait aussitôt demandé l'asile politique aux Etats-Unis.  page 226...Bruno Fitzberg ne pouvait nier qu'il avait été heureux avec son épouse et sa fille ( Adela qu'il a adoptée) page 268

Quinto Horacio  était né à La Havane le 8 novembre 1958 et avait été baptisé ainsi car son père était un admirateur d'Horace.....Son père Renato Forquet avait quitté Cuba pour les Etats-Unis, le 9 janvier 1960, pour ce qui devait être un bref séjour....;Les mois devinrent des années...Renato, qui avait fait ses études aux Etats-Unis à l'orée des années 1950, considérait le communisme come une aberration politique . page 275..Quand en 1994, Horatio  avait quitté Cuba pour les Etats-Unis, il avait enquêté sur le destin de son père auprès de quelques vieux résidents cubains de Miami, en particulier franc-maçons comme lui. Plusieurs se souvenaient de lui, aucun ne savait où le trouver. Ce que Horatio finit par trouver à propos de son géniteur...une tombe discrète dans un cimetière de Tampa couronné d'une plaque.....Renato Forquet Sanchez, père et époux chéri, frère franc-maçon, était décédé  en mai 1994 à l'âge de soixante -quatre ans...page 276

En dépit des preuves et des conclusions de l'enquête, depuis le début, Horacio n'avait pas cru et ne croirait jamais  que Walter s'était suicidé. ...Mais s'il ne s'était pas suicidé, qui l'avait balancé dans le vie? page 290

Il y avait pénurie de tout, sauf de temps. Un temps horrible,  doté d'une étrange capacité de distorsion...l'intervalle entre deux repas se transformait  en étendue désolée et interminable de laquelle on n'était pas sûr de pouvoir sortir; les coupures de courant en série devenaient des périodes exaspérantes qui semblaient ne jamais finir; les heures nécessaires pour se déplacer d'un point à un autre de la ville  signifiaient  des séquences épuisantes sur une bicyclette chinoise ou des files d'attente infinies avant d'emprunter un transport public...La liste des choses qui manquaient ou avaient disparu était longue.  .Page 294

La crise  à l'intérieur de la crise se déclencha l'été de la très sombre année  1994, alors Horacio prit la décision....Partir, partir, partir. page 302 ( il y eut des manifestations et de la répression) Cinq jours plus tard, la soupape de la cocotte-minute fut enfin retirée et le gouvernement  annonça , de manière officielle cette fois, que les frontières étaient ouvertes pour que quiconque désirant s'en aller s'en aille, par ses propres moyens. .page 303..;Horatio avec huit autres passagers à bord, ..;Quittèrent l'embouchure du Cojimar le 17 août dans l'après-midi. page 304 Horatio ( à New-York) qui n'avait jamais eu de voiture, ni d'espoir réaliste d'en avoir une, se vit soudain entouré d'autos neuves, puissantes, rutilantes...page 306..Le jeune homme ( Marcos, fils de Clara et de Dario)  et l'homme ( Horatio, son oncle) qui l'avait vu naître se retrouvaient face à face pour la deuxième fois depuis que Marcos avait quitté Cuba, presque deux ans plus tôt. ...Les verres remplis, Horatio passa à l'attaque - " Bon, Marquitos, ce que tu m'as dit au téléphone quand tu m'as montré la photo d'Adela...C'est quoi ces conneries?  - " Avant, dis-moi une chose, qui était Elisa? - " Pourquoi tu me demandes ça? - Parce que je veux savoir. ....Je crois que c'est ma mère. Depuis que mon père ( Dario) est parti...Tu lui envoyais quelques dollars...Qu'est-ce qui s'est passé entre Elisa et toi? - " J'ai couché deux fois avec elle..;en septembre 1989, deux fois, c'est tout. - " Adela est née fin mai 1990. Bon, c'est ce que disent Loreta Fitzberg et l'acte de naissance..;- Marcos Marcos, tu es sûre que la mère d'Adela est Elisa et pas Loreta Fitzberg. _ " Celle qui s'appelle Loreta, c'est Elisa?  page 320

Dario  était parti sans faire d'adieux festifs dissimulant tant bien que mal le poids de l'excitation et de la peur qui le tenaillaient, le terrassaient presque, lui, le fugitif.. Sa décision de ne pas revenir  qu'il avait soigneusement gardée secrète, finit par se transformer en obsession  maladive..; il entrerait automatiquement dans la catégorie des déserteurs...page 332

1996 avait commencé depuis à peine deux semaines quand surgit la possibilité pour Irving de quitter l'île et de s'éloigner de ses peurs....Il avait accepté sans tiquer la fausse lettre d'invitation obtenue par Dario pour qu'il assiste à un séminaire de création graphique à Madrid  page 397..;De plus en plus souvent, Clara se demandait pourquoi autant de gens proches d'elle avaient opté pour l'éloignement. De son cercle intime, étaient déjà partis son ex-mari, Dario, puis Fabio et Liuba, et peu après Horatio. maintenant, c'était le tour d'Irving. que rejoindrait aussi vite que possible Joel. Et Elisa? Elisa aussi? Elisa très certainement.  page 370 La Clara de 1996 savait qu'elle souffrirait  de l'absence d'Irving qui laisserait un vie..page 379

( Horatio est revenu pour les obsèques de sa mère) " Depuis mon arrivée, j'ai l'impression que mon esprit et mon corps sont séparés. Comme si je ne savais plus qui je suis.  - "Parce que tu es parti, parce que tu es revenu, parce que tu es parti et maintenant, tu es revenu? bombarda Clara - Il fallait que je m'en aille... page 387

(Ramsès le jeune fils de Clara et de Dario" Ce que je voulais te dire, c'est que l'arrête la fac...Attends, attends..;Je vais me désinscrire. j'ai décidé de partir.  - "Tu as planifié ça avec ton père? - Il va l'aider, oui.......Je sais bien que je n'ai pas le droit de juger ta vie. mais, tu n'as pas le droit de décider de la mienne....page 394

( Loreta) Je suis partie de là-bas enceinte , que j'ai atterri à Boston chez une amie anglaise et c'est là que j'ai rencontré Bruno. Ensuite, mon changement d'identité..et tout le reste. page 431

Depuis son départ de Cuba, huit ans plus tôt, durant le chaud printemps 1992, l'existence du neurochirurgien ( Dario)  était entrée dans une dimension magique. page 468...Devenir catalan. Vivre et  penser  comme un Catalan. Parler catalan...Page 475 ... (Darion à son fils Ramsès) Tu vois, ça fait seize ans que je vis ici et  tu sais combien j'ai d'amis?  Aucun...Je connais  plein de monde, tu as vu qu'on dînait avec certains et qu'on se réunit tout le temps, des gens de l'hôpital; des amis de Montse ( son épouse)..;mais aucun n'est mon ami.... Mes amis, ce sont Irving, Joel, Horacio, Bernardo, c'étaient les pauvres Fablo et  Liuba...- " Et maman, tu ne l'as pas citée....- " Clara c'est autre chose. Clara et Horacio font partie d'une chose à part.  Une chose dont je ne parle jamais.;Ils sont sacrés...page 513

Le soir du 24 décembre 2015 pour la première fois depuis fois depuis vingt-cinq ans, la maison de Fontanat fut le cadre d'un dîner de Noël où rien ne manquait à l'appel.  page 559

Ce 3 juin 2016 était la quarantième jour après la mort de Bernardo et à neuf heures du matin, il avait cessé de pleuvoir.....Portant l'urne   en terre cuite qui contenait les cendres de Bernardo, Clara monta dans la voiture et demanda au voisin de prendre une drôle de direction: les environs du village de Managua..... " Arrête-toi ici. je crois que c'est ici. Clara descendit de la voiture près de la clôture en fil de fer barbelé d'une ferme qui avait l'air abandonnée. ...Les bottes pleines de boue, elle s'avança dans la campagne...Jusqu'à trouver un petit trou d'eau, alimenté apparemment par plusieurs sources des collines environnantes.  C'était l'endroit. ...Et elle sentit sur sa peau la main de Bernardo  lui caressant le visage et elle retrouva le moment où ses lèvres et celles de Bernardo s'étaient jointes pour la première fois, à l'abri de cette frondaison. Là, sans rien, ils avaient découvert  qu'ils pouvaient encore aspirer au bonheur au milieu de tous les désastres, les privations, et même les trahisons et les abandons. Ils le méritaient. Et ils y étaient parvenus. Ils avaient découvert, en plus, combien ils ils avaient tardé à savoir qu'ils étaient prédestinés à ce que leurs vies se croisent. Clara rouvrit les yeux...Alors, comme Bernardo l'avait demandé, elle versa dans les eaux pures de la source, les cendres de celui qui avait été son homme et son soutien, le meilleur être humain qu'elle avait connu de sa vie, pour que le courant les dissolve et les entraîne..... page 626...Quand ils revinrent à Fontanat, elle foula son sac , sortit les clés, ouvrit la porte et entra dans la maison où l'accueillirent la solitude, le silence et ses souvenirs. La coquille de Clara. page 627. 

lundi, décembre 13, 2021

UNE SOUPE A LA GRENADE. ( Marsha MEHRAM) 2021

 Trois jeunes soeurs qui avaient fui l'Iran au moment de la révolution trouvent refuge dans un petit village d'Irlande pluvieux et replié sur lui-même.  Elles y  ouvrent le Babylon Café et bientôt les effluves ensorcelants de la cardamone et de la nigelle, des amandes grillées et du miel chaud bouleversent la tranquillité de Ballinacroagh. Les habitants ne les accueillent pas à bras ouverts, loin s'en faut.  Mais la cuisine persane des trois soeurs, délicate et parfumée, fait germer d'étranges graines chez  ceux qui la goûtent. ...Marsha Mehram  s'est inspirée de sa propre histoire familiale pour composer ce .roman chaleureux et sensuel où ma cuisine joue le plus beau  rôle. S'y mêlent le garn et le sard, le chaud et le froid, tristesse et gaieté, en une alchimie à l'arôme envoûtant d'eau de rose et de cannelle; 

De l'Iran, Marsha  Mehram n'a que des souvenirs du plus lointain de son enfance car elle n'a que deux ans lorsque ses parents quittent le pays en 1979, fuyant la violence et l'insécurité de la fin du régime du Shah et des débuts de la révolution.  Ils émigrent en Argentine, où ils ouvrent un petit restaurant de cuisine du Moyen-Orient, de même que les trois soeurs d'une Soupe  à la grenade. D'A2rgentine, ils sont à nouveau chassés par la dictature et vont à Miami en Floride.  La petite Marsha sait déjà l'anglais car elle est rentrée dans une école écossaise à Buenos Aires. ...;En 1992, la famille part en Australie, Maesha se passionne pour la musique...Elle rencontre un barman d'origine irlandaise, vit avec lui en Irlande, en Australie, puis à New-York....Bien que mariée à un Américain, et vivant depuis plusieurs années aux Etats-Unis, son permis de séjour lui est retiré et, la mort dans l'âme, elle  doit de nouveau partir, réinventer sa vie. "En 1999, je vivais en Irlande avec mon mari  , raconte Marsha Merham.....J'étais l'une des seules étrangères dans le comté de Mayo...."

Je  n'ai pas terminé le livre. J'ai lu une cinquantaine de pages et je n'ai pas accroché à la lecture. 

dimanche, décembre 05, 2021

LA CLAUSE PATERNELLE ( Jonas Hassen KHEMIRI ) 2021

 Deux fois par an, un grand-père revient en Suède voir ses enfants, désormais adultes. Son fils - en congé paternel avec deux petits en bas âge - est un raté névrotique. Sa fille - abandonnée  par son propre enfant - est tombée enceinte d 'un pauvre type.  Seul, le grand-père - le fier patriarche - est parfait. Du moins, selon lui....car les visites du père prodigue semblent moins motivées par l'amour qu'il porte à sa progéniture que par l'opportunisme et la nécessité. En effet, ces passages réguliers lui permettent de conserver son titre de séjour. C'est ainsi l'occasion pour lui de remettre de l'ordre dans ses démarches administratives et fiscales. Or, plus exactement, de déléguer ces tâches à son fils.  Car quand le père rentre, il est entendu que son fils s'occupe de tout. Il ignore que ce dernier a pris une décision qui va tout bousculer: il veut remettre en question la clause paternelle. Mais une telle clause est-elle réellement négociable? 

Dépeignant l'inexorabilité des liens familiaux avec poésie, étrangeté et humour, Jonas Hassen Khemiri dresse le portait intime 'une famille chaotique et parfaitement ordinaire, profondément blessée par la mort d'un enfant ordinaire et la disparition d 'un père. 

1 - MERCREDI Un grand-père qui est un père est de retour dans le pays qu'il n'a jamais quitté. Il se tient dans la file d'attente pour le contrôle des passeports. Si le policier derrière sa vitre lui pose des questions suspicieuses, le père qui est un grand-père restera calme. page 11

Un père qui est un grand-père se tient devant le tapis à bagages. Il se fait la réflexion que toutes les valise se ressemblent.....page 14  Un fils qui est un père en profite pour travailler un peu en attendant l'arrivée du père. page 15 

Un fils qui est un père regarde l'heure. Bientôt minuit. Sa soeur ne le rappelle pas. Sa petite amie lui a envoyé un SMS il y a une heure....Il se demande depuis quand ils ont cessé d'aller chercher le père à la gare routière. Il y a trois ans? Cinq ans? Il ne se souvient pas bien mais il soupçonne du moment où le fils est devenu père et où le père est devenu grand-père.  Quelque chose s'est passé.  Malgré tout, le fils est resté responsable du côté pratique. Il gère le compte en banque de son père et aussi son courrier. Il paie ses factures, fait sa déclaration d'impôts, réserve ou annule ses visites de contrôle et ouvre les lettres de la sécurité sociale. Et aussi, c'est lui qui est responsable de son logement. Quoiqu'il soit le temps qu'il passe en Suède.  Dix jours ou quatre semaines. ça  a toujours été ainsi. Et ça restera ainsi. page 25

Le fils faisait toujours ce qu'on lui disait. Toute sa vie, il a fait ce qu'on lui a dit. Mais maintenant, ça va changer, se dit-il en allant chercher un stylo et un papier....Il écrit:" Bienvenue papa. j'espère que le voyage s'est bien passé. Voici ton courrier. Appelle-moi quand tu peux pour que j'évite de m'inquiéter pour toi. " page 27

2 - JEUDI   Un grand-père qui est un père oublié attend une navette qui n'arrive pas. Il est malade. Il est mourant. Il crache ses poumons. Il va bientôt être aveugle et il ne survivra pas vraisemblablement à la nuit. Tout est la  faute de ses enfants. page 31....L'amour, c'est l'opposé d'un choix libre....L'amour est une dictature, pense le père, et la dictature, c'est bien. C'est quand il y avait le moins de liberté qu'il était le plus heureux....page 32

Quelques semaines plus tard, elle ( la soeur) avait de nouveau essayé de lui parler. Elle lui avait dit qu'elle ne l'aimait pas ( son petit ami). Qu'elle était à peine amoureuse. Depuis qu'ils s'étaient rencontrés, ils dormaient certes ensemble toutes les nuits, mais elle n'avait pas le temps d'avoir un petit ami, elle ne voulait pas s'engager, elle avait sa carrière et appréciait la liberté plus que tout.  page 45

Un fils qui est père arrive enfin à joindre son père. Celui-ci répond à son onzième coup de fil. Il est à son bureau . Tout s'est bien passé. Le fils pousse un soupir. IL sourit à son inquiétude inutile. Les doigts légers, il écrit un SMS au reste de la famille pour la rassurer:  L'aigle a atterri. Cool .répond la soeur.  page 57

3- VENDREDI On est vendredi  et une petite amie (celle du fils)  qui est une mère travaille comme juriste au sein d'une organisation syndicale est à son bureau depuis sept heures vingt. ...." Vous pendez qu'on peut gagner?  demande la cliente. " On va se les faire répond la juriste en souriant." Pourquoi vous ne demandez pas si ce sont des immigrés? demande  la père. "Parce que ça n'a aucun rapport". dit la juriste. " Pour moi, ça en a " réplique  le père." pour moi, ça en a . N'est-ce pas chérie? " La fille ne répond pas. Le père soupire. " Quel putain de pays c'est devenu. Quand est - ce qu'on va se réveiller et réaliser qu'on a détruit notre pays? " La juriste déglutit et  essaie de se contenir. page  78

On  est vendredi  et un père qui est un grand-père va enfin rencontrer ses petits-enfants. Il a proposé au fils de se retrouver  à l'endroit habituel.  page 88 Mais cette année, pour une raison qu'il ignore , le fils ne veut pas qu'ils se retrouvent là. ...Le métro suédois n'est plus comme avant. A l'époque, il y avait des blonds aux yeux bleus partout. Parfois, un Grec exotique qui passait dans les rames pour vendre des cartes postales révolutionnaires ou un Africain qui vendait des cassettes de reggae. Aujourd'hui, le métro est devenu  un zoo rempli de gens venant du monde entier. Après la station Ornsberg, il entend deux dames parler espagnol, quatre ados parler russe, deux messieurs parler dari, une famille de touristes parlant danois.  page 89

Le grand-père se tait. Il essaie d'être au-dessus de la radinerie de son fils. Il veut lui montrer avec de bons exemples  comment un vrai gentleman se comporte dans le monde.  Un vrai gentleman  n'offre pas à son père un café dégueulasse et un sandwich au fromage  moisi en s'attendant en plus à être remercié.  Surtout s'il est le fils aîné. page 94

Une fille  qui est une  soeur qui est une mère rentre du travail un vendredi après-midi dans une ville nauséabonde. ...Son portable sonne. "Enfin " dit le père quand elle répond. "Mais c'est moi qui vient de t'appeler" dit-elle. "ça fait plaisir d'entendre ta voix," dit le père. " On peut se voir? Prendre un café? Dîner ensemble? Je peux quand tu veux mais je comprendrais si tu n'étais pas disponible. " " Aucun problème. Il s'est passé quelque chose ?"demande la fille. " Absolument pas, répond le père. J'ai juste envie de rencontrer mon enfant  adorée" " Bien sûr qu'on peut se voir dit-elle en regardant son agenda. page 100

"Comment ça se fait que personne dans mon cercle d'amis n'a de relation normale avec son père? Mais, en fait, c'est quoi une relation normale? avait-elle écrit. je ne connais personne qui ait une relation normale avec  quiconque, surtout pas avec ses parents.  " Et à quel niveau est notre relation avait-il écrit?  "Raisonnablement normale avait-elle écrit. (  la future compagne du fils et lui)page 126

Ils  s'étaient arrêtés au niveau du parking. Le moment était venu de se dire aurevoir. Ils ne pouvaient pas repartir ensemble. Ils risquaient de croiser quelqu'un.  Quelqu'un qui risquait de leur poser des questions. Ils risquaient de se retrouver  dans une situation où ils seraient obligés d'expliquer ce qui se passait, et le problème, c'est qu'ils ne savaient pas eux-mêmes ce qui arrivait puisque aucun des deux n'avait jamais vécu ça. Ils étaient restés longtemps immobiles. Ils s'étaient embrassés. Ils s'étaient de nouveau embrassés. Ils s'étaient dit au revoir.  Ils 'étaient de nouveau embrassés. Elle était partie en premier.  Elle avait descendu la rue en direction du tram. Puis, elle s'était retournée. Il n'avait pas bougé.  De loi, elle voyait sa silhouette. Ils ne s'étaient pas fait un signe de la main.  Le regard suffisait. page 129

IV. SAMEDI  C'est week-end. Un père, une mère et deux enfants vont enfin pouvoir passer du temps ensemble. Ils se préparent pour prendre le métro et aller dans le centre. Deux heures plus tard, ils sont toujours entrain de préparer pour prendre le métro et aller dans le centre. ...page 136   Un père qui est un grand-père a enfilé une chemise propre. Il s'est rasé. Il s'apprête à aller en ville déjeuner avec sa plus jeune fille, sa  préférée, celle qui est aussi parfaite que ce qu'il avait espéré.  Ce n'est  quand même pas de chance qu'elle ait rencontré cet idiot quand elle était jeune. Elle n'aurait jamais dû se marier avec lui. Elle n'aurait jamais dû avoir un enfant avec lui. page 138

Sur le chemin de retour,  le grand-père se fait la réflexion que c'est une chance qu'il soit un loup solitaire. Il est fier de ne pas avoir besoin des autres.  Les êtres humains sont tous des idiots.  Sa cadette est une idiote  parce qu'elle a annulé le déjeuner. Son aîné est un idiot parce qu'il veut mettre son père à la rue. Son ex-femme est une idiote parce qu'elle a fait explosé son couple. Sa plus grande fille est une idiote parce qu'elle est morte. Des frères et soeurs sont des idiots parce qu'ils ne le contactent que quand ils ont besoin d'argent. ....page 164

V. DIMANCHE ( le fils) Il avait constamment le sentiment que le monde lui en voulait et ce n'est que bien plus tard, quand celle qui serait la mère de ses enfants lui a expliqué qu'une des raisons de sa paranoïa était qu'on s'imagine être surveillé si on se sent abandonné et en manque d'attention de la part de ses parents. Mieux valait être traqué qu'ignoré. page 172

Ils vont au café. " Je t'invite et tu paies , a dit le père en riant de sa blague. Il laisse le fils l'inviter. C'est le signe qu'il est devenu adulte.  Le signe pour l'entourage  qu'en tant que père, il a fait du bon travail. Mais le fils n'est pas content. Le fils n'est jamais content. Dès qu'ils se sont installés, le fils se met à calculer tout ce qu'il a fait pour son père ces dernières années. Il lui a réservé ses billets d'avion, il a transféré de l'argent sur ses différents comptes, il s'est occupé de son courrier. En quoi est-ce fatigant d'ouvrir quelques lettres ? demande le père. ...Le fils ne répond pas. ...Mais le fils n'est pas prêt à trouver une solution. Il veut la guerre. page 187

Une soeur qui n'est pas une mère essaie de rassembler ses esprits.....Le frère lui a dit que le congé de paternité se passe bien. Qu'il a décidé de se lancer dans le stand-up. Qu'il a vu leur père dans la journée et qu'il lui a enfin parlé. Aïe. Et ça s'est  passé comment? demande-t-elle. Plutôt bien, ça  a soulevé pas mal d'émotion et d'indignation de sa part mais c'est toujours le cas  avec lui. En tout cas, on ne s'est pas bagarrés. Je crois qu'on s'est mis d'accord sur le fait que c'est la dernière fois que je le loge.  Tu crois? dit-elle sceptique. Ils restent silencieux. page 198

Une soeur qui n'est pas une mère s'adosse à sa chaise...quand le frère se plaint de sa petite amie. Il dit qu'elle est impossible à vivre, qu'elle cherche toujours à le critiquer alors que c'est pourtant lui qui fait tout, ou presque tout, à la maison.  page 202 ....Chaque fois que tu décris la fille de tes rêves, c'est comme si tu parlais de toi lui a dit le copain de sa soeur. Un silence s'est ensuivi.  page 204

VI - LUNDI.  Un fils qui est père quitte la table dans l'angle pour aller chercher les cafés et jeter un coup d'oeil  sur le petit d'un an. IL dort toujours, dit-il à la mère qui  regarde l'heure et avale son café d'une traite. Tu dois y aller?  Elle hoche la tête. Dis-moi si vous voulez que je vous garde les enfants un de ces jours. Oui, ce serait super. La semaine prochaine peut-être?  La mère regarde son agenda. Je suis à Gotenberg de mercredi à vendredi...Alors peut-être ce week-end? demande le fils. Malheureusement , ça va être compliqué. Samedi, j'ai un vernissage à Magasin III et dimanche , je vais  voir un concert....page 239

VII- MARDI On n'a pas le droit de se fâcher contre les petits d'un an parce qu'à un an et à cet âge, on ne comprend pas pourquoi il ne fait pas mordre les ballons, casser des livres sur l'espace ou avaler  des roues de Lego ou  encore mettre des crocodiles jaunes dans les poubelles.  Ils ne savent pas parler, pas faire de la trottinette, pas jouer au foot. page 246

Je voyais le dos de papa. Il était seul dans le café.  Il avait une tasse turquoise  dans la main et était penché sur son portable.  Mais il levait la tête toutes les minutes pour jeter un oeil sur la place. Là, assis sur  un banc, j'ai aperçu son père.  Enfin, la personne qu'on a rencontrée vendredi et que tout le monde appelle papi. Il était assis sur un banc sous ce ciel d'automne.  Il avait un journal sur les genoux  mais il ne le lisait pas. Papi ne voyait pas papa et papa ne me voyait pas. Puis, il y a eu des cris et des rires d'enfants...J'ai vu la combinaison violette de ma soeur et aussi son bonnet cache-oreilles à poil gris. page 254

VIII- MERCREDI Une nuit qui n'est pas une nuit ne prend jamais fin; Le petit réveille la grande  de quatre ans qui réveille le petit d'un an qui réveille la grande  de quatre ans. Le père est patient pendant une heure. Il leur donne du lait d'avoine, chante des chansons, leur fiat faire une petite promenade fantôme dans l'appartement sombre afin de regarder les fenêtres éteintes des voisins. Sur la ponte des pieds , ils passent devant la chambre où dort maman, parce que maman doit travailler, maman  a une vie en dehors de la famille. Ils retournent dans la chambre des enfants, lisent une histoire, chantent, lisent une autre histoire, la grande de quatre ans fait pipi dans le pot, le petit fait caca dans sa couche. Au bout d'une heure et demie, les deux s'endorment. Le père se faufile hors de la chambre.  Mais la petite de quatre ans se réveille.....page 263

Un père qui est un grand-père va enfin voir sa fille. Il attend  ce moment depuis si longtemps. Ils se retrouvent à l'endroit habituel. ..Elle est d'une beauté à couper le souffle. Il n'arrive pas à comprendre qu'il ait réussi à créer un être si parfait. Elle porte un sac à main   étincelant, un parfum luxueux et des chaussures bien entretenues. page 271

L'homme qui sera grand-père de son enfant (celui de sa fille) se révèle un vrai gentleman. Il ne fait aucune blague bizarre. Il ne it rien de méchant sur le poids  de sa fille. En revanche, il raconte des histoires drôles sur l'été où il travaillait comme vendeur de tee-shirts....page 285

XI JEUDI. Lorsqu'il entrouvre la porte, il ( le grand-père) le petit d'un an qui gigote dans son lit pour essayer de trouver le sommeil. IL gémit. Le grand-père essaie  de le calmer en lui caressant les paupières. Il chantonne cet air qu'il chantait à ses enfants. Bizarrement , ça fonctionne. Le petit d'un an respire maintenant calmement et  replonge dans le sommeil. Le grand-père reste à côté du petit lit. ..." Papi? Moi aussi, je veux une chanson". La grande est assise, les cheveux en bataille, dans le lit des parents. page 318...La grande finit par s'endormir, la tête posée sur la poitrine du grand-père.  Sa respiration est rapide. Elle ressemble tellement à son fils. Elle ressemble tellement à sa fille. page 322

X - VENDREDI. ( la fille) Mettre un enfant au monde est irréversible. Avorter ne l'est pas. Mais sur le chemin, elle commence tout de même à douter. Et si jamais , elle regrettait? On ne regrette jamais d'avoir un enfant, lui disaient les gens lorsqu'elle est tombée enceinte la première fois. ..Et ils avaient raison. page 350

On est vendredi matin et un grand-père qui est un père se prépare à prendre le métro pour Cityterminalen afin d'attraper la navette pour l'aéroport.  page 352

Un fils qui est un père qui est un grand-père arrivent à l'aéroport. Le père se gare, le petit se réveille et s'étire. Ils vont ensemble au comptoir d'enregistrement. ...Le grand-père se penche et l'embrasse sur les  . joues Trois foi. Puis encore trois fois. Il va me manquer, dit le grand-père. Toi aussi, tu vas lui manquer, sourit le père. La prochaine fois, nous essaierons de nous voir un peu plus. Absolument dit le grand-père. Il fourre sa main dans sa poche et sort un billet  de  cinq cents couronnes. Pour l'essence.  C'est trop dit le fils; Le père et le grand-père se font la bise. Trois fois. On reste en contact. dit le père. Absolument, répond le grand -père.  page 358