dimanche, mars 27, 2022

OU J'AI LAISSE MON AME. ( Jérôme Ferrari ) 2010

 1957. A Alger, le capitaine André Degorce retrouve le lieutenant Horace Andreani, avec lequel il a affronté l'horreur des combats puis la captivité en Indochine.  Naguère victimes, ils sont désormais chargés de soumettre à la question les prisonniers d'une guerre qui ne dit pas son nom. Si Andreani assume pleinement ce nouveau statut de bourreau, Degorce, dépossédé de lui-même, ne trouve l'apaisement qu'auprès de Tahar, commandant de l'ALN retenu dans  une cellule de confessionnal où le geôlier se livre à son détenu. ...Sur une scène désolée, fouettée par le vent, le sable et le sang, trois personnages réunis par les injonctions de l'Histoire témoignent  de l'impossible vérité de l'homme dès lors que l'enfer s'invite sur terre. 

Je n'ai pas lu le livre en entier: trop d'horreurs de la guerre en Indochine et en Algérie. 

dimanche, mars 20, 2022

LE PAIN DES REVES ( Louis Guilloux, 1942 )

 Juste avant 1914, dans une petite ville bretonne, près de la cathédrale, vit l'infâme rue du Tonneau, avec ses taudis, ses maisons de prostitution, ses cafés douteux. Une écurie sert de logis aux Nédelec, la mère, les eux enfants, e grand-père, tailleur qui fait vivre tout le monde et travaille jusqu'à ce que mort s'ensuive. Puis , arrive, la cousine Zabella, personnage haut en couleur.

La poésie, l'amour, la noblesse du cœur illumine ce récit, le plus beau peut-être qu'aient inspiré l'enfance et la misère. " Je doute qu'aucun amour vaille celui des pauvres" écrit Louis Guilloux dans Le Pain des Rêves. 

Notre instituteur,... dans son esprit le bonheur se définissait  par la soupe aux choux, la propreté, l'absence de coups. Il ajoutait que l'économie est un autre moyen d'atteindre le bonheur.  page 13

Nous étions prisonniers dans le nôtre (quartier) comme le juif dans son ghetto. C'était , dans la basse ville, la partie la plus vieille autrefois, il  est vrai, la plus noble devenue la plus "pittoresque". ..Eh oui, nous habitions la rue des "Maisons" , nous participions à tout ce qui s'y faisait de louche et de malhonnête, nous étions des frères d'une société secrète, la société des voyous de la rue des Tonneaux. J'en étais un, Je le savais. On me l'avait dit plus d'un coup.....page 20

Nos lits, le mien comme celui de mes deux frères, c'étaient des planches clouées à la diable, sur lesquelles étaient jetées nos couettes de varech.  Le besoin d'être ensemble, de vivre à la chaleur des uns des autres aurait fait considérer à n'importe lequel d'entre nous comme une dure punition le fait d'aller loger ne fut-ce que derrière la cloison. page 31  

Nous étions bien; Nous étions à l'abri. C'était une heure sans effroi ( le soir) , une heure à nous, où le bonheur se définissait par la présence de tous ceux qui restaient, - depuis que mon père nous avait abandonnés, depuis que mon frère  s'était  fait marin- ..La conscience que nous nous aimions. page 33

Nous mangerions. Nous nous coucherions. Le lendemain, je retournerais à l'école. Tout serait pareil sauf que je ne verrais plus  le moindre pou courir sur mon cahier et que l'instituteur n'aurait plus l'occasion de me dire qu'il y avait moins que l'année dernière ils étaient plus gros.  Les poux seraient oubliés. ( le grand-père a épouillé son petit-fils le dimanche) . page 52 Ma mère n'avait pas d'orgueil.  Elle ne tirait de sa condition qu'un surplus d'amour.  page 52 Je doute qu'aucun  amour vaille celui des pauvres. Le nôtre était un amour religieux.;;Le mépris, l'humiliation dont nous sentions partout l'outrage, le refus qu'on nous opposait avec tant de persévérance, avaient approfondi nous cœurs  comme ils ne l'eussent pas été sans cela. Nus étions des pauvres. Et parmi les pauvres eux-mêmes, nous étions seuls. Nous formions, dans la ville, dans le monde, comme un îlot que nous pouvions croire  unique - je ne savais pas encore qu'il était surtout précaire. page 53

La lueur du briquet répandait sur ses joues creuses un feu d'une riche splendeur, ses yeux semblaient immenses, tout illuminés d'une vie surnaturelle, peuplés de d'éclats bougeants,, comme des reflets multiples des lampes dans la profondeur d'une eau.  A peine distinguais-je les contours de son visage. Le front, le menton appartenaient en même temps à l'ombre et à la lumière, mêlant d'une manière incompréhensible leurs contraires....Le briquet s'éteignit. Il ne subsista plus, dans l'ombre de ce cachot, que le petit rond incendié de la pipe, comme une braise ardente, sur un tout petit fourneau. ( Durtail son voisin) page 77

Grâce à ce merveilleux pouvoir des enfants, qui sont tout entiers là où ils sont, à l'école, j'oubliais mon écurie, la cour, mes rues et leurs singulières fantômes; même Pompeline, même Tonin Bagot, jusqu'à la pauvre Fée. Tous ces familiers de mes courses ls plus quotidiennes, je les répudiai, pour ainsi dire, au profit d'une  science incertaine, d'une activité dont il m'était promis qu'il m'ouvrirait un jour toutes les portes, sans qu'il me fût  dit lesquelles, ni pourquoi il était tant souhaitable qu'elles s'ouvrissent. ..On aurait dit sue j'avais changé de monde. page 86

Plus il était tard, plus la nuit était profonde et les quartiers déserts, et plus, semblait-il, le grand-père se trouvait à son aise. On aurait dit que le droit de paraître au soleil était un droit qu'il ne se reconnaissait pas à lui-même, et qu'il consentait à se mouvoir et à marcher sur terre à condition de ne pas y être vu . page 135

Quand c'était la Procession des Pestiférés, il n'y avait rien d'autre qui occupât quiconque, et mon grand-père comme tout le monde....A mon avis, le souci qu'elle (sa mère) avait de s'habiller ce soir-là, c'était une  manière de porter hommage à son Dieu qu'elle n'avait jamais renoncé, qu'à sa jeunesse où elle l'avait tant servi. Les prières qu'elle récitait dans son cœur en étaient un autre plus véridique. page 142 ( La procession) C'était beau comme une belle image et plus mystérieux qu'un rêve. ..Rien n'existait  plus par sa  lumière. Il fallait baisser les yeux pour ne pas être ébloui. De nombreuses gens faisaient plus que baisser les yeux, ils courbaient la tête, le dos, certains s'agenouillaient tout simplement dans le ruisseau....page 148...Notre fête à nous, les enfants de la laïque, c'était le 14 juillet Nous autres, nous n' avions rien  à voir avec Dieu, ou ^plutôt avec la calotte. Et il était bien beau déjà qu'on nous permît d'aller au catéchisme, de faire notre première communion. Mais là, c'était tout. page 152

...je le fus, surpris, arraché à moi-même par l'irruption insolite de quelques notes de musique, si insolite....J'ignore  et j'ignorerai  toujours de quelle musique il pouvait bien servir. Tout ce que je sais, c'est qu'elle venait d'un violon, et que j'entendais un violon pour la première fois de ma vie. page 203

( L'oncle Paul, le fils du grand-père vient d'arriver de Paris) Ils ( L'oncle et la mère de l'auteur) échangeaient un baiser sans chaleur, joue contre joue, un baiser de famille où nous sentions qu'ils ne s'aimaient pas, sans savoir quelles discordes mal oubliées les séparaient. page 210

Les rebuffades n'avaient guère de prise sur Tonton. ( un second oncle) Par une vieille habitude de pauvre qui sait ce qu'il sait, qui connaît les hommes et la vie, il avait  depuis longtemps pris le parti d'assimiler les rebuffades à des plaisanteries et tut ce qu'on tirait de lui c'était un rire un peu plus confus un peu plus tremblant, et l'assurance répétée qu'on était tout de même un sacré farceur. Un sacré farceur mon grand-père. page 239

" Tu n'as plus de grand-père. " C'est par ces mots que ma mère m'avait accueilli, quand j'étais rentré de l'école, sur la fin de matinée. Et j'avais appris du même coup, tout vu, d'un regard - l'unique regard, peut-être que je lui avais jeté, car, depuis lors, mes yeux n'avaient plus osé retourner à ce grand lit, où il reposait, un crucifix dans ses mains jointes, si blanc, si tranquille, presque souriant. page 252...Alors, une ouverture se fit en moi, quelque chose comme le soupçon de ce que pouvait être la mort, et tout le reste du temps, je le passai dans cet abîme....page 253

Le ciel était avec nous dans sa légèreté bleutée, dans s a fraîcheur matinale, et si par endroits, il était traversé de vapeurs blanchâtres, elles ne faisaient qu'annoncer l'heureuse chaleur de midi. page 301

Laissons l'enfance. Désormais, je suis un homme! Bientôt, j'entrerai en lycée, n'oublie pas cela , ami lecteur. ...Je suis un homme gtand-père.!. ô grand-père, un homme comme toi! Il fait nuit chez nous. Fait-il clair chez toi? ô mon vieux paria! Tout à l'heure nous rallumerons la lampe. page 477

dimanche, mars 13, 2022

HENDAYE (Marcos EYMAR 2015)

 Dans une vieille méthode d'espagnol trouvée chez un bouquiniste, Jacques a bien du mal à reconnaître la langue ardente de ses tantes venues à Pari pleurer la mort de sa mère. Il sombre dans l'alcool et quitte son emploi pour se lancer à corps perdu dans l'apprentissage obsessionnel de cette langue maternelle interdite, convaincu qu'elle seule peut expliquer les fractures de son enfance ( l'émigration de ses parents dans les années 60, l'énigmatique disparition du père communiste, le passé trouble de sa mère.) Bientôt, il se voit proposer une mystérieuse mallette la frontière des Pyrénées, lors d'hypothétiques aller-retours par le train de nuit. S'installe alors un périlleux va-et-vient entre Paris et Madrid, le français et l'espagnol, le passé et le présent pour cet homme impliqué à son corps défendant dans une dangereuse affaire criminelle de contrebande et une impossible histoire de fascination sexuelle et linguistique.

Sous les allures de roman policier, ce livre écrit dans une lange très singulière dit la difficulté de se structurer sans le recours de la langue identitaire, et de n'avoir que la frontière pour condition et patrie. 

Les journées deviennent interminables. Chaque heure contenait non seulement sa vie absurde, mais aussi celles qu'il n'avait pas vécues, les enfants qu'il avait laissés  s'échapper dans les chambres louées et les hôtels sans étoile. Jacques fouilla les armoires et les tiroirs  du minuscule logement de sa mère, dans l'espoir de trouver une photo, une lettre, mais en vain. Les souvenirs semblaient faire partie de la saleté qu'elle avait combattue pendant toute sa carrière de femme de ménage. page 20

Mieux vaut mal vivre que mourir, pensa-t-il. Page 23

Ma grammaire  déclare que le passé composé désigne le présent du passé, une action qui a des conséquences au moment actuel. page 90

Avec les mots , ce n'est pas comme avec les vêtements, penses-tu,; à mesure qu'on grandit, on utilise des mots plus petits et plus ajustés aux choses. page 102

Quand il se réveilla, il était recouvert de la rosée des cauchemars. page 114

Le livre est assez pénible à lire; il est truffé d'expressions espagnoles... Pour moi, on perd ainsi le fil de la lecture.


mercredi, mars 09, 2022

TROIS ( Valérie PERRIN) 2021

 " Je m'appelle Virginie. Aujourd'hui,  de Nina,  Adrien et Etienne, seul Adrien me parle encore. Nina me méprise. Quant à Etienne, c'est moi qui ne veux plus de lui. Pourtant, ils me fascinent depuis l'enfance. Je ne suis jamais attachée qu'à ces trois-là". 

1986. Adrien, Etienne et Nina se rencontrent en CM2. Très vite, ils deviennent fusionnels et une promesse les unit: quitter leur province pour vivre à Paris et ne jamais se séparer.  

2017. Une voiture est découverte au fond d'un lac dans le hameau où ils ont grandi. Virginie, journaliste au passé énigmatique, couvre l'événement. Peu à peu, elle dévoile les liens extraordinaires qui unissent ces trois amis d'enfance. Que sont-ils devenus? Quel rapport entre cette épave et leur histoire d'amitié? 

Valérie Perrin a ce don de saisir la profondeur insoupçonnée des choses de la vie. au fil d'une intrigue poignante et implacable, elle nous plonge au cœur de l'adolescence , du temps qui passe et nous sépare.