jeudi, mars 28, 2013

LE DESTIN MIRACULEUX D'EDGAR MINT ( Brady Udal)

Roman à la Dickens, qui fait penser à David Copperfield. Le héros, Edgar Mint, jeune Apache par sa mère et blanc par son père, surprend le lecteur par le récit de  sa vie d'enfant et d'adolescent pleine d'imprévus, d'histoires d'illusions perdues . Le lecteur se laisse prendre par la drôlerie et la compassion.

"Si je devais ramener ma vie à un seul fait, voici ce que je dirais : j'avais sept ans quand le facteur m'a roulé sur la tête. Aucun événement n'aura été plus formateur. Mon existence chaotique, tortueuse mon cerveau malade et ma foi en Dieu, mes empoignades avec les joies et les peines, tout cela, d'une manière ou d'une autre, découle de cet instant où, un matin d'été, la roue arrière gauche de la jeep de la poste a écrasé ma tête d'enfant contre le gravier brûlant de la réserve apache de San Carlos." page 11

(Le jeune Edgar est dans un internat pour enfants indiens. Un écrivain américain est venu parler aux élèves) Le grand poète, Vincent DeLaine, un célèbre Américian d'origine dont on n'avait jamais entendu prononcer le nom. Américain d'origine, disait-il comme si ça signifiait quelque chose. Pour ma part, je ne voyais pas très bien la différence entre un Américain d'origine et un Indien normal. page 260

(Sa mère est morte) La nuit, trop effrayé pour dormir, je restais assis dans mon lit, espérant la visite de ma mère. Parfois, je croyais sentir sa présence, j'imaginais entendre son rire aigu, aérien. Maintenant  qu'elle était morte, je pensais que nous pourrions nous parler, qu'elle pourrait m'expliquer pourquoi elle m'avait abandonné, pourquoi elle était partie en Californie et pourquoi, ayant appris que j'étais en vie, elle n'était jamais venue me voir. page 277

(Deux Mormons viennent voir Edgar à l'infirmerie )Frère Turkey dit une courte prière pour recommander à Dieu de m'aider, de me guérir et de me donner Son amour. "Vous ne m'avez pas sauvé la vie" leur criai-je de mon lit  d'une voix rauque, alors qu'ils s'apprêtaient à sortir. Je ne sais pas ce qui m'avait pris  de dire ça. Je sais seulement que j'étais malade à en mourir d'avoir  été sauvé. page 286

'Edgar est accueilli par une famille  de Mormons, il a été baptisé et fait partie de ce groupe) Brayton (le fils de la famille lui fait visiter la maison) "Tu sais, on héberge ici à peu près n'importe qui" Il leva les yeux sur moi , puis les reporta sur la fourmillière  qu'il était occupé à détruire  du bout de ses tennis. "C'est ma mère qui récupère tous ces gens, reprit-il. Avant Trong, on avait un étudiant , un Syrien. Il s'appelait Ibrahim... Ensuite, pendant un mois et demi, on a eu une famille entière de clandestins mexicains. Ils ont tous pris l'étage et j'ai été obligé de dormir en bas..." page 326

Une mère, un père, une soeur, un frère, un lit moelleux, dix sous-vêtements neufs de rechange, trois repas par jour, et tous les en-cas qu'il voulait...pour une fois dans  sa vie, Edgar avait tout ce dont il avait besoin. Et davantage encore. page 331

J'apprendrais qu'il y a une différence entre les enfants blancs et les enfants indiens. Chez les Blancs, il y a tout le temps des cafteurs. Et chez les Indiens? Eh bien,  un Indien ne cafterait pas même pour sauver sa propre mère. Au fil des années, les Indiens ont appris à connaître le prix du silence. page 339

samedi, mars 16, 2013

EXERCICE DE SURVIE (Jorge Semprun)

Petit livre de 100 pages que Jorge Semprun n'a pu terminer. C'est un texte inachevé par l'arrivée de la maladie. Dans son récit, il parle surtout de son expérience de la torture qu'il a connue en tant que résistant capturé par la Gestapo.

Je note aussi le film qu'il commente sur le processus de l'Espagne qui lève le voile sur la période franquiste: Les Chemins de la Mémoire.

Je ne vois réellement qu'une  personne, une seule aujourd'hui vivante, ô combien! avec qui il ne serait pas impossible, ni indécent, d' évoquer  cette expérience. : Stéphane Hessel  page 47

L'expérience de la torture n'est pas seulement, peut-être même pas principalement , celle de la souffrance, de la solitude abominable de la souffrance. C'est aussi sans doute, celle de la fraternité. Le silence auquel on s'accroche, contre lequel on s'arc-boute en serrant les dents, en essayant de s'évader par l'imagination ou la mémoire de son propre corps, son misérable corps, ce silence est riche de toutes les voix, toutes les vies qu'il protège, auxquelles il permet de continuer à vivre.
Et sans doute, l'être du résistant torturé devient-il un être-pour-la-mort, mais c'est aussi un être ouvert au monde, projeté vers les autres: un être-avec,  dont la mort individuelle, probable, nourrit la vie.
A Madrid, n'ayant jamais été arrêté, malgré les efforts considérables déployés par la police de la dictature, je n'avais pas eu à protéger la vie des autres, leur liberté du moins, par mon silence. Ce sont les autres qui  avaient préservé ma liberté, par leur silence , sous la torture. Jamais aucun des militants arrêtés pendant ces dix années de clandestinité n'aura livré à la police un rendez-vous avec moi, ni le moindre indice qui aurait pu me mettre en danger. j'ai vécu en liberté ces dix longues  années de clandestinité, grâce à tous ces  silences multiples....C'est une expérience  de solidarité autant que de solitude. Une expérience de fraternité, il  n'y a pas de mot plus approprié.pages 50,51

EXERCICES DE SURVIE (Jorge Semprun)

Petit livre paru en 2012 "est un texte inachevé. Jorge Semprun travaillait à sa rédaction  quand la maladie l'a empêché de poursuivre son projet."

Le thème dans ce récit est celui de la torture. Jorge Semprun est entré dans la Résistance et a été pris par la Gestapo.
Je note aussi le film qu'il a écrit "Les Chemins de la mémoire" sorti peu de temps avant son décès, le sujet du film est celui  de l'Espagne qui lève le voile sur la période franquiste .

"L'idée que nous aurions en commun le souvenir de la torture m'a paru pertinente...Je ne vois qu'une personne , une seule aujourd'hui vivante , ô combien!,avec qui ilne meserait pas impossible, ni indécent d'évoquer cette expérience: Stéphane Hessel. pages 46; 47

Un homme n'est pas véritablemnt humain parce qu'il a résisté à la torture,  ce serait une règle extraordinairement réductrice. Les valeurs et les vertus  proprement humaines - c'est-à-dire  essentielles pour fonder la transcendance d'un  idéal du Moi altruiste, historiquement chargé de futuritions collectives- ne peuvent  se concevoir ni se mesurer uniquement à l'aune  de la capacité de résistance à la torture.page 46

Ce silence auquel on s'accroche, contree lequel on s'arc-boute en serrant les dents, en essayant de s"évader par l'imagination ou la mémoire de son propre corps, son misérable corps,  ce silence est riche de toutes les voix, toutes les vies qu'il protège, auxquelles il permet de continuer à exister.
L'être du résistant torturé devient -il un être-pour-la-mort, mais c'est aussi un être ouvert au monde, projeté vers les autres: un être-avec, dont la mortindividuelle, éventuelle, probable, nourrit la vie...
A Madrid, L'expérience de la torture n'est pas un Erlebnis égoïste ou narcissique, quelle que soit la dose d'individualité , de singularité, qu'elle comporte forcément...C'est une expérience de solidarité aurant que de solitude.Une expérience de fraternité, il n'y a pas demot plus approprié.

Tout ce qui concerne le communisme et les partis politiques communistes dans le monde, c'est de la préhistoire.  page 67

mardi, mars 12, 2013

LE POLYGAME SOLITAIRE ( Brady Udall)

"Brady Udall raconte l'histoire exceptionnelle d'une famille non moins exceptionnelle. A 40 ans, le très mormon Golden Richards, 4 fois marié et père de 28 enfants, est en pleine crise existentielle. Son entreprise de bâtiment bat de l'aile, son foyer est une poudrière minée par les rivalités  et les menaces d 'insurrection. Rongé par le chagrin après la mort de 2 de ses enfants, il commence à douter sérieusement de ses qualités de père et de sa capacité à aimer. Golden Richards, tragiquement fidèle à ses idéaux , se sent  seul. Mais dans le désert du Nevada, il va rencontrer que  l'amour est une mine inépuisable."

Les épouses plurales qui ne s'étaient jamais fait coiffer  de leur vie sautèrent sur l'occasion  et se confièrent aux mains expertes de Nola Harrison (une épouse de Golden).  Et comme elle oeuvrait pour le bien commun, ...le conseil de la paroisse ne fut guère en mesure de s'y opposer. Tant que les coiffures restent décentes, donc pas question de teinture ou de coupe à la Marilyn Monroe, et que les femmes ne se livrent pas à des extravagances, comme se vernir les ongles, nous pensons donner notre accord. page 69

Si on ne savait pas, on se dirait une famille heureuse, une famille harmonieuse. Mais, approchez-vous, observez et vous ne manquerez pas de voir les rituels incongrus, les chagrins et les pleurs versés dans la solitude, les tractations, les mini -drames de la peur, de l'angoisse et du désir. page 87

On ne peut pas faire un mètre dans la maison , sans être réprimandé, corrigé et averti, sans qu'on vous rappelle que les règles et les lois sont ce qui  nous protège des pires aspects de nous-mêmes et qui nous permet de tenir le péché , l'anarchie et le mal à distance. page90

En ce moment, le Père se cache, comme d'habitude. Son repaire est le rez-de-chaussée de la Maison de la Poupée, une petite maison délabrée à un étage, en contreplaqué et bardeaux de cèdre dont il a abandonné la construction 3 ans auparavant à la mort de sa fille. page 92

A l'église, on apprend aux enfants que, pour chasser les mauvaises pensées, il faut réciter un passage des textes sacrés ou entonner un cantique. page 131

C'était vrai, il (Golden) avait accepté ce travail (construire un bordel) parce qu'il n'avait pas le choix. ...Oui, il risquait sa place au sein de l'église,  sa réputation et peut-être même son âme pour le bien de sa famille., mais il y avait  autre chose,une raison qu'il était incapable  de justifier et d'expliquer: il le faisait pour s'évader. Pour échapper 4 ou 5 jours par semaines à des épouses qui se querellaient, à une bande d'enfants bruyants toujours entre ses jambes, aux jalousies et aux ressentiments, aux obligations religieuses, aux notes de dentiste qui arrivaient avec une terrifiante régularité, à la tristesse qui étreignait son coeur chaque fois qu'il parcourait les couloirs de l'une ou l'autre maison pour regarder ses enfants entortillés dans leurs draps en se disant : "Quoi qu'il arrive, j'en suis responsable. Ils comptent sur moi". page 172

Quand il prenait un enfant dans ses bras ou qu'il lui donnait un chewing-gum, il était obligé  de prendre tous les autres dans ses bras et de leur donner à chacun un chewing-gum....Il devait mesurer ses compliments, ses baisers et ses cadeaux quels qu'ils soient.  Au fil du temps, il avait  appris à adopter une attitude de neutralité, un expression impassible afin de ne pas être accusé de favoriser un enfant, une épouse, d'aimer un tel plus qu'un tel ou d'avoir des chouchous. page 319

S'il y a une chose qu'un enfant polyg apprend , c'est bien qu'il n'est pas le centre du monde...Comme ils sont des gens à part, comme ils vivent selon les principes de Dieu, les familles vivront ensemble pour les siècles des siècles, ce que tout le monde a l'air de trouver formidablement formidable...Est-ce si formidablement formidable  d'avoir à faire la queue pour parler à sa mère? se demandait Rusty. page 515

Tu l'aimes?  cette fois, il détourna le regard et contempla ses mains écorchées. Plus vite qu'elle ne l'aurait pensé , il répondit: "Je ne sais pas. je crois que oui ou plutôt je croyais. Mais je ne t'aime pas moins pour autant" La remarque lui arracha un sourire. Il n'aurait pas pu lui donner une réponse plus juste, plus parfaite, parce que , après tout, c'était une vérité fondamentale.
Ils avaient choisi de régler leur vie sur cette vérité fondamentale: à savoir que l'amour est une matière pemière  illimitée. il n'est pas soumis au jeu des additions et des soustractions, de sorte que le donner à une personne n'implique pas nécessairement qu'on  doive l'ôter à une autre. Et le coeur dans sa capacité elle aussi est illimitée. page 668

dimanche, mars 03, 2013

LES POMPES DE RICARDO JESUS (Patrick Chauvet)

Patrick Chauvet , depuis quarante ans, a toujours photographié la guerre, il nous emmène en Amérique du Sud, alors que se lève le vent de la révolution. Après la Jamaïque et Bob Marley, ce sera Cuba et les émeutes de Miami, le Salvador et l'assassinat de l'archevêque  Romero, le Suriname que se disputent les mercenaires occidentaux. Patrick Chauvel témoigne qui sont ces hommes en train de risquer leur vie pour la promesse d'une nouvelle liberté. A travers ses reportages, il ne raconte pas une histoire , il raconte l'Histoire; à travers ses rencontres, il ne raconte pas des hommes, il raconte toute l'humanité, pour que jamais plus on puisse dire"on ne savait pas".

"On peut citer Mgr Romero dont Patrick Chauvel découvre l'existence en discutant avec une femme de ménage salvadorienne. Il le rencontre au Salvador et assiste à son assassinat en pleine messe le 24 mars 1980. Autre moment intense pour Patrick Chauvel: un reportage sur Bob Marley avec lequel lors d'un bain de mer en Jamaïque, il échange sur les nombreuses cicatrices qu'il a sur le corps. ma petite histoire dans la grande Histoire , c'est ce que cherche à capter le photographe sur la pellicule. Ses images font la une de "Match", "Time" ou "Newsweek". En 1996, il remporte le prestigieux World Press."

"Les images montrent ce que je vois, elles sont juste des faits, après ce sont les journaux qui les interprêtent en choisisant de les mettre en scène à leur convenance."

J'invite mon chauffeur de taxi au bar et lui demande s'il est possible de rencontrer Bob (Marley). rencontrer un des plus grands musiciens de notre époque, faire des photos d'une légende. Qui sait? son talent est peut-être contagieux. page 25

"Vous pensez être impartial parce que vous êtes photographe?
- Je ne travaille pas pour un seul journal, mais pour ceux qui veulent bien acheter mes oeuvres, toutes tendances confondues.
- Vous êtes un mercenaire. page 138

"Quand on assiste à quelque chose et que l'on ne fait rien, on devient complice. La révolution, c'est refuser de se dire: que va-t-on devenir?  Mais dire: Que puis-je faire pour changer les choses? IL faut passer à l'action, pour cela, il faut quelquefois utiliser la violence, la naissance d'une nouvelle société se fait dans la douleur, mais après, il faut éviter de retomber dans les défauts d'un pays qui se normalise. Il faut rester concerné. " page 153, le chauffeur de taxi, à Cuba.