vendredi, décembre 31, 2010

LE CHRIST A LA CARABINE (Ryszard Kapuscinski)

(La Palestine, 1974) Les fedayins veulent nous montrer tout: les destructions, le marché aux poissons abandonné, l'unique puits du camp. Ils sont désolés que nous n'ayons pas pris nos appareils photo. Ils voudraient montrer Rashidiya au monde entier. Ils continuent de croire qu'ils vont être écoutés et compris, qu'ils ne resteront pas seuls. L'essentiel est que leur cause soit entendue et connue, que la planète entière sache qu'il existe une cause palestinienne et qu'elle s'interroge: "Pourquoi les Palestiniens luttent-ils?" Pour le moment , toutefois, d'innombrables forces s'emploient à éviter que la question ne soit posée, les gens essaieraient de trouver une réponse en se reportant aux faits et surtout en consultant une carte. Or il suffit de regarder n'importe quelle carte pour s'apercevoir avec stupéfaction que la Palestine est introuvable. C'est bien là le problème. La Palestine est un véritable mouchoir de poche. Ses frontières sont à un jet de pierre l'une de l'autre. C'est ça la Palestine. On peut la traverser en une journée. page 12
Israël est un petit pays, mais il a les prétentions d'une grande puissance. Il a besoin d'une grande administration, d'une grande armée, de grands services de renseignements. Il y des postes vacants partout....Certains juifs ont gardé de la Palestine le souvenir d'un paradis où Arabes, Juifs et chrétiens vivaient en harmonie, personne ne songeait à tirer une balle dans le dos de son voisin. Chacune des trois communautés s'occupait de ses propres temples, il y avait assez de place pour les trois dieux. page14
Tous les prophètes de l'Ancien Testament ont maudit la Palestine, terre de peuples malchanceux. Il suffit de lire la Bible. La Palestine est maudite au début et elle l'est à la fin du Livre des livres. Or l'écriture de la Bible s'est faite sur un millénaire. page 31
Toutes les émigrations historiques déclenchent des mécanismes semblables. Quand on connaît l'histoire des différentes émigrations polonaises, on comprend aisément la situation des Palestiniens; Un pourcentage se met à collaborer avec l'administration du pays d'émigration. Généralement, il s'agit d'une partie de l'aristocratie et de la bourgeoisie ou d'éléments marginaux. Mais la grande majorité se bat pour la liberté. Elle se divise généralement en deux camps: le premier mise sur les démarches diplomatiques ou sur la politique des gouvernements qui lui sont favorables pour gagner son combat; le second, insurrectionnel, considère que le seul moyen de défendre sa cause est de prendre les armes. page 97
(L'auteur rencontre un Palestinien dans l'ascenseur d'un petit hôtel de Beyrouth, il a rendez-vous avec lui) Dans l'ascenseur qui monte, il sort une pomme de son sac et me la tend. pour les Palestiniens, c'est une manière de lier connaissance: on offre un fruit à la personne que l'on rencontre. Les fruits sont la seule et unique richesse de la Palestine. Donner un fruit, c'est donner tout ce que l'on a. page 47
Un homme qui a vécu la guerre est différent de celui qui ne l'a jamais connue. Ce sont deux espèces humaines différentes. Elles ne trouveront jamais de langage commun car on ne peut vraiment décrire la guerre, on ne peut pas la partager, on ne peut pas dire à l'autre: "Prends un peu de ma guerre". Chacun doit assumer la sienne jusqu'au bout. page 48
Lors d'une rencontre avec mes lecteurs, on me demande de comparer la figure de Che Guevara avec celle d'Allende et de dire lequel des deux avait raison. ...A un moment de sa vie, Che Guevara abandonne son cabinet ministériel à La Havane, il laisse son bureau et part en Bolivie où il forme un détachement de guerilleros. Il meurt à la tête de ce détachement. Pour Allende, c'est le contraire: il meurt en défendant son bureau, son cabinet présidentiel. Comme il l'a toujours dit, il n'en sortira que "dans un pyjama de bois" autrement dit dans un cercueil. Apparemment, il s'agit de deux morts différentes. Dans la réalité, la différence ne concerne que le lieu, le temps et les circonstances extérieures. Allende et Che Guevara donnent leur vie au nom du pouvoir du peuple, le premier en le défendant, le second en luttant pour lui. Le bureau d'Allende n'est qu'un symbole au même titre que les savates de paysan de Che Guevara. Jusqu'au dernier moment, tous les deux sont convaincus de suivre la voie la plus juste: pour Guevara, c'est celle de la lutte armée, avec les victimes humaines qu'elle entraîne. Pour Allende, c'est celle de la lutte politique, qui veut éviter les victimes à tout prix. Tous les deux étaient médecins...La façon dont meurent Che Guevara et Allende traduit une détermination et une volonté farouches, une dignité folle. Pendant leurs dernières heures, toutes les possibilités de salut sont rejetées: négociations, pourparlers, compromis, capitulation, fuite. La voie se dégage, s'éclaicit et se purifie, elle ne mène plus que vers la mort. Leurs deux morts sont un manifeste, un dzfi. Elles traduisent leur volonté de témoigner publiquement de la justesse de leur cause et leur résolution à payer le prix fort pour elle... Tous les deux tombent en marchant. Leurs morts sont tellement semblables, leurs vies tellement différentes. Ce sont de spersonnalités différentes, des tempéraments opposés.pages 137,138

jeudi, décembre 23, 2010

LE SANG ET LA MER (Gary Victor)

Estevel (frère de l'héroïne: Hérodiane) garde toujours son calme, ne dévie jamais de la route qu'il s'est tracée. Il sait qu'il doit travailler dur, donner son sang à cette terre s'il veut, un jour, laper sa goutte de ciel. Moi, j'avais cru pouvoir aller plus vite. Nous , les femmes, sommes arrivées, pour notre malheur, parfois, à considérer comme normal, obligatoire même, un chemin , pavé de briques cuites au feu de l'enfer. page 14

Yvan ne comprenait pourtant rien à ma passion pour la lecture. Passion qui me permettait de m'extraire, le temps d'un voyage à travers les pages d'un livre, de l'enfer de Paradi, de l'ambiance fausse et carcérale de Pétion -Ville, du chaos et de la crasse de Port-au -Prince. page 18

J'étais grande et fine. Ma peau noire de nuit, me disait-on, était si parfaite que Dieu aurait pu s'y tromper et y incruster quelques-unes de ses étoiles. J'avais , en plus, les traits fins de mon père qui se vantait d'une obscure descendance taïno. J'avais les lèvres charnues, un nez droit, des yuex légèrement bridés aux prunelles pourpres qui pouvaient par moments, quand j'étais en colère, par exemple, prendre des reflets d'un ciel traversé par des orages. page 40
Un ami de la cousine de notre mère nous emmenait voir une chambrette dans ce bidonville qui portait le curieux nom de Paradi, parce que, nous expliqua celui qui nous guidait, il fallait cheminer vers le ciel pour y accéder. page 47
Je restai un mois à Paradi sans descendre en ville, cloîtrée dans la chambrette qui nous servait de logis. Estevel (son frère) m'avait conseillé de ne pas sortir, le temps qu'il trouve du travail et reconnaisse bien les lieux...Je passai donc mes journées à relire les livres que Soeur Marie-Francine m'avait offerts. Je sortais uniquement le matin avec Estevel chercher de l'eau que nous devions transporter dans des bidons suspendus à une perche sur nos épaules. Le sentier était si étroit que la perche ne pouvait qu'être parallèle au chemin. On trouvait l'eau à une fontaine construite par une ONG quatre cent mètres plus bas. Il fallait presque se battre pour avoir accès aux robinets. page 48
Vu d'en bas, Paradi était un chancre., un non-lieu, un cimetière des vivants, une cité-dortoir pour parias fuyant la province à la recherche d'un mieux-être devenu illusoire dans cette capitale. D'en bas, on ne percevait que ce manteau lépreux de béton et de tôle qui avait tondu la verdure sur la montagne. Mais, d'en haut, face à la ville, on était en proie à une sensation de légèreté et de puissance. Le fait d'embrasser du regard la magnificence trompeuse de la ville incitait aux rêves de conquête et de réussite les plus démentiels. page 50
Je commençai à fréquenter le collège de la Résurrection à Pétion-Ville, étonnée que la résurrection me suive ainsi à la trace, du bord de Saint-Jean aux hauteurs gangrenées de cette cité dont la réputation bourgeoise n'était plus qu'un lointain mythe, depuis que les migrations effrénées avaient permis la colonisation sauvage des montagnes, des rues et des trottoirs. La première semaine, j'allais en civil , ne disposant pas encore d'argent pour me payer la confection de l' uniforme du collège., jupe grise, chemisier blanc et cravate rouge. page 58
(Yvan dans sa Jeep) Il avait la vitre teintée de sa Jeep baissée pour nous faire signe d'approcher. Il était en effet très beau... Nous n'obéîmes pas à son signe. Il pointa son doigt vers moi, doigt qui m'intima péremptoirement l'ordre d'avancer vers lui. Il y avait dans le geste du jeune homme l'affirmation d'une autorité qu'il était sûr de détenir, la certitude qu'une jeune fille d'une classe sociale inférieure ne pouvait se dérober à une telle injonction, peut-être économiquement profitable. Les jeunes gens tels que lui étaient des dieux dans ce pays...J'eus donc conscience de la violence du geste d'Yvan, de tout de qu'il impliquait. C'était l'ordre à son esclave, du seigneur au serf. Je me détournai avec dédain pour m'éloigner d'un pas rapide...Il klaxonnaa furieusement. page 72
Le peu de temps que j'avais passé dans la capitale m'avait permis de découvrir que le sommet de la pyramide sociale n'avait rien à voir avec le mythe de la première république noire du monde. page 82
Habituellement, je venais chez lui,(Yvan) toujours en sa compagnie et dans l'après-midi, quand personne de sa famille n'était présent sauf une vieille servante aussi noire que moi et qui, quand elle me voyait, faisait son possible pour me manifester son mépris même si Yvan la rappelait à l'ordre chaque fois. page 97
"Nous possédions ( la famille d'Yvan) des terres ici, du temps où ce pays était encore une colonie. Nous avons un aïeul proche qui a signé l'acte d'indépendance". Il ajouta..." Cette terre est beaucoup plus à nous qu'aux Noirs. Nous leur avons construit un beau mythe. Qu'ils s'en abreuvent. Qu'ils s'en contentent". page 103
(Hérodiane est en compagnie d'Yvan, un jeune Noir nettoie sa voiture) Yvan ne supportait pas que des mains non autorisées se posent sur sa véhicule qu'il faisait nettoyer et lustrer plusieurs fois par semaine dans un car-wash par un ami à lui. ...Sans me préoccuperde lui, j'avançai vers l'enfant pour lui tendre un billet de cinquante gourdes, puis un autre de même valeur que je crus nécessaire d'ajouter non pas pour atténuer sa douleur , mais pour juguler ma propre douleur et acheter le silence de ma conscience qui me reprochait d'être aux côtés de cet homme. Cet incident me rappelait ma condition de maîtresse d'un bourgeois fortuné, sans doute par une particularité personnelle, ne me permettait pas de me dégager de toute solidarité avec ceux qui restaient , par la force des choses, mes frères et soeurs de détresse et de sang. L'enfant prit l'argent en murmurant un merci à peine audible, ses yeux embués de larmes, une expression de désarroi suprême sur son visage. Je retournai vers la Jeep dont Yvan avait déjà, impatiemment , mis en marche le moteur, les jambes lourdes, traînant après moi le boulet de cette solitude, de cet abandon, de ce mépris qui nous enfonçaient chaque jour un peu plus dans les ténèbres. page 117
"Les Guéras (le nom de famille d'Yvan) n'ont pas la réputation de faire dans le social. Ce sont des prédateurs, des hyènes, rien d'autre. Grâce à leur filiation française, ils ont même profité, plus que d'autres requins de chez nous, de l'argent dit de la dette d'indépendance, argent qui a servi à dédommager des colons français. Ce Guéras vous laissera tomber comme un kleenex dont on vient de se servir" (le directeur de l'école d'Hérodiane). page 122
"Paradi, c'est pour ma famille, avoua-t-il.
-Paradi, pour ta famille? m'étonnai-je.
-Paradi, c'est le nom qu'ont donné au bidonville ses premiers habitants. Mais le terrain sur la montagne nous appartient. Essaie de comprendre. Plus de mille habitations de fortune louées à l'année environ à quinze mille gourdes, cela fait quinze millions de gourdes, soit trois-cent soixante-quyinze mille dollars américains chaque année sans redevance fiscale. Nous nous arrangeons pour faire croire que nos terres sont occupées illégalement et ainsi, nous gardons la possibilté de nous faire dédommager par le gouvernement. Nous plantons de la misère, nous cultivons de la misère et nous récoltons de l'or. page 130
(Hérodiane est enceinte d'Yvan et le lui dit)
-J'ai dix-sept ans, Yvan.
- Je m'appelle Guéras ,me rappelle-t-il. Toi, tu t'appelles comment? Hérodiane...quoi?
Cela avait été une passe d'armes rapide. Une passe d'armes qui résumait notre désespoir à nous de Paradi et de tous les autres Paradi de ce quart d'île maudite, notre abandon, notre souffrance, nos veines perpétuellement ouvertes, nos rêves détruits avant même qu'ils prennent forme. En lui rappelant mon âge, je l'avais menacé de le poursuivre en justice. Lui, il avait rappelé à mon souvenir que sa famille comme toutes celles qui trônaient aux commandes de la première république noire, était au-dessus des lois, que j'étais inexistante, une nouvelle forme d'esclave qui avait moins de valeurs qu'au temps de la splendeur de ses pères blancs. Aujourd'hui, je ne valais que par ma soumission, que par mon corps, mon sexe offert sans réticence à la jouissance des nouveaux maîtres. Et les nouveux esclaves, on ne les achetait plus. On les extrayait d'une mine à jamais inépuisable. Celle de la misère.. Celle de l'exclusion. Et ma place était quelque part si enviable qu'on pouvait trouver facilement dix, vingt, trente Hérodiane, moins rebelles, pour le même service. page 168

mercredi, décembre 22, 2010

ZENITH (Duong Thu Huong)

"Les anciens disent que si tu veux un homme, choisis sa notoriété, si tu veux une femme, choisis sa famille. Réfléchis-y" page 53

(Pendant la guerre contre les Américains)
(A l'armée) Même salle, mêmes beignets, même bouillon de pho. N'empêche, la cantine est séparée en deux. Lui (Ho Chi Minh )a sa place réservée en première classe. Le sol y est surélevé de vingt centimètres par un plancher en bois verni brillant. Les chaises sont de meilleure qualité, les tables recouvertes d'une nappe blanche. La vaisselle est en porcelaine chinoise. L'autre côté est plus bas, carrelé, les meubles y sont en bois grossier, sans nappe et la vaisselle est de fabrication locale, rudimentaire. Entre les deux zones, comme pour bien délimiter, des poteaux de bois reliés par une guirlande de fleurs en papier bariolé. page 64
La vie demande des choses bien concrètes dont on mesure la valeur après coup: toujours après coup..., se dit-il en français, tout en soupirant discrètement. page 98
Les anciens disent que les larmes coulent vers le bas. L'amour d'un enfant pour son père ne peut être comparé à celui d'un père pour son fils. Quand nous aimons nos parents, nous regardons vers le haut. Quand nous aimons nos enfants, nous regardons vers le bas. Les larmes obéissent à la loi naturelle et coulent toujours vers le bas. page 127
Le peuple. Ce n'est qu'un pion sur l'échiquier de l'histoire. Son rôle est d'être utile dans le jeu. S'il devient inutile, il faut le sacrifier. page 135
Le destin?
Le destin ou la volonté?
Le destin: parce que l'Amérique a choisi le Vietnam pour y ériger son mur contre l'invasion communiste.
Le destin: parce que la Chine est tombée entre les mains d'un fou fanatique. Un dément qui avait voulu cette guerre à tout prix. Cette guerre érigera à sa célébrité un monument historique, d'un héroïsme gigantesque:
"La guerre anti-américaine sera dix fois plus importante que celle contre la France coloniale. Notre triomphe ne sera que mille fois plus glorieux.
L'objectif était connu d'avance.
L'arc de triomphe avait déjà été érigé dans les esprits et dans les rêves éveillés de quelques-uns avant que tout ait commencé.
Hélas l'histoire est une partie de dés. La guerre sacrée qui mène un peuple est une pièce de théâtre secrètement conçue dans la tête d'un mégalomane. Des millions de gens sont volontairement tombés car ils avaient cru leurs sacrifices nécessaires à l'avenir de leur patrie, à l'honneur de leur peuple. En vérité, ce sont des moutons que l'on pousse vers un immense abattoir afin de glorifier l'idéologie de quelques cadavres déjà enfouis sous terre. pages 159, 160
"Ne tire pas sur les lianes, tu risques d'ébranler la forêt". page 303
Les paysans exposés au soleil toute l'année voyaient dans une peau claire le summum de la beauté.La peau de Ngan était d'une blancheur magnifique et, elle avait en plus, un léger reflet rose qui lui donnait un air juvénile. page 388
"Chacun vit sa vie, on ne peut comparer.
- C'est vrai. L'embêtant, c'est qu'il n'existe qu'un seul système de valeurs, imposé par les lois et par le pouvoir. Comme si on posait un lit standard en demandant à tout le monde de s'y coucher
et de se débrouiller pour se mettre à sa mesure. page 490
De tout temps, la lutte pour le pouvoir a été acharnée, dépouillant chaque combattant de ses belles qualités humaines pour ne lui laisser que la jalousie scélérate, la ruse abjecte et la vile méchanceté. Il (Vu, un homme proche du pouvoir) n'a jamais voulu admettre que toute cette société est devenue immorale et crapuleuse. Il avait pourtant placé en elle tant d'espérance. D'autres avaient misé sur elle toute leur vie. page 499
(dialogue fictif entre Man (Mao) et Ho Chi Minh)Man : Ce qui vous affaiblit, c'est votre sempiternelle hésitation entre l'Orient et l'Occident. D'abord, vous avez cédé à l'illusion de la démocratie, cette nourriture des diables blancs. Vous avez été le bon disciple de l'Occident, alors que vos sbires sont des indigènes. Quand ils vous ont soupçonné d'être profrançais, ils vous ont donc ligoté comme un cochon qu'on s'apprête à égorger, avec pour instrument le vote majoritaire. Vous qui avez appliqué et enseigné le sacrifice à la justice et à l'intérêt collectif, vous ne pouvez plus vous opposer à vos hommes qui le brandissent. Vous avez oublié que les Asiatiques mangent avec des baguettes et que les rôles de maître et de serviteur sont bien cadrés dans nos sociétés. Entre eux, pas d'égalité, ni de confiance, mais seulement la notion d'utilité. Par le terme de camarade, nous nous imposons au bas peuple, comme un sorcier utiliserait la magie pour diriger les troupes de l'enfer. Ce n'est qu'une écorce, une ombre. Et vous, vous l'avez confondue avec le coeur du fruit. C'est là votre erreur fatale. page 514
(Le Président en conversation avec son chauffeur : il voit dans la rue les filles d'attente) . Ce qu'il avait vu démentait ce que, dans son optimisme, il avait imaginé. La réalité, c'étaient des files d'attente où hommes et femmes se bousculaient tels des moutons dans un enclos. Sur les visages exténués, se lisaient la sous-alimentation, l'humiliation, la pression de la peur, du malheur et de la haine. Des visages de futurs malades attendant d'entrer en hôpital psychiatrique. page 557
Lors de la réunion du Bureau Politique le lendemain ( de la scène des files de gens affamés), il avait demandé à revoir la politique économique afin de redresser la situation. Il avait insisté sur le mot : bonheur. Aucune libération n'a de sens si elle n'apporte pas plus de bonheur à l'homme. Une révolution n'est qu'une folle et cruelle aventure si elle n'offre pas plus de liberté et une vie plus digne. De même pour l'indépendance. L'indépendance d'un peuple n' a aucune valeur si elle ne satisfait pas les besoins élémentaires. Personne n'avait objecté. Personne non plus ne l'avait écouté...Les généraux se distribuaient les richesses du palais. Le pouvoir de chacun se mesurait désormais au luxe de sa résidence, aux privilèges de ses acolytes ou de sa famille. Plus grand monde se souciait de la collectivité, car les intérêts particuliers ont toujours été prépondérants chez les hommes. Les soucis du Président étaient devenus futiles et sans intérêt. Toute la machine gouvernementale était à leur propre service, un service illimité, tandis que pour se nourrir, le peuple devait se serrer la ceinture dans les files d'attente, comme des moutons devant une parcelle herbeuse. pages 560, 561

mercredi, décembre 15, 2010

L'ANNEE DE LA VICTOIRE (Mario Rigoni Stern)

L'Italie du Nord , au lendemain de la 1è guerre mondiale, la population des villages a fui devant les Autrichiens en 1914. En novembre 1918, elle revient , tout n'est que champs de ruines, en combré d'obus, de cendres, de cadavres. Le retour à la vie sera longue et difficile. C'est un livre sur le courage de vivre, l'absurdité de la guerre...
On perçoit la montée du fascisme et l'impact de la révolution russe de 1917.

samedi, décembre 11, 2010

QUI A TUE PALOMINO MOLERO? ( Mario Vargas Llosa)

Roman qui se lit comme un polar social, humain, plein d'humour. Il décrit les moeurs péruviennes et les décalages sociaux du pays.

vendredi, décembre 03, 2010

LES SENTINELLES DES BLES (Chi Li)

C'est bien plus tard que les souvenirs d'enfance s'infiltrent au coeur de votre existence, et c'est seulement alors que vous comprenez ce qui a donné à votre vie son assise et ses frontières. Et certains soirs, les cloches que vous avez entendues dans votre jeunesse, résonnent longuement à vos oreilles. page 78
Jadis, nous faisions attention aux moindres détails de la vie quotidienne, nous étions économes, travailleurs, il ne fallait rien négliger, chaque tâche devait être accomplie avec soin. Dans cette existence soigneusement réglée, le temps s'écoulait lentement de sorte que nous n'en avions rien oublié. Quand nous passons la main sur cette vie, il nous semble l'entendre craquer sous nos doigts. Alors qu'aujourd'hui, la vie est devenue tellement banale, qu'on ne se souvient même plus de ce qu'on a fait la veille. page 126