dimanche, avril 18, 2021

ARBRE DE L'OUBLI ( Nancy Huston) 2021

 Quand s'ouvre ce livre, Shayna, qui  n'est plus une enfant, arrive à Ouagadougo. Nous sommes en 2016. Elle porte en elle toutes les questions et contradictions de notre temps, celles du féminisme, de la procréation, mais aussi du genre et de la laïcité . Et c'est à l'écoute de ce personnage, de cette jeune femme à l'intériorité confisquée que Nancy Huston, entraînant  dans son sillage de lumineuses interconnexions humaines, compose un roman virtuose et généreux. 

( Deux familles: celle de Lili Rose, protestante et celle de Joel , juive.

BRONX 1945. Jusque là, lui et Jenka  étaient des juifs laïcs du genre : Il y a un seul Dieu et nous n'y croyons pas. , genre répandu  pour ne pas dire majoritaire dans les métropoles européennes d'avant-guerre, mais à présent, ils ont décidé  qu'en souvenir de tous  les membres de la famille  qui ont perdu leur vie, les garçons porteraient la kippa et iraient à l'école hébraïque le mercredi soir et le dimanche matin. page 21

NASHUA 1955-1960. Est-ce qu'on peut mettre son âme à la banque aussi pour l'investir  plus tard et en tirer profit? page 24

MANHATTAN 1994. Joël est  père de la tête aux pieds. page 27. ...Quand il rit à une de tes blagues, c'est comme si tu mordais dans une tranche de pain grillé recouverte de miel et de beurre fondu. page 28

BOSTON 1965.( Lily Rose prend le car Greyhound, seule, pour Boston chez des cousins; Son père vient de décéder. ) C'est pas contagieux , la pauvreté. page 56 Lily Rose  comprend que pour être un homme ici, il faut avoir une voiture au moteur gonflé. page 57 (ses cousins ne s'intéressent guère à elle)

MANHATTAN 1998. Pourquoi les athées, ils n'ont jamais rien  à fêter? Interloqués, Joel et Lily Rose se regardent, consultent. page 60

MANHATTAN 1958.  (Jeremy, futur avocat et son frère Joel) Dépité par la manière dont ses parents prédisent un brillant avenir d'avocat à Jeremy dont ils chantent sans cesse les louanges, Joel  décide de mettre des bouchées doubles pour son mémoire de terminale...Il consacre tout son temps libre  à rédiger  cent pages de pensée fervente et passionnée sur les rapports entre l'homme et l'animal. " La plupart des religions primitives, dont le judaïsme, écrit-il,  pratiquèrent le  sacrifice animal.  La mise à mort rituelle des bêtes permettaient  aux humains d'appréhender leur propre mortalité. puis les chrétiens  apportèrent  une nouvelle idée.  Ils prétendirent que  leur dieu  avait sacrifié son propre fils pour  rédimer  leurs péchés et  que le fils en question avait demandé à ses disciples  de recourir à un sacrifice symbolique et non réel...page 79

MANHATTAN 1958- 1966. A partir  de cet entretien dans le bureau  du directeur  ( suite à son mémoire de terminale) , la vie de Joel Rubenstein suit une trajectoire toute droite vers le succès...Accepté en premier cycle à Columbia, , il s'installe dans l'Upper West Side et n'en bouge plus.  page 99 Pendant ce temps, la guerre du Vietnam fait rage, mais Joel, aveuglé par sa passion est pour ainsi dire imperméable à la politique. Jeremy, au contraire, suit l'actualité de près. ...L'idée que l'armée américaine pourrait appeler les frères Rubenstein  sous les drapeaux, et les envoyer  risquer leur vie dans l'enfer  de l'Indochine,  ne les effleure même pas, étant donné la solidité de leurs dossiers universitaires et l'aisance économique de leurs parents. page 100 Leur  arbre généalogique  ayant été décimé par les nazis, Pavel et Jenka (parents de Jéremy et Joel) sont impatients d'avoir des descendants. (Jeremy vit avec un Arnold) page 101

MANHATTAN 2003. Que faire de Shayna? (fille de Joel) " Tu resteras chez tes grands-parents à Nashua annonce Lily Rose d'une voix joyeuse. - Mais je les connais à peine. - Oui, mais c'est quand même tes grands-parents, c'est ta famille. - Mais même toi, tu ne les supporte pas! Tu ne veux jamais leur rendre visite!...- Ce sont de braves gens, au fond , renchérit Joel, légèrement mal à l'aise. .  page 116 "Eilen a préparé pour toi la chambre  la plus petite: ça  me fera moins de travail après ton départ. page 118

MANHATTAN 1970. (Un soir de mai, Joel rencontre Natalie au restaurant). Malgré leur différence d'âge, Joel et Natalie  ont envers leurs origines juives  des sentiments étonnamment semblables. Ils sont allés jusqu'au bar et bat-mitsvah et basta. Mais pour faire plaisir à leurs familles respectives, ils décident d'organiser  un  mariage traditionnel  avec auvent blanc, rabbin barbu, verre à vin fracassé, hommes dansants  et tut le tralala. page 131

MANHATTAN 1970-1975. Le professeur Rubenstein  étant marié à présent, l'université  lui attribue  ...un appartement ..Joel fait  déménager les affaires de Natalie  et lui dit , si elle le désire, elle peut laisser tomber   son emploi de serveuse. ....Natalie est tellement jeune! Elle n'a  que vingt ans ...Vingt-et-un....page 143 Au cours des premières années de leur mariage,  Natalie et Joel  font des efforts sincères pour se familiariser  avec le monde de l'autre. page 143...Natalie passe de nombreuses soirées  dans des appartements étouffants de professeurs  plus âgés que ses propres parents, à fixer désespérément les verres en cristal, les couverts en argent,  page 144 Fondant en larmes, Natalie explique qu'elle ne comprend rien aux sujets dont ils parlent, qu'elle s'en fiche d'ailleurs éperdument et n'aurait jamais dû l'accompagner à cette soirée. ...Et parce que Joel réagit à ses accès d'humeur avec une patience infinie, les crises empirent...page 145

NASHUA 1970-1971  Les garçons se servent d'elle...Quand ils ont fini de se servir de son corps, elle rentre chez elle et se gave de savoir....A la fac, Lily Rose déploie le même comportement robotique qu'au lycée, acceptant tour à tour des quantités ahurissantes d'hommes dans son corps et des quantités ahurissantes de savoir dans son esprit. page 149

MANHATTAN 2005. Shayna. (fille de Joel) (Elle est à La Havane avec son père.) Tu écarquilles les yeux, Shayna: c'est ton premier contact avec la vraie pauvreté. ....Mais petit à petit, en te mettant à leur place, tu commences à voir ce qu'ils voient: toi, ado basanée et bien en chair, sapée d'une minijupe verte serrée, d'un débardeur blanc  sans manches et des  sandales blanches  à talons plats avec un motif  de paillettes roses; Joel, homme beige de soixante - cinq ans, vêtu d'un élégant jeans noir, d'une chemise blanche Lacoste à col ouvert et à manches courtes et de coûteuses  baskets noires. ...Dans la rue Acosta, une femme te crache aux pieds. Joel s'arrête net et  la foudroie du regard. Elle envoie son deuxième mollard...."Ne fais pas attention Shayna dit-il, nous on connaît la vérité, eux , non." page 157 Joel voudrait  que tu sois rassurée  par ce qu'il appelle la vérité, à savoir qu'il est ton père génétique, qu'il t' a élevée depuis la naissance et que votre différence  de carnation ne regarde personne. page 158

MANHATTAN 1971. "La race n'existe pas dit Joel. - C'est ça, dis-tu. - La race , renchérit Joel, n'est plus ni moins qu'un mythe utilisé par les puissants pour justifier leur oppression  des impuissants. -Tu es une enfant désirée, Shayna. On t'a aimée avant même ta naissance . C'est ça qui fait de toi notre fille, dit Lily Rose. page 171

MANHATTAN 2005. " 'est-ce- vrai que ton père est Joel Rabenstein, l'anthropologue , c'est ton papa? - C'est vrai -Et ta maman, c'est une soeur de couleur. Non...ça t'étonne , hein? ..;ou plutôt si, dis-tu enfin. En fait ma vraie mère est une soeur de couleur  mais je ne l'ai jamais rencontrée. Elle habite Baltimore. - Ah... Felisa ne dit pas un mot de plus ( Une amie d'école haïtienne. page 183

MANHATTAN  1979-1982. Au bout de neuf ans, le couple Joel- Natalie ne s'effondre pas encore mais il se délite sérieusement.  page 189

MANHATTAN 1985. Fasciné par l'attitude décontractée de la jeune femme, (Lily Rose) et son air fragile, Joel la convainc de sortir avec lui, prendre l'air sur le balcon (du restaurant) . Là, il apprend qu'en plus d'enseigner à CCNY, elle prépare une thèse de doctorat sur le suicide chez les grandes artistes femmes, un pavé de plus de  cinq cents pages qu'elle espère transformer en livre, un jour. - Et vous demande-t-elle.-  J'essaie d'aller un peu plus loin avec le même thème reconnaît-il. Je réfléchis à la capacité humaine de suspendre l'empathie...." Cette nuit-là, Lili Rose découvre l'appartement  (de Joel) page 208

Tout en aimant profondément ses parents, Joel prend la décision de ne plus se tordre dans les affres de la culpabilité. Basta à la fin. Après tout, il est grand maintenant - et lesté, qui plus est, de responsabilités onéreuses, non seulement en tant qu'anthropologue respecté et membre  de la prestigieuse Académie des  sciences mais en tant que réparateur attitré de l'âme de Lili Rose Darrington. page 212

MANHATTAN 1985-1988. Enfin, un jour où elle Jenka, ( la mère de Joel) a invité le couple à un goûter d'anniversaire...Jenka décide de mettre les pieds dans le plat. " Où sont mes petits-enfants? dit-elle dès qu'ils ouvrent les portières de la voiture.  Lili Rose blêmit..;" Hé, vous les avez mis où? mes petits- enfants? Ils sont cachés dans le coffre. Page 227 Pardonnez- moi de vous le dire, fait Jenka. Mais vous ne rajeunissez ni l'un ni l'autre. Toi, tu as quarante-huit ans, ta femme en a trente-trois.  page 228

MANHATTAN 2007. (Lili Rose invite sa fille Shanya au restaurant) Des têtes se tournent dès que vous entrez. Lili Rose est la seule beige.  " Tu es crispée. Clairement, Lili Rose a décidé de te dire quelque chose....Merci d'être venue. Merci Shanya. J'ai besoin de te raconter quelque chose. je pensais que je ne le ferais jamais....Oh, ma chérie....On remonte loin, toi et moi, hein? Je veux dire ....je t'ai rencontrée quand tu avais un jour, et adoptée quelques jours plus tard. ...comme j'étais fière et excitée de m'embarquer dans cette aventure familiale avec ton père....Je me dis qu'il fallait que tu connaisses cet épisode  de notre passé lointain parce que...eh bien, il est là et on ne peut l'effacer.....Tu es glacée de rage Shanya. ...Te levant abruptement, tu tournes les talons, vas jusqu'à la porte à grands  pas et quittes le restaurant, laissant Lili Rose se débrouiller seule....pages 2030, 231, 232

MANHATTAN 1990.  (Lili Rose fait une tentative de suicide car elle ne peut avoir d'enfant). Aretha ( une infirmière) de lui faire une esquisse rapide  des astreintes de la fécondation in vitro....Joel pousse un soupir. (Aretha suggère que sa soeur  Selma soit la mère porteuse) page 253

MANHATTAN 2008.  Shanya: tu en connais trois certitudes:  que Shelma Parker  est née à Baltimore  le 18 avril 1968...Qu'elle habitait à l'ouest de la ville et que c'est sa soeur Aretha, infirmière obstrétique à l'hôpital Saint-Luc  de Manhattan, qui a fait le line avec ton père. (Shanya  a un rendez-vous avec Aretha) " Peut-être que je pourrais ....lui écrire une lettre? - plus personne n'écrit de  lettres de nos jours. Pas Shelma  en tout cas - Ah bon? ...Mais je ne  pourrais pas juste...lui mettre un mot pour demander ....si je peux venir à Baltimore? Pour faire connaissance, tu vois? - Je suis désolée , ma chérie..Mais ...elle n'en verrait pas l'intérêt, j'en suis sûre. page 259

MANHATTAN 1991. Joel Rubenstein versera  à Selma Parker trente mille dollars si  elle accepte de porter son enfant, qui sera aussi l'enfant de Lili Rose Darrington car celle-ci l'adoptera à la naissance, l'aimera , le chérira, l'éduquera et l'élèvera jusqu'à l'âge adulte.  Les gènes juifs sont transmis. Cette pensée involontaire prend Joel au dépourvu. page 269

BROOKLYN 2010. Alors que Selma  ne veut rien savoir de toi, tu es de plus en plus affamée de détails sur elle. Avide de tout comprendre sur son passé,  ses origines,  ses ancêtres, la ville de Baltimore...page 278

BALTIMORE et TEREZIN 1991.Les dés sont jetés. Le miracle a lieu. Un minuscule embryon s'est formé dans l'utérus de Selma Parker. page 287

BALTIMORE 201. Alors que  tu approches de ton vingt-cinquième anniversaire,  Lili Rose informe  Joel de son intention de divorcer  pour incompatibilité. Comme d'habitude, Joel préfère ne pas faire de vagues  , et le couple opte finalement pour un divorce à consentement mutuel . page 291

BROOKLYN 2015. A l'une de  ces réunions, vers la fin du printemps 2015, elle (Felida, une amie haïtienne de Shanya) te présente Hervé , médecin haïtien,  ..Il t'invite à dîner. Tu es fascinée par ses doigts. Sa voix.  Son accent créole et français. Le feu de ses yeux. La joie franche des on sourire quand il te regarde. La blancheur de ses dents quand il éclate de rire. ...Etre aimée de cet homme te plonge dans  un étonnement sans fin.... "Tu ne peux passer ta vie à étudier. Tu n'as encore jamais travaillé? - Non; lui avoues-tu. IL doit partir au Mali en janvier, en lien avec un projet de reforestation de la fondation Turing... " Viens avec moi. dit-il. Germer vaut mieux que gémir...L'Afrique va être un choc pour toi... page304





dimanche, avril 11, 2021

IMAGINER LA PLUIE ( Santiago Pajares) 2017

 Il n'a jamais connu que les dunes et le désert, et pour toute compagnie sa mère qui lui raconte un monde détruit par la folie des hommes. Ici, point de rose à soigner, point de renard ou de planète à chérir, seul compte l'essentiel: un appentis pour s'abriter  des tempêtes de sable; quelques palmiers et un puits, beaucoup de lézards...et de rares légumes.  Consciente que son petit prince devra un jour  désirer autre chose, la mère fait de lui le dépositaire de ses souvenirs. Elle lui représente ce qui composait l'existence d'avant: le goût du café fumant, l'arôme des fleurs, la rosée du main sur les fougères, les notes d'un piano - mais aussi la haine, la cupidité, la guerre. Elle sait qu'un jour, il faudra partir. Ainsi, lorsqu'elle meurt, le garçon, terrassé par le silence, entreprend un long voyage pour revenir vers les hommes. 

Avec cette fable post-apocalyptique d'une rare poésie, Santiago Pajares interroge ce qu'il reste de nous lorsque les corps sont  soumis à la survie et à la solitude et s'attache à l'inventaire de ce qui est réellement indispensable à notre bonheur. 

Le sable. Le sable à perte de vue.  Dans toutes les directions. Et au milieu de ce néant, qui n'est que sable, un petit puits, deux palmiers, un potager minuscule et un appentis. Et moi, sur le toit, essayant d'imaginer la pluie. ..Voilà  ce que je fais. J'imagine la pluie. Mère en a vu beaucoup , et souvent. Pour elle, c'est une chose normale, sans importance. Pour moi,  c'était inconcevable de trouver normal de voir tomber l'eau du ciel. page 9

Une chose ne peut vous manquer que si vous l'avez connue. je ne peux détester le désert. je n'ai connu rien d'autre. page 11

Dans un monde de sable, elle (sa mère) me montra comment avoir un coeur de pîerre...Elle m'apprit à me battre jusqu'à ce que je gagne ou tombe. Elle ne me laissa jamais gagner. page 13

Mon nom est  Ionah. Il signifie "colombe". Ma mère m'a appelé Ionah en souvenir de cet animal  dont la seule obsession était de revenir à la maison. page 15

Mère m'a appris que le puits était la chose la plus importante, beaucoup plus importante qu'elle-même. Sans cette eau obscure, on mourrait irrémédiablement. page 16

" Pourquoi manger des lézards - A cause des protéines. - Mais eux aussi ont besoin de protéines - Ils mangent des insectes pour en avoir.  - Et nous, des lézards. - Oui. ..;- Si les lézards mangent des insectes,  et nous des lézards, ....Qui nous mange?  - Nous nous dévorons les uns les autres. page 20

Les tempêtes de sable, c'est la façon  qu'a le désert de crier. ...Le désert nous parle, mais comme tous ceux qui  parlent, il crie aussi. page 21

Si je te racontais ce que j'ai connu, tu désirerais des choses que tu ne pourrais pas avoir. Le désir peut rendre fous dans un endroit pareil. page 25

Je savais que mère ne voulait pas entrer en contact avec quelqu'un. Moi non plus, je n'aurais pas su comment me comporter si on avait essayé.  page 29

Mère m'apprit à écrire  dans le sable.  Avec une baguette longue et fine, elle dessina toutes les lettres, d'abord la majuscule, et la minuscule à côté. ...;J'aurais aimé écrire une phrase sur une feuille de papier, pour ne pas l'oublier  et pouvoir la relire des années plus tard, mais mère n'en avait pas beaucoup, elles étaient imprimées des deux côtés et les marges étaient pleines de griboullis......page 31

Mère m'explique que les mots servaient à se rappeler ce que nous ne voulions pas oublier, ce qui était arrivé d'essentiel pour nous.  page 32

" Tu voudrais que ton père vive encore? - Oui. - Pour ne pas être toute seule? - Je ne suis pas seule.je suis avec toi. C'est suffisant. page 43

Mère me raconta qu'avant que tout change, il y avait des moyens de soigner sa maladie ou du moins, de ralentir sa progression.  Elle me parla d'antibiotiques et de médicaments.....Elle toussait dans un chiffon et me demandait de ne pas m'approcher. page 45....J'essayais d'être son antibiotique, de repousser la progression  de sa maladie, de lui laisser le temps de tout me raconter , même si c tout n'était pas suffisant. page 46....Ils avaient tous des armes et étaient pétris d'angoisse, ils avaient peur d'être privés d'eau et de nourriture. Ils préféraient mourir en défendant leurs biens, plutôt que de vivre dans l'incertitude. Parce que personne ne savait s'il y aurait un lendemain. page 46

Mère est morte, Elle s'appelait Aashta. Cela signifie  "foi". Quand je lui ai demandé la signification de son nom,   elle m'avait répondu : " La foi, c'est ce qui reste quand il ne reste rien". page 51

Je m'appelle Ionah. J'ai vingt et un ans et depuis l'âge de douze ans, je n'ai parlé qu'à moi-même. page 55

Vient  toujours un moment où un pas de plus signifie "mort" ou " victoire". ...J'ai essayé six fois et six fois, j'ai fini par faire demi-tour. ...Je n'ai pas peur de la mort. Mourir , ce n'est rien. Nous allons tous mourir. mère est morte et cela m'arrivera aussi. ...Comme j'aimerais posséder ce que ma mère  appelait un pistolet pour me coller une balle  dans la tête avant de m'écrouler, vidé de mes forces. page 57

J'ai peur d'oublier les mots de mère....Tous les jours, je me récite ses vieilles histoires , à haute voix, comme elle me les a apprises. Pour ne pas oublier. page 58

Je connais les sons du désert. je sais comment bruissent les feuilles du palmier bercées par le vent et la course  des dunes. Je reconnais la reptation d'un serpent sur le sable et le seau contre les dures pierres  plates du puits.  Autant de sons qui représentent  pour moi une portion de l'éternel désert. Page 60

Je t'ai déjà que l'échec n'a pas d'importance, ce qui compte, c'est  de faire ce que tu crois devoir faire. page 65

Rien ne survit seul dans le désert, pas même les pierres. Je jure tout bas de changer de direction. Il ne bronche pas. J'ai peur de le toucher. J'ignore s'il est vivant ou  mort , mais je sais ce que c'est, même si je n'en ai jamais vu. c'est un homme. page 70 ( Ionah a quitté l'appentis et veut aller vers des lieux habités et voici qu'il rencontre un homme presque mort).  (Il revient avec cet homme vers l'appentis)

Il y a des choses pires que la mort. - Par exemple? - La solitude. ( il parle à sa mère décédée). page 71

Il me sourit. Me tend la main. Je me rappelle les propos de ma mère. Je sais que c'était une coutume des gens avant  que tout change. Je mets ma paume dans la sienne. Je la serre et la secoue de haut en bas. Et je comprends la raison de ce geste. Il est agréable.  " Merci de m'avoir sauvé la vie, Ionah. - Tu en aurais fait autant. Il rit bien que je n'aie dit aucune plaisanterie. je lui demande : " Comment t'appelles -tu?  IL réfléchit un instant, comme s'il ne se rappelait pas de son propre nom. - Je m 'appelle Shui.  - Ce qui signifie ? - ça signifie "eau" . Eau. Il s'appelle eau. J'ai trouvé Eau dans le désert. page 80

" Qu'est-ce qui t'inquiète, Ionah?  - Le puits. Les pièges pour les lézards. Les tempêtes de sable. Le potager. Les mots de mère.  - C'est tout? - Je crois. - Tu as de la chance, Ionah. Tu ne le croiras peut-être pas, mais tu as de la chance.  Cela me met mal à l'aise....Avant de me coucher, je lui parle: " je ne vois pas en quoi j'ai de la chance. - Tu n'as plus rien à perdre." page 82

Le jour ne s'est pas encore levé. Shui est sur l'auvent, assis....Je ne dis rien. Lui non plus. La clarté commence à poindre....Un halo de lumière avance sur le sable.  " C'est toujours ainsi? - Toujours. - C'est beau. De ma vie, je n'avais vu quelque chose d'aussi beau..." Je ne dis toujours rien. Je ne sais que dire...." C'est pour ça que j'ai de la chance?  - oui, Ionah.  Sa voix se brise. Je le regarde. Il pleure. J'essuie les larmes de ses joues. page 84

"Tu sais pourquoi les blessures laissent des cicatrices?  - Non - Pour ne pas oublier. page 90

(Il y a dehors une tempête de sable) Je ferme la porte et colmate l'encadrement avec des chiffons pour empêcher le sable de pénétrer. Les mains de Shui tremblent. Il serre  son sac dans  ses bras, mais il constate que l'appentis résiste et qu'on est à l'abri, il semble se détendre. " C'est le désert qui crie. - Il crie haut et fort. - Oui. Que fait-on pendant la tempête? - On attend. page 92

Ce ne sont pas des mensonges, ce sont des contes. - Quelle est la différence? - On dit des mensonges pour tromper les gens. Les contes,  c'est pour qu'ils se sentent bien. page 94

Le destin, c'est croire que le chemin  que tu dois suivre  est déjà marqué. page 101

Dans le désert, on ne classe pas les choses en faciles ou difficiles, mais en possibles et impossibles. page 105

Shui  ne dit presque plus rien. Je crois que le désert a mangé ses mots....Maintenant, il sait être silencieux et écouter tout ce que je n'ai pas à dire, ce qui est déjà beaucoup. ...Le désert; c'est s'asseoir  et écouter quelqu'un qui n'a rien à dire. page 115 

"Tu m'as donné ce que personne n' a jamais pu me donner, Ionah. Tu m'as donné une perspective. Tu m'as sauvé du désert.....Tu m'as aidé à réduire ma vie à l'essentiel. page 116

Ce qui m'inquiète, que nous puissions vraiment tout réduire à l'essentiel, et à ce qui est vraiment indispensable, et survivre.  - C'est bien le but, non? Obtenir le nécessaire. - Oui, Ionah. Mais le but ne doit pas être la simple survie. L'être humain s'est toujours battu pour progresser. page 135

" Que sais-tu de l'amour Ionah? - Je sais qu'il existe, mais que nous ne pouvons pas le toucher, comme la peur ou la faim. - L'amour est une force, Ionah, mais c'est pas la force la plus puissante. ...- Et quelle est la force la plus puissante? - La peur. Tu choisis qui aimer, mais pas de qui ou de quoi tu as peur. page 147

Parfois, on peut se sentir  mieux sans être joyeux pour autant.  j'aime aller mieux. Shui  aussi, je crois. page 151

Pour moi,, avoir une chose, la perdre, la récupérer et le reperdre, c'est bien pire  que de l'avoir jamais eue. page 16...."sais-tu ce qu'on dit sur les amis? - Non. - Qu'on peut tout leur pardonner. page 161

(Shui a été mordu par un serpent, sa santé se détériore et il se jette dans le puits.) Shui est au fond. Il est tombé dans le puits. - Shui est mort, Tu ne peux rien pour lui. - Mais Shui est...Il est tombé...Il s'est jeté... - Ton puits est perdu....page 166

C'est une chose étrange de faire une chose pour la dernière fois. Assis sur l'auvent, les mains sur les cuisses, , je regarde devant moi et j'attends l'aurore. Je vais partir, mais il y aura encore des aurores, même l'éternel désert ne pourra rien changer à cela. page 169

(Ionah a quitté son appentis, son puits etc...il marche dans le désert) ) Au point où j'en suis, je pense que chaque pas sera le dernier. Quan j'avance le pied, et l'enfonce dans le sable, je ne trouve pas la force d'avancer l'autre pied. ....La force est mystérieuse. Elle st en vous, mais elle ne vous appartient pas. page 201

Je dépasse encore une dune, et la voilà. Tant d'eau. Tant de bleu. Tant de beauté que je peux à peine, noyé par ces dunes d 'eau qui se poursuivent  avant de mourir dans le sable. Au bord de cette mer, trempé, je regarde la lisière du désert, incapable d'absorber toute l'eau qu'il accueille. page 204

Tous les enfants ne grandissent pas pour devenir  des hommes, et tous les hommes ne vieillissent ppas pour devenir des vieillards. page 221

Soudain, j'entends un grand bruit dans le ciel et je sens un chatouillis dans tout le corps. j'ouvre les yeux et je vois plein de nuages gris. Il pleut. Des gouttes tombent par milliers, par milliers. Elles me trempent les cheveux et la peau..  J'ouvre la bouche et les gouttes descendent dans ma gorge....Je m'allonge, la bouche grande ouverte, et j'éclate de rire, mais c'est un bon rire ,aussi bon que l'eau  que le désert pleure sur moi. Car c'est le signe  que tout recommence à changer. page 229

Je sais au moins qu'il a plu, je n'avais jamais vu pleuvoir....J'ai vu l'avion par lequel ma mère est venue. J'ai vu la mer. J'ai vu la pluie. Pour toutes ces raisons, je peux considérer que j'ai de la chance. je sens que j'ai plus de pas dans mes pieds que de dunes. page 230

J'ai peur de parler. je crois que je suis resté trop longtemps silencieux. page 263 ( Ionah a quitté le désert et explore un fort de l'armée sans doute. Il y trouve de l'eau, des provisions  nombreuses et inconnues).

Je ne suis pas sorti du désert pour survivre, j'en suis sorti  pour ne pas mourir tout seul. page 275

(dans le fort, il voit deux hommes et une femme). Ils braquent leur fusil sur moi ne criant mais moi je ne les comprends pas....Tout ne s'exprime pas avec des mots, le désert m'a appris cela aussi. page 277

Avant, pour me nourrir, je me battais contre le désert et maintenant,  pour me nourrir,  je me bats contre d'autres personnes. je me demande si  c'est cela le progrès.  page 288

Je grandis , j'apprends  des choses. Et si j'ai appris quelque chose pendant toute cette période, c'est que la vie vous surprend toujours.  Peu importe ce que vous pensez ou ce que vous avez prévu, la vie vous offrira toujours une vision plus vaste, inimaginable. Maintenant, je le sais, parce que je l'ai vécu. page 293

( Il prend l'avion avec les trois personnes qu'il a rencontrées dans le fort, plus d'autres).  Et avant de nous enfoncer dans les nuages, j'embrasse l'éternel  désert d'un coup d'oeil.  Alors, je le rends compte que mon monde est petit et que ma vie n'appartient qu'à moi. Pas à ma mère, ni au désert, à moi seulement;  Et que désormais, moi, et moi seulement, déciderai où souffle le vent.  page 295. 


mardi, avril 06, 2021

KIBOGO EST MONTE AU CIEL ( Scholastique Mukasonga) 2020

 De Kibogo, le fils du roi , ou de Yézu des missionnaires, lequel  des deux est monté  au ciel? Qui a fait revenir la pluie, sauvant ainsi son peuple de la sécheresse et de la famine? Est-ce Maria de la chapelle ou la prêtresse de Kibogo qui a dansé sur la crête de la montagne au-dessus du gouffre? 

Au Rwanda, colonisation et évangélisation avaient partie liée. En 1931, la destitution du roi Musinga qui refusait le baptême entraîna la conversion massive de la population. Souvent, ces baptêmes à la chaîne, pour beaucoup opportunistes, aboutirent à un syncrétisme qui constituait une forme de résistance. 

Est-ce qu'il fallait  croire aux contes que prêchent les pères blancs à la longue barbe ou à ceux que raconte votre mère, chaque soir, à la veillée, jusqu'à ce que le foyer ne soit plus que braises rougeoyantes?

Dans ces histoires miraculeuses, la satire se mêle d'humour et de merveilleux: un  immense plaisir de lecture. 

 RUZAGAYURA.

Les fleurs, c'est pour la guerre. Nous autres, Rwandais, on nous a dit: on doit faire des efforts pour la guerre, la guerre des Belges, la guerre des Anglais, la guerre des Allemands, la guerre de tous les Blancs.  Ces fleurs sont des médicaments pour les soldats qui font la guerre..  Il faut beaucoup de fleurs...Page 11

Et les enfants cueillaient, cueillaient les fleurs, sous le soleil, sous la pluie. Ceux qui allaient à l'école, n'allaient plus à l'école. On les emmenait avant que le soleil se lève, et ils revenaient à la maison la nuit tombée. Ils étaient épuisés, ils n'avaient même plus la force de manger. Et ils pleuraient, et ils pleuraient et ils tombaient malades et quand les mères ont caché les enfants, on est venu chercher les pères et ils ont reçu Ibiboko, huit coups de fouet.  page 12

Mais les chefs avaient peur de leurs maîtres blancs..   Page 13

Oui, c'est alors que  Ruzagayura, la grande famine, vint s'abattre sur les pauvres Rwandais, sur les hommes affamés, sur les femmes amaigries,  sur els enfants malingres. ...On attendait la pluie....On l'attendait pour planter  les haricots, les petits pois,  le sorgho.  page 14  Les bébés périrent les premiers, les mères n'ayant plus de lait, les enfants aux grands yeux vides mangeaient de la terre , les vieux se cachaient pour mourir,, des colonnes faméliques erraient , cherchant, en vain, un peu de nourriture.  page 15

Et puis, ce sont les pères qui sont venus.....page 18 "le prêche: "Alors, vous savez maintenant pourquoi Yezu retient les nuages, pourquoi il vous refuse la pluie. et vs faiseurs de pluie, vos abavubyi, et leurs simagrées n'y peuvent rien. Ils ont beau agiter leurs fétiches, leurs baguettes qui commandent , selon eux, à la pluie, Yézu leur  a enlevé leur puissance s'ils  en avaient une. Maintenant, en vérité, je vous le dis, c'est Yézu, c'est Maria qui ramèneront la pluie. C'est eux qui commandent aux nuages...Page 19

Du sermon du père, personne ne trouva à redire. Tou tle monde s'était habitué à ses remontrances plus ou moins véhémentes. page 21

Mukamwezi était la dernière païenne  de la colline. Toute jeune, elle avait quitté sa famille pour la cour du roi Yuki Musinga afin d 'y tenir le rôle de prêtresse d'un culte mystérieux à présent oublié par la plupart. Elle avait été chassée de l'enclos royal lorsque le roi Musinga  avait été destitué par les Belges comme leur avait soufflé le monseigneur qui s'appelait Classe. le nouveau roi avait cédé aux missionnaires la colline où s'élevaient les huttes des palais de son père et ceux-ci avaient édifié une grande  église dédiée au Christ-Roi.  page 29

"Mukamwezi, dit Karekkezi, d'une voix hésitante, fais revenir la pluie, peut-être que tu le peux. Nous croyons que les nuages répondront à tes appels. Toi, tu es Mukamkibogo...."  - "Dans deux jours, je vous dirai....Peut-être."  page 32

La pluie était de retour: elle n'avait pas abandonné le Rwanda: Il fallait semer, replanter ce qu'on avait  pu sauver des semences et de boutures... "Rendez grâce , commença le padri,  et surtout à Maria  qui a si bon coeur: c'est elle qui nous a rendu la pluie..."page 42

AKAYEZU. 

C'est maintenant qu'il faut raconter l'histoire d'Akayézu. Même si ce n'est pas tout à fait un conte, il faut quand même la raconter. Akayézu, c'était la saison sèche qui le ramenait. La poussière avait déjà roussi les feuilles de bananier quand  on le voyait descendre de la camionnette qui ravitaillait la boutique de Swahili, la seule qui existait à l'époque. Il était toujours vêtu d'une robe blanche immaculée et chaussé de sandales. page 49

On demandait  au père d'Akayézu: " Ton fils, que fait-il encore chez les padri? Il y est depuis longtemps, il a encore des choses à apprendre chez les Bazungu? Il ne sera donc jamais padri?  - Bientôt, bientôt, il apprend des choses que je sauras dire comme il les dit...Oui, un jour, vous verrez , il sera padri pas un petit padri, un grand, un monseigneur comme celui de l'évêché de Kabgayi, comme je vous le dis, un monseigneur....avec une grande couronne, comme notre roi, Mutara. page 51

Akayézu hésitait , et voulant retarder le plus longtemps possible le moment de la distribution ( de pains) il se lançait alors dans un de ses interminables semons dont il était coutumier. Personne ne le comprenait mais ils fascinaient  à cause de mots étranges, du français,  sans doute mais surtout du latin, qui ajoutaient de la confusion de son discours ,mais lui donnaient le mystère d'une incantation magique. page 53

De toute façon, sortant du petit ou du grand séminaire, vous apparteniez , sans que personne puisse vous le contester, à la classe supérieure des "évolués". page 55

Akayézu prêchait le dimanche sous les grands arbres du Kigabiro. Ses semons attiraient une foule considérable - non pas qu'elle comprit  quelque chose à ses discours truffés de latin, mais on y accourait comme à un spectacle rare.....page 59  Ces prêches lui valurent des réprimandes de la part des pères de la mission voisine qui  se plaignirent d'empêcher  mes fidèles d'assister à la messe dominicale, ce qui es tune obligation pour tout chrétien. ..Les missionnaires avertirent les autorités de Kabgayi qui s'inquiétèrent de l'orthodoxie de leur élève et surtout de sa santé mentale. page 60

On informa donc Akayézu qu'il ne réintégrerait pas le grand séminaire à la rentrée, qu'il était définitivement exclu en raison de sa conduite extravagante et de ses propos contraires à la foi catholique. ..La nouvelle éclata comme un coup de tonnerre improbable...Akayézu avait été renvoyé du grand séminaire.  .page 68

Mais lui, Akayézu, il se demandait : " Dîtes-moi donc pourquoi le livre des padri , il ne parle jamais des Noirs et pourquoi il ne dit rien de nous, les Rwandais?  Yézu ne connaissait pas les Noirs, il n'avait jamais entendu parler des Rwandais? On  ne l'intéressait pas? page 72

MUKAMWEZI

C'est la fin de la saison sèche qu'Akayézu  entreprit d'"évangéliser " à sa manière la vieille  Mukamwezi, païenne, la sorcière; la honte de la colline, revenue d'on  ne sait où, disait le catéchiste, pour notre malheur. page 77

Le jour où Akayézu se décida à aller "évangéliser"  Mukamweizi, il avait non seulement revêtu sa soutane blanche mais aussi passé à son cou un chapelet à gris grains, comme en portent les pères...page 79. .....Au seuil de l'enclos, il héla Mukamwezi: Yewe, Mukamwezi, Yewe,  je suis Akayezu , je sais que tu n'ignores pas qui je suis. Je viens pour te baptiser..., n'aie pas peur: mon baptême n'est pas celui des padri. Laisse-moi entrer..." page 79


AMWEZI

La clairière du bosquet où s'élevait la hutte d'Akayezu était éclairée par la lumière livide de la lune. Les disciples du séminariste remarquèrent aussitôt que leurs cruches  avaient été disposées au pied du tronc raviné et noirci...Akayezu  sortit de sa hutte  et les invita à s'asseoir en cercle....Sa soutane blanche  semblait refléter la clarté lunaire  et sur sa poitrine pendaient  une dizaine de chapelets agrémentés de griffes d'animaux et de petits sachets en tissu d'écorce brune.... " de quoi avez-vous peur? ...Notre Rwanda  n'a plus de roi, n'a plus de  mwami. Celui qui prétend l'être et qui usurpe le nom de règne de Mutara, c'est le mwami des Blancs: quand ils ont chassé son père, n'a-t-il pas accepté le tambour de leurs mains? Il a préféré boire  avec eux l'hydromel qu'on appelle champagne! Et la colline où s'élevaient les palais de son père, il en  a fait don aux padri; et là où on devrait vénérer les arbres intouchables, il sont bâti leur église.  Er c'est Mutara qui  a proclamé que Yézu  était maintenant le roi du Rwanda. ...IL faut un nouveau mwami et tout redeviendra comme avant. page 89

Quand on s'aperçut qu'Akkayézu  s'était mis  en ménage avec  Mukamweizi  dans  sa case  ronde au pied  de la montagne, on se récria: "  Voilà que notre séminariste fou a choisi comme femme la vieille sorcière, c'est sans doute le diable qui les a mariés.  cela ne présage rien de bon sur notre colline. "page 93

" Moi, je sais qu'Akayézu est parti  au-delà des nuages pour rejoindre Kibongo et qu'il reviendra avec lui, sur les nuages, sauver encore  et encore notre Rwanda. page 101