samedi, juin 09, 2012

LA, AVAIT DIT BAHI (Sylvain Prudhomme)

Pas de point dans tout le roman , très peu de virgules, pas de majuscule au début des paragraphes...Tout cela un peu déroutant, le passé et le présent se mêlent... Je n'ai pas terminé le livre. 




Au volant d'un camion, sur les routes d'Algérie, Bahi raconte au narrateur ses souvenirs de la ferme où il a travaillé cinquante ans  plus tôt, à la veille de l'indépendance. Il lui décrit l'Algérie d'aujourd'hui, s'amuse des petits bénéfices qu'il fait , à soixante-dix ans, en revendant du sable d'un bout  à l' autre du pays, se moque tendrement de la réussite trop clinquante de ses fils. Des réunions clandestines à deux pas de la ferme aux descentes à la plage, du travail dans les vignes à la folie meurtrière des fêtes de l'Indépendance à Oran, c'est tout un pan du passé qui renaît peu à peu, habité par la figure du fermier Malusci, que Bahi , malgré tout ce qui les séparait, n'a pas oublié."

vendredi, juin 01, 2012

LE GRAND COEUR (Jean-Christophe Rufin)

Rufin nous raconte la vie de Jacques Coeur. Il nous fait revivre ce personnage très contreversé de la fin du Moyen-Age et début Renaissance. C'est à sa femme que l'on doit cet adage "A coeur vaillant, rien d'impossible!".
"Je ne vois pas ma vie de  demain, seulement celle d'aujourd'hui et  surtout d'hier." page 18

Je mesurai très tôt à quel point les qualités humaines recèlent des dangers et combien il est imprudent d'en faire étalage....Talent, réussite, succès font de vous  un ennemi de l'espèce humaine qui, à mesure qu'elle vous admire le plus, se reconnaît moins en vous et préfère vous tenir à distance. page 48

A mon réveil (sa nuit de noces) j'éprouvais une légère amertume, en même temps que le grand soulagement, de savoir que nous serions toujours deux, mais chacun seul. page56

(Jacques Coeur est à Damas) Il était heureux que les croisés n'aient pas réussi à conquérir l'Occident. Et il était nécessaire qu'ils n'y parviennent jamais....Nous (Jacques Coeur et ses compagnons) étions les agents  de l'échange et non de la conquête. Notre vocation était  d'apporter à chacun le meilleur de ce que produisait l'autre.. Nous avions, nous aussi, à notre manière, l'ambition de nous approprier la civilisation des autres  mais en contrepartie de ce  qu'ils pouvaient désirer de la nôtre. La destruction, le pillage, l'asservissement  nous étaient étrangers. page 110

J'avais fait le deuil de mes rêves et je les avais remplacés par des souvenirs; page 112

Pour voir bouger les choses, il faut bouger soi-même page 115

Lui-même, (le roi Charles VII) , tourné vers la ville, voulait acquérir le superflu sans lequel le nécessaire paraissait fade.
 page 228

Il vient toujours  un moment où le rêveur, qui d'ordinaire se croit heureux parce que ses songes l'emportent sans cesse ailleurs, prend conscience de son malheur. page 229

J'aime, moi, le pouvoir tout brut et que rien ne dissimule, celui des rois ou des riches négociants. Cette puissance-là, au moins, dit son nom. Elle se donne pour ce qu'elle est et à chacun revient  de juger ce qu'il compte face à elle. Le pouvoir ecclésiastique avance, lui, sous le masque de l'humilité. Il n'agit ni ne frappe jamais sans invoquer la soumission de celui qui l'exerce à une force supérieure dont il feint d'être l'esclave. En somme, en face d'un religieux, on ne sait  pas à qui l'on a affaire: un maître ou un serviteur, un faible ou un fort. Toutes les affaires, en ces matières, sont incertaines, secrètes, et recèlent des pièges cachés que l'on découvre en sentant ses pas se dérober. pages 339, 340

Ce monde, j'en ai rêvé. Mais la réalité n'a pas la légèreté des rêves. La réussite  de mes projets allait au-delà de tout ce que j'avais pu imaginer et je me sentais enseveli sous ce poids....Tel , j'étais devenu. La liberté et la paix pour lesquelles j'avais oeuvré étaient partout sauf en moi. J'étais envahi, par le désir fou, urgent, d'abandonner cette vie, de jouir paisiblement d'une prospérité suffisante, modeste, de retrouver l'oisiveté et les rêves, l'amour... page 404

Je pensais qu'arrivé l'heure de mon arrestation, mon enthousiasme faiblirait. Il n'en est rien. Curieusement, le souvenir que j'en garde n'est pas mauvais. J'ai même le sentiment très net, aujourd'hui que ma disgrâce a constitué pour moi une nouvelle naissance. page 426

Je suis persuadé que les hommes qui acceptent entièrement les lois existantes peuvent vivre bien, se hisser à de hautes fonctions, triompher des obstacles, mais ils ne produiront rien de grand. page 441

La souffrance et le deuil font rechercher le plaisir quand on peut le connaître à nouveau. En même temps, ils le troublent. Jamais, après de telles expériences, l'esprit ne peut s'abandonner tout à fait à la douceur, au luxe, à l'amour, car, pour en jouir, ces expériences doivent être ressenties comme éternelles. Dès lors que de noirs souvenirs leur fixent des bornes et rappellent  qu'en s'y livrant, on ne fait que retarder le retour inévitable du malheur et de la mort. page 480

Je peux mourir car j'ai vécu. Et j'ai connu la liberté. page 489