mardi, juin 23, 2020

LA MORT D'ARTEMIO CRUZ ( Carlos Fuentes) 1962

 Artemio Cruz ,, député, propriétaire d'un grand journal de Mexico, est atteint d'une grave maladie. Ce personnage puissant, qui a exploité à son profit des moeurs politiques corrompues dont les grands bouleversements sociaux favorisent l'épanouissement ; s'efforce, sur la frontière d ela mort, d'établir un bilan de sa vie désormais achevée. Combattant de la Révolution, il a passionnément aimé , à vingt ans, une jeune fille, Regina, qu'il a retrouvée massacrée après un combat.  Ce choc a marqué toute  son existence , et l'idéal de sa jeunesse  a fait place à une implacable volonté de puissance. mais est-ce seulement de ce fait, qu'a surgi  l'Artemio Cruz de la réussite? 
Une peinture sans concessions d'une bourgeoisie issue de la Révolution dont elle a trahi l'esprit. Mais aussi une méditation sur le destin de l'homme coincé entre la liberté et la fatalité. 



" La préméditation de la mort est préméditation de liberté." Montaigne.



"Moi seul, je sais ce que j'aurais pu faire....Pour les autres,  je ne suis tout au plus qu'un peut-être ( Stendhal, Le Rouge et le Noir)


Vous autres, je ne vous dois pas la vie. Je ne peux pas, je peux pas, je n'ai pas choisi, la douleur me plie en deux, je touche mes pieds glacés, je ne veux pas ces ongles bleus, aaaahaaaïe, j'ai survécu.: qu'ai-je fait hier?  Si je pense à ce que j'ai fait hier, je ne penserai plus à ce qui se passe maintenant; Voilà un pensée claire. Très claire. pense hier. Tu n'es pas si fou; tu ne souffres pas tant; tu as pu penser cela. Hier, hier, hier. Hier, Artemio Cruz s'est envolé d'Hermosillo pour Mexico... Oui, hier, Artemio  Cruz....Avant de tomber malade, Hier, Artemio Cruz était dans son bureau et s'est senti très mal. Pas hier. Ce matin. Artemio Cruz, pas malade. Non pas Artemio Cruz, non un autre. dans un miroir placé en face du lit du malade.L'autre. Artemio Cruz. Son frère jumeau. Artemio Cruz: il ne vit pas: non il vit. Artemio Cruz a vécu. Il a vécu pendant quelques années...Les années ne lui ont pas manqué, non, pas les années. Il a vécu pendant quelques jours. Son frère jumeau, Artemio Cruz. Son double. Hier, Artemio  Cruz, celui qui ne vécut que quelques jours avant de mourir, hier, Artemio Cruz...qui est moi...et qui est un autre...hier.page 17


TOi, hier, tu as fait les mêmes choses que tous les jours. Tu ne sais pas si cela vaut la peine de te le rappeler. Tu voudrais seulement te rappeler, étendu là, dans la pénombre de ta chambre, ce qui va se passer: tu ne veux pas prévoir ce qui s'est déjà passé. dans la pénombre, tes yeux voient le futur; ils ne savent pas deviner le passé. page 18

JE sens cette main qui me caresse et je voudrais m'en écarter, mais je manque de forces. Caresse bien inutile. Catalina. Bien inutile. que va-t-on me dire? Crois-tu que tu as enfin trouvé les mots que tu n'as jamais osé prononcer? Aujourd'hui? C'est bien inutile. que ta langue ne bouge pas. Ne lui laisse pas le loisir d'une explication. Sois fidèle à l'apparence que tu as toujours gardée; sois fidèle jusqu'au bout. Regarde: reconnais ta fille . Teresa. Notre fille. C'est bien difficile. Pronom bien inutile. Nôtre. Elle ne feint pas. Elle n'a rien à dire., elle. Elle. regarde la. Assise, les mains posées l'une sur l'autre et dans sa robe noire, elle attend. Elle ne feint pas. Auparavant,  sans que je puisse l'entendre, elle a dû te dire: " si seulement tout pouvait se terminer vite. Parce qu'il est capable de jouer  la comédie du malade pour nous embêter". C'est à peu près  cela qu'elle a dû te dire. j'ai entendu quelque chose comme cela lorsque je me suis réveillé ce matin de ce sommeil long et placide. page 38

Jamais, jamais, tu n'as pu penser en noir et blanc, en bons et méchants, en Dieu et Diable: admets que toujours, même contre les apparences, tu as trouvé dans le noir le germe, le reflet de son contraire: ta propre cruauté, lorsque tu as été cruel, n'était-elle pas teintée d'une certaine tendresse; la lâcheté, le courage; la vie, la mort:d'une certaine manière - presque inconsciemment: étant donné qui tu es, d'où tu viens et ce que tu as vécu, - tu sais cela  et voilà pourquoi  tu ne pourras leur ressembler, à eux qui ne le savent pas. Cela te gêne?  Oui, ce n'est pas facile, c'est gênant, c'est bien plus facile de sire:  ici est le bien et ici est le mal. Toi, tu ne pourras jamais trancher...page 44

Peut-être  que les morts des autres prolongent t-elles notre vie?  pensa-t-il. mais il ne venait pas à Puebla pour penser.  page 57

Il avait été prévenu par le Père Paez: un homme grand, plein de force, avec des yeux verts qui vous hypnotisaient et un ton coupant. Artemio Cruz.  page 65

On ne peut pas arrêter le cours des choses. Nous allons donner ces terres aux paysans, après tout ce sont des terres non irriguées et ils n'en tireront pas grand- chose.  Nous allons les morceler pour qu'ils ne puissent faire que de  petites cultures.  Vous verrez: dès qu'ils devront nous en remercier, ils laisseront les femmes s'occuper des mauvaises terres et reviendront travailler nos terres fertiles.  Ecoutez-moi bien: vous pouvez même passer pour un héros de la réforme agraire, sans qu'il vous en coûte rien.  page 70

J'essaie d'avancer la main vers Teresa, pour chercher auprès d'elle un soulagement mais ma fille s'est à nouveau plongée dans la lecture du journal. auparavant, j'ai vu le jour s'éteindre derrière les baies e tj'ai entendu le bruit charitable des rideaux...La chambre est grande , mais elle est là. Elle doit être assise toute roide, le mouchoir de dentelle  à la main, le visage sans fard, et peut-être ne m'entend-elle pas murmurer:
- Ce matin-là, je l'attendais avec joie. Nous avons passé le fleuve à cheval. page 70

"J'essaie d'avancer la main vers Teresa, pour chercher auprès d'elle un soulagement, mais ma fille s'est de nouveau plongée dans la lecture du journal. page 72

Il se réveilla le premier  et contempla le sommeil de Regina. On aurait dit le fil le plus ténu de la toile d'araignée des siècles: on aurait dit un jumeau de la mort:le sommeil.  page 86

(pendant la guerre)  dans tous les villages où il passait, le général s'informait  des conditions  de travail et publiait  des décrets prescrivant  la réduction de la journée de travail à huit heures et la partage des terres entre les paysans. ...L'ennui , était que  la plus grande partie de la population était  sous les armes et que presque tous  étaient des paysans , de sorte qu'il n'y avait personne  pour appliquer  les décrets du général.  Alors valait mieux   prendre tout de suite l'argent aux riches qui restaient dans chaque village  et attendre le triomphe  de la révolution pour légaliser  le partage des terres et la réduction  à huit heures de la journée de travail.
Pour le moment , l'important était  d'arriver à Mexico  et de vider de la présidence  cet ivrogne  de Huerta, l'assassin de don Panchito Madero. page 90

De Veracruz , son pays, jusqu'à Mexico, et de là à Sonora, lorsque le mai^tre d'école, Sébastian, lui avait demandé de faire ce que les vieux ne pouvaient plus faire: aller dans le  Nord, prendre les armes et libérer  le pays. ...Et comment pouvait-il décevoir Sébastian le maître 'école; qui lui avait enseigné les trois choses qu'il savait: lire,n écrire et haïr les curés. page 91

Artemio Cruz près d'un blessé)  Le blessé perdit connaissance, s'accrochant à lui avec une force extraordinaire, chargée de prières silencieuses. le lieutenant reçut le poids de plomb sculpté  par les balles sur son propre corps. les tremblements du canon revinrent à son oreille. ...Il prit le bras valide du blessé et se débarrassa du corps jeté sur le sien. Il lui prit la tête et l'étendit sur le sol couvert de racines noueuses. Il déboucha la gourde et but une longue gorgée: il l'approcha  des lèvres du blessé: l'eau glissa sur le menton noirci. Mais le coeur battait: près de la poitrine du blessé, à genoux, il se demanda s'il battrait encore longtemps. Il défit la lourde boucle d'argent du ceinturon du blessé et lui tourna le dos. ...Il se leva et s'enfonça dans le bois loin du blessé.  page 97

" Je dois me décider: je n'ai d'autre possibilité dans ma vie que d'être , jusqu'à ma mort, la femme de cet homme ( Artemio)  Pourquoi ne pas l'accepter?  Oui, le penser est facile. Moins facile est d'oublier  les raisons de ma rancune...page 137
"Nous avons un fils. Mon père et mon frère sont morts. Pourquoi suis-je hypnotisée par le passé? Je devrais regarder  vers l'avenir. Et je ne sais quoi décider. Vais-je laisser les faits, le sort, quelques chose d'étranger  décider à ma place? C'est possible. Dieu. J'attends un autre enfant. ' page 138

Comment dirais-je...Tous...nous avons besoin de témoins de notre vie pour pouvoir la vivre...
- Oui...
- Toi? ....
- Moi, je n'ai pas choisi ma vie! dit-elle en haussant  le ton ( la femme d'Artemio) , et serrant entre ses doigts les bras du fauteuil. Si tu obliges les gens à faire ta volonté, ne va pas ensuite exiger de quiconque de la reconnaissance ni...
- Contre ta volonté? Pourquoi est-ce que je te plais, alors? Pourquoi gémis-tu au lit si ce n'est pour me faire la tête ensuite? Qui peut te comprendre? ....
Catalina, ..Moi, je t'ai aimée....Je n'ai rien à me reprocher...
- Laisse-moi. je suis toujours entre tes mains. Tu as ce que tu voulais. Il faut s'en contenter et ne pas demander l'impossible.  page 141

Comment te sens-tu?... Tu n'as pas envie de bavarder un peu? ...Artemio?...Il y a une chose très grave....Artemio...Nous voudrions  savoir si tu as laissé un testament. Nous voudrions savoir où....  page 153

Que savent-ils, Catalina, le curé, Teresa, Geraldo?  Quelle importance vont avoir leurs simagrées de deuil ou les formules à propos de l'honneur qui paraîtront dans les journaux? Qui aura "l'honnêteté" de dire, comme je le dis à présent, que mon seul amour a été la possession des choses, leur possession sensuelle? Voilà ce que je veux. Le drap de lit me caresse. Et tout le reste, ce qui passe maintenant devant  mes yeux.  page 178

Mais le présent ne pouvait fuir parce qu'ils étaient en train de le vivre, assis dans  ces fauteuils de paille et mangeant machinalement le déjeuner spécialement choisi: bouillon froid vichysoise, langouste, côtes-du Rhône, Baked Alaska.... Page 202

Je voudrais leur demander de  les ouvrir, d'ouvrir les fenêtres. Il y a un monde au-dehors.  Il y a ce vent haut, du plateau , qui agite des arbre noirs et minces. Il faut respirer..Ils sont entrés;
- Approche-toi, ma petite, pour qu'il te reconnaisse. Dis-lui ton nom.
Elle sent bon. Elle sent très bon. Ah oui, je peux encore distinguer les joues roses, les yeux brillants, toute le jeune silhouette jeune, gracieuse, qui s'approche de mon lit à petits pas. page 206

"Oui, don Artemio, il y a un problème urgent. Les Indiens s'agitent là-bas. . Ils veulent qu'on leur paie les indemnités pour les coupes de bois.
- Hein? ça fait combien?
- Un demi-million.
- Rien que ça? Dites au commissariat du district de me les saquer, c'est pour cela que je les paie. Il ne manquait plus que....page 208

.( Artemio est prisonnier avec d'autres soldats)..tout va continuer, tu ne le sais pas, non? ; le soleil se lèvera encore; il naîtra des gosses, bien que nous soyons toi et moi foutus et bien foutus, tu ne le sais pas, non?  page 251

Ils n'ont pas compris. je n'ai rien fait pour eux. Je ne me suis pas occupé d'eux. Je l'ai fait pour moi. page 260
Elles ne m'ont jamais compris. je n'ai pas eu besoin d'elles ( les femmes qu'il a aimées) Je me suis fait seul. Soldat. Yaqui. Regina. Gonzalo.
- Même ce qu'il a aimé, il l'a détruit., maman, tu le sais bien.
- Ne parle pas.je t'en prie, ne parle plus..
 Le testament? N'ayez crainte: il existe un papier  écrit, timbré devant notaire.: pourquoi le saurais-je oubliée, haïs? ne m'en auriez-vous pas secrètement remercié? N'auriez-vous pas éprouvé du plaisir à penser que, jusqu'au dernier moment, j'ai pensé à vous pour vous jouer un bon tour? ...;je partage avec vous, une fortune extraordinaire, que vous attribuerez en public , à mon effort, à ma ténacité, à mon sens des responsabilités, à mes qualités personnelles. Faites-le Sentez-vous tranquilles, oubliez que cette fortune, je l'ai gagnée dans une lutte que je n'ai pas voulu comprendre parce qu'il ne me plaisait pas de la connaître, la comprendre  ceux qui n'attendaient  rien de leur sacrifice. C'est cela le sacrifice, n'est-il pas vrai? : tout donner en échange de rien. page 260

Ils accepteront ton testament: la respectabilité que tu as conquise pour eux, la respectabilité: ils remercieront le pauvre minable d'Artemio Cruz d'avoir fait d'eux des gens comme il faut; ils le remercieront de ne pas s'être contenté de vivre  et de mourir dans une cabane  de nègres: ils le remercieront d'être allé jouer sa vie: ils te justifieront parce qu'eux n'auront plus ta justification; eux, ne pourrons plus invoquer les batailles et les chefs, comme toi, et s'abriter derrière eux pour justifier la rapine au nom de la révolution et l'épanouissement personnel au nom de l'épanouissement de la révolution: tu y penseras et tu t'étonneras: quelle justification vont-ils trouver eux?  ils n'y pensent pas, ils jouiront de ce que tu leur laisses autant qu'ils le pourront; ils vivront heureux, ils  se montreront peinés et reconnaissants - en public, tu n'en demanderas pas davantage - pendant que tu attends avec un mètre sous terre sur le corps, tu attends à nouveau la foule de pieds sur ton visage mort ..page 350

(l'enfance  d'Artemio Cruz: il est né dans une cabane  de nègres) 1903: 18 janvier)  Il se réveilla en entendant le murmure du mulâtre Lunero - Ah, ivrogne, ah, ivrogne - alors que tous les coqs ( volatiles endeuillés qui étaient tombés dans la servitude rustique, après l' abandon des élevages  qui,en d'autres temps avaient  été l'orgueil de cette hacienda parce qu'ils avaient rivalisé avec les coqs du grand maître de la région, il y a plus d'un demi-siècle -  annoncèrent la prompte aurore du tropique, qui était la fin de la nuit pour M. Pedrito, embarqué dans une nouvelle soûlerie solitaire, là-bas sur la terrasse aux dalles de couleurs de la vieille habitation perdue..page  356
Il ne restait plus que le souvenir des domestiques, conservé par la maigre Baracoa qui continuait à soigner la grand-mère enfermée dans la chambre bleue du fond; ici, vivaient Lunero et l'enfant ( Cruz) ils étaient les seuls à travailler.
Le mulâtre s'assit sur le sol aplani et partagea le plat de poisson..Il offrit une mangue à l'enfant et la une banane et tous deux mangèrent en silence...Ils ne parlaient pas. Mais le mulâtre et l'enfant éprouvaient  ce même sentiment de gratitude joyeuse d'être ensemble qu'ils ne diraient jamais, qu'ils n'exprimeraient jamais, même dans un sourire échangé, parce qu'ils étaient là non pour dire ou sourire  , mais pour manger et dormir ensemble et ensemble sortir chaque matin, à l'aube, invariablement silencieuse, chargée d'humidité tropicale et ensemble accomplir les tâches nécessaires à la vie de tous les jours et procurer à l'Indienne  Baracoa les pièces qui, chaque samedi permettaient  d'acheter la nourriture pour la grand-mère et les dames-jeannes de M. Perdrito..Page 357

- C'est bientôt le jour  de la Purification dit Lunero avec trois clous entre les dents.
- Quand?
Le petit foyer sous le soleil éclaira  les yeux de l'enfant.
- Le 2, petit Cruz, le 2. alors on vendra davantage de chandelles, non seulement aux gens d'à côté , mais à toute la région. On sait que les meilleures viennent d'ici.
- Je me rappelle l'année dernière. page 359
..Le mulâtre baissa les yeux naturellement  baissés, calmes, aux aguets.
- Si Lunero s'en va, tu sauras faire toutes les choses?
L'enfant cessa  de faire tourner la roue de fer.
- Si Lunero s'en va?
- S'il faut qu'il s'en aille.
Je n'aurais dû rien dire, pensa le mulâtre, il ne dirait rien, il s'en irait comme s'en allaient ses pareils, sans rien dire, parce qu'il connaît et accepte la fatalité et sent un abîme de raisons et de souvenirs entre cette connaissance et cette acceptation et la connaissance et cette acceptation et le refus d'autres hommes, parce qu'il connaît la nostalgie de la vie errante. Eh bien qu'il sût qu'il ne devait rien dire, il savait que l'enfant - son compagnon de toujours - avait regardé avec curiosité , en penchant sa petite tête, l'homme en redingote, qui avait demandé hier après Lunero...
L'enfant  laissa retomber ses bras et interrogea le regard baissé du mulâtre.
- Tu t'en vas?
- Toi, tu ne sais pas toutes les histoires de cet endroit. Il fut un temps où cette terre , même la montagne, appartenait aux gens d'ici. Puis, ils la perdirent. M. le grand-père mourut. M. Anastasio reçut une blessure par traîtrise et tout resta inculte.  Ou bien passa à d'autres. Il n'est resté que moi   et on m'a laissé quatorze ans. Mais il fallait que mon heure arrive.
Lunero s'arrêta  parce qu'il ne savait pas comment poursuivre..Il y a treize ans, lorsqu'on lui avait confié l'enfant, il avait pensé  l'envoyer sue le fleuve, l'abandonner aux soins des papillons, comme l'ancien roi des histoires blanches, et attendre son retour, une fois devenu puissant. Mais  la mort du maître Anatasio lui avait permis de garder l'enfant avec lui, sans même avoir d'histoire avec M. Perdrito, incapable de se laisser distraire ou de discuter, sans avoir d'histoire avec la grand-mère qui vivait déjà enfermée dans cette chambre bleue aux rideaux de dentelle .....Oui, le maître Perdito était mort au bon moment. Il aurait fallu tuer l'enfant: Lunero l'avait sauvé..page 361, 362

Le cacique avait mis quatorze ans  à s'apercevoir de sa présence.; c'est pourquoi, hier après-midi, il s'était présenté, suffoquant dans sa redingote noire et les tempes ruisselantes de sueur, l'agent recruteur du cacique, pour dire à Lunero que le lendemain même  - aujourd'hui- il devait aller à l'hacienda du maître au sud de l'Etat parce que les bons cultivateurs de tabac se faisaient  rares et que Lunero se la coulait douce depuis quatorze ans à s'occuper d'un ivrogne et d'un vieille folle. Et voilà tout ce que Lunero ne savait pas raconter au petit  Cruz. page 363

Anatasio..
-Hé, Pedro,
..Il emmène le nègre .;. et c'est lui qui nous donne à manger.;à vous et à moi...
- Non, un mulâtre et un enfant.
..;- L'agent recruteur est venu me prévenir. me réveiller en pleine chaleur du soleil.;;Ils emmènent le nègre..Qu'est-ce que nous allons faire?
...La mère et le fils se contemplèrent, séparés par la muraille d'une résurrection page 377

" Ne t'en va pas Lunero..*
- Petit Cruz, je t'en prie; qu'est-ce qu'on y peut?
Le mulâtre, troublé, caressa les cheveux du jeune garçon et ne put échapper à ce bonheur, à cette gratitude, à ce moment si douloureux qu'il avait toujours redouté.  page 385

Cruz, Cruz sans prénom et sans nom véritable, baptisé par les mulâtres, des syllabes du nom d'Isabelle Cruz, de la mère qui fut rouée de coups par Anatasio: la première femme de l'endroit à lui donner un fils. page 389

"Tu existes..;Tu es debout sur la montagne....Tu vas vivre... Tu es sur le point de rencontre et la raison de l 'ordre universel..Ton corps a une raison...Tu es et tu seras, tu as été l'univers incarné...Toi, debout, Cruz, treize ans, au seuil de la vie....Toi, yeux verts, bras minces, cheveux cuivrés par le soleil..Toi, ami d'un mulâtre oublié..;Tu seras le nom du monde....Tu entendras le "aooo" prolongé de Lunero...Tu engages l'existence de toute la fresque infinie, sans fond  de l'univers...Tu entendras le bruit des fers de la mule sur le rocher..;En toi, se touchent l'étoile et la terre.;Tu entendras le coup de fusil après le cri de Lunero page 399

( Le petit Cruz tue le recruteur M. Perdito....)

dimanche, juin 21, 2020

UN PARFUM DE CORRUPTION ( LIU Zhenyun) 2020

Niu Xiaoli est une jeune femme simple, mais qui n'a pas froid aux yeux. Son père es tmort lorsqu'elle était adolescence, sa mère  a disparu, et il lui reste plus qu'un grand frère, garçon assez lâche, qu'elle veut marier à tout prix. Mais dans la campagne chinoise, les fiancées s'achètent à prix d'or e tles arnaques sont monnaie courante. Et c'est par là que le scandale arrive; une fois passée la nuit de noces, la promise de son frère disparaît avec la dot.  Prête à tout pour récupérer cette somme colossale et retrouver l'intrigante, Niu Xiaoli s'engage dans une traque sans merci qui la conduira bien loin de chez elle. Au cours de ses pérégrinations, elle tombera notamment dans les filets d'une maquerelle redoutable qui lui proposera un plan infaillible pour récupérer son argent; se faire passer pour vierge et appâter ainsi les hommes les plus puissants - et les plus corrompus du pays - . La roue ne tardera pas à tourner pour Niu Xiaoli, comme pour ces hommes très haut placés.
Ce roman fort et plein d'humour se présente comme une chronique de la Chine contemporaine. Au fil des rencontres et des histoires qui s'entremêlent, Liu Zhenyun livre une réflexion savoureuse et fine sur l'individu soumis au pouvoir, et analyse sa dépendance vis-à-vis d'un système qui a remplacé l'idéologie par les avantages matériels. Dans la lignée satirique d'Erasme et Jonathan Swift, Un parfum de corruption dénonce les hypocrisies de la société chinoise d'aujourd'hui, son extraordinaire pragmatisme et ses inévitables dérives.

"Je voudrais aussi vous remercier, fit-elle
- Mais de quoi? demanda Niu Xiaoli
- Grâce à cette histoire; je peux quitter mon mari pour quelques jours.
Etonnée, Niu Xiaoli mit ses états d'âme de côté.
- Tu n'aimes pas ton mari?  lui demanda-t-elle.
- ...En réalité, il m'énerve et j'en ai assez de lui, avoua la femme. page 44

Le vieux proverbe dit vrai: Etre économe à la maison, mais dépensier en voyage. Il ne faut pas craindre de dépenser ses sous lorsqu'on voyage.  Si tu ne prends pas soin de toi et que tu tombes malade, cela te coûtera encore plus cher. dit Niu Xiaoli page48

Song Caixia était une arnaqueuse qui, depuis le début, avait voulu épouser son frère  (de Niu Xiaoli) pour lui extorquer de l'argent, qu'importait qu'il fût ou non impuissant, elle se serait enfuie de toute façon. Song Caixia avait fui pour de l'argent, et Zhu Juhua était partie avec son enfant parce que le vieux Xin cachait son argent et ne lui donait pas un sou.  S'était-elle sauvée juste parce qu'elle en avait assez de lui, ou y avait-il une autre raison mystérieuse. Elle ne trouva pas de suite logique et laisser vagabonder son imagination.  page 60

Les filles de riches ne soudoyaient personne pour se marier, les filles de pauvres, elles, avaient  tant besoin d'argent que sitôt empoché, tout était dépensé. page 96

Je n'ai pas terminé le livre, la première nouvelle m'a intéressée. La suite, moins....

mercredi, juin 10, 2020

LES SOLDATS DE SALAMINE ( Javier Cercas)

A la fin de la guerre civile espagnole, l'écrivain Rafael Sanchez Maza, un des fondateurs de la Phalange, réchappe au peloton d'exécution. Un soldat le découvre terré derrière un buisson et pointe son fusil sur lui. Il le regarde longuement dans les yeux et crie à ses supérieurs:"Il n'y a rien ici.
"Par ici, il n'y a personne!".
La valeur qu'il entrevoit au-delà de l'apparente anecdote historique, pousse un journaliste, soixante ans plus tard, à s'attacher au destin des deux adversaires qui ont joué leur vie dans ce seul regard.
Il trace le portrait du gentilhomme suranné rêvant d'instaurer un régime  de poètes et de condottieres renaissant, quand surgit la figure providentielle d'un vieux soldat républicain. L'apprenti tourneur catalan, vétéran de toutes les guerres, raconte:les camps d'Argelès, la Légion étrangère, huit années de combats sans relâche contre la barbarie fasciste. Serait-il le soldat héroïque? L'homme laisse entendre que les véritables héros son tous morts, tombés au champ d'honneur, tombés surtout dans l'oubli; que les guerres ne seraient romanesques que pour ceux qui ne les ont pas vécues. ce livre qui a bouleversé l'Espagne, connaît une diffusion internationale sans précédent. 

Je venais d'avoir quarante ans mais par bonheur, -soit parce que je suis un bon écrivain, sans être un mauvais journaliste pour autant, soit , plus probablement, parce qu'à la rédaction personne n'était disposé à faire mon travail pour un salaire aussi modique que le mien - on accepta ma demande. On m'affecta aux pages culturelles, là où on affecte ceux qu'on ne sait plus où affecter. . Page 14

Rafael Sancho Mazas . Vers la fin de 1937, il s'est enfui pour quitter Madrid, camouflé dans un camion. Mais il est arrêté à Barcelone et, tandis que les troupes de Franco entraient dans la ville, on l'a emmené au Collell, près de la frontière. C'es tlà qu'on l'a exécuté. Il s'agissait  d'une exécution massive, probablement chaotique, puisque la guerre était déjà perdue et que les républicains fuyaient à la débandade par les Pyrénées, aussi , je ne crois pas qu'ils aient su qu'ils étaient en train d'exécuter l'un des fondateurs de la Phalange.....les balles ne l'avaient que frôlé et il avait profité d ela confusion du moment pour courir se cacher dans la forêt....A un moment donné, mon père a  entendu dans son dos un bruit de branches, il s'est retourné  et a  vu un milicien qui le regardait. C'est alors que quelqu'un a crié: " Il est par là?"  Mon père racontait que le milicien était  resté le regarder  quelques secondes  et qu'ensuite sans le quitter des yeux, il avait crié: " Par ici, il n'y a personne"! puis, il avait fait demi-tour et était parti.  page 17

(au milieu des années quatre-vingt)  Je commençai à m'intéresser  à Sanchez Mazas....défendre un écrivain phalangiste équivalait à défendre un écrivain; ou plus précisément, à se défendre soi-même en tant qu'écrivain défenseur d'un bon écrivain. page 19

(L'auteur et Aguire, un professeur  qui a réagi positivement à un article de l'auteur sur Raphaël Sanchez Mazas)"Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais, moi, il me semble qu'un pays est civilisé quand on n'est pas obligé d'y perdre son temps en politique".
- Exactement le contraire de ce qui se passait en 1936.
- Tout juste.  page 30

 José Antonio Primo De Rivera disait: " les peuples ne sont jamais tant mis en branle que par les poètes" S'il est vrai  qu'on fait la guerre pour l'argent, qui est pouvoir, les jeunes gens, eux, partent pour le front et tuent et se font tuer, et se font tuer pour des mots, qui sont poésie.  C'est pourquoi ce sont toujours les poètes qui gagnent la guerre et c'est pourquoi Sanchez Mazas  sut ourdir cette violente poésie patriotique. page 60

(Un texte de Rafael Sanchez Mazas  dans son journal)
"Je, soussigné, Rafael Sanchez Mazas, fondateur de la phalange espagnole, conseiller national, et président du conseil politique, doyen actuel des phalangistes d'Espagne et son plus haut dignitaire dansla zone rouge déclare;
1- Que le 30 janvier 1939, je fus fusillé dans la prison de  Collell avec quarante-huit autres malheureux prisonniers et  que j'en réchappai miraculeusement après les deux premières décharges, et m'enfonçant dans la forêt;
2- Qu'après une marche de trois jours à travers la forêt, me déplaçant la nuit, et demandant l'aumône dans les fermes, j'arrivai à proximité  de Palol de Rebardit...page 70

Je me disais que si le récit de Jaume Figueras pouvait ne pas être fiable, ( ou peut-être moins douteux que celui de  Ferlosoi) puisque sa véracité ne dépendait pas d'un souvenir ( le sien) mais du souvenir d'un souvenir ( celui de son père), en revanche, les récits de son oncle, de Maria Ferré et d'Angelats, pourvu qu'il fût encore en vie, étaient eux, de première main et comme tels beaucoup moins aléatoires , du moins en principe...page 75

( L'auteur annonce à son amie,  Conchi, son intention d'écrire)
" C'est du propre, commenta Conchi, avec un rictus de dégoût. Se mettre à écrire sur un facho avec la quantité d'écrivains rouges vachement  bons qu'il y a ici!" page 84

Pendant plusieurs mois, je consacrai mon temps libre que me laissait mon travail au journal à l'étude  de la vie et de l'oeuvre de  Sanchez Mazas.page 85

....nous ne le connaissons ( le passé)  qu'à travers le filtre de la mémoire..page 89

(Sanchez a vécu 10 ans en Italie)  Il s'y convertit au fascisme. De fait, il n'est pas trop exagéré d'affirmer que Sanchez  Mazas fut le premier fasciste d'Espagne, et il n'est pas moins exact de dire qu'il fut le théoricien le plus influent e cette idéologie.  page 102
Si bien qu'en 1929, de retour à Madrid,  Sanchez Mazas avait déjà pris  la décision de se consacrer entièrement à la construction d'un avenir identique  pour l'Espagne. D'une certaine manière, il y parvint. page 103

(La fusillade a lieu dans la prison mais Sanchez Mazas n'est pas atteint par les balles , il s'enfuit dans les bois et il est recherché.) Au moment même  où le soldat atteint le bord du fossé, un cri  proche  traverse le bruissement  végétal de la pluie:
" Il y a quelqu'un par là?
Le soldat regarde  Sanchez Mazas; celui-ci fait de même, mais ses yeux embués ne comprennent pas ce qu'ils voient....
...qui crie en l'air avec force sans le quitter des yeux:
- Par ici, il n'y a personne! page 132

(Sanchez Mazas erre) et  rencontre une famille de paysans)
- Je m'appelle  Rafael Sanchez Mazas et je suis le dirigeant de la Phalange le plus ancien  d'Espagne,dit-il finalement à l'homme qui l'écoutait sans le regarder. page 137

" Un jour, je raconterai tout cela dans un livre: il aura pour titre Les Soldats de Salamine."  ( dit Sanchez Mazas à la famille qui l'a recueilli)
page 160

Dès 1937, la mort de José Antonio décapité la Phalange, domptée en tant qu'idéologue et annihilée en tant qu'appareil autonome de pouvoir; Franco  put alors l'instrumentaliser,avec sa rhétorique, ses rites et autres signes extérieurs du fascisme, pour conformer son régime à celui  de l'Allemagne d'Hitler et de l'Italie de Mussolini.page 165

Et qu'est-ce qu'un héros?
La question sembla le surprendre comme il ne se l'était  jamais posée ou comme s'il se la posait toujours, ayant soulevé sa tasse, il me lança un regard fugace droit dans les yeux, le dirigea ensuite vers la baie, réfléchit un instant, puis il haussa les épaules.
- Je ne sais pas, dit-il. Quelqu'un qui croit être un héros, et à juste titre ou quelqu'un qui a du courage et l'instinct de la vertu et qui, pour cette raison, ne se trompe jamais ou du moins ne se trompe pas au seul moment où il est important de ne pas se tromper, et qui, par conséquent, ne peut ne pas être un  héros.page 194

Tous les récits ( dans les romans ) sont des récits réels, du moins  pour celui qui les lit, c'est la seule chose qui compte. page 219

(Miralles, un soldat que l'auteur pense être celui qui a épargné Sanchez Mazas) Aujourd'hui, les gens sont beaucoup plus heureux qu'à mon époque, tous ceux qui ont vécu assez longtemps le savent. C'est pourquoi chaque fois que j'entends un vieillard pester contre l'avenir, je sais qu'il le fait pour se consoler de ne pas pouvoir le vivre, et chaque fois que j'entends un de ces intellectuels pester contre la télé, je sais que je suis  devant un crétin....page 245

( l'auteur pense à son père en comparant son âge  à celui de Miralles) Je me dis que, même six ans après son décès, mon père n'était pas toujours mort car il y avait quelqu'un pour se souvenir de lui. Puis, je me dis que ce n'était pas moi qui me souvenait de mon père mais lui qui s'agrippait à mon souvenir pour ne pas mourir complètement.  page 249

( Miralles)  "En temps de paix, il n'y a pas de héros..Les héros ne le sont  que quand ils meurent ou quand on les assassine. les véritables héros naissent dans la guerre et meurent dans la guerre. Il n'y a pas de héros vivants, jeune homme. Ils sont tous morts. Morts, morts, morts. Sa voix  se brisa..;page 266

( L'auteur rentre en Espagne après avoir vu Miralles à Dijon , en maison de retraite) ...Ce fut là que je vis tout d'un coup mon livre, le livre que je poursuivais  depuis des années, je le vis tout entier, terminé, du début à la fin, de la première à la dernière ligne, ce fut là que je sus, quand bien même nulle part dans aucune ville , d'aucun pays de merde, jamais aucune rue ne porterait le nom de Miralles, que tant que je raconterai son histoire, Miralles continuerait en quelque sorte à vivre, tout comme continueraient à vivre, pour peu que je parle d'eux, les frères Garcia - Joan et Lela _ et Miquel Cardos et.....Je vis mon livre entier et vrai, mon récit réel complet, et je sus qu'il ne me restait qu'à l'écrire, le mettre au propre puisqu'il était dans ma tête depuis le début ( C'est à l'été 1994, voilà maintenant plus de six ans, que j'entendis, pour la première fois parler de l'exécution de Rafael Sanchez Mazas...page 281

lundi, juin 01, 2020

LUNE PALE (W.R. Burnett)

Vers 1890, près de la frontière mexicaine, à  l'époque où le Far West sauvage se transforme peu à peu en une société démocratique, se joue le destin d'une famille puissante aux origines mêlées - mexicaines, indiennes  et américaines - dont le patriarche, Jake Starr, règne sur la petite ville de San Miguel grâce à un féodalisme autoritaire mais bienveillant. Quant à Doan Packer, un Américain au passé trouble et au fort charisme, arrive et s'éprend d'Opal, la fille de Jake, le conflit entre les anciens et les progressistes se trouve exacerbé. 
W. R. Burnett réussit le coup de maître d'imposer un  héros loyal, tourmenté et obstiné tout en le faisant évoluer dans la société équivoque et captivante dirigée par la famille Starr.
fable politique, histoire criminelle, et roman d'amour, Lune pâle est un western haletant, rythmé par les amitiés fidèles et la passion amoureuse, où l'Ouest américain dévoile ses eux visages - politicien et aventureux. 

Doan ne prêtait aucune attention aux hommes et examinait Opal Starr. Elle était mince et de taille moyenne, mais sa silhouette n'avait rien de frêle; elle paraissait devoir sa santé robuste à une vie  de plein air, et elles e mouvait avec une grâce souple et hautaine. Elle portait une jupe fendue, en daim jaune, et des bottes à éperons. Elle avait les cheveux assez foncés, striés de mèches blondes, et le teint clair. Mais ses pommettes étaient saillantes et ses yeux indiens, bien que gris. Etrange personne, songea Doan. Son visage était calme, immobile, et faisait penser à un masque: mais ses yeux étaient vifs, observateurs , et même indiscrets. page 33

Doan regardait calmement autour de lui, remarquant les étagères en verre avec leurs bouteilles , en rangs serrés; la bibliothèque débordant de livres, la table recouverte d'un linge blanc....
Certains des titres touchaient une corde sensible et le ramenaient brutalement vers son passé.
Crip s'approcha de lui.
- Mon Dieu! tous ces livres, dit-il avec effroi. tu crois qu'il les a vraiment tous lus?
le docteur entendit la remarque de Crip et il se mit à rire.
- Bien des fois, dit-il.
Oliver Twist, dit Doan. J'ai lu ça chez moi. Le même livre, je veux dire, la même couverture. Celui-ci aussi, je l'ai lu: Rob Roy. avec la même couverture.
Le docteur se retourna et considéra Doan avec étonnement.
- On peut dire que vous êtes une exception dans cette ville, dit-il. C'est tout juste si nous pouvons faire vivre un journal ici. page 56

"Doan, dit le docteur, en tirant sur son cigare, vous savez, vous m'intéressez. Dîtes-moi de me mêler de mes affaires, mais je voudrais vous poser une question. Que faisiez-vous chez vous?
Crip se pencha en avant pour mieux entendre. Il avait souvent eu envie de poser cette question à Doan.
- Eh bien, dit Doan, j'ai fait mon droit avec mon grand-père et j'ai été admis au barreau. Je ne connaissais rien au droit mais mon grand-père était un magistrat connu dans la ville, donc j'ai été admis. page 64

Mais bien qu'il fut fier d'Opal (sa nouvelle épouse), et en dépit du whisky et du vin, Doan n'était pas à son aise.  Les dimensions et l'élégance de la salle à manger le glaçait Les nombreux domestiques qui tourbillonnaient autour des convives le troublaient. Et il  s'était fait l'effet d'un intrus en prenant sa place au bout de la table.  Après tout, qui était-il? Un corniaud de sa campagne, rien d'autre.  Qu'est-ce qu'il lui valait  d'être assis dans ce grand fauteuil  tapissé,  environné de cristal, de  porcelaine et d'argent? page 128

"Il faut que nous gagnions, dit Opal. Il le faut. Que serait San Miguel si les Starr n'étaient plus au pouvoir? Inimaginable. Nous y sommes depuis 1881. j'étais encore une enfant, j'avais treize ans, je me souviens.  J'étais allée en calèche, au palais de justice avec Jake (son père)? Bref silence. Il faut que nous gagnons , Doan. , il le faut. page 180