Artemio Cruz ,, député, propriétaire d'un grand journal de Mexico, est atteint d'une grave maladie. Ce personnage puissant, qui a exploité à son profit des moeurs politiques corrompues dont les grands bouleversements sociaux favorisent l'épanouissement ; s'efforce, sur la frontière d ela mort, d'établir un bilan de sa vie désormais achevée. Combattant de la Révolution, il a passionnément aimé , à vingt ans, une jeune fille, Regina, qu'il a retrouvée massacrée après un combat. Ce choc a marqué toute son existence , et l'idéal de sa jeunesse a fait place à une implacable volonté de puissance. mais est-ce seulement de ce fait, qu'a surgi l'Artemio Cruz de la réussite?
Une peinture sans concessions d'une bourgeoisie issue de la Révolution dont elle a trahi l'esprit. Mais aussi une méditation sur le destin de l'homme coincé entre la liberté et la fatalité.
" La préméditation de la mort est préméditation de liberté." Montaigne.
"Moi seul, je sais ce que j'aurais pu faire....Pour les autres, je ne suis tout au plus qu'un peut-être ( Stendhal, Le Rouge et le Noir)
Vous autres, je ne vous dois pas la vie. Je ne peux pas, je peux pas, je n'ai pas choisi, la douleur me plie en deux, je touche mes pieds glacés, je ne veux pas ces ongles bleus, aaaahaaaïe, j'ai survécu.: qu'ai-je fait hier? Si je pense à ce que j'ai fait hier, je ne penserai plus à ce qui se passe maintenant; Voilà un pensée claire. Très claire. pense hier. Tu n'es pas si fou; tu ne souffres pas tant; tu as pu penser cela. Hier, hier, hier. Hier, Artemio Cruz s'est envolé d'Hermosillo pour Mexico... Oui, hier, Artemio Cruz....Avant de tomber malade, Hier, Artemio Cruz était dans son bureau et s'est senti très mal. Pas hier. Ce matin. Artemio Cruz, pas malade. Non pas Artemio Cruz, non un autre. dans un miroir placé en face du lit du malade.L'autre. Artemio Cruz. Son frère jumeau. Artemio Cruz: il ne vit pas: non il vit. Artemio Cruz a vécu. Il a vécu pendant quelques années...Les années ne lui ont pas manqué, non, pas les années. Il a vécu pendant quelques jours. Son frère jumeau, Artemio Cruz. Son double. Hier, Artemio Cruz, celui qui ne vécut que quelques jours avant de mourir, hier, Artemio Cruz...qui est moi...et qui est un autre...hier.page 17
TOi, hier, tu as fait les mêmes choses que tous les jours. Tu ne sais pas si cela vaut la peine de te le rappeler. Tu voudrais seulement te rappeler, étendu là, dans la pénombre de ta chambre, ce qui va se passer: tu ne veux pas prévoir ce qui s'est déjà passé. dans la pénombre, tes yeux voient le futur; ils ne savent pas deviner le passé. page 18
JE sens cette main qui me caresse et je voudrais m'en écarter, mais je manque de forces. Caresse bien inutile. Catalina. Bien inutile. que va-t-on me dire? Crois-tu que tu as enfin trouvé les mots que tu n'as jamais osé prononcer? Aujourd'hui? C'est bien inutile. que ta langue ne bouge pas. Ne lui laisse pas le loisir d'une explication. Sois fidèle à l'apparence que tu as toujours gardée; sois fidèle jusqu'au bout. Regarde: reconnais ta fille . Teresa. Notre fille. C'est bien difficile. Pronom bien inutile. Nôtre. Elle ne feint pas. Elle n'a rien à dire., elle. Elle. regarde la. Assise, les mains posées l'une sur l'autre et dans sa robe noire, elle attend. Elle ne feint pas. Auparavant, sans que je puisse l'entendre, elle a dû te dire: " si seulement tout pouvait se terminer vite. Parce qu'il est capable de jouer la comédie du malade pour nous embêter". C'est à peu près cela qu'elle a dû te dire. j'ai entendu quelque chose comme cela lorsque je me suis réveillé ce matin de ce sommeil long et placide. page 38
Jamais, jamais, tu n'as pu penser en noir et blanc, en bons et méchants, en Dieu et Diable: admets que toujours, même contre les apparences, tu as trouvé dans le noir le germe, le reflet de son contraire: ta propre cruauté, lorsque tu as été cruel, n'était-elle pas teintée d'une certaine tendresse; la lâcheté, le courage; la vie, la mort:d'une certaine manière - presque inconsciemment: étant donné qui tu es, d'où tu viens et ce que tu as vécu, - tu sais cela et voilà pourquoi tu ne pourras leur ressembler, à eux qui ne le savent pas. Cela te gêne? Oui, ce n'est pas facile, c'est gênant, c'est bien plus facile de sire: ici est le bien et ici est le mal. Toi, tu ne pourras jamais trancher...page 44
Peut-être que les morts des autres prolongent t-elles notre vie? pensa-t-il. mais il ne venait pas à Puebla pour penser. page 57
Il avait été prévenu par le Père Paez: un homme grand, plein de force, avec des yeux verts qui vous hypnotisaient et un ton coupant. Artemio Cruz. page 65
On ne peut pas arrêter le cours des choses. Nous allons donner ces terres aux paysans, après tout ce sont des terres non irriguées et ils n'en tireront pas grand- chose. Nous allons les morceler pour qu'ils ne puissent faire que de petites cultures. Vous verrez: dès qu'ils devront nous en remercier, ils laisseront les femmes s'occuper des mauvaises terres et reviendront travailler nos terres fertiles. Ecoutez-moi bien: vous pouvez même passer pour un héros de la réforme agraire, sans qu'il vous en coûte rien. page 70
J'essaie d'avancer la main vers Teresa, pour chercher auprès d'elle un soulagement mais ma fille s'est à nouveau plongée dans la lecture du journal. auparavant, j'ai vu le jour s'éteindre derrière les baies e tj'ai entendu le bruit charitable des rideaux...La chambre est grande , mais elle est là. Elle doit être assise toute roide, le mouchoir de dentelle à la main, le visage sans fard, et peut-être ne m'entend-elle pas murmurer:
- Ce matin-là, je l'attendais avec joie. Nous avons passé le fleuve à cheval. page 70
"J'essaie d'avancer la main vers Teresa, pour chercher auprès d'elle un soulagement, mais ma fille s'est de nouveau plongée dans la lecture du journal. page 72
Il se réveilla le premier et contempla le sommeil de Regina. On aurait dit le fil le plus ténu de la toile d'araignée des siècles: on aurait dit un jumeau de la mort:le sommeil. page 86
(pendant la guerre) dans tous les villages où il passait, le général s'informait des conditions de travail et publiait des décrets prescrivant la réduction de la journée de travail à huit heures et la partage des terres entre les paysans. ...L'ennui , était que la plus grande partie de la population était sous les armes et que presque tous étaient des paysans , de sorte qu'il n'y avait personne pour appliquer les décrets du général. Alors valait mieux prendre tout de suite l'argent aux riches qui restaient dans chaque village et attendre le triomphe de la révolution pour légaliser le partage des terres et la réduction à huit heures de la journée de travail.
Pour le moment , l'important était d'arriver à Mexico et de vider de la présidence cet ivrogne de Huerta, l'assassin de don Panchito Madero. page 90
De Veracruz , son pays, jusqu'à Mexico, et de là à Sonora, lorsque le mai^tre d'école, Sébastian, lui avait demandé de faire ce que les vieux ne pouvaient plus faire: aller dans le Nord, prendre les armes et libérer le pays. ...Et comment pouvait-il décevoir Sébastian le maître 'école; qui lui avait enseigné les trois choses qu'il savait: lire,n écrire et haïr les curés. page 91
Artemio Cruz près d'un blessé) Le blessé perdit connaissance, s'accrochant à lui avec une force extraordinaire, chargée de prières silencieuses. le lieutenant reçut le poids de plomb sculpté par les balles sur son propre corps. les tremblements du canon revinrent à son oreille. ...Il prit le bras valide du blessé et se débarrassa du corps jeté sur le sien. Il lui prit la tête et l'étendit sur le sol couvert de racines noueuses. Il déboucha la gourde et but une longue gorgée: il l'approcha des lèvres du blessé: l'eau glissa sur le menton noirci. Mais le coeur battait: près de la poitrine du blessé, à genoux, il se demanda s'il battrait encore longtemps. Il défit la lourde boucle d'argent du ceinturon du blessé et lui tourna le dos. ...Il se leva et s'enfonça dans le bois loin du blessé. page 97
" Je dois me décider: je n'ai d'autre possibilité dans ma vie que d'être , jusqu'à ma mort, la femme de cet homme ( Artemio) Pourquoi ne pas l'accepter? Oui, le penser est facile. Moins facile est d'oublier les raisons de ma rancune...page 137
"Nous avons un fils. Mon père et mon frère sont morts. Pourquoi suis-je hypnotisée par le passé? Je devrais regarder vers l'avenir. Et je ne sais quoi décider. Vais-je laisser les faits, le sort, quelques chose d'étranger décider à ma place? C'est possible. Dieu. J'attends un autre enfant. ' page 138
Comment dirais-je...Tous...nous avons besoin de témoins de notre vie pour pouvoir la vivre...
- Oui...
- Toi? ....
- Moi, je n'ai pas choisi ma vie! dit-elle en haussant le ton ( la femme d'Artemio) , et serrant entre ses doigts les bras du fauteuil. Si tu obliges les gens à faire ta volonté, ne va pas ensuite exiger de quiconque de la reconnaissance ni...
- Contre ta volonté? Pourquoi est-ce que je te plais, alors? Pourquoi gémis-tu au lit si ce n'est pour me faire la tête ensuite? Qui peut te comprendre? ....
Catalina, ..Moi, je t'ai aimée....Je n'ai rien à me reprocher...
- Laisse-moi. je suis toujours entre tes mains. Tu as ce que tu voulais. Il faut s'en contenter et ne pas demander l'impossible. page 141
Comment te sens-tu?... Tu n'as pas envie de bavarder un peu? ...Artemio?...Il y a une chose très grave....Artemio...Nous voudrions savoir si tu as laissé un testament. Nous voudrions savoir où.... page 153
Que savent-ils, Catalina, le curé, Teresa, Geraldo? Quelle importance vont avoir leurs simagrées de deuil ou les formules à propos de l'honneur qui paraîtront dans les journaux? Qui aura "l'honnêteté" de dire, comme je le dis à présent, que mon seul amour a été la possession des choses, leur possession sensuelle? Voilà ce que je veux. Le drap de lit me caresse. Et tout le reste, ce qui passe maintenant devant mes yeux. page 178
Mais le présent ne pouvait fuir parce qu'ils étaient en train de le vivre, assis dans ces fauteuils de paille et mangeant machinalement le déjeuner spécialement choisi: bouillon froid vichysoise, langouste, côtes-du Rhône, Baked Alaska.... Page 202
Je voudrais leur demander de les ouvrir, d'ouvrir les fenêtres. Il y a un monde au-dehors. Il y a ce vent haut, du plateau , qui agite des arbre noirs et minces. Il faut respirer..Ils sont entrés;
- Approche-toi, ma petite, pour qu'il te reconnaisse. Dis-lui ton nom.
Elle sent bon. Elle sent très bon. Ah oui, je peux encore distinguer les joues roses, les yeux brillants, toute le jeune silhouette jeune, gracieuse, qui s'approche de mon lit à petits pas. page 206
"Oui, don Artemio, il y a un problème urgent. Les Indiens s'agitent là-bas. . Ils veulent qu'on leur paie les indemnités pour les coupes de bois.
- Hein? ça fait combien?
- Un demi-million.
- Rien que ça? Dites au commissariat du district de me les saquer, c'est pour cela que je les paie. Il ne manquait plus que....page 208
.( Artemio est prisonnier avec d'autres soldats)..tout va continuer, tu ne le sais pas, non? ; le soleil se lèvera encore; il naîtra des gosses, bien que nous soyons toi et moi foutus et bien foutus, tu ne le sais pas, non? page 251
Ils n'ont pas compris. je n'ai rien fait pour eux. Je ne me suis pas occupé d'eux. Je l'ai fait pour moi. page 260
Elles ne m'ont jamais compris. je n'ai pas eu besoin d'elles ( les femmes qu'il a aimées) Je me suis fait seul. Soldat. Yaqui. Regina. Gonzalo.
- Même ce qu'il a aimé, il l'a détruit., maman, tu le sais bien.
- Ne parle pas.je t'en prie, ne parle plus..
Le testament? N'ayez crainte: il existe un papier écrit, timbré devant notaire.: pourquoi le saurais-je oubliée, haïs? ne m'en auriez-vous pas secrètement remercié? N'auriez-vous pas éprouvé du plaisir à penser que, jusqu'au dernier moment, j'ai pensé à vous pour vous jouer un bon tour? ...;je partage avec vous, une fortune extraordinaire, que vous attribuerez en public , à mon effort, à ma ténacité, à mon sens des responsabilités, à mes qualités personnelles. Faites-le Sentez-vous tranquilles, oubliez que cette fortune, je l'ai gagnée dans une lutte que je n'ai pas voulu comprendre parce qu'il ne me plaisait pas de la connaître, la comprendre ceux qui n'attendaient rien de leur sacrifice. C'est cela le sacrifice, n'est-il pas vrai? : tout donner en échange de rien. page 260
Ils accepteront ton testament: la respectabilité que tu as conquise pour eux, la respectabilité: ils remercieront le pauvre minable d'Artemio Cruz d'avoir fait d'eux des gens comme il faut; ils le remercieront de ne pas s'être contenté de vivre et de mourir dans une cabane de nègres: ils le remercieront d'être allé jouer sa vie: ils te justifieront parce qu'eux n'auront plus ta justification; eux, ne pourrons plus invoquer les batailles et les chefs, comme toi, et s'abriter derrière eux pour justifier la rapine au nom de la révolution et l'épanouissement personnel au nom de l'épanouissement de la révolution: tu y penseras et tu t'étonneras: quelle justification vont-ils trouver eux? ils n'y pensent pas, ils jouiront de ce que tu leur laisses autant qu'ils le pourront; ils vivront heureux, ils se montreront peinés et reconnaissants - en public, tu n'en demanderas pas davantage - pendant que tu attends avec un mètre sous terre sur le corps, tu attends à nouveau la foule de pieds sur ton visage mort ..page 350
(l'enfance d'Artemio Cruz: il est né dans une cabane de nègres) 1903: 18 janvier) Il se réveilla en entendant le murmure du mulâtre Lunero - Ah, ivrogne, ah, ivrogne - alors que tous les coqs ( volatiles endeuillés qui étaient tombés dans la servitude rustique, après l' abandon des élevages qui,en d'autres temps avaient été l'orgueil de cette hacienda parce qu'ils avaient rivalisé avec les coqs du grand maître de la région, il y a plus d'un demi-siècle - annoncèrent la prompte aurore du tropique, qui était la fin de la nuit pour M. Pedrito, embarqué dans une nouvelle soûlerie solitaire, là-bas sur la terrasse aux dalles de couleurs de la vieille habitation perdue..page 356
Il ne restait plus que le souvenir des domestiques, conservé par la maigre Baracoa qui continuait à soigner la grand-mère enfermée dans la chambre bleue du fond; ici, vivaient Lunero et l'enfant ( Cruz) ils étaient les seuls à travailler.
Le mulâtre s'assit sur le sol aplani et partagea le plat de poisson..Il offrit une mangue à l'enfant et la une banane et tous deux mangèrent en silence...Ils ne parlaient pas. Mais le mulâtre et l'enfant éprouvaient ce même sentiment de gratitude joyeuse d'être ensemble qu'ils ne diraient jamais, qu'ils n'exprimeraient jamais, même dans un sourire échangé, parce qu'ils étaient là non pour dire ou sourire , mais pour manger et dormir ensemble et ensemble sortir chaque matin, à l'aube, invariablement silencieuse, chargée d'humidité tropicale et ensemble accomplir les tâches nécessaires à la vie de tous les jours et procurer à l'Indienne Baracoa les pièces qui, chaque samedi permettaient d'acheter la nourriture pour la grand-mère et les dames-jeannes de M. Perdrito..Page 357
- C'est bientôt le jour de la Purification dit Lunero avec trois clous entre les dents.
- Quand?
Le petit foyer sous le soleil éclaira les yeux de l'enfant.
- Le 2, petit Cruz, le 2. alors on vendra davantage de chandelles, non seulement aux gens d'à côté , mais à toute la région. On sait que les meilleures viennent d'ici.
- Je me rappelle l'année dernière. page 359
..Le mulâtre baissa les yeux naturellement baissés, calmes, aux aguets.
- Si Lunero s'en va, tu sauras faire toutes les choses?
L'enfant cessa de faire tourner la roue de fer.
- Si Lunero s'en va?
- S'il faut qu'il s'en aille.
Je n'aurais dû rien dire, pensa le mulâtre, il ne dirait rien, il s'en irait comme s'en allaient ses pareils, sans rien dire, parce qu'il connaît et accepte la fatalité et sent un abîme de raisons et de souvenirs entre cette connaissance et cette acceptation et la connaissance et cette acceptation et le refus d'autres hommes, parce qu'il connaît la nostalgie de la vie errante. Eh bien qu'il sût qu'il ne devait rien dire, il savait que l'enfant - son compagnon de toujours - avait regardé avec curiosité , en penchant sa petite tête, l'homme en redingote, qui avait demandé hier après Lunero...
L'enfant laissa retomber ses bras et interrogea le regard baissé du mulâtre.
- Tu t'en vas?
- Toi, tu ne sais pas toutes les histoires de cet endroit. Il fut un temps où cette terre , même la montagne, appartenait aux gens d'ici. Puis, ils la perdirent. M. le grand-père mourut. M. Anastasio reçut une blessure par traîtrise et tout resta inculte. Ou bien passa à d'autres. Il n'est resté que moi et on m'a laissé quatorze ans. Mais il fallait que mon heure arrive.
Lunero s'arrêta parce qu'il ne savait pas comment poursuivre..Il y a treize ans, lorsqu'on lui avait confié l'enfant, il avait pensé l'envoyer sue le fleuve, l'abandonner aux soins des papillons, comme l'ancien roi des histoires blanches, et attendre son retour, une fois devenu puissant. Mais la mort du maître Anatasio lui avait permis de garder l'enfant avec lui, sans même avoir d'histoire avec M. Perdrito, incapable de se laisser distraire ou de discuter, sans avoir d'histoire avec la grand-mère qui vivait déjà enfermée dans cette chambre bleue aux rideaux de dentelle .....Oui, le maître Perdito était mort au bon moment. Il aurait fallu tuer l'enfant: Lunero l'avait sauvé..page 361, 362
Le cacique avait mis quatorze ans à s'apercevoir de sa présence.; c'est pourquoi, hier après-midi, il s'était présenté, suffoquant dans sa redingote noire et les tempes ruisselantes de sueur, l'agent recruteur du cacique, pour dire à Lunero que le lendemain même - aujourd'hui- il devait aller à l'hacienda du maître au sud de l'Etat parce que les bons cultivateurs de tabac se faisaient rares et que Lunero se la coulait douce depuis quatorze ans à s'occuper d'un ivrogne et d'un vieille folle. Et voilà tout ce que Lunero ne savait pas raconter au petit Cruz. page 363
Anatasio..
-Hé, Pedro,
..Il emmène le nègre .;. et c'est lui qui nous donne à manger.;à vous et à moi...
- Non, un mulâtre et un enfant.
..;- L'agent recruteur est venu me prévenir. me réveiller en pleine chaleur du soleil.;;Ils emmènent le nègre..Qu'est-ce que nous allons faire?
...La mère et le fils se contemplèrent, séparés par la muraille d'une résurrection page 377
" Ne t'en va pas Lunero..*
- Petit Cruz, je t'en prie; qu'est-ce qu'on y peut?
Le mulâtre, troublé, caressa les cheveux du jeune garçon et ne put échapper à ce bonheur, à cette gratitude, à ce moment si douloureux qu'il avait toujours redouté. page 385
Cruz, Cruz sans prénom et sans nom véritable, baptisé par les mulâtres, des syllabes du nom d'Isabelle Cruz, de la mère qui fut rouée de coups par Anatasio: la première femme de l'endroit à lui donner un fils. page 389
"Tu existes..;Tu es debout sur la montagne....Tu vas vivre... Tu es sur le point de rencontre et la raison de l 'ordre universel..Ton corps a une raison...Tu es et tu seras, tu as été l'univers incarné...Toi, debout, Cruz, treize ans, au seuil de la vie....Toi, yeux verts, bras minces, cheveux cuivrés par le soleil..Toi, ami d'un mulâtre oublié..;Tu seras le nom du monde....Tu entendras le "aooo" prolongé de Lunero...Tu engages l'existence de toute la fresque infinie, sans fond de l'univers...Tu entendras le bruit des fers de la mule sur le rocher..;En toi, se touchent l'étoile et la terre.;Tu entendras le coup de fusil après le cri de Lunero page 399
( Le petit Cruz tue le recruteur M. Perdito....)
Jamais, jamais, tu n'as pu penser en noir et blanc, en bons et méchants, en Dieu et Diable: admets que toujours, même contre les apparences, tu as trouvé dans le noir le germe, le reflet de son contraire: ta propre cruauté, lorsque tu as été cruel, n'était-elle pas teintée d'une certaine tendresse; la lâcheté, le courage; la vie, la mort:d'une certaine manière - presque inconsciemment: étant donné qui tu es, d'où tu viens et ce que tu as vécu, - tu sais cela et voilà pourquoi tu ne pourras leur ressembler, à eux qui ne le savent pas. Cela te gêne? Oui, ce n'est pas facile, c'est gênant, c'est bien plus facile de sire: ici est le bien et ici est le mal. Toi, tu ne pourras jamais trancher...page 44
Peut-être que les morts des autres prolongent t-elles notre vie? pensa-t-il. mais il ne venait pas à Puebla pour penser. page 57
Il avait été prévenu par le Père Paez: un homme grand, plein de force, avec des yeux verts qui vous hypnotisaient et un ton coupant. Artemio Cruz. page 65
On ne peut pas arrêter le cours des choses. Nous allons donner ces terres aux paysans, après tout ce sont des terres non irriguées et ils n'en tireront pas grand- chose. Nous allons les morceler pour qu'ils ne puissent faire que de petites cultures. Vous verrez: dès qu'ils devront nous en remercier, ils laisseront les femmes s'occuper des mauvaises terres et reviendront travailler nos terres fertiles. Ecoutez-moi bien: vous pouvez même passer pour un héros de la réforme agraire, sans qu'il vous en coûte rien. page 70
J'essaie d'avancer la main vers Teresa, pour chercher auprès d'elle un soulagement mais ma fille s'est à nouveau plongée dans la lecture du journal. auparavant, j'ai vu le jour s'éteindre derrière les baies e tj'ai entendu le bruit charitable des rideaux...La chambre est grande , mais elle est là. Elle doit être assise toute roide, le mouchoir de dentelle à la main, le visage sans fard, et peut-être ne m'entend-elle pas murmurer:
- Ce matin-là, je l'attendais avec joie. Nous avons passé le fleuve à cheval. page 70
"J'essaie d'avancer la main vers Teresa, pour chercher auprès d'elle un soulagement, mais ma fille s'est de nouveau plongée dans la lecture du journal. page 72
Il se réveilla le premier et contempla le sommeil de Regina. On aurait dit le fil le plus ténu de la toile d'araignée des siècles: on aurait dit un jumeau de la mort:le sommeil. page 86
(pendant la guerre) dans tous les villages où il passait, le général s'informait des conditions de travail et publiait des décrets prescrivant la réduction de la journée de travail à huit heures et la partage des terres entre les paysans. ...L'ennui , était que la plus grande partie de la population était sous les armes et que presque tous étaient des paysans , de sorte qu'il n'y avait personne pour appliquer les décrets du général. Alors valait mieux prendre tout de suite l'argent aux riches qui restaient dans chaque village et attendre le triomphe de la révolution pour légaliser le partage des terres et la réduction à huit heures de la journée de travail.
Pour le moment , l'important était d'arriver à Mexico et de vider de la présidence cet ivrogne de Huerta, l'assassin de don Panchito Madero. page 90
De Veracruz , son pays, jusqu'à Mexico, et de là à Sonora, lorsque le mai^tre d'école, Sébastian, lui avait demandé de faire ce que les vieux ne pouvaient plus faire: aller dans le Nord, prendre les armes et libérer le pays. ...Et comment pouvait-il décevoir Sébastian le maître 'école; qui lui avait enseigné les trois choses qu'il savait: lire,n écrire et haïr les curés. page 91
Artemio Cruz près d'un blessé) Le blessé perdit connaissance, s'accrochant à lui avec une force extraordinaire, chargée de prières silencieuses. le lieutenant reçut le poids de plomb sculpté par les balles sur son propre corps. les tremblements du canon revinrent à son oreille. ...Il prit le bras valide du blessé et se débarrassa du corps jeté sur le sien. Il lui prit la tête et l'étendit sur le sol couvert de racines noueuses. Il déboucha la gourde et but une longue gorgée: il l'approcha des lèvres du blessé: l'eau glissa sur le menton noirci. Mais le coeur battait: près de la poitrine du blessé, à genoux, il se demanda s'il battrait encore longtemps. Il défit la lourde boucle d'argent du ceinturon du blessé et lui tourna le dos. ...Il se leva et s'enfonça dans le bois loin du blessé. page 97
" Je dois me décider: je n'ai d'autre possibilité dans ma vie que d'être , jusqu'à ma mort, la femme de cet homme ( Artemio) Pourquoi ne pas l'accepter? Oui, le penser est facile. Moins facile est d'oublier les raisons de ma rancune...page 137
"Nous avons un fils. Mon père et mon frère sont morts. Pourquoi suis-je hypnotisée par le passé? Je devrais regarder vers l'avenir. Et je ne sais quoi décider. Vais-je laisser les faits, le sort, quelques chose d'étranger décider à ma place? C'est possible. Dieu. J'attends un autre enfant. ' page 138
Comment dirais-je...Tous...nous avons besoin de témoins de notre vie pour pouvoir la vivre...
- Oui...
- Toi? ....
- Moi, je n'ai pas choisi ma vie! dit-elle en haussant le ton ( la femme d'Artemio) , et serrant entre ses doigts les bras du fauteuil. Si tu obliges les gens à faire ta volonté, ne va pas ensuite exiger de quiconque de la reconnaissance ni...
- Contre ta volonté? Pourquoi est-ce que je te plais, alors? Pourquoi gémis-tu au lit si ce n'est pour me faire la tête ensuite? Qui peut te comprendre? ....
Catalina, ..Moi, je t'ai aimée....Je n'ai rien à me reprocher...
- Laisse-moi. je suis toujours entre tes mains. Tu as ce que tu voulais. Il faut s'en contenter et ne pas demander l'impossible. page 141
Comment te sens-tu?... Tu n'as pas envie de bavarder un peu? ...Artemio?...Il y a une chose très grave....Artemio...Nous voudrions savoir si tu as laissé un testament. Nous voudrions savoir où.... page 153
Que savent-ils, Catalina, le curé, Teresa, Geraldo? Quelle importance vont avoir leurs simagrées de deuil ou les formules à propos de l'honneur qui paraîtront dans les journaux? Qui aura "l'honnêteté" de dire, comme je le dis à présent, que mon seul amour a été la possession des choses, leur possession sensuelle? Voilà ce que je veux. Le drap de lit me caresse. Et tout le reste, ce qui passe maintenant devant mes yeux. page 178
Mais le présent ne pouvait fuir parce qu'ils étaient en train de le vivre, assis dans ces fauteuils de paille et mangeant machinalement le déjeuner spécialement choisi: bouillon froid vichysoise, langouste, côtes-du Rhône, Baked Alaska.... Page 202
Je voudrais leur demander de les ouvrir, d'ouvrir les fenêtres. Il y a un monde au-dehors. Il y a ce vent haut, du plateau , qui agite des arbre noirs et minces. Il faut respirer..Ils sont entrés;
- Approche-toi, ma petite, pour qu'il te reconnaisse. Dis-lui ton nom.
Elle sent bon. Elle sent très bon. Ah oui, je peux encore distinguer les joues roses, les yeux brillants, toute le jeune silhouette jeune, gracieuse, qui s'approche de mon lit à petits pas. page 206
"Oui, don Artemio, il y a un problème urgent. Les Indiens s'agitent là-bas. . Ils veulent qu'on leur paie les indemnités pour les coupes de bois.
- Hein? ça fait combien?
- Un demi-million.
- Rien que ça? Dites au commissariat du district de me les saquer, c'est pour cela que je les paie. Il ne manquait plus que....page 208
.( Artemio est prisonnier avec d'autres soldats)..tout va continuer, tu ne le sais pas, non? ; le soleil se lèvera encore; il naîtra des gosses, bien que nous soyons toi et moi foutus et bien foutus, tu ne le sais pas, non? page 251
Ils n'ont pas compris. je n'ai rien fait pour eux. Je ne me suis pas occupé d'eux. Je l'ai fait pour moi. page 260
Elles ne m'ont jamais compris. je n'ai pas eu besoin d'elles ( les femmes qu'il a aimées) Je me suis fait seul. Soldat. Yaqui. Regina. Gonzalo.
- Même ce qu'il a aimé, il l'a détruit., maman, tu le sais bien.
- Ne parle pas.je t'en prie, ne parle plus..
Le testament? N'ayez crainte: il existe un papier écrit, timbré devant notaire.: pourquoi le saurais-je oubliée, haïs? ne m'en auriez-vous pas secrètement remercié? N'auriez-vous pas éprouvé du plaisir à penser que, jusqu'au dernier moment, j'ai pensé à vous pour vous jouer un bon tour? ...;je partage avec vous, une fortune extraordinaire, que vous attribuerez en public , à mon effort, à ma ténacité, à mon sens des responsabilités, à mes qualités personnelles. Faites-le Sentez-vous tranquilles, oubliez que cette fortune, je l'ai gagnée dans une lutte que je n'ai pas voulu comprendre parce qu'il ne me plaisait pas de la connaître, la comprendre ceux qui n'attendaient rien de leur sacrifice. C'est cela le sacrifice, n'est-il pas vrai? : tout donner en échange de rien. page 260
Ils accepteront ton testament: la respectabilité que tu as conquise pour eux, la respectabilité: ils remercieront le pauvre minable d'Artemio Cruz d'avoir fait d'eux des gens comme il faut; ils le remercieront de ne pas s'être contenté de vivre et de mourir dans une cabane de nègres: ils le remercieront d'être allé jouer sa vie: ils te justifieront parce qu'eux n'auront plus ta justification; eux, ne pourrons plus invoquer les batailles et les chefs, comme toi, et s'abriter derrière eux pour justifier la rapine au nom de la révolution et l'épanouissement personnel au nom de l'épanouissement de la révolution: tu y penseras et tu t'étonneras: quelle justification vont-ils trouver eux? ils n'y pensent pas, ils jouiront de ce que tu leur laisses autant qu'ils le pourront; ils vivront heureux, ils se montreront peinés et reconnaissants - en public, tu n'en demanderas pas davantage - pendant que tu attends avec un mètre sous terre sur le corps, tu attends à nouveau la foule de pieds sur ton visage mort ..page 350
(l'enfance d'Artemio Cruz: il est né dans une cabane de nègres) 1903: 18 janvier) Il se réveilla en entendant le murmure du mulâtre Lunero - Ah, ivrogne, ah, ivrogne - alors que tous les coqs ( volatiles endeuillés qui étaient tombés dans la servitude rustique, après l' abandon des élevages qui,en d'autres temps avaient été l'orgueil de cette hacienda parce qu'ils avaient rivalisé avec les coqs du grand maître de la région, il y a plus d'un demi-siècle - annoncèrent la prompte aurore du tropique, qui était la fin de la nuit pour M. Pedrito, embarqué dans une nouvelle soûlerie solitaire, là-bas sur la terrasse aux dalles de couleurs de la vieille habitation perdue..page 356
Il ne restait plus que le souvenir des domestiques, conservé par la maigre Baracoa qui continuait à soigner la grand-mère enfermée dans la chambre bleue du fond; ici, vivaient Lunero et l'enfant ( Cruz) ils étaient les seuls à travailler.
Le mulâtre s'assit sur le sol aplani et partagea le plat de poisson..Il offrit une mangue à l'enfant et la une banane et tous deux mangèrent en silence...Ils ne parlaient pas. Mais le mulâtre et l'enfant éprouvaient ce même sentiment de gratitude joyeuse d'être ensemble qu'ils ne diraient jamais, qu'ils n'exprimeraient jamais, même dans un sourire échangé, parce qu'ils étaient là non pour dire ou sourire , mais pour manger et dormir ensemble et ensemble sortir chaque matin, à l'aube, invariablement silencieuse, chargée d'humidité tropicale et ensemble accomplir les tâches nécessaires à la vie de tous les jours et procurer à l'Indienne Baracoa les pièces qui, chaque samedi permettaient d'acheter la nourriture pour la grand-mère et les dames-jeannes de M. Perdrito..Page 357
- C'est bientôt le jour de la Purification dit Lunero avec trois clous entre les dents.
- Quand?
Le petit foyer sous le soleil éclaira les yeux de l'enfant.
- Le 2, petit Cruz, le 2. alors on vendra davantage de chandelles, non seulement aux gens d'à côté , mais à toute la région. On sait que les meilleures viennent d'ici.
- Je me rappelle l'année dernière. page 359
..Le mulâtre baissa les yeux naturellement baissés, calmes, aux aguets.
- Si Lunero s'en va, tu sauras faire toutes les choses?
L'enfant cessa de faire tourner la roue de fer.
- Si Lunero s'en va?
- S'il faut qu'il s'en aille.
Je n'aurais dû rien dire, pensa le mulâtre, il ne dirait rien, il s'en irait comme s'en allaient ses pareils, sans rien dire, parce qu'il connaît et accepte la fatalité et sent un abîme de raisons et de souvenirs entre cette connaissance et cette acceptation et la connaissance et cette acceptation et le refus d'autres hommes, parce qu'il connaît la nostalgie de la vie errante. Eh bien qu'il sût qu'il ne devait rien dire, il savait que l'enfant - son compagnon de toujours - avait regardé avec curiosité , en penchant sa petite tête, l'homme en redingote, qui avait demandé hier après Lunero...
L'enfant laissa retomber ses bras et interrogea le regard baissé du mulâtre.
- Tu t'en vas?
- Toi, tu ne sais pas toutes les histoires de cet endroit. Il fut un temps où cette terre , même la montagne, appartenait aux gens d'ici. Puis, ils la perdirent. M. le grand-père mourut. M. Anastasio reçut une blessure par traîtrise et tout resta inculte. Ou bien passa à d'autres. Il n'est resté que moi et on m'a laissé quatorze ans. Mais il fallait que mon heure arrive.
Lunero s'arrêta parce qu'il ne savait pas comment poursuivre..Il y a treize ans, lorsqu'on lui avait confié l'enfant, il avait pensé l'envoyer sue le fleuve, l'abandonner aux soins des papillons, comme l'ancien roi des histoires blanches, et attendre son retour, une fois devenu puissant. Mais la mort du maître Anatasio lui avait permis de garder l'enfant avec lui, sans même avoir d'histoire avec M. Perdrito, incapable de se laisser distraire ou de discuter, sans avoir d'histoire avec la grand-mère qui vivait déjà enfermée dans cette chambre bleue aux rideaux de dentelle .....Oui, le maître Perdito était mort au bon moment. Il aurait fallu tuer l'enfant: Lunero l'avait sauvé..page 361, 362
Le cacique avait mis quatorze ans à s'apercevoir de sa présence.; c'est pourquoi, hier après-midi, il s'était présenté, suffoquant dans sa redingote noire et les tempes ruisselantes de sueur, l'agent recruteur du cacique, pour dire à Lunero que le lendemain même - aujourd'hui- il devait aller à l'hacienda du maître au sud de l'Etat parce que les bons cultivateurs de tabac se faisaient rares et que Lunero se la coulait douce depuis quatorze ans à s'occuper d'un ivrogne et d'un vieille folle. Et voilà tout ce que Lunero ne savait pas raconter au petit Cruz. page 363
Anatasio..
-Hé, Pedro,
..Il emmène le nègre .;. et c'est lui qui nous donne à manger.;à vous et à moi...
- Non, un mulâtre et un enfant.
..;- L'agent recruteur est venu me prévenir. me réveiller en pleine chaleur du soleil.;;Ils emmènent le nègre..Qu'est-ce que nous allons faire?
...La mère et le fils se contemplèrent, séparés par la muraille d'une résurrection page 377
" Ne t'en va pas Lunero..*
- Petit Cruz, je t'en prie; qu'est-ce qu'on y peut?
Le mulâtre, troublé, caressa les cheveux du jeune garçon et ne put échapper à ce bonheur, à cette gratitude, à ce moment si douloureux qu'il avait toujours redouté. page 385
Cruz, Cruz sans prénom et sans nom véritable, baptisé par les mulâtres, des syllabes du nom d'Isabelle Cruz, de la mère qui fut rouée de coups par Anatasio: la première femme de l'endroit à lui donner un fils. page 389
"Tu existes..;Tu es debout sur la montagne....Tu vas vivre... Tu es sur le point de rencontre et la raison de l 'ordre universel..Ton corps a une raison...Tu es et tu seras, tu as été l'univers incarné...Toi, debout, Cruz, treize ans, au seuil de la vie....Toi, yeux verts, bras minces, cheveux cuivrés par le soleil..Toi, ami d'un mulâtre oublié..;Tu seras le nom du monde....Tu entendras le "aooo" prolongé de Lunero...Tu engages l'existence de toute la fresque infinie, sans fond de l'univers...Tu entendras le bruit des fers de la mule sur le rocher..;En toi, se touchent l'étoile et la terre.;Tu entendras le coup de fusil après le cri de Lunero page 399
( Le petit Cruz tue le recruteur M. Perdito....)