dimanche, décembre 25, 2011

LA MORT D'OLGA (Horacio Castellanos Moya)

Monologue de Laura qui parle continuellement à un interlocuteur à propos de sa meilleure amie assassinée froidement à San Salvador . Peu à peu, elle découvre que Olga Maria qu'elle croyait connaître, lui est en grande partie une inconnue.

Le roman est une critique acerbe de la bourgeoisie salvadorienne qui abrite ses turpitudes et sa corruption sous le masque de la respectabilité. Portait d'une société figée dasn ses privilèges et convaincue de son bon droit.


"Dommage que la peine de mort n'existe pas. On devrait le fusiller (le meurtrier de son amie) , ma belle, comme au Guatemala., tu as vu l'exécution du dernier Indien? Là-bas, ils ne passent pas leur temps à révasser: l'Indien assassin au poteau d'exécution! C'est comme ça que ça doit se passer. Si dans les pays les plus civilisés, comme les Etats-Unis, on applique la peine de mort, pourquoi pas ici? Il n'y a pas à transiger sur un tel sujet! Mon père dit que c'est à cause des curés que la peine de mort n'existe pas. Je suis d'accord avec lui sur ce point; je t'asure que quand on aura fait fusiller une douzaine de canailles comme celui-ci, les délinquants y réfléchiront à deux fois avant de commettre des méfaits contre les honnêtes gens. pages 65, 66


...Je ne sais pas, ma belle, comment elle a pu entrer en contact avec les communistes (une amie d'école) Elle est de bonne famille, des gens qui ont des plantations de café. Ils l'ont déshéritée, la pauvre, et le diable a jeté son dévolu sur elle. page 74


La plage était très belle à marée basse. Ce qu'il y a de bien en semaine, c'est qu'il n'y a pas la populace. Le week-end, c'est insupportable: toute la racaille d'El Majahual envahit San Blas. Que des voleurs et des putains! Je ne comprends pas pourquoi on ne clôture pas la plage.; c'est ce que dit mon père. Quand on a sa maison en face de la plage, on doit supporter tous ces maladrins qui passent leur temps à chercher quoi voler, qui attaquer. Horrible! Les plages devraient être clôturées pour que toute cette vermine d'El Majahual ne puisse pas envahir San Blas. Mon père dit qu'on ne peut pas à cause de la loi; belle loi! Mais , en semaine, c'est tranquille. page 87

mercredi, décembre 21, 2011

MYOSOTIS (Duong Thu Huong)

Les Américains ont quitté le Vietnam, vaincus. Le nouveau régime donne le pouvoir à de nouveaux maîtres . La perversité, la médiocrité, l'arrivisme font fi de l'idéal du temps de guerre. Ceux qui tentent de quitter le pays - les boat-people - sont sévèrement punis. Le héros du livre, Hung, cristallise toutes ces contradictions et ces espoirs.

jeudi, décembre 15, 2011

CITE DE LA POUSSIERE ROUGE (Qiu Xiaolong)

La Cité de la Poussière Rouge met en scène un quartier populaire de Shanghaï de 1949 à 2005, sous forme de 24 nouvelles qui suivent la vie politique du pays et celle des habitants de ce quartier. Le livre est un portrait de la Chine sclérosée par les dictatures et par les dernières nouvelles du XXI è siècle, le triomphe du capitalisme.

"Tout comme un cheval prouve sa force en galopant sur une longue distance, c'est dans les temps de désastre que nous connaissons l'autre" page 24


Bao, le poète ouvrier (il faisait du tofu - composait des poèmes à la gloire de Mao dés le début de son arrivée au pouvoir, il a continué pendant la révolution culturelle mais son activité poétique a décru ensuite avec l'ouverture du pays à l'économie de marché. Bao avait de moins en moins l'air d'un poète célèbre...Quant à sa femme, elle ne le suivait plus avec son calepin et son stylo. Elle disait que cela n'avait plus d'intérêt de noter ses remarques, qui n'étaient qu'une répétition de clichés. Non seulement elle enseignait dans un lycée, mais en outre, elle était très recherchée pour donner des cours particuliers aux élèves qui voulaient passer l'examen d'entrée à l'université. Les transformations rapides de la société exigeaient que l'avenir des jeunes soit assuré par des études universitaires solides, et les parents ne regardaient pas à la dépense. Entre le public et le privé, elle gagnait cinq à six fois plus que Bao . Dans la nouvelle économie de marché, la valeur de quelqu'un s'estimait tout naturellement d'après ses revenus.

dimanche, décembre 11, 2011

MON OMBRE (Christine Falkenland)

L'auteur est suédoise. Ce roman se passe dans une petite île scandinave...
Beaucoup d'introspection, de jalousie, d'aigreur qu'elle essaie de dépasser...BOF!

mercredi, décembre 07, 2011

LE HERON DE GUERNICA (Antoine Choplin)

L'auteur nous raconte le massacre de Guernica par les bombardiers allemands en avril 1937. Le héros , un jeune peintre autodidacte passe son temps dans les marais à peindre des hérons cendrés. La tragédie le surprend ...

samedi, décembre 03, 2011

LA BELLE AMOUR HUMAINE (Lyonel Trouillot)

Anaïse revient au pays de son père qu'elle a très peu connu avec le désir de savoir qui il était.
Un touriste, c'est très souvent un portefeuille qui commente le peu qu'il voit sur un ton sans appel. Sans doute, estiment-ils que le tarif qu'ils payent leur donne droit à une opinion, que leur cash leur confère un brevet d'expertise. page 29

Le colonel Pierre André Pierre était noir, noir comme son père, noir comme sa mère, noir comme tous les membres de sa famille avant lui, des deux côtés de sa modeste lignée d'agriculteurs. Noir comme tous les habitants de la petite ville dans laquelle il avait pris naissance. page 75






..Ils (les touristes) arrivent avec des gueules de tout va mal depuis toujours, et surtout à l'occasion de ce voyage, de l'aéroport de départ avec les panneaux d'affichage non allumés jusqu'au taxi au coffre trop étroit et une partie des bagages qu'il faut placer sur le siège avant à la droite du chauffeur, ces rues pourries et leurs enfants qui tendent la main et s'accrochent aux portières - on dit "les enfants des rues" comme si les rues étaient leurs mères - en passant par l'avion et le personnel de bord pas sympa, les trous d'air et l'horrible accent de l'hôtesse, l'aéroport d'arrivée, un vrai bordel et la trop longue attente pour récupérer les bagages. page 87




Son père (un enfant qui accompagne ses parents touristes) , il lui a enseigné qu'il faut compter sur soi pour être compétitif. Sa maîtresse lui a enseigné qu'il faut compter sur soi pour être compétitif. Le psy lui a enseigné qu'il doit s'exprimer pour se faire entendre. Le président, quand il s'adresse à la nation, dit que nous sommes une grande nation qui doit compter sur elle-même, mener une politique agressive pour être compétitive. Au nom de son père, de sa mère, de sa maîtresse, des psy, du président, de la nation, des médias, Junior veut qu'on l'entende et être compétitif. page 91






Ils ( les touristes)arrivent avec des batteries de médicaments, se badigeonnent la peau de mille et une pommades Ils sont pris de panique dès que nous traversons les quartiers populaires. On dirait qu'ils s'attendent à un pays inhabité, à une terre vierge qui s'étalerait à leur convenance. Quand ils descendent de voiture pour regagner leur chambre d'hôtel ou entrer dans un magasin, ils avancent une main devant, une main derrière, l'une comme un cache-sexe ou la paume en avant pour signifier: Ne vous approchez pas de moi; l'autre serrée sur le porte-monnaie ou vérifiant sans cesse le portefeuille de peur qu'un esprit maléfique n'y soit venu glisser une patte invisible pour leur faucher quelques billets. page 120






Les peureux (touristes), faut se demander pourquoi ils se donnent la peine de bouger puisque partout où ils vont, ils s'attendent à retrouver tout ce qu'ils ont laissé chez eux.La même bouffe. Les mêmes couleurs. Ils s'étonnent, ils se fâchent de ce qu' ici, on ne mange pas la viande de porc comme chez eux, de ce que les gens ne portent pas les mêmes prénoms que chez eux, de ce que les néons ne soient pas aussi puissants que chez eux. Ils ne cultivent pas le doute et souhaiteraient que le monde soit la copie conforme de leur propre univers. page 121






Il (le père de Anaïse) n'avait pas su développer cette culture qu'a le riche d'habiter son confort. page 122






La vie n'est jamais rien qu'un ouvrage collectif. page 131






La parole sert parfois à trouver les mots, à les sortir de leur cachette, afin qu'ils nous aident à nous révéler à nous-mêmes. page 140






(Anaïse se promène dans le village) Je n'ai pas beaucoup voyagé mais j'imagine qu'il est rare de se retrouver dans un lieu inconnu en étant d'une autre culture, d'une autre couleur et de se sentir accueillie comme si sa présence sur cette terre nouvelle était une chose naturelle, une chose simple allant de soi, comme le lever du jour ou le coucher du soleil. C'est moi qui ai fait l'effort de me rappeler que j'étais étrangère. Pour ne pas faire comme si j'avais tout compris....J'ai réalisé aussi que le pain du jour n'est pas chose gagnée pour tous . Ici, les choses dont vous devez manquer, je ne parviendrai même pas à les énumérer. Ici, dans le village, rien qu'en marchant, j'ai pu constater tout ce vide à l'intérieur des maisons. Je ne puis être qu'étrangère à cette pauvreté. Mais l'envie m'est venue d'entrer dans les maisons. Les regards m'y invitaient. page 148






Dans la ville d'où je viens, il y a toujours de quoi se nourrir, alors on s'y fait.La différence entre ta capitale et la mienne, c'est que chez moi, les pauvres sont assez riches pour oublier qu'ils sont pauvres. page153






...on ne s'invente pas tout seul.



Non, je ne peux pas te dire que j'ai trouvé ce que j'étais venu chercher, mais dans la question relative à l'usage de sa présence au monde, se pose aussi celle de la place de l'absent. Les absents, on les reconstitue toujours: ceux qu'on laisse partir et ceux que l'on ramène. Ce sera ça , mon père: je ramène avec moi au pays d'où je viens des bouts d'enfance triste et une belle nuit d'amour. page 154




Je suis venue chercher l'amitié d'un absent et lui offrir la mienne des années après sa disparition




La terre qui t'appartient est celle où tu plantes tes rêves.

lundi, novembre 21, 2011

LES SOLDATS DE SALAMINE (Javier Cercas)

Guerre d'Espagne, rêve de fascisme à l'italienne, arrivée de Franco etc...


"Allende ne nous a pas fourni d'armes car il ne voulait pas qu'on se fasse tuer. Il pensait à nous comme si nous étions ses fils, tu comprends? S'il nous avait fourni ces armes, nous serions tombés comme des mouches. Enfin, je suppose qu'Alenede est un héros.

-Et qu'est-ce qu'un héros?

-Je ne sais pas dit-il. Quelqu'un qui croit être un héros, et à juste titre. Ou quelqu'un qui a du courage et l'instinct de la vertu et, pour cette raison, ne se trompe jamais ou du moins, ne se trompe pas au seul moment où il est important de ne pas se tromper, et , par conséquent, ne peut pas ne pas être un héros. Ou qui, comme Allende, que le héros n'est pas celui qui tue, mais celui qui ne tue pas ou qui se laisse tuer. Je ne sais pas. Qu'est-ce qu'un héros pour toi?

-Je ne sais pas...

- ...Je crois , que dans le comportement d'un héros, il y a presque toujours une part aveugle, irrationnelle, instinctive, quelque chose qui appartient à sa nature et à quoi il ne peut échapper. D'ailleurs, s'il est possible d'être une personne intègre toute sa vie, il est impossible d'être un héros constamment sublime et c'est pourquoi le héros ne l'est qu'exceptionnellement, à un seul moment ou bien, tout au plus, pendant un temps de folie ou d'inspiration. Prenons l'exemple d'Allende, parlant sur Radio Magallanes, couché à même le sol dans un coin du palais présidentiel de la Moneda, la mitrailleuse dans une main et le microphone dans l'autre, parlant comme s'il était soûl ou comme s'il était déjà mort, sans très bien savoir ce qu'il dit, mais disant pourtant les mots les plus purs et les plus nobles que j'aie jamais entendus. pages 165, 166

samedi, novembre 12, 2011

DU DOMAINE DES MURMURES ( Camille Martinez)

Ce livre - primé au Goncourt par les lycéens - ne m'a guère accrochée. Histoires rocambolesques et mélange de mysticisme et de cruauté.

vendredi, octobre 21, 2011

SEPT HISTOIRES QUI REVIENNENT DE LOIN (Rufin)

(Dans l'Ile Maurice, les personnages principaux sont un couple de Français installés , la famille de la femme y habite depuis des générations)



Nous sommes à leurs yeux (les indigènes) les représentants d'un système qu'ils condamnent sans autre forme de procès. Pourtant, ils ne semblent pas gênés que toute l'organisation de ces hôtels soit calquée sur la vie de nos demeures, à la grande époque du Dominion. Les Blancs y occupent les postes de direction; des Africaines en blouse blanche font les chambres; des Indiens souriants assurent le service et les Chinois sont aux cuisines. Les plages sont interdites aux autochtones. Seuls, quelques pêcheurs en barques traditionnelles , sont autorisés à gesticuler devant les parasols, pour ajouter quelques taches pittoresques et colorées sur l'écran turquoise de la mer. page 47






Il faut reconnaître que Dieu n'a pas disposé sur cette terre insulaire deux créatures, un homme et une femme, mais trois. Et la troisième était un esclave. page 51






Qu'on me comprenne bien: je ne défends pas l'ordre ancien, quand nous étions les maîtres de l'île. Tout ce que je demande, c'est de conserver autour de moi une ultime portion de ce passé, pour continuer à respirer son air, sans lequel je ne peux pas vivre. Cette bulle, c'est ma maison et notre crique. Je n'ai besoin de rien d'autre. page 62






(une autre histoire: un couple décide de se séparer à 20 ans et 40 ans après, ils se retrouvent comme à 20 ans)



(L'homme s'est marié) Ma femme ne restait avec moi que par habitude et convenance. Il était temps de reconnaître que nous ne nous étions jamais aimés. Alors, un jour, j'ai simplement décidé de partir.



...C'est sur le perron de la gare, ...que nous nous sommes séparés, voici quarante années. J'ai peine à raconter ce qui s'est passé. A vrai dire, aujourd'hui, je vois dans notre décision subite un acte de folie et j'ai du mal à reconstituer le cheminement mental qui nous a conduits l'un et l'autre à accomplir un geste aussi insensé. Fut-ce la saturation d'un amour que nous ne croyions pas pouvoir jamais être plus parfait qu'en ce moment-là. Fut-ce une idée sincère, un prétexte, un pari fou? Le fait est que nous avons décidé ce jour-là de nous rendre nos libertés... Nous avons pris cette décision déchirante et magnifique...Ni toi, ni moi n'avons pris l'initiative de rompre ensuite le charme, de revenir sur la séparation et nous avons vécu nos vies...Et puis , il y a eu cette lettre que j'ai lue au plus fort de las aison chaude en frissonnant: ton mari parti, tes enfants élévés, l'envie que tu avais de me rejoindre...Ainsi est née cette évidence que, toi comme moi, nous ne nous étions jamais quittés et qu'après d'aussi longues fiançailles, il était temps, peut-être, de songer à nous réunir. pages 112, 113

jeudi, octobre 13, 2011

MAMMON (Robert Alexis)

( Guerre du Vietnam,le personnage principal est un militaire basé à Saïgon)

Tout le monde se connaissait; on s'interpellait d'une table à l'autre; un brassage incessant montrait les fils qui reliaient des gens habitués à ne vivre qu'entre eux, phénomène habituel aux colonies, quand l'esprit de classe se renforce des liens unissant une minorité d'hommes de même race et de même culture. page 46


J'éprouvais, dans l'éclair d ' une certitude intuitive, l'effondrement du monde qui avait été mien, et l'avènement d'un autre, plus brillant, plus incertain aussi, dont le mythe était, soleil autour duquel gravitaient mille réalités à connaître, la rivière de diamants qu'une riche invitée portait autour du cou. page 52


Les êtres sont moins dans le récit exact de leur existence que dans un geste allant grossir le fleuve de leurs apparitions. Page 76


Il est des lieux sur terre qui prouvent que la vie est le fruit du hasard. Nous en visitions un. Nulle part dans cet antre dominé par le multiple on eût pu trouver le signe d'un principe supérieur. Pas d'organisation, hormis celle commandée par l'urgence de vie. Aucun de ces agencements sous la trame duquel il demeure l'éventualité d'une intelligence fondatrice. (Les soldats sont dans la jungle) page 105


La fleur était le symbole de ma pensée, unique dans son relais entre le bouton et le fruit, digne d'être nommée, ailée, parce qu'elle vient de ce rien qu'on appelle où la plante l'appelle, un moment court , intense, élévé à l'esthétique avant de se décomposer. page 119


Inlassablement, on retombait dans le même aveuglement, l'amour unique, la fidélité, les croyances, les institutions, les manières de penser et de tordre le monde, le bloc des notions unifiées dans les manuels et les dictionnaires, la façon d'enseigner aux enfants , cet horrible moyen , par l'école, de corrompre la pensée à peine éclose, de l'abrutir à force de devoirs, d'âneries à répéter inlassablement, jusqu'à ce que on dise oui, du bout des lèvres, afin de ne pas être puni. page 169


Je n'avais pas menti à Chung, j'étais bien un "mauvais esprit" insouciant de sa propre existence, un être agi par le seul désir de tremper ses mains dans un flot de rubis, et de s'en laver le corps, d'en inonder son âme. Que m'importait ce que j'aurais fait d'une telle richesse! Je voulais toucher, caressr, posséder, rien d'autre n'existait, ni mes anciens compagnons, ni les guerriers dont je pressais le pas L'humanité entière se consumait dasn les flammes qui brûlaient en moi, le monde n'était plus qu'une gemme, une pierre immense brillant des mille feux embrasant l'univers. page 178


Narciise n'aimait en lui que son image. On ne eut trouver beau que des images?A ton avis, qu'est-ce que c'est qu'une image? Est-ce la réalité ou un simple spectacle? - Veux-tu me faire dire qu'on ne trouve beau que ce qui n'existe pas? - Je veux dire qu'en ce moment tu prends plaisir à contempler de simples images. -Les forêts, les montagnes, le ciel, la mer, tout cela n'est pas réel? - Dès que tu les regardes, tu en fais des images.- Comment devrais-je les regarder? - Comme tu sesn tes viscères à l'intérieur de ton corps. page 212


Je ne considérais plus le monde de manière totalement "objective", mais je voulais jouir des objets qui le composaient, trouver le bonheur dans le fait d'accumuler ce que l'autre voix affirmait n'être qu'une illusion. page 254 (Le personnage a quitté son mentor boudhiste, a trouvé les rubis et est revenu à Saïgon)


"Ces pierres ont le goût et la couleur du sang. En d'autres temps, je vous aurais parlé de...possession. "Le mot m'avait échappé.Il résumait assez bien ce que je pensais de mon état depuis le meurtre du moine, et ce que je sentais tapi au fond de mon âme: une hantise en même temps qu'une force inextinguible. Page 258


Mon "désir" , que trois années dans la forêt n'avaient pu éteindre, atteignait son paroxysme. Désormais, tout ce que j'allais toucher se transformerait en or, je le savais, je ne me refusais rien, pas plus les meilleurs restaurants de la rue Carenat que les plaisirs avec les androgynes venus de Bangkok Page 260


Peut-on estimer réellement le bien et le mal dans la vie d'un homme? Ces deux mots, d'ailleurs, signifient-ils quelque chose? Le désir a dirigé ma vie. J'ai consacré mon temps à augmenter ma richesse et, faisant cela, jouet de ce que Hengel nomme "les ruses de la raison" , j'ai contribué au développement de l'humanité....Il faut être entrepreneur, financier, industriel, scientifique, il faut aimer l'argent, il faut grâce à l'argent se donner les moyens de sa haine. page 265, 266

samedi, octobre 08, 2011

JEUNES FEMMES EN UNIFORME ( Tereska Torrès)

De jeunes femmes ont rejoint le Général De Gaulle à Londres après l'appel du 18 juin 40. L'auteur dresse le portait romancé de quelques jeunes filles qui firent preuve d'un courage quotidien pendant le Blitz de 1940 à 1944.

mercredi, septembre 28, 2011

LE POIDS DU PAPILLON (Erri De Luca)

Ce soir-là, il avait joué de l'harmonica pour l'assistance. C'était sa façon de répondre aux questions. page 23

Un homme qui ne fréquente pas les femmes, oublie qu'elles ont une volonté supérieure. Un homme ne parvient pas à vouloir autant qu'une femme, il pense à autre chose, il s'interrompt, une femme non...Une femme est ce fil d'araignée tendu dans un passage, qui se colle aux vêtements et se laisse porter... Un homme qui ne fréquente pas les femmes est un homme seul. Il n'est pas un homme un point c'est tout, et rien à ajouter. C'est un homme sans. Il peut l'oublier, mais s'il se retrouve devant une femme, il le sait de nouveau. page 41

On prend des leçons avec les animaux. Elles ne servent pas à réparer, seulement à s'arrêter...Les dettes se paient à la fin, une fois pour toutes. page 46

A la dernière (femme) il avait vu faire le geste de rejeter ses cheveux derrière son dos. Comme un mouvement d'ennui qui éloigne, mais aussi comme une demande de caresse sur les cheveux. Les femmes font des gestes de coquillage, qui s'ouvre pour expulser comme pour attirer à l'intérieur. page 56

Le présent est la seule connaissance qui est utile. L'homme ne sait pas vivre dasn le présent. page 65

La solitude est un blanc d'oeuf, la meilleure partie. Pour l'écriture, c'est une protéine. page 76

samedi, septembre 24, 2011

LA DOUBLE VIE D'ANNA SONG (Linh Tran Huy)

"La vie, c'est passer son temps à se préparer pour quelque chose qui n'arrive jamais" a écrit Yeats. page11

Le souvenir: ce qui reste à ceux qui ont le temps, qui ont le choix. page 75

Elle s'était dit qu'il valait mieux me blesser que me décevoir. page 121

Et Anna et moi étions devenus amis de même que le vent souffle, que le soleil brille et que la mer est salée.

Aimer quelqu'un à qui l'on doit beaucoup et particulièrement beaucoup d'argent, est en soi une épreuve. Page 132

lundi, septembre 19, 2011

LA BEAUTE DU MONDE (Hector Tizon)

Il pensa qu'il n'y a que dans les rêves que nous sommes l'autre, le vrai. page 35


Etre adulte signifie que l'on sait qu'on a plus de mère, qu'on gît éveillé et seul dans l'obscurité de la nuit. page 51


Le temps annihile l'amour et les illusions, souille l'innocence. page 57


les larmes sont faites pour sourdre des yeux, sinon, elles se transforment en rancoeur, nous laissent stupéfaits; l'âme hébétée , et, comme des morts, même si seule la souffrance nous différencie d'eux....

L'amour comble, bien qu'il ne puisse entrer que là où existe un vide pour le recevoir. page 74


Il n'existe pas d'abîmes plus profonds que ceux qui séparent deux personnes. page 82


Son dernier voyage fut un long détour; la vie d'un homme entre le moment où il naît et sa fin n'est qu'un long détour. page 131

mercredi, septembre 14, 2011

SUR LA ROUTE DE MADISON (Robert James Wallace)

L'analyse détruit l'unité. Certaines choses, les choses magiques, ont besoin d'être vues comme un tout. Si on les fragmente, elles disparaissent. page 51




Les vieux rêves étaient des bons rêves. Ils ne se sont pas réalisés, mais je suis content de les avoir eus. Je ne sais pas exactement ce que cela signifie, mais je m'en servirai d'une manière ou d'une autre. dit Richard. page 55




"Mon Dieu! qu'est-ce qu'il avait donc (Richard) de si spécial? Il était comme un habitant des étoiles qui se serait accroché à la queue d'une comète avant de tomber au bout de son allée. (Francesca)page 98




Quelque chose d'aussi simple qu'un verre de bière fraîche au moment du bain lui semblait (à Francesca) très élégant. Pourquoi est-ce que Richard (son mari) et elle ne vivaient comme ça? En partie, elle le savait, à cause de l'inertie des habitudes. Tous les mariages, toutes les relations couraient ce risque. Les habitudes entraînaient la routine et la routine avait son propre confort , elle en était consciente...La routine est une chose, la peur du changement en est une autre. Et Richard avait peur du changement quel qu'il fût, dans leur mariage. Il ne voulait pas en parler, en général...Pourquoi des murs et des barbelés empêchaient-ils des relations simples, naturelles entre les hommes et les femmes? pages 104-105




"Robert , curieusement, je t'appartiens. Je ne voulais pas être possédée, je n'en avais pas besoin et je sais que tu n'en avais pas l'intention, mais c'est arrivé. Je ne suis plus assise sur l'herbe à côté de toi. Je suis en toi, prisonnière et heureuse de l'être." Il répondit: Je ne sais pas si tu es en moi, ou si tu m'appartiens. Une chose est sûre, je ne veux pas te posséder. Je pense que nous sommes deux à l'intérieur d'un autre être que nous avons créé et qui s'appelle "nous". En fait, nous ne sommes pas vraiment à l'intérieur de cet être. Nous sommes cet être. Nous sommes tous les deux perdus et nous avons créé autre chose, quelque chose qui existe seulement comme une fusion de nous deux. Dieu, nous sommes amoureux! Aussi profondément, aussi complètement qu'on peut l'être! page 129




"Tu es le voyage. Tu es cette fissure où l'illusion rencontre la réalité, là-bas sur la route et la route , c'est toi. (Francesca) page 130




lundi, septembre 12, 2011

LES OLIVIERS DU NEGUS (Laurent Gaudé)

Nous nous entassons dans la mort avec la même tristesse que dans la vie, serrés les uns contre les autres, laids d'être tous identiques. Comme si, même là, nous avions peur d'être seuls. page 38

A chaque génération qui disparaît, c'est un peu du monde qui sombre. page 43

Nous mourrons tous. En une seconde. Sans avoir eu le temps de nous regarder les uns les autres. page 157

lundi, septembre 05, 2011

ORIGINES (Amin Maalouf)

"D"autres que moi ont parlé de "racines"...Ce n'est pas mon vocabulaire. Je n'aime pas le mot "racines", et l'image encore moins. Les racines s'enfouissent dans le sol, se contorsionnent dans la boue, s'épanouissent dans les ténèbres; elle retiennent l'arbre captif dès la naissance, et la nourrissent au prix d'un chantage : "Tu te libères, tu meurs!". ...Pour nous, seules, les routes importent. Ce sont elles qui nous convoient - de la pauvreté à la richesse ou à une autre pauvreté, de la servitude à la liberté ou à la mort violente. Elles nous promettent, nous poussent, puis nous abandonnent. Alors, nous crevons,, comme nous étions nés, au bord d'une route que nous n'avions pas choisie. page 9


Il est des relations d'amour qui fonctionnent sur le mode du manque et de l'éloignement. Tant qu'on est ailleurs, on peut maudire la séparation et vivre dans l'idée qu'il suffirait de se rejoindre. Une fois sur place, les yeux se dessillen : la distance préservait encore l'amour, si l'on abolit la distance, on prend le risque d'abolir l'amour. page 33


Nous sommes les générations arrogantes qui sont persuadées qu'un bonheur durable leur a été promis à la naissance - promis. mais par qui donc? page59


Nous avons constamment deux visages, l'un pour singer nos ancêtres, l'autre pour singer l'Occident. page 121 (l'auteur fait allusion à la tenue vestimentaire des Libanais au début du XXè siècle.)

mercredi, août 31, 2011

LES JARDINS DE LUMIERE (Amin Maalouf) 1991

Les jardins de lumière , c'est l'histoire de Mani, un personnage oublié. Lorsqu'on parle de manichéisme, de manichéen, on songe rarement à cet homme de Mésopotamie, peintre, médecin et prophète, qui proposait au IIIè siècle de notre ère,  -  que les Chinois nommaient "le Bouddha de lumière" et les Egyptiens , "l'apôtre de Jésus"   - une nouvelle vision du monde, profondément humaniste, et si audacieuse qu'elle allait faire l'objet d'une persécution inlassable de la part de toutes les religions et de tous les empires. Loin des jugements tranchés auxquels on l'associe, sa philosophie tolérante et humaniste visa à réconcilier les religions de son temps. 

Mani, qui apparaît, avec le recul des siècles, comme le véritable fondateur de la peinture orientale, lui, dont chaque trait de pinceau allait faire naître, en Perse, mais aussi en Inde, en Asie Centrale, au Tibet, en Chine, mille vocations d'artiste. Au point que, dans certaines contrées, on dit encore "un Mani" quand on veut dire, avec des points d'exclamation, "un peintre, un vrai" page 67
En tout être, comme en toute chose, se côtoient et s'imbriquent Lumière et Ténèbres. Dans une datte que vous croquez, la chair nourrit votre corps, mais le goût suave et le parfum et la couleur nourrissent votre esprit. page 112
Mes paroles, je ne les vends pas, je les distribue. page 160
En chaque homme, une étincelle se dissimule sous les casques, les parures et les cottes de maille. page 179
Je me réclame de toutes les religions et d'aucune.  On a appris aux hommes qu'ils devaient appartenir à une croyance comme on appartient à une race ou à une tribu. Et moi, je vous dit, on vous a menti. En chaque croyance, en chaque idée, sachez trouver la substance lumineuse et écarter les épluchures. Celui qui suivra ma voie pourra invoquer Ahura-Mazda et Mithra et le Christ et Bouddha. Dans les temples, que j'élèverai, chacun viendra avec ses prières. page 198

Il (Mani) évoqua son espoir de voir , dit-il , tous les sujets de l'Empire rassemblés autour d'une sagesse commune. " La même étincelle divine est en nous tous, elle n'est d'aucune race, d'aucune caste, elle n'est ni mâle, ni femelle, chacun doit la nourrir de beauté et de connaissance, c'est ainsi qu'elle parvient à resplendir, c'est seulement par la Lumière qui est en lui qu'un homme est grand. page 208
"Sois fidèle à toi-même, à la lumière qui est en toi, parcelle de sagesse et de divinité. " page 287

samedi, août 27, 2011

L'ENFANt DU PEUPLE ANCIEN ( Anouar Benmalek)

Queensland, nord-est de l'Australie, décembre 1918. Kader, bouleversé regarde le corps défait de sa femme, Lislei, mourante. D'étranges dieux ont présidé à leur rencontre. En 1870, Lislei, l'Alsacienne, est emprtée dans la tourmente sanglante de la Commune, tandis que Kader, l'Algérien, est fait prisonniet au cours de la révolte des tribus sahariennes contre les colons français. Tous deux sont déportés en Nouvelle-Calédonie et réussissent à s'évader sur le même rafiot se dirigeant vers l'Australie. A son bord, ligoté, gémit un drôle de petit garçon: Trdarir. Dernier représentant des Aborigènes de Tasmanie décimés par les colons australiens, l'orphelin courageux tente de retrouver les mythiques Sentiers des Rêves de son peuple.


"On n'a jamais assez de temps pour ceux qu'on aime". page 17


-Un Négro , c'est un Négro et un kangourou, c'est un kangourou! J'dis pas que c'est un homme comme nous, mais j'dis pas que c'est un animal. Et un gosse, c'est un gosse, y'a pas des choses à ne pas dire! page 120


On ne pleure que si l'on attend une consolation. page 123


Est-ce seulement imaginable qu'un peuple disparaiise de la terre parce qu'un autre l'a voulu? Ce n'est pas possible, Dieu serait-il fourbe à ce point? page 174


Le monde est une rose, respire-la et passe-la à ton ami. page 284


Le fond du coeur humain est plus loin que le bout du monde, prétendait sa mère. page 307

mardi, août 23, 2011

LE PAPALAGUI (Erich Scheurmann)

Les paroles de Touiavii recueillies par Erich Scheumann.

Touiavii , le chef de la tribu de Tiavéa, a observé de près cet être étrange qu'est la Papalagui et en dresse un portait plus éclairé que ne pourrait le faire un ethnologue:

- le papalagui étouffe son corps avec des peaux lourdes et serrées qui le privent de soleil;
- le papalagui vit dans des coffres de pierre empilés, séparés par des fentes bruyantes et grises;
-Le Papalagui est obsédé par le métal rond et le papier lourd qui régissent sa vie;
- Le papalagui a inventé un objet qui compte le temps; depuis, il court sans cesse derrière;
Le papalagui a développé bien d'autres maladies et comportements absurdes...
Alors le sage Touiavii, qui vit dans les îles Samoa aimerait bien que son peuple ne devienne pas comme le Papalagui, ce curieux homme blanc qui vit en Europe.

"Chers frères lucides, nous sommes tous pauvres. Notre pays est le plus pauvre sous le soleil. Nous n'avons pas assez de métal rond ni de papier lourd pour remplir un coffre. Dans la pensée du Papalagui, nous sommes des mendiants misérables. Et cependant! Quand je regarde vos yeux et les compare à ceux des riches alii (le monsieur, le noble), je les trouve bien ternes, altérés et fatigués, tandis que les vôtres rayonnent de joie, d'énergie, de vie et de santé. Ces yeux-là, je les ai trouvés seulement chez les enfants du Papalagui avant qu'ils sachent parler., ils ne savent rien de l'argent...page 51

Quand l'homme a besoin de beaucoup de choses, il est dans une grande pauvreté, car il prouve en cela qu'il est démuni des choses du Grand Esprit. La Papalagui est pauvre parce qu'il est possédé par les objets. Il ne peut plus vivre sans les objets. Page 58

Maintenant, les hommes blancs voudraient nous apporter leurs trésors pour que nous devenions riches aussi , riches de leurs choses. Mais ces choses ne sont que des flèches empoisonnées et celui dont elles frappent la poitrine meurt. "Nous devons les amener à avoir des besoins.", j'ai entendu dire cela par un homme qui connaît bien notre pays. Les besoins, ce sont des objets. "Ensuite, ils consentiront à travailler! " a poursuivi l'homme intelligent. page 61

Où que tu ailles chez le Paplagui et quoi que tu voies, que cela soit un fruit , un arbre, une eau, une forêt ou un petit tas de terre, toujours, partout, il ya quelqu'un à côté qui dit: " c'est à moi! Fais attention de ne pas prendre ce qui est à moi! " Si toutefois, tu prends quelque chose,aussitôt il crie et t'appelle "voleur", mot qui jette une grande honte sur toi, et seulement parce que tu t'es permis de toucher un mien de ton prochain. page 74


Quand je traverse un village à cheval, j'avance sans doute plus rapidement, mais quand je suis à pied, je vois plus de choses et mes amis m'invitent dans leur hutte. Atteindre vite son but a rarement un vrai intérêt. Le Papalagui veut toujours aller vite. La plupart de ses machines ne servent qu'à aller vite. Est-il quelque part, qu'un ailleurs l'appelle. Ainsi court le Papalangui sans arrêt tout au long de sa vie, oubliant de plus en plus la promenade, la marche et le joyeux mouvement vers la destination qui vient à nous, sans que nous l'ayons cherchée. page 88


Le Papalagui se nomme chrétien. Ce mot sonne comme un chant très doux. Puissions-nous nous appeler chrétiens tous les temps! Etre chrétien, cela veut dire: avoir de l'Amour pour le Grand-Dieu et pour ses frères et ensuite pour soi-même. L'Amour - c'est faire le bien -doit être en nous comme notre sang., et complètement avec nous comme la tête et mes mains. Le Papalagui a les mots Christ, Dieu et Amour seulement dans la bouche. Il remue la langue et fait beaucoup de bruit avec ces mots. Malheureusement, son coeur et son corps ne s'inclinent pas devant Dieu, mais seulement devant le métal rond et le papier lourd, devant les pensées de plaisir et devant les machines...Après réflexion, je me dis que le Papalagui nous a apporté l'Evangile comme une monnaie d'échange pour s'accaparer nos fruits et la plus grande et la plus belle partie de notre pays. Je le crois bien capable de cela car j'ai découvert beaucoup de saletés et beaucoup de péchés au fond du coeur du Papalagui et je sais que Dieu nous aime plus que lui, nous, qu'il appelle des sauvages, c'est -à-dire des hommes qui ont des dents de l'animal et pas de coeur dans le corps. page 132

jeudi, août 18, 2011

SAMARCANDE (Amin Maalouf)

Samarcande la Perse du XI è siècle et l'Orient du XIXè et début du XXè.
L'aventure d'un manuscrit écrit au XIè , égaré lors des invasions mongoles et retrouvé des siècles plus tard.

samedi, août 13, 2011

LE PAPALAGUI (Erich Scheurmann)

Les hommes blancs vus par un chef de tribut des îles de Samoa.

vendredi, août 05, 2011

TAXI (Khaled Al Khamissi)

Cinquante-huit conversations avec des chauffeurs de taxi du Caire. Chacune porte sur un aspect de la vie sociale, politique, économique de l'Egypte.

"On se demande pourquoi l'économie est foutue! s'exclame le taxi. Ce sont les gens qui la foutent en l'air. Vous y croyez, vous? En Egypte, les gens paient plus de vingt milliards de livres chaque année en factures de téléphone. Vingt milliards, ça veut dire que, si non ne se parlait pas pendant deux ou trois ans, l'Egypte serait transformée. Les Egyptiens sont tarés, je vous le jure. Ils n'ont pas de quoi manger mais chacun se balade avec son téléphone portable et une cigarette à la bouche. ...L'argent de tous les Egyptiens atterrit dans les poches de quatre sociétés: Egypt Télécom, Mobinil, Vodaphone et Eastern Tobacco Company". page 23

C'est vrai que Moubarak a réussi à tenir le gouvernement depuis qu'il est arrivé et a évité que l'Egypte n'entre en conflit avec un autre état. Les Américains disent à droite, on va à droite...à gauche, on va à gauche...on y court aussi. page 46

...Le gouvernement vit dans son monde, et nous, dans le nôtre. page 54




Celui qui n'est pas allé en prison sous Nasser n'ira jamais en prison, celui qui ne s'est pas enrichi sous Sadate, ne s'enrichira jamais, et celui qui n'a pas mendié sous le règnede Moubarak ne mendiera jamais. page 70




On a montré une image parfaite de la démocratie (pour les élections) . Mais je vais vous dire la vérité. La démocratie n'existe dans aucun pays du monde. Bien sûr, chez nous, ce n'est pas la peine d'en parler mais elle n'existe pas non plus à l'étranger. Aux Etats-Unis, les gens votent pour un parti ou pour l'autre alors qu'en fait, les deux sont pareils. Ils sont un seul parti, mais avec deux noms. Comme ici, où on vote soit pour Moubarak soit pour Moubarak. Et en Europe, aussi c'est pareil, tout se ressemble. La différence entre nous et eux, ce n'est pas la démocratie. parce que la démocratie est une illusion, elle n'existe que dans les livres, chez eux comme chez nous. La différence, c'est le droit. Ils ont un droit qui est appliqué et nous, non. C'est ça la différence. pages 75, 76


Le gouvernement veut apparaître comme une démocratie face aux Américains pour qu'ils continuent à le subventionner et que l'économie ne s'effondre pas. page 117


L'être humain en Egypte vaut autant que la poussière dans un verre fendu. Le verre peut se casser facilement et la poussière s'envoler dans les airs... C'est impossible de l'attraper, et de toute façon, ça ne servirait à rien parce que c'est juste un peu de poussière qui s'est envolée. L'être humain dans ce pays n'est qu'un peu de poussière qui vole, il n'a aucune valeur. page 148

A HAUTEUR DES NUAGES (Bernard Berest)

Découverte de la Chine, du taoïsme. Rencontre avec Zhu Ping qui deviendra son ami et avec lui fondra une "auberge taoïste" au flanc d'une montagne sacrée.

Bernard Berest nous décrit son cheminement depuis sa vie de cistercien à l'abbaye de Boquen et sa quête de l'absolu, ses interrogations à travers la sagesse chinoise.


"A hauteur des nuages", déjà au-dessus des contingences de la vie quotidienne. Pas encore au ciel. Un entre-deux. Entre ciel et terre. Loin du monde et pourtant solidaire de la vie qui se poursuit sous les nuages. C'est de ce lieu privilégié que j'entreprends de rédiger ces chroniques. page 16


J'essaie tant bien que mal de conjuguer ces ceux polarités: l'attention intérieure au fond du fond du réel et une attention non moins aiguë au devenir des hommes dont je partage la vie. Deux polarités aussi fondamentales l'une que l'autre, aussi dignes l'une que l'autre, se nourrissant l'une de l'autre et qui me semblent comme l'inspir et l'expir de la respiration douce qui seule assure une existence épanouie. page 20


...Le taoïste ne pense ni au passé révolu ni à un avenir inatteignable. Il se contente de saisir les forces du présent pour assurer un avenir immédiat. page 104


Je n'adhère pas à toutes ses opinions (Giardano Bruno qui fut brûlé le 17 février 1600, pour ses idées ) même si son hypothèse sur la pluralité des mondes reste toujours stimulante, mais je sais que c'est à des hommes comme lui, qui ont revendiqué le droit de penser par eux-mêmes, au péril de leur vie, que nous avons conquis la liberté intelleectuelle au cours des derniers siècles. page 126


Etymologiquement , la sagesse est..."l'art de savourer la vie". page 141


"En l'an mil, la part de l'Asie dans le PIB mondial était d'environ 70 pour cent, de 65 pour cent en l'an 1500 et de 59 pour cent en 1820. C'est seulement à cette date , parce qu'elle loupe la révolution industrielle et se renferme sur elle-même, que l'Asie dégringole dans les classements. Et que la Chine s'effondre: 29 pour cent du PIB mondial en 1820, 14 pour cent en 1880, moins de 5 pour cent en 1950". page 160

CONFESSION D'UN CARDINAL (Olivier Legendre)

samedi, juillet 09, 2011

LA COULEUR DES SENTIMENTS ( Katrhryn Stockett)

Six jours par semaine, je prends le bus pour traverser le pont Woodrow Wilson et aller travailler où habitent Miss Leefolt et ses amis, dans la quartier blanc de Belhaven. (Aibileen une des bonnes noires)



ça s'appelle Proposition de loi pour promouvoir les installations sanitaires réservées aux domestiques (noires) page 76


Constantine (la bonne noire) habitait à un peu plus d'un kilomêtre de chez nous dans un petit quartier noir appelé Hotstack, du nom de l'usine de goudron qui s'y trouvait...Petite fille, je parcourais moi aussi cette distance à pied. Quand j'avais supplié maman et bien appris mon catéchisme, elle me permettait parfois d'accompagner Constantine chez elle le vendredi après-midi. Après avoir marché, sans se presser, une vingtaine de minutes, on passait devant le bazar des Noirs, puis devant une épicerie où picoraient des poules, tandis que s'étirait de chaque côté de la route, une double rangée de maisons plus ou moins délabrées avec leurs toits de tôle ondulée et leurs auvents qui descendaient très bas pour donner de l'ombre...Il y avait quelque chose d'excitant de se trouver dans un monde si différent du mien, et je voyais avec une sorte de frémissement que j'avais de bonnes chaussures , que ma robe-tablier repassée par Constantine était d'une blancheur immaculée. pages 77-78 (Miss Skeeter, une Blanche)



"Je ne t'ai pas élevée pour que tu ailles dans les toilettes des Noirs!" .C'est sale là-bas, Mae Mobley! Tu vas attraper des maladies! Non! Non! Non!" (miss Leefolt) Et j'entends des claques qui tombent, encore et encore sur ses jambes nues...J'ai envie de crier assez fort pour que Baby Girl m'entende, de crier que sale, c'est pas une couleur, que les maladies, c'est pas les Noirs. Je voudrais empêcher que le moment arrive -comme il arrive dans la vie de tout enfant blanc - où elle va se mettre à penser que les Noirs sont moins bien que les Blancs. pages118-119 (Aibeleen)




Miss Hilly secoue la tête. Aibeleen, vous ne voudriez pas aller dans une école de Blancs, n'est-ce-pas


-Non Ma'ame, je marmonne. ...Je prends ma respiration. J'ai le coeur qui bat. Et je dis aussi poliment que je peux: "Pas dans une école avec seulement des Blancs. Mais dans une école où les Blancs et les Noirs sont ensemble."


..."Mais Aibeleen - le sourire de Miss Hilly est glacial - les Noirs et les Blancs sont si ...différents!" Elle fronce le nez.


...Bien sûr, qu'on est diiférents.Tout le monde le sait, que les Noirs et les Blancs se ressemblent pas. Mais on est tous des humains! page 223




"Tu l'aimes ta maitresse?

-Elle est jolie.

-Bien. Toi aussi, tu es jolie, Mae Mobley.

-Pourquoi tu es noire?

...-Parce que Dieu m'a faite noire, je dis. Il n'y a pas d'autre raison au monde.

- Miss Taylor (l'institutrice) dit toujours que les enfants noirs peuvent pas aller à l'école parce qu'ils ne sont pas intelligents."

- Tu me trouves bête?

- Non" Elle chuchote comme pour montrer qu'elle y croit très fort. Elle a l'air de regretter ce qu'elle a dit.

"Qu'est-ce-que ça t'apprend sur Miss Taylor, alors?

Elle cligne des yeux pour montrer qu'elle écoute bien.

"ça veut dire que Miss Taylor a pas toujours raison.", je dis.

Elle me prend par le cou. "Toi, t'as plus raison que Miss Taylor, Aibi". Je fonds. Ma coupe est pleine. C'est nouveau pour moi d'entendre ça. page 459

lundi, juillet 04, 2011

ELENA EST RESTEE...ET PAPA AUSSI ( Erick De Armas)

La vie à La Havane. Le rêve d'aller aux USA, les échecs répétés, la police, les restrictions alimentaires, les débrouilles quotidiennes pour vivre etc...
Pas d'amertume mais de la sobriété dans le récit.

dimanche, juin 26, 2011

C'EST UNE CHOSE ETRANGE A LA FIn QUE LE MONDE (Jean D'Ormesson)

MES ETOILES NOIRES (Lilian Thuram)

Esope, selon les études les plus récentes, auraitété un NUbien emmené en esclave en Phrygie et ses fables s'inspireraient sans doute des contes de sa région. ...Ainsi, Esope trouve-t-il dans ses courts récits un biais pour transposer les travers de ses maîtres. Il subvertit à ce qu'on impose pour préserver l'humanité qu'on lui refuse.Grâce à ses fables, il trouve sa dignité et se redresse. Elles contiennent des conseils de prudence, d'habileté, d'ingéniosité. page 27


(Toussaint -Louverture) A près sa mort, on trouvera dans les plis d'un mouchoir qui recouvrait sa tête, un manuscrit en créole.

"M'arrêter arbitrairement, sans m'écouter, sans me dire pourquoi, s'emparer de tous mes biens, piller toute ma famille, saisir mes papiers, les garder, m'embarquer sur un navire, m'envoyer nu comme un ver de terre, répandre les mensonges les plus calomnieux à mon égard, et après tout cela, me précipiter dans les profondeurs d'un cachot: n'est-ce-pas comme couper la jambe de quelqu'un et lui dire: "Parle", n'est-ce-pas enterrer un homme vivant?" page 83


L'ignoble général Rochambeau, fils du célèbre vainqueur , avec Lafayette, de la guerre d'Amérique, aide Leclerc dans sa tâche d'extermination en lui envoyant de Cuba des chiens spécialement dressés à "bouffer du nègre". (Jean-Jacques Dessaline)


Les préjugés sont tellement puissants à l'époque qu'entre le XVIIè siècle et la fin du XVIIIè la couleur noire subit une éclipse. Michel Pastoureau, historien des couleurs, raconte que le noir disparaît de l'habillement, de l'ameublement, de la peinture, des théâtres,, où il est réputé porter malheur, comme le vert; les deuils se font en violet; les cochons jusque là, majoritairement noirs, deviennent roses par croisement volontaires...page 98


L'horreur de la colonisation belge a consisté à exploiter jusqu'à l'anéantir une main-d'oeuvre gratuite, comme au temps de la traite. Dans le Congo du grand'oncle du roi Baudoin, on brûlait un village ou une région qui n'avait pas fait son quota de caoutchouc, on coupait les mains et les pieds desenfants qui rechignaient un tant soit peu au travail, on pendait, on décapitait, on brûlait, on enflammait, on faisait sauter les puits, les maigres réserves de nourriture, au point de manquer de main-d'oeuvre. Depuis 1919, la population du territoire avait été réduite de moitié! page 253


Taisez-vous

Vous ai-je ou non dit qu'il vous fallait parler français

le français de France le français du français

le français français. (Franz Fanon 1925-1961, Martinique) page 263


Je pense à la cette phrase d'Albert Einstein: " Le monde est dangereux à vivre! Non pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire". page 280




jeudi, juin 09, 2011

LA FORET DES 29 (Irène Frain)

En Inde du Nord en 1485, à la lisière du désert, les rathores, seigneurs des lieux , rivalisent de palais mirifiques. Pour les ériger, ils font abattre les arbres par milliers.Une sécheresse effroyable se met à ravager la région.
Un paysan, jambo, jeune homme rejeté des siens, avec quelques hommes et femmes, fonde une communauté qui permet la survie grâce à l'application de 29 principes simples. La vénération des arbres est le pilier de cette communauté.

C'est une épopée historique que Irène Frain ressuscite après une enquête au Rajasthan sur les pas du célèbre Djambo puis chez les Bishnoïs eux-mêmes.

vendredi, juin 03, 2011

AU ROYAUME DES FEMMES (Irène Frain)

Joseph Rock,( 1884, Vienne - 1962, Honolulu) botaniste, linguiste, photographe d'exception. Il s'est illustré en récoltant dans l'ouest de la Chine nombre de plantes qui, sans lui, auraient disparu de la surface de la planète.
Fin 1923, Joseph Rock se lance à la recherche d'une montagne plus haute que l'Everest. Il veut y dénicher , au passage, une étrange tribu matriarcale: Le royaume des femmes. Entre Tibet et Chine, assure-t-il, vivraient les ultimes descendances des Amazones.

mardi, mai 31, 2011

LES INSURRECTIONS SINGULIERES (Jeanne Benameur)

(Antoine raconte son histoire)
J'ai ouvert la porte de la maison. Sans bruit. Et je suis parti. (il a 8 ans)....
Et j'ai couru. Dans ma rue, dans mon quartier, j'ai couru.
Quitter tout ce que je connaissais par coeur. Surtout ne pas m'arrêter. Portails, pavillons, jardins, ça défilait. Rien ne pouvait plus être pareil. Je courais. J'essayais d'arracher mon corps à quelque chose. plus je courais, plus c'est moi qui devenais étranger. Je ne savais pas où j'allais mais je courais.
C'est la voie de chemin de fer qui m'a arrêté net. Page 10,11

Lui, (son père) a été un ouvrier.
Moi, j'ai fait l'ouvrier, c'est différent. Me^me si l'usine est la même. (Antoine et ses collègues ont dû prendre leur RTT car peu de travail à l'usine et est revenu chez ses parents après une rupture avec son amie Karima)




Dans le silence de mes parents, je sais ce qu'il ya sur le sujet. Ils auraient si fiers que je fasse des études, comme Loïc(son frère). "Nous, ce qu'on veut, c'est que vous ayez une meilleure vie que nous". Quand ma mère me disait cela, j'avais envie de lui répondre: Mais ma pauvre mère, votre vie à vous alors, elle vaut quoi? page 18






Je ne sais pas ce que c'est , une route à suivre. Mais, je suis sur la route, il n'y a que les pieds de celui qui marche qui la connaissent . Concrètement. page 51






Quand on regarde derrière, on perd ce qu'on est venu chercher. page 57






Il (Marcel) m'avait dit: Les voyages , soit tu les fais très jeune, soit carrément vieux...Eh bien , pour moi, c'est le deuxième cas ...Entre les deux, tu crois à tout un tas de trucs qu'il faut faire dans une vie...mais au bout du compte, tu te dis un jour, que ce n'est pas si important que ça ...et tu pars. Tu vois, je me suis tenu à un coin de terre longtemps avec Lucile (sa femme) , mais Lucile , elle est partout, elle n'est pas restée là, dans ce petit enclos de rien du tout. C'était juste un enclos pour mes larmes, faut croire. Maintenant , je n'en ai plus besoin. J'ai du sourire à revendre. Et si je pleure, ce sera en plein air, n'importe où, qu'est-ce que ça peut faire?



Il a une façon de relever la tête, Marcel quand il dit ces mots. La révolte n'a pas d'âge, non, et l'homme à côté de moi, il a vraiment osé s'insurger contre tout ce qui dit qu'à son âge il vaut mieux rester confortablement dans ce qu'on connaît. On ne va pas se mettre à courir le monde à presque quatre-vingts ans! Eh bien, si, on peut! et il le fait avec moi. page 81




Pendant longtemps, tu sais, Antoine, j'ai cru que la révolution, c'était tout le monde ensemble, à la même heure, au même endroit. Le grand soir ou le grand matin. Et puis, j'ai compris que c'était solitaire, ce qui se passait vraiment. A l'intérieur de chacun. Et ça, ça ne peut se faire tous ensemble, à la même heure. C'est dans chaque vie quelque chose de possible, on y va ou on n'y va pas. Après, si on peut, on se rassemble avec les autres... page 160




J'ai toujours aimé les fous, Antoine. Les décalés, c'est les seuls qui lui laissent la place, au désir. Dans le décalage, c'est là! ...Il faut une épice, le goût de quelque chose d'autre. Ils viennent le chercher dans les livres...Dans les livres, il y a toujours le décalage. La place pour le désir. page 165




Personne ne fait partie de la vie de quelqu'un. Qu'est-ce que c'est que ces histoires? Nos vies sont solitaires. On l'apprend forcément. Depuis qu'on est sorti du ventre de notre mère, rien à faire, pas moyen. On s'approche des autres, l'amour ça ne sert qu'à ça! Toutes les formes d'amour...pas seulement la romance des amoureux..tout ce qui nous rapproche vraiment des autres. Mais, de toute façon, jamais, non JAMAIS, on ne fait partie de la vie de quelqu'un. Et encore heureux. ce serait la fin de notre solitude, mais c'est encore plus sûrement, la perte de ce qui nous appartient vraiment: notre liberté...On peut essayer de créer des liens, c'est tout. On ne fait jamais partie, on ne fera jamais partie. C'est comme ça! page 185

samedi, mai 28, 2011

OURAGAN (Laurent Gaudé)

(Tempête à la Nouvelle-Orléans. La plupart des habitants ont fui. Laurent Gaudé nous décrit plusieurs personnages, tous noirs sauf le prêtre: Keanu qui a quitté Rose pour vivre sa vie et revient vers elle, un prêtre visiteur de prisons qui déteste les Noirs, Joséphine Lnc. Steelson, des prisonniers qui ont quitté la prison après le départ des gardiens, Rose et son petit garçon Byron..)



Partir. Tout recommencer à zéro. Ce n'était pas qu'il était malheureux avec Rose. Mais la vie se retrécissait. Il y avait encore tant de choses à faire. Il voulait encore essayer tant de métiers, arpenter tant de terres, vivre, vivre de tous les côtés. La vie était plus vaste que Rose. La vie était plus vaste que Lower Ninth. Il voulait partir, s'éprouver, se perdre . Il avait roulé, redoutant que la séparation ne le brûle, car il l'aimait sans le moindre doute, il l'aimait, mais plus il s'éloignait de la Nouvelle-Orléans, plus la tristesse disparaissait. La vie l'attendait là, devant lui, la vie nouvelle, exaltante. Pages 43, 44






Tout tremble, tinte et se plie. Le vent ne cesse de forcir. C'est nous qu'il veut. Il souffle pour nous arracher, nous soulever de terre et nous faire danser dans les airs au-dessus de cette ville qui ne sera bientôt plus rien. Je reste à la fenêtre. Je la sens qui tremble et crisse. Tant pis si elle éclate à ma face de négresse, je ne bougerai pas d'ici, car je suis bien. Le monde va se déchirer comme un sac et je veux voir cela. page 58


(le stade est bondé de gens qui n'ont pas pu partir avant l'arrivée de l'ouragan)

O misère du monde qui tolère cela. Spectacle de la laideur des hommes. Moi, Joséphine Linc. Steelson, je vois ce que vous ne voyez pas. Ils m'ont déposée devant le stade (les sauveteurs ), heureux de m'avoir sauvée des flots, puis ils sont repartis dans leur quatre-quatre rutilant. J'ai regardé autour de moi et j'ai vu des hommes abandonnés, ceux qui ne comptent plus, ceux que l'on a oubliés derrière soi et qui traînent les pieds. Je les ai vus...Et ils sont tous noirs. Cela personne ne semble le voir. Tous noirs, dans la crasse d'habits souillés par le déluge. Une foule immense, déféquant et pissant de peur, une foule qui ne compte pour rien car nous n'avons jamais compté...Je suis parmi les rats qui se meurent et ne manqueront à personne. Ils enverront des hélicoptères et des bidons d'eau, maos rien n'effacera le fait qu'au moment de courir, ils ne se sont pas retournés, qu'ils ont même oublié qu'ils laissaient derrrière eux les nègres de toujours. Page 118


Mon père voulait m'appeler Fidelity. Il était fier d'avoir eu cette idée et il en souriait souvent lorsqu'il y pensait, comme un bon coup qu'il allait faire au monde entier. Fidelity, parce qu'il voulait être fidèle à ceux qui s'étaient battus pour nous, les Grant, les Hooker, tous les Yankees qui avaient fait couler leur sang dans nos champs pour que nous soyons libres. Mon père est parti, vaillant, déclarer mon nom à la mairie mais ils lui ont ri au nez."Fidelity, ce n'est pas un nom!"Il a insisté. Rien n'y fit. "Même un nègre ne peut pas s'appeler comme ça!", ont-ils dit. Mon père a baiisié les yeux et a enterré ses rêves d'hommage...A quinze ans,...j'ai décidé qu'on m'appellerait Lincoln, Joséphine Lincoln Steelson. page 119


Il sent qu'il meurt. (il a été tué par un prêtre qui veut éléminer les Noirs) . mais il est heureux de l'avoir retrouvée (Rose). Il est heureux. La plate-forme n'est plus en lui. Elle n'aura été qu'une parenthèse de six ans. Il est revenu à Rose et le reste est balayé. La tempête lui a offert cela. Si souvent il a eu peur que sa vie ne soit qu'une succession de jours, vidée de sens. SI souvent, il s'est senti inutile et lent. Aujourd'hui, il y a ce nom, Rose, qui chasse l'ennui des jours infinis. Il ya Rose. Il voudrait lui dire que cela rachète tout et qu'il ne faut pas pleurer. Il voudrait lui dire que sa vie est gagnée. Et puis , d'un coup, c'est elle qui s'assoit à son chevet. Elle a changé. Elle est devenue calme subitement et résolue....page 179


Les femmes pleureront mais elles se relèveront. Je le dis, moi, Joséphine Linc. Steelson, car je l'ai vu mille fois. Les hommes mourront mais il en viendra d'autres que nous élèveront dans le souvenir des premiers. Je chante avec ma voix venue de loin et les familles tournent la tête vers moi. Les enfants cessent de crier. La faim ne leur tiraille plus le ventre. Ils me regardent. Ils veulent que ma voix continue à emplir le hall car c'est la seule chose qui les réchauffe, alors, je continue, je suis increvable, et jamais personne ne me fera renconcer. page 185

mardi, mai 24, 2011

LA PERTE EN HERITAGE ( Kiran Desai)

Kiran Desai est née à New-Delhi en Inde. Ses études l'ont conduite en Grande Bretagne et aux Etats-Unis. Elle vit actuellement à Brooklyn.




Ses répliques (celles du cuisinier) avaient été affinées par des siècles de pratique, transmises de génération en génération, car les pauvres gens ont besoin de répliques adéquates; le texte est toujours le même, ils n'ont pas d'autre choix que de demander grâce. Le cuisinier savait comment pleurer. page 21




Il était important de maintenir les classes nettement séparées, sinon, c'était mauvais pour tout le monde. page 136




Lola -une dame qui vit avec sa soeur, préceptrice de Sai, la jeune Indienne - avait toujours été d'avis que les domestiques ne ressentaient pas l'amour de la même manière.: "C'est toute la structure de leurs relations qui est différente; elle se fonde sur des critères économiques, pratiques...et ce serait bien préférable, à mon avis, si on arrivait à en faire autant." page 137


"Ces Blancs, quand même! dit à Biju, dans la cuisine ( à New-York) Achootan, un collègue de plonge. Putain! Mais c'est quand même mieux ici qu'en Angleterre. Ici, au moins, il y a pas mal d'hypocrisie. Ils se croient bons, et t'arrives à avoir des aides. Là-bas, ils t'agressent ouvertement en pleine rue: "Retourne d'où tu viens!" Il avait passé huit ans à Cantorbéry, et il avait réagi en lançant une phrase que Biju devait entendre jusqu'à plus soif car il la répétait plusieurs fois par semaine: "Ton père, il est venu dans mon pays et il m'a pris mon pain, et maintenant, c'est mon tour, je suis venu dans ton pays pour reprendre mon pain". Achootan n'aspirait pas à la carte verte de la même manière que Saeed. S'il la voulait, c'était pour se venger. page 260

lundi, mai 23, 2011

CEREMONIE ( Yasmine Chami-Kettani)

L'auteur est marocaine.

"Le rire est peut-être une manière de pleurer" page 21

Je n'ai pas terminé le livre: petits caractères, multiplicité de détails etc...

lundi, mai 16, 2011

DANS LA MER, IL Y A DES CROCODILES (Fabio Geda)

Histoire vraie d'un jeune Afghan , d'une tribu hazara, une ethnie haïe par les Patchtounes et les Talibans. Pour le protéger, sa mère l'abandonne, au Pakistan. Commence pour l'enfant de 10 ans, un périple de 5 ans qui le conduira en Italie en passant par l'Iran, la Turquie, la Grèce...

Il faut toujours avoir un désir devant soi, comme une carotte devant l'âne, parce que , c'est en essayant de satisfaire ses désirs qu'on trouve la force de se relever, il faut toujours avoir un rêve au-dessus de sa tête, quel qu'il soit, alors, la vie vaut la peine d'avoir vécue. page 12

S'en aller.
Moi, je n'aurais jamais voulu quitter Nava (là où il est né) . Mon village m'allait très bien. Il n'y avait aucune technologie, pas d'énergie électrique, mais il y avait des pommes. Je voyais naître les fruits: les fleurs s'épanouissaient sous mes yeux pour se changer en fruits. Ici aussi, les fleurs se changent en fruits, mais on ne le voit pas. Les étoiles. Très nombreuses. La lune. je me souviens que, pour économiser le pétrole, nous mangions certains soirs en plein air, sous la lune. page 24

Au fait, écouter , c' est très différent de regarder. C'est moins douloureux, pas vrai? ça permet de jouer avec son imagination, de transformer la réalité.
Oui, en tout cas, pour moi. page 38


...il m'a dit que bien faire et mal faire étaient les deux moitiés d'un même sandwich que, dans tous les cas, il fallait manger en entier, sans regarder ce qu'il y avait à l'intérieur. page 54


(Enaïat travaille en Iran sur un chantier de construction d'immeubles, il est sans papier)

Effectivement, personne ne sortait jamais du chantier.

Le chantier n'était pas eulement une maison.

Le chantier était un monde.

Le chantier représentait le système solaire. page 70


Quand on n'a pas de famille, les amis sont tout.

En attendant, le temps passait. Les secondes, les minutes, les heures, les jours, les semaines. Les mois. Le tic-tac de ma vie. J'aurais voulu acheter une montre pour donner un sens au passage du temps, une montre qui donne l'heure et la date, qui mesure la pousse de songles et des cheveux, qui me dise combien je vieillissais. page 76


Un jour, j'ai lu que le choix d'émigrer naît du besoin de respirer. C'est vrai. L'espoir d'une vie meilleure est plus fort que tout autre sentiment. Par exemple, ma mère a décidé qu'il valait mieux me savoir en danger loin d'elle mais en route vers un futur différent que me savoir en danger près d'elle, dans la boue et la peur pour toujours. page 83

jeudi, mai 12, 2011

LE LIVRE DES JOURS (Taha Hussein)

Récit autobiographique de l'auteur (1889-1973) , le plus grand écrivain arabe de son temps, né en Egypte. DEvenu aveugle à 3 ans, Taha Hussein fit des études à ma célèbre université islamique d'El-Azar, au Caire, puis à la jeune université égyptienne et enfin à la Sorbonne.

LES DEMEUREES (Jeanne Benameur)

Récit d'une centaine de pages sur une mère "demeurée" et sa fille très protégée par sa mère.

samedi, avril 30, 2011

LA SOURCE CACHEE ( Hella S. Haasse)

Tenter de reconstruire la vie d'un être qui n'existe plus sur terre c'est un peu vouloir reconstituer une mosaïque brisée; chaque fragment, chaque débris a de la valeur. page 24




Nous nous connaissons depuis plus de huit ans. Nous avons vécu ensemble l'intimité la plus totale qui puisse exister entre deux êtres, le mariage. Je sais trop bien que cette union ne nous a jamais apporté le bonheur, ni l'assouvissement de nos désirs au sens le plus profond du terme, physique et spirituel. Pourtant, j'ai souvent voulu croire que nous étions liés par une sorte de camaraderie froide et réservée....Car on peut se connaître, sans jamais parvenir à une totale compréhension mutuelle. Page 65




...Nous nous assimes , chacun à notre place. Nous ne parlions plus, la pendule découpait le temps de son tic-tac doux et rapide. Mais le papier devant moi resta vierge et lentement, trop lentement, Rina (sa femme) tourna les pages de son livre. page 91




Recommencer. recommencer ailleurs...Etre libre, et me prouver à moi-même que je suis digne de cette liberté. Etre seul, dans la solitude que j'ai moi-même choisie, qui est un bouillon de culture pour les forces de l'âme. Croître, murir et porter des fruits. Page 92








jeudi, avril 07, 2011

LA CHARRETTE (B. Traven)

...Leonardo (le maître )arriva à se convaincre que le garçon (Andres, l'indien) lui serait plus utile s'il savait lire, écrire et compter. Ceci était, en petit, ce qui se passe partout dans le monde. L'industriel, le capitaliste, le propriétaire terrien sont opposés, par principe, à l'éducation du prolétariat. Ils sentent, avec juste raison, qu'un prolétariat instruit constitue un danger pour leurs privilèges....Ce n'est pas le pays dont les couches supérieures sont les plus cultivées, mais bien celui qui possède la masse la plus instruite, qui occupe de nos jours la première place et décide de la valeur du dollar. page 16 Le fait de les envoyer à l'école (les enfants indiens) aurait constitué non seulement une folie mais encore un péché. Une folie, car l'Indien pourrait arriver à en savoir plus long et à acquérir plus de capacités que le propre fils du maître, dont l'ambition se bornait, en allant à l'école, à apprendre à lire et à écrire; un péché, parce que l'Eglise catholique n'est pas favorable à l'éducation des Indiens. L'Eglise désire, en effet, que l'enfance indigène conserve son innocence, afin que le Royaume des cieux lui soit acquis.. Et si on accorde à l'Indien le droit de s'instruire, nul ne saurait prévoir où il s'arrêtera. Page 17 Il (Andrès) apprit avant tout, à apprécier l'instruction. Car, tant que l'on ne sait lire ni écrire, il n'est guère possible de comprendre la valeur de la lecture et de l'écriture. Page 20 Dans une certaine partie de notre globe, si admirablement organisé, les choses vont mieux lorsque le prolétariat sait lire et calculer; dans une autre partie de notre univers, organisé avec plus d'astuce, les choses vont encore mieux, lorsque le prolétaire n'entend rien aux chiffres et ne comprend pas l'espagnol. Page 25 Le maître avait tous les droits, il les avait toujours eus...Tout cela était juste: c'était la loi, fondée sur les décrets divins et ceux de l'Eglise, car les dieux sont proches parents des maîtres, tandis qu'ils n'ont aucun lien de parenté avec les Indiens. page28



Bien entendu, personne ne trafique sur des êtres humains, au Mexique, et il y est interdit de vendre ou d'acheter un homme. Cela est prohibé par la Constitution, dans laquelle il est stipulé , en outre, que tout citoyen de la République est libre, indépendant et inviolable, un être sur qui seuls son père, la police ou les représentants d el'ordre public ont le droit, dans certains cas, de porter la main. Pour toutes ces raisons, il était impossible pour Don Leonardo de revenir sur sa transaction ( il a perdu au jeu et a misé sur Andres) . Il ne pouvait pas offrir à Don Laureano de lui restituer ses vingt-cinq pesos...Cela équivaudrait à vendre un être humain...Page 44




Andres était un péon: comme tel, il faisait partie de la propriété. page 45




Des centaines de mendiants étaient installés à l'entrée de l'église, accroupis ou étendus, tendant leur sébille pour y recueillir les aumônes. L'Eglise conseille la charité, car la charité contribue à protéger la propriété privée... Les fidèles n'exercent pas la charité spontanément et de leur plein gré. Ils obéissent aux ordres de l'Eglise et donnent aux premiers mendiants qu'ils rencontrent sur leur chemin. On distribue une piécette par-ci, une autre par -là pour apaiser sa conscience. page 130


L'homme blanc porte en lui une cinquantaine de théories philosophiques, toutes différentes les unes des autres, et qui gravitent autour du sens de la vie. Ces théories sont souvent contradictoires, mais on peut en choisir une, celle qui convient le mieux pour l'usage personnel de chacun, et tenter, grâce à elle, de tenir tête au destin....Par contre, l'Indien, qui est ignorant de ce genre de spéculations abstraites, est dans une situation plus précaire. Il accepte le destin tel qu'il se présente à lui, et ne tente , même pas de percer ses mystères. Quand il le croise sur son chemin, il le reconnaît, s'incline devant lui et attend le coup. Il ne peut lui échaper et n'essaie même pas de le faire. Son instinct lui a dit que c'était inutile, que cela équivaudrait à galvauder les quelques instants précieux qui lui restent à vivre avant que le rideau retombe sur lui. page 278





mardi, mars 29, 2011

RAPPORTEUR DE GUERRE (Patrick Chauvel)

"Patrick Chauvel a toujours photographié la guerre, montrant la bête humaine et ses horreurs, tout en saisissant la lueur d'espoir au plus noir des conflits. Blessé de nombreuses fois, obstiné, courageux et hilarant, il est sans conteste, de la trempe des grands aventuriers, les Saint-Exupéry, Kessel."

"L'Europe est bouffie et satisfaite. Je n'arrive pas à décolérer". Page 138
(La guerre au Mozambique) Les Portuguais se battent pour garder la colonie.) "Les jeunes (portuguais) se battent pour survivre et rentrer vivants. - Vous ne vous battez pas: vous vous débattez dans vos collines. - Si tu penses ça, alors reste avec nous. C'est nous l'Histoire. - Non, vous c'est la fin de l'Histoire. L'Histoire: c'est les rebelles." page 158

J'ai bougé sans arrêt dans une quête instinctive d'émotions. Nomade dans ce désert d'indifférence, j'ai inventé mes oasis, mes actes. A coups d'instinct et d'intuition, j'ai fabriqué mes croyances. Avec toujours cette impression d'écoeurement, cette peur de rater quelque chose ailleurs, d'être hors du coup, d'être à l'arrière comme un planqué...L'inutilité de se sentir jeune et fort...pour marcher dans les rues de Paris, regarder les boutiques. Je n'en ai rien à faire des fringues, j'ai ce qu'il me faut. Voir tous ces gens s'agiter en cercle fermé, comme pour se protéger...! Sentir cette peur de perdre ce qu'ils ont et sentir qu'ils veulent encore plus, toujours plus - ce qui multiplie la peur de tout perdre...Je préfère aller à la rencontre de ceux qui n'ont rien, ou peu, et qui se battent pour se défendre.

Même si, chez ceux-là, on en trouve toujours qui seraient prêts à changer de camp pour avoir plus. page 277


"Toutes ces guerres ont enfanté l'Histoire". Mais les histoires que j'ai vécues, celles des hommes et des femmes qui subissaient les politiques dynastiques ou autres "causes", désacralisent ce fatalisme enthousiaste que peuvent ressentir les combattants au début des conflits. Très vite, la gueule de bois des batailles laisse les hommes sonnés. La chance qui m'a accompagné dans ces endroits de "non-paix" m'a permis de rapporter l'histoire de ces morceaux d'humanité qui échappent aux historiens. Trouver la distance juste est difficile, photographier en restant juste - une trop belle photo peut brouiller les pistes. Décadrer quand la photo risque d'être belle. L'effet loupe de la presse peut fausser le regard. Tous ces pièges de l'utilisation des images, la manipulation à tous les niveaux, rendent extrêmement aiguë la manière de raconter, quel que soit le média. Des faits, rien que des faits; ils sont têtus, bien sûr, cela a été dit. Mais les hommes et les femmes alors? Ceux que l'on rencontre, qui nous remercient d'être là. Mais où suis-je? A qui je m'adresse? Interpeller le plus grand nombre? Responsabiliser? Qui ? pourquoi? Tout ce que je sais , c'est qu'il faut témoigner? Ne plus jamais entendre: "On ne savait pas". Moi, j'ai vu! Alors, je rapporte ces histoires et pour le reste, j'ai fait ce que j'ai pu... page 297

samedi, mars 19, 2011

MESSAGES DE MERES INCONNUES (Xinran)

Tout Chinois né au milieu du XXè siècle sait que, pour la plupart, nous étions le produit d'une société dominée par l'ignorance sexuelle. Nous mettions , dans le même sac, l'affection, le sexe et l'amour, comme s'il s'agissait d'une même chose; nous avions perdu notre instinct animal et étions devenus "domestiqués"; il n'y avait pas de critères reconnus du bien et du mal et nous n'avions aucun moyen de savoir ce que c'était l'amour et ce qu'il signifiait. A la maison, à l'école, et dans la société en général, l'éducation sexuelle était un gros mot, elle était même considérée comme un déshonneur pour la famille. page 40
La façon dont nous appréhendons notre présent tout autant que notre avenir dépend de ce que nous avons vécu. page 52
"Je n'ai jamais su qui j'étais. Mon nom a été choisi pour moi par l'orphelinat des missionnaires. Ils m'ont donné un nom étranger, Mary, mais pendant la Révolution culturelle, alors que j'avais la trentaine, les gardes-rouges l'ont changé en Mary la Rouge. page 143
Avant 1990, tous les orphelinats chinois que j'avais vus de mes propres yeux ou dont on m'avait parlé étaient des lieux complètement oubliés de la société; le pays et son gouvernement n'avaient tout simplement pas envie de s'en soucier. Nombre de fonctionnaires les considéraient comme une source d'embarras national tandis que les gens du peuple les voyaient comme des dépotoirs page 144
Ne pas avoir d'enfants pour une famille équivaut à une tragédie; un échec pour le couple.
En Chine, on abandonne des nouveaux-nés depuis des temps immémoriaux. Les gens le faisaient parce qu'ils croyaient de leur devoir envers les ancêtres de leur donner, pour premier-né, un fils un héritier...page 172
"Toute notre vie, m'a-t-elle dit, ton père et moi, nous nous sommes battus pour présenter un front uni devant tout le monde, afin que personne ne puisse dire du mal de nous lorsque nous serions morts. Mais si notre fille unique est mère célibataire, comment ton père et moi pourrions rentrer à Shanghaî...Il nous serait tout simplement impossible de regarder en face nos amis et notre famille. page 187
En Chine, à tous les niveaux de la société, le lieu d'origine et l'accent demeurent des signes de statut social tout aussi importants aujourd'hui que par le passé. page 201
En Chine, chez les travailleurs - et ce, quel que soit leur échelon - il est extrêmement courant que des parents soient si occupés qu'ils négligent leur progéniture. Même si conformément à la politique gouvernementale, il n'y a qu'un seul par famille, la plupart des enfants passent leur vie soit à l'école, soit à faire leurs devoirs scolaires. Leur lire une histoire? pas le temps! Leur préparer à manger? Pas le temps! Jouer avec eux? Pas le temps pour ça non plus. Les parents sont trop occupés à économiser pour payer des études supérieures et le mariage de leurs bambins. page 208

lundi, mars 07, 2011

CE QUE LE JOUR DOIT A LA NUIT (Yasmina Khadra)

(L'oncle de Younes à son père) "Ton fils est mon neveu. Il est de mon sang. Confie-le moi. Tu sais très bien qu'il n'arrivera pas à grand'chose dans ton sillage. Que comptes-tu en faire. Un montreur d'ânes? Il faut regarder la réalité en face. Avec toi, il n'ira nulle part. Ce garçon a besoin de fréquenter l'école, d'apprendre à lire et à écrire, de grandir correctement. Je sais, les petits Arabes ne sont pas faits pour les études. Ils sont plutôt destinés aux champs et aux troupeaux. Mais moi, je peux l'envoyer à l'école et en faire un homme instruit. Je t'en supplie...Ne le prends pas mal. Réfléchis juste une minute. Ce garçon n'a aucun avenir avec toi.
Mon père médita longuement les propos de son frère, les yeux baissés et les mâchoires soudées. Quand il releva la tête, il n'avait plus de visage; un masque blafard s'était substitué à ses traits. page 44
(Younes vient dans son village voir sa famille). Il m'avait suffi de changer de vêtements pour les déboussoler (les gens de son village). Vous avez une bouille en papier mâché et un sac de jute par-dessus votre ventre creux, et vous êtes un pauvre. Vous vous lavez la figure, donnez un coup de peigne dans vos cheveux, enfilez un pantalon propre, et vous êtes quelqu'un d'autre. Cela tenait à si peu de chose. A onze ans, ce sont des éveils qui vous désarçonnent. Les questions ne vous apportant pas de réponses, vous vous accommodez de celles qui vous conviennent. J'étais persuadé que la misère ne relevait pas de la fatalité , qu'elle s'inspirait uniquement des mentalités. Tout se façonne dans la tête. page 96
Parfois mon oncle recevait des gens dont certains venaient de très loin... C'étaient des gens très importants, très distingués. Ils parlaient tous d'un pays qui s'appelait l'Algérie; pas celui que l'on enseignait à l'école, ni celui des quartiers huppés, mais d'un pays spolié, assujetti, muselé, et qui ruminait ses colères comme un aliment avarié. page 98
(L'oncle est dénoncé pour ses désirs d'indépendance de l'Algérie, emprisonné, torturé, aussi quitte-t-il Oran pour Rio Salado, avec son épouse et son neveu ) J'étais ébloui. Né au coeur des champs, je retrouvais un à un mes repères d'antan, l'odeur des labours et le silence des tertres. Je renaissais peu à peu dans ma peau de paysan, heureux de constater que mes habits de citadin n'avaient pas dénaturé mon âme. Si la ville était une illusion, la campagne serait une émotion sans cesse grandissante.; chaque jour qui s'y lève rappelle l'aube de l'humanité, chaque soir s'y amène comme une paix définitive. J'ai aimé Rio d'emblée. page 131
Et arriva le 8 mai 1945. Alors que la planète fêtait la fin du cauchemar, en Algérie, un autre cauchemar se déclara, aussi foudroyant qu'une pandémie, , aussi monstrueux que l'Apocalypse. Les liesses populaires virèrent à la tragédie.Tout près de Rio Salado, à Aïn Témouchent, les marches pour l'indépendance de l'Algérie furent réprimées par la police. A Monstaganem, les émeutes s'étendirent aux douars limitrophes....page 194
(Jelloul, un Arabe qui travaille pour André, un colon, vient trouver Jonas) Jelloul boîtait. Il avait le visage tuméfié, les lèvres éclatées et un oeil poché.
- Qui t'a mis dans cet état?
- André...
- Tu ne peux pas comprendre, toi. Tu es des nôtres et tu mènes leur vie...Quand on est l'unique gagne-pain d'une famille composée d'une mère à moitié folle, un père amputé des deux bras, six frères et soeurs, une grand'mère, deux tantes répudiées avec leur progéniture, et un oncle souffreteux à longueur d'année, on cesse d'être un être humain... Entre le chien et le chacal, la bête amoindrie choisit d'avoir un maître. Page 198
Mon oncle ne verra pas son pays prendre les armes. Le sort l'en a rendu indigne. Autrement comment expliquer qu'il se soit éteint cinq mois avant le brasier tant attendu et tant reporté de la Libération? Le jour de la Toussaint 1954 nous prit de court. page 312
L'Algérie algérienne naissait au forceps dans une crue de larmes et de sang; l'Algérie française rendait l'âme dans de torrentielles saignées. Et toutes deux, laminées par sept ans de guerre et d'horreur , bien qu'au bout du rouleau, trouvaient encore la force de s'entre-déchirer comme jamais. page 384

dimanche, février 27, 2011

L'ENFANT PIED-NOIR (Elie-Georges Berreby)

(L'enfant-narrateur cherche des petits boulots pour gagner un peu d'argent, pour faire vivre sa famille)
Mme Moralès , la femme du carrossier, elle m'a dit :" On ne va pas tout leur laisser aux Arabes. Toi aussi, tu as le droit de te faire de l'argent de poche. Surtout que c'est un métier honnête" page 29

L'air est si parfumé que je le respire comme une friandise. page 65

samedi, février 19, 2011

CITE DE LA POUSSIERE ROUGE ( Qiu Xiaolong)

Pleins d'ardeur, d'un pas énergique,
Nous traversons la rivière Yalu!
Protéger la paix, défendre la terre,
C'est souvegarder notre foyer.
les braves fils et filles de Chine
Sont unis pour résister à l'Amérique, pour aider la Crée,
Et pour vaincre les loups ambitieux des Etats-Unis.
page 37 Le Chant de la bataille des Volontaires du peuple chinois, 1954.
1972. La visite à Shanghaï du président Nixon.
Tout d'abord, il fallait écarter tous les facteurs potentiels de troubles. Exercer une surveillance vigilante des ennemis de classe, soit les cinq "classes noires" - propriétaires fonciers, paysans riches, réactionnaires, mauvais éléments droitiers - ainsi que les capitalistes; le comité de quartier les avait tous mis comme des crabes ligotés dans le même panier, à savoir la pièce arrière du bureau du comité. Ils n'ont pas été autorisés à en sortir une seule minute jusqu'à ce qu'on les libère. page 68
Le développement est la seule vérité qu'il soit communiste ou capitaliste. (Deng Xiaoping) 1992 page 141

vendredi, février 11, 2011

LE CRI DES PIERRES ( G. Sinoué)

D'un geste nerveux, le personnage écarta un pan du keffieh à damiers noirs qui recouvrait son crâne, et le rejeta à l'arrière de son épaule gauche. Cette coiffe n'avait rien d'anodine, Hussein le savait , même si traditionnellement , on le retrouvait chez la plupart des Bédouins et des paysans arabes . Mais , depuis 1936, à l'époque des soulèvements organisés par le père de Zeyd, ce keffieh représentait tout un symbole; celui de la résistance contre la présence anglaise en Palestine. Il servait alors aux combattants à se protéger le visage pour ne pas être reconnus par les soldats britanniques. Page 32
"Seule la bombe atomique nous permettra de tenir à distance les pays arabes qui n'aspirent qu'à nous éradiquer" page 87 un Israëlien, Fraenkel
Le propre des questions sans réponse immédiate est qu'elles continuent de creuser des galeries dans le cerveau jusqu'à ce qu'elles trouvent leurs solutions, vraies ou fausses. Page 91
La foule est une masse d'individus réunis par les circonstances. Le peuple est une entité permanente façonnée par l'Histoire. Contrairement à la foule, le peuple sait ce qu'il veut. Mais il ne sait pas comment y parvenir. C'est pourquoi il a besoin de chefs. Il se donne à eux aveuglément, tant qu'ils se donnent à lui. Mais lorsqu'ils se prennent non pour des guides mais pour des maîtres, lorsqu'ils trahissent ses aspirations, par cupidité ou par ambition personnelle, alors, il les renverse. Il brûle ce qu'il a eu tort d'adorer. Un peuple ne se donne pas des chefs pour qu'ils s'enrichissent ou se couvrent de gloire, encore moins qu'ils le conduisent au désastre. Il s'en donne pour qu'ils le fassent accéder à de meilleures conditions de vie. Ceux-là, croyez-moi, il ne les abandonne jamais. page 112.

dimanche, janvier 30, 2011

C'ETAIT NOTRE TERRE (Mathieu Bélézi)

Quatre années de travail pour un écrivain sans compromission. Mathieu Bélézi laisse exploser sa colère ...Plusieurs voix, plusieurs générations, pour un seul souvenir, celui de la terre des colons venus s'implanter en Kabylie. La première voix est celle du souvenir, revenu en France, puis la seconde, celle du ressentiment. Puis celle du Pater familias dur pour les siens comme pour ses gens. Puis, cette finale et sans doute la plus difficile à entendre , de Fatima, la servante attachée à la famille dont le destin et la révolte personnelle va coïncider avec l'Histoire...Ce à quoi s'attache Bélézi, c'est à l'aveuglement de chacun, de chaque génération, face à l'inéluctable de cette fin de règne...C'était notre terre n'est pas un roman sur la guerre d'Algérie , ni un témoignage mais, sans la moindre concession, c'est la chronique d'une mort annoncée ...

C'était notre terre
quand je dis que c'était notre terre, je veux dire que nous ne l'avions pas volée, que nous en avions rêvé au temps de nos ancêtres, et que l'Etat français nous avait permis de concrétiser nos rêves en nous vendant une bouchée de pain six cent cinquante-trois hectares de bonne terre africaine
-te souviens-tu, Henri?
six cent cinquante-trois hectares réservés à notre seul usage, ça fait beaucoup de collines, de vallées, de bouquets d'agaves et de lentisques, d'oueds, de cailloux, d'oiseaux de toutes couleurs, ça fait beaucoup de ciel et de nuage
-te souviens-tu, Henri?
ça fait beaucoup de sueur, de fatigue et de larmes, beaucoup de malheur et pas assez de joie, mais pour rien au monde j'aurais voulu naître ailleurs
c'était notre terre. Page 9
"discutant avec le serveur de la terrasse afin qu'il nous trouve une table à l'ombre, l'obligeant à chasser quatre Arabes qui venaient de s'asseoir.¨Page 12
"Je me souviens que mon père n'aimait pas ma familiarité avec toi , Fatima, il me disait que nous avions un rôle à tenir, une culture à défendre, et qu'il fallait prendre garde à ne pas oublier la distance qui sépare l'homme civilisé du sauvage" (Claudia) page 18
c'est parce que nous ne nous aimions pas que nous avons fait trois enfants, je n'en désirais pas, mais je me suis dit qu'ils meubleraient ma vie ratée, Antoine et Marie-Claire sont venus assez vite, Claudia un peu plus tard page 37
J'ai épousé Hortense et en épousant Hortense on m' a permis d'entrer chez les riches, quel honneur n'est-ce-pas? mais on m'aurait demandé de passer par les trou d'une souris que ça aurait été pareil, puisque j'étais né pauvre et que j'avais des appétits d'ogre j'étais prêt à tout, à commencer par ravaler mon orgueil et mettre mon mouchoir dessus, et une fois franchie la porte des riches, la famille Saint-André m' offert sur un plateau le titre de propriétaire, à moi fils et ptit-fils d'employés qui n'ont jamais dévoré que des rêves sur les trottoirs mal embouchés de Bab-El-Oued
livre-t-on six cent cinquante-trois hectares aux appétits d'un ogre? ce n'est pas l'ogre qui faut poser la question
toujours est-il que ces six cent cinquante-trois hectares de terres algérinnes m'ont fourni tout le caviar et le foie gras que j'étais capable d'avaler, toutes les bouteilles de whisky et de dom pérignon que j'avais envie de boire, tous les blazers d'alpaga et les costumes en tussor que je désirais, toujours est-il que ces six cent cinquante-trois hectares de terres algériennes m'ont permis d'entretenir mes cheavaux, mes voitures et, si je fais le compte, autant de putes que d'ouvriers page 50
oui, je crois qu'un jour ou l'autre, il faudra rendre aux Algériens ce qui leur appartient (Antoine, le fils)
- c'est ce qu'on t'a appris à Paris? dit ma mère...
-il n'est pas besoin d'habiter Paris pour penser ce que je pense page 85
Ils sont sortis des forêts, des broussailles, des grottes où ils se terraient comme des rats, et ils se sont emparés du bled, de nos terres à tous et de mes terres à moi, avec leurs fusils, ils contrôlaient les routes, avec leurs mitraillettes ils ouvraient les portes de nos maisons, avec leurs couteaux à égorger ils nous poussaient dehors
-A bas le colonialisme
scandaient-ils en levant les bras de la victoire
-Vive l'Algérie indépendante" (Hortense page 113)
Comme si ces gens-là avaient besoin de remercier , en 40 ans de travail, je n'ai pas été remerciée une fois, moi, l'esclave, la bonne, la domestique, la femme de peine, la maritorne, la servante, la soubrette, la soullon, quand on est riche, on ne remercie pas sa boniche, on ne remercie personne, à part son Dieu qui ferme les yeux et permet cette insolence.
(Fatima)page 235

jeudi, janvier 27, 2011

SKY (Patrick Chauvel)

Patrick Chauvel en tant que photographe a suivi une patrouille de soldats américains dans la guerre du Vietnam.

Etrange cete terrasse couverte où s'échouaient les journalistes (à Saïgon) . Il y avait ceux qui bavardaient tout le temps - les nouveaux arrivés - et ceux qui se taisaient : ceux-là étaient dans la guerre, ils n'arrivaient plus à en parler; elle restait accrochée à eux. page 25
Avant de aprtir au Vietnam, j'étais impartial car mal informé. Je lisais tout et n'importe quoi sur ce qui se passait là-bas. Alors, j'ai voulu voir, vérifier. Va voir et raconte. Et puis dis-nous la vérité? Non, ma vérité et rien d'autre. page 32
"On vivait à Washington (Sky parle) , la ville de ceux qui décident les guerres mais restent chez eux. page 52
Il y aura plus de cinquante-huit mille morts chez les soldats américains, sans parler des blessés que la guerre aura recrachés, moitiés d'hommes qui erreront à la recherche d'un travail ou d'un peu de reconnaissance, virés par la jungle et la mort, chômeurs d'apocalypse, abrutis de souvenirs. Les morts seront plus veinards:ils auront droit de finir sur un long mur de marbre noir qui reflétera les visages des survivants come des âmes en peine. C'est une Américaine d'origine chinoise qui a pondu ce mausolée. page 72
Le journaliste photographe que je rêvais d'être est mort. Ce sont mes premiers pas de guerrier page 143 (3 membres du commando sur 6 ont été tués)
Paris, ils n'ont rien compris (le journaliste est rentré à Paris) J'ai l'impression de m'être écrasé sur une autre planète.
Une planète habitée, et même très habitée: il y a des gens partout. Ils ont le même aspect que moi, mais ils vont vite, ils se croisent, affairés; une course, ou plutôt un grouillement de quidams qui courent dans tous les sens . Où vont-ils donc? page 179
Je suis à Paris, encagé come un fauve. Là-bas, je croyais avoir traversé l'enfer en tenant coûte que coûte la tête hors du chaos, en supportant le mal jusqu'au bout. Mais ici, c'est l'enfer. page 180
Tombé de la guerre en plein Paris, je me retrouve le cul par terre, entouré de gens qui se marrent et profitent de l'après -68, à des années-lumière de mon idée de la révolution, et pour qui la guerre du Vietnam est une cause en vogue, comme le portrait du Che qu'on retrouve à toutes les sauces...Les pires, pour moi, sont ceux qui se déguisent en militaires avec le signe de la paix imprimé sur une veste de combat achetée aux puces. page 186
-"On ne parle pas de guerre, on la fait.
-Nous l'avons faite, tous les trois. Et la peste, comme la guerre abolit les frontières individuelles des hommes...Un sentiment de communauté, de fraternité, une solidarité réelle, nous donnent l'impression de nous affranchir de notre condition. L'homme est changé. C'est un règne nouveau qui s'ouvre et qui durera. Plus jamais les choses et les gens n'apparaîtront ce qu'ils étaient naguère." page 222

dimanche, janvier 23, 2011

mardi, janvier 11, 2011

TOUTE UNE HISTOIRE ( Hanan el-Cheikh)

L'auteur rappporte avec une scrupuleuse fidélité les confessions de sa mère analphabète, Kamlech, née au début des années 1930 dans une famille chiite extrêmement pauvre, au Sud-Liban. Promise à 11 ans à son beau-frère, elle s'installe avec la famille de son futur mari dans un quartier populaire de Beyrouth. Elle est placée comme apprentie chez une couturière et tombe amoureuse du cousin de cette dernière, Mahomed, un jeune lettré féru de poésie. Forcée à 14 ans de se marier avec son fiancé, Kamlech a trois filles...Elle reste follement éprise du beau Mahomed... Elle va , bravant tous les usages, tenter d'obtenir le divorce, au risque d'être séparée de ses filles.
"On me fait croire que la couturière a besoin de prendre mes mesures pour une cousine de Khadijeh qui a la même taille que moi. Quelques semaines plus tard, je trouve par hasard, cette robe au milieu d'une pile de robes, une robe de mariée blanche. Comme dans un film, je comprends que je vais me marier. J'éclate en sanglots et me mets à tirer sur mes cheveux. Je montre à ma mère et à Khadijeh la touffe que j'ai arrachée. Je me frappe la poitrine en criant :
"Non, ne me faites pas ça! Pitié!".
Je me précipite chez Fatmeh (la couturière) pour lui raconter ce qui se passe. Elle m'avoue que si Abou Hussein(son futur mari) lui a demandé de m'apprendre la couture, c'est que pour que je sois une copie conforme de sa défunte femme Manifeh. Je me frappe la poitrine ...Page 85
Avant le film, nous regardons des "actualités" sur la guerre qui se prépare en Europe. Nous voyons l'Italien à la tête carrée qui parle à la foule - il a l'air très en colère - , l'Allemand à la petite moustache , le gros Anglais avec une grosse cigarette noire à la main - elle est en deuil, me dis-je, la guerre va commencer. Puis nous voyons les chars allemands faire la course pour entrer en Pologne. page 89
Ibrahim (son beau-frère)n'était pas le seul à vouloir contrôler les femmes de la famille. Chacune de mes amies craignait un cousin, un frère, un mari. Cela valait aussi pour les riches et le grand monde, comme ma cousine Mira. page 135
. Après cette soirée (au cinéma) je me suis mise à penser follement à Mahomed. Je me voyais en marchande de pommes; lui était l'aristocrate qui savait lire et écrire...Pour moi, le cinéma était une école. Il m'enseignait l'histoire, la géographie, me parlait d'un continent qu'on appelait l'Europe et me montrait la guerre. Il m'apprenait à parler, et à m'habiller, il me faisait entrer dans des maisons luxueuses et de pauvres masures, et je faisais connaissance avec leurs habitants. J'aurais aimé vivre comme certains et je rendais grâce à Dieu de vivre mieux que certains autres. Je rencontrais sur l'écran des gens comme moi, d'autres comme Ibrahim et même comme mon mari. page 136
Mon divorce est un scandale , parce que j'y ai joué un rôle d'homme - c'est moi qui ai répudié mon mari -, comme un homme répudie la mère de ses enfants pour épouser une autre femme. Et j'ai abandonné mes filles - l'aînée à l'âge de dix ans, la cadette à sept ans- , parce que je n'osais réclamer leur garde: je savais que le cheik me voyait comme une mauvaise mère car j'avais commis l'adultère. page 204
J'étais soulagée que mes deux aînées se soient mariées. Non pas parce que, pour une fille, le mariage est synonyme de sécurité et de stabilité, mais parce que j'avais peur que le fait d'avoir une mère divorcée soit pour elles un obstacle. page276
Au début du printemps 1975, Beyrouth est agitée par de nouveaux troubles. Un bus de réfugiés palestiniens est mitraillé par des miliciens phalangistes lors de son passage dans un quartier chrétien. Les combats entre musulmans et chrétiens reprennent. Comme tout le monde, je suis sûre que c'est pareil qu'en 1958: cela va vite s'arrêter. page 280