mardi, mars 29, 2011

RAPPORTEUR DE GUERRE (Patrick Chauvel)

"Patrick Chauvel a toujours photographié la guerre, montrant la bête humaine et ses horreurs, tout en saisissant la lueur d'espoir au plus noir des conflits. Blessé de nombreuses fois, obstiné, courageux et hilarant, il est sans conteste, de la trempe des grands aventuriers, les Saint-Exupéry, Kessel."

"L'Europe est bouffie et satisfaite. Je n'arrive pas à décolérer". Page 138
(La guerre au Mozambique) Les Portuguais se battent pour garder la colonie.) "Les jeunes (portuguais) se battent pour survivre et rentrer vivants. - Vous ne vous battez pas: vous vous débattez dans vos collines. - Si tu penses ça, alors reste avec nous. C'est nous l'Histoire. - Non, vous c'est la fin de l'Histoire. L'Histoire: c'est les rebelles." page 158

J'ai bougé sans arrêt dans une quête instinctive d'émotions. Nomade dans ce désert d'indifférence, j'ai inventé mes oasis, mes actes. A coups d'instinct et d'intuition, j'ai fabriqué mes croyances. Avec toujours cette impression d'écoeurement, cette peur de rater quelque chose ailleurs, d'être hors du coup, d'être à l'arrière comme un planqué...L'inutilité de se sentir jeune et fort...pour marcher dans les rues de Paris, regarder les boutiques. Je n'en ai rien à faire des fringues, j'ai ce qu'il me faut. Voir tous ces gens s'agiter en cercle fermé, comme pour se protéger...! Sentir cette peur de perdre ce qu'ils ont et sentir qu'ils veulent encore plus, toujours plus - ce qui multiplie la peur de tout perdre...Je préfère aller à la rencontre de ceux qui n'ont rien, ou peu, et qui se battent pour se défendre.

Même si, chez ceux-là, on en trouve toujours qui seraient prêts à changer de camp pour avoir plus. page 277


"Toutes ces guerres ont enfanté l'Histoire". Mais les histoires que j'ai vécues, celles des hommes et des femmes qui subissaient les politiques dynastiques ou autres "causes", désacralisent ce fatalisme enthousiaste que peuvent ressentir les combattants au début des conflits. Très vite, la gueule de bois des batailles laisse les hommes sonnés. La chance qui m'a accompagné dans ces endroits de "non-paix" m'a permis de rapporter l'histoire de ces morceaux d'humanité qui échappent aux historiens. Trouver la distance juste est difficile, photographier en restant juste - une trop belle photo peut brouiller les pistes. Décadrer quand la photo risque d'être belle. L'effet loupe de la presse peut fausser le regard. Tous ces pièges de l'utilisation des images, la manipulation à tous les niveaux, rendent extrêmement aiguë la manière de raconter, quel que soit le média. Des faits, rien que des faits; ils sont têtus, bien sûr, cela a été dit. Mais les hommes et les femmes alors? Ceux que l'on rencontre, qui nous remercient d'être là. Mais où suis-je? A qui je m'adresse? Interpeller le plus grand nombre? Responsabiliser? Qui ? pourquoi? Tout ce que je sais , c'est qu'il faut témoigner? Ne plus jamais entendre: "On ne savait pas". Moi, j'ai vu! Alors, je rapporte ces histoires et pour le reste, j'ai fait ce que j'ai pu... page 297

Aucun commentaire: