jeudi, août 30, 2012

LES MAIA (Eça De Queiroz)

Roman paru en 1888est dit-on le chef d'oeuvre de Eça De Queiroz (1845-1900) C'est le seul livre dans la littérature portugaise qui suit non seulement le destin d'une personne mais aussi d'une famille.
Peinture d'une société bourgeoise décadente qui s'ouvre vers les idées du XIXè de l'Europe.

samedi, août 18, 2012

LE VICE-ROI DE OUIDAH (Bruce Chatwin)

Le Vice-Roi de Ouidah s'inspire de l'histoire vraie, extraordinaire et picaresque, de Francisco Manuel, d'abord au Brésil puis au Dahomey, de sa jeunesse à l'âge adulte, de ses rapports avec le roi du Dahomey qui le fait riche - puis le jette en prison. Sauvé par le demi-frère du roi,  Francisco le remercie en le hissant sur le trône et le nouveau roi accorde à l'apatride le monopole du commerce des esclaves. Francisco multiplie femme et maîtresses, les enfants et va jusqu'à créer au Dahomey  une espèce de petit Brésil, où il accueille les esclaves libérés qui , du Brésil, reviennent au pays natal...Il importe donc ceux-là même qu'il a déportés!
Ce livre de Chatwin souligne la terrible ambiguïté du commerce des esclaves et rend cet ouvrage passionnant.

"Il était (Francisco ) arrivé de San Salvador de Bahia en 1812 , et pendant plus de trente ans, fut le "meilleur ami" du roi du Dahomey, l'approvisionnant régulièrement en rhum, en tabac, en parures, en fusils Long Dane (qui en dépit de leur appellation, n'étaient pas fabriqués au Danemark mais à Birmingham). En échange, il put profiter  du titre de Vice-Roi de Ouidah, du monopole de vente des esclaves, d'une cave de chateau-margaux et d'un inépuisable sérail de femmes.A sa mort , en, 1857, il laissa soixante-trois fils mulâtres et une quantité inconnue de filles. pages 16, 17

La vie des Da Silva (descendants de Francisco) les plus âgés, était vide et triste. Ils regrettaient la traite des Noirs, âge d'or où leur famille était riche, célèbre et blanche. page 18

En 1887, Cândido Da Silva, le plus jeune fils de Dom Francisco , fut élu chef de famille pour l'habilité qu'il montrait  à rétablir la fortune des Da Silva. Il obtint même que le roi du Dahomey signe de sa croix un document qui faisait de Ouidah un protectorat portugais. page 57

Da Silva rêvait toujours de Bahia...et écrivait des lettres à Joaquim Coutinho...Il implorait des nouvelles, pour empêcher ses souvenirs de s'estomper; mais les réponses de Joaquim étaient invariablement froides et commerciales: "Par notre brick Legitimo Africano, j'ai reçu ce jour ton chargement de 230 articles(des esclaves)...Je déplore la perte d'un tiers due à une épidémie de dysenterie. Les femmes résistent beaucoup mieux que les hommes et j'aimerais connaître ton opinion à ce sujet." page 134

Aucun capitaine ne pouvait échapper aux garde-côtes. Aucun ne pouvait embarquer un esclave sans payer une taxe d'exportation ou débarquer une balle de coton sans acquitter un droit.page 163

En 1838, la traite des nègres n'était plus une profession pour un gentleman brésilien....Voilà dix ans que c'était devenu un délit criminel. Pourtant le commerce des esclaves prospérait  sans qu'aucune poursuite ne soit engagée et les planteurs de café du Sud réclamaient des esclaves à cor et à cri, mais le nouveau commerce était tombé aux mains de riches portugais que leurs méthodes commerciales rendaient particulièrement impopulaires.Les Brésiliens libéraux détestaient l'esclavage pour des raisons morales et les conservateurs s'en méfiaient pour des raisons pratiques: il y avait trop de Noirs au Brésil. page 177

Les premiers "Brésiliens" de Ouidah furent une cargaison d'anciens esclaves  qui avaient acheté leur liberté  et nolisé un navire de commerce anglais pour les ramener en Afrique....Les " Brésiliens" firent de Ouidah un petit Brésil . Chaque samedi, Dom Francesco recevait à dîner les chefs de la colonie.Page 190, 191

dimanche, août 12, 2012

PHOTOGRAPHIES ET CARNETS DE VOYAGES (Bruce Chatwin)

Je reviens à l'un de mes auteurs préférés.

"Longtemps avant qu'il ait publié le moindre texte -peut-être même longtemps avant qu'il ait pensé à devenir écrivain- Chatwin  avait commencé à travailler sur son "livre nomade". "Il faut que j'écrive ce satané bouquin d'une façon claire et raisonnable. J'ai ouvert la première page cet après-midi un epu comme quelqu'un qui dépose une lettre piégée. C'était horrible. Prétentieux. Mais j'aime toujours : " Les meilleurs voyageurs sont illettrés; ils ne nous ennuient pas avec leurs réminiscences".

LE VOYAGE DANS LE PASSE (Stefan Zweig)

C'est la première fois que je lis un écrit de cet  écrivain né en Autriche en 1881 et mort au Brésil en 1942 après avoir fui le nazisme.
LE VOYAGE DANS LE PASSE, nouvelle d'une centaine de pages, raconte l'histoire des retrouvailles au goût amer entre un homme et une femme qui se sont aimés et qui croient s'aimer encore. La femme n'est jamais nommée par son prénom....

(Louis, le personnage principal est rentré du Mexique , après 9 ans d'absence, il y a fait fortune et est dans le train avec "la femme" pour Heidelberg.) " Le train se mit en branle en cahotant. Le cliquetis des roues étouffait la conversation avocassière (des passagers dans le compartiment) et la réduisait à un simple bruit de fond. Mais, ensuite, heurts et à-coups se muèrent peu à peu en un balancement régulier, le berceau d'acier tanguait, incitant à la rêverie. Et tandis qu'au-dessous d'eux, les roues crépitantes filaient, invisibles, vers un avenir que chacun meublait à sa guise, leurs pensées à  tous deux voguaient  vers le passé comme vers un songe." page 14

(Louis a longtemps vécu dans la pauvreté) "Il avait grandi comme précepteur dans les maisons de riches parvenus, qui le blessaient;  statut hybride sans qualité, à mi-chemin entre le serviteur et le familier, chez lui sans y être, simple ornement comme les magnolias qu'on disposait puis dont on se débarrassait après usage, il avait l'âme pleine de haine contre les puissants et le milieu dans lequel ils évoluaient, les meubles lourds et imposants, les chambres cossues, les repas abondants, toute cette richesse à laquelle on tolérait qu'il prît part" Page 18

(Son patron l'appelle pour devenir son secrétaire particulier ; il arrive dans cette maison où il va vivre un ou deux ans) "Des tapis profonds l'attendaient, qui absorbaient ses pas, des tapisseries des Gobelins, dès l'antichambre, tendues sur tous les murs et qui réclamaient  des regards solennels, des portes sculptées aux lourdes poignées en bronze, qui, à l'évidence, n'étaient pas faites pour être ouvertes à la main, mais que devaient actionner des serviteurs zélés à l'échine courbée: autant de choses qui, abrutissantes et hostiles, accablaient son amertume orgueilleuse...Il fut submergé par le sentiment d'être un intrus qui n'avait rien à faire là...Page 21

(Son patron lui donne l'opportunité d'aller au Mexique pour extraire un minerai)  "Comment une telle offre , lui tombant soudain d'un ciel serein, n'aurait-elle pas tourné la tête d'un ambitieux? Elle était là, enfin, la porte, comme arrachée par une explosion, qui devait l'affranchir de la pauvreté où il croupissait, du monde sans lumière de la servitude et de l'obéissance, de l'éternelle échine courbée de l'homme contraint d'agir et de penser avec modestie:  vorace, il scrutait les papiers, les télégrammes, où, à partir de signes hiéroglyphiques, son vaste plan, dans des contours larges et flous , prenait peu à peu forme.  Soudain, des chiffres s'abattirent sur lui à grand fracas, des milliers, des centaines de milliers, des millions à administrer, à compter, à gagner, atmosphère incandescente du pouvoir dominateur, où, abasourdi et le coeur battant, il s'élevait soudain, comme un ballon magique, depuis la sphère vile et étouffante où il vivait. Et au-delà de ça: il n'y avait pas que l'argent, les affaires, le goût du risque et des responsabilités. page 32, 33

(La guerre 14-18 est déclarée , impossible de retourner en Europe et de recevoir du courrier de "la femme" et de lui en expédier.) " La firme lui confia pour mission de rendre  l'entreprise autonome, et de la diriger comme une compagnie mexicaine...Cela tendait toutes ses forces, faisait bourdonner la moindre de ses pensées. Il travaillait douze  heures, quatorze heures par jour avec un acharnement  fanatique pour ensuite, le soir,  assommé par cette avalanche de chiffres, trop épuisé pour rêver, et inconscient , s'écrouler sur son lit".page 58

"Mais , arriva un jour, jour mugissant de carillons lancés à pleine volée, où les câbles télégraphiques frémirent et où, dans toutes les rues de la ville en même temps, des hurlements, des grosses lettres comme le poing, proclamèrent la nouvelle tant attendue de la conclusion de la paix.."page 61

"Et s'ils s'embrassaient, ce n'était que du regard."

Séparés, elle irradiait depuis une autre sphère où le désir n'a pas de mise, pure, immaculée et même le plus passionné de ses rêves n'avait pas la hardiesse de la dévêtir".

"Te souviens-tu  de ce que tu m'as promis...lorsque je reviendrais...?
Ses épaules tremblaient. "Laisse cela, Louis...ce sont de vieilles histoires, n'y touchons pas. Ce temps-là, où est-il?
-Il est en nous, ce temps-là", répondit-il inflexible, dans notre volonté" page 79

"Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux spectres cherchent le passé." page 100

mardi, août 07, 2012

PHOTOGRAPHIES ET CARNETS DE VOYAGE (Bruce Chatwin)

Je reviens à l'un de mes auteurs préférés.

"Les meilleurs voyageurs sont illettrés.; ils ne nous ennuient pas avec des réminiscences " page 13

Il concevait le voyage comme une fin en soi, comme une réalisation de l'idée de fuite et d'évasion, mais une évasion hors de rien en particulier et une fuite vers presque tout, un parcours circulaire autour de la terre qui doit se terminer là où il a débuté pour recommencer de nouveau.... Chatwin était un être multiple et il avait en conséquence de nombreux amis très différents entre eux....La grande qualité de ses livres (qui a été reconnu dans le monde entier) et sa mort comparativement précoce, qui nous a privé d'autres oeuvres qu'on peut imaginer plus belles, ont créé une légende, voire un culte. page 13

"Raconter des histoires est la seule occupation concevable pour un être aussi minable que moi."