mercredi, septembre 30, 2020

L'EMPIRE D'UN HOMME ( Ramon Sender.)

 Une partie de chasse dans la montagne permet de retrouver  Sabino, un homme qui a mystérieusement disparu du village il y a  15 ans.  et à l'assassinat duquel tout le monde  a cru. Sur fond de tensions sociales et d'exploitation politique du moindre fait divers, deux paysans pauvres ont même, à l'époque, été condamnés pour ce meurtre (supposé). 

La résurrection du "fantôme" jette tout le village  - de la femme du mort aux familles des condamnés - dans un trouble sans nom, tandis que le nouveau héros, jadis le villageois " le plus pauvre et le plus insignifiant" acquiert un étrange prestige. 

L'empire d'un homme est inspiré d'un fait divers réel, que Ramon Sender avait couvert , en tant que journaliste, pour le quotidien El Sol


J'avais quinze ans quand je  partis (après une escapade à Madrid, Saragosse. " pour tester mes ailes"...) , seize à mon retour. Je ne revins pas poussé par mon attachement à notre demeure natale, mais réclamé par ma famille  et encadré par la police du roi. Une fois au village, je devais essayer de trouver un plaisir dans mon exil et comme je ne m'intéressais qu'à mon grand-père ( j'avais toujours considéré mon père comme un ennemi, sentiment qu'il le rendait bien, mais nous en étions complètement inconscients l'un et l'autre...) , je m'en approchai et vécus avec lui comme si personne d'autre n'existait. page 9

L'eau arrivait. le dos au mur, j'ouvris les vannes pour la faire entrer  dans mes terres. le sol accueillait en bouillonnant avec volupté et buvait avec une douce rumeur, sous les larges feuilles des courges et des pastèques. En retenant ma respiration, on entendait les plantes soupirer de plaisir. Je m'assis et attendis une heure exactement...Cinq minutes avant minuit, je m'approchai de la vanne du canal , attentif au signal de la trompette du garde. Quand je l'entendis, je fermai et me rassis au pied du mur. page 14

Mon père était un homme froid et  peu bavard. je ne me souviens pas de l'avoir embrassé plus de deux ou trois fois dans ma vie, avec une raideur protocolaire du soldat saluant son chef. Il m'emmenait à la chasse , comme un ami. page 17

Ricardo me semblait ennuyeux.  Mais la délicatesse de ses mains donnait l'illusion du pouvoir: il parlait avec une aisance naturelle aux évêques et aux généraux. Il était le plus riche  et ne frayait avec aucun des trois  propriétaires qui le suivaient ( à la chasse)  en importance.  Ces quatre messieurs ne se fréquentaient pas, ne supportant pas l'idée de se sentir réciproquement diminués. Ils ne voyaient  que les gens dont la soumission était assurée, c'est-à-dire tous les habitants du village.  page 24

" Aujourd'hui, c'est une chasse aux bêtes sauvages? - Mon père finit par répondre: - On ne peut pas dire ça. - Pourquoi? - Parce que ce n'est pas un ours que nous allons chercher, mais  un homme. "page 26

Toute la personnalité  de don Ricardo était fondée sur sa richesse. Il avait modelé son caractère pour le seul but:  se rendre digne de la vénération du village, une vénération héritée de ses ancêtres. page 26

" Ils vont tuer  l'homme-ours disaient les uns.  - Quel ours? corrigea un autre. C'est quelqu'un comme toi et moi, mais il a deux têtes. page 30

Mon grand-père disait que ce que nous allions faire était imprudent, et puisque personne n'interdisait à quiconque de vivre comme bon lui semble; si ce malheureux ne voulait pas descendre à la ville, il fallait le laisser en paix. page 33

Mon père, Tomaser et moi, nous nous précipitâmes à cent mètres de là, il y avait quelque chose, ni gris , ni jaune, couvert de poils, qui nous regardait avec effroi.  page 42

" C'est un pauvre homme et il est tout à fait paisible. Ce qu'il faut, c'est lui donner à manger. " page  45

Mon père lui parla de choses simples et générales: " Ici, il fait très froid et il n'y a rien à manger. au village, il y a du bon pain et de la viande". Je lui donnai un  morceau de pain et une bonne part  de l'omelette aux pommes de terre que ma mère avait mise dans  ma musette. IL la prit à pleines mains et la dévora en un instant. Je lui donnai alors à boire un excellent vin de la gourde que je portais à la ceinture. Après avoir bu, il me la rendit, fit une moue très bizarre et dit: "Vin".  Mon père était content de ce progrès.  page 53

J'étais content d'avoir trouvé le monstre mais je sentais bien qu'il ne serait pas facile de l'insérer dans la vie du village. Don  Ricardo aurait pu faire beaucoup en ce sens, mais il le trouvait antipathique: le monstre ne l'avait pas reconnu, lui, alors qu'il avait reconnu mon père.  page 54

 Nous étions maintenant accoutumés à la présence muette du monstre. Le surveiller nous compliquait pas mal de choses. Le mieux était, selon don Ricardo, de chercher une pièce fermant à clé et  de l'y boucler....Personne n'essayait de se familiariser avec lui, mais tous voulaient le "réintégrer" dans la société. au lieu de le convaincre  de son amitié, don Ricardo cherchait à le mettre sous clé. je trouvais cela un  peu anormal mais ne voulais pas le dire. Mon père aurait cru que je cherchais à gêner don Ricardo, et nous nous taisions tous. On l'enferma dans une pièce sans fenêtre, au grenier. page 58

Sans savoir pourquoi,  les hypothèses sur le monstre me laissaient indifférent, Cet homme était beaucoup plus important que tout ce qu'il avait pu faire. Quant aux crimes, je n'y croyais pas. Le criminel ne s'isole pas., mais cherche à se fondre dans la masse. page 60 Le chasseurs  étaient devenus gendarmes, ce qui ne paraissait pas du goût de mon père.  page 61

On alla chez Tomaser. mais sur le seuil, le monstre refusa d'entrer, montrant de la main une autre direction en émettant un grognement par lequel il semblait vouloir nous dire quelque chose. Les chasseurs se regardaient " Il veut  aller chez lui" dis-je...Il repartit , et nous avec lui.. Il devait être midi quand il s'arrêta devant une humble maison et se mit à appeler : " Aea"! Une femme ne deuil  sortit, qui regarda le groupe avec effroi.  " Je suis  Adela Carmona. Que me voulez-vous? " Pour la première fois, le monstre souriait. Don Ricardo, pâle d'émotion, dit en balbutiant: " C'est Sabrino, le mort". La femme porta les mains à son visage , essayant d'éloigner la vision: "  C'est son fantôme! " Et elle rentra chez elle, livide. ...  Le monstre riait toujours en montrant  du doigt, sa maison. page 63

Le registre de 1910 disait que Sabrino Garcia Illeras....était un" meurt-la-faim" et qu'il habitait dans la ruelle des Trois Croix. un " meurt-la-faim, certainement. le plus pauvre du village. ...Le registre d'état civil notait son décès " de mort violente" le 22 octobre 1910. page 68

Sabrino était allé chez  sa mère, un logis plus pauvre  encore. Quatre murs d'argile et de roseaux et un trou en haut, pour la fumée...."Sabrino?  mon fils? demanda-telle De ses mains, la vieille lui palpait le visage et les épaules ...page 70

Dans ce cas, il ( le curé) en disait du bien ( des gens riches), mais évitait autant que possible de les encenser. page 74 Le curé hochait la tête.. " Il en a eu assez d'être un zéro, d'espérer sans espoir....Pauvre Sabrino; poursuivait le curé. Il est parti parce qu'il avait peur. Sa peur des hommes parmi lesquels il n'était jamais quelqu'un, le poussa à aller vivre avec les bêtes. ..Il considérait comme une honte pour le village qu'un homme, fût - il  le plus bête et le moins capable de se débrouiller, dût fuir dans la montagne alors qu'il n'avait commis aucun délit. page 76

Un jour où il toucha sa paie, à Los Pinos, il ne revint pas. Il disparut sans laisser de traces, il s'en fut aux rochers d'Aineto où il passa seize années, trois mois et onze jours.  - Une honte pour le village, continuait de dire mon grand-père. Page 86

Mon père, qui pensait avant tout à la vie de Sabrino, soucieux  de lui épargner de nouvelles humiliations, proposa de le nommer employé municipal suppléant ou auxiliaire de garde du canal, ou garde-champêtre assermenté, ou en dernier, balayeur; de quoi lui assurer le pain et lui prouver la bonne volonté et l'amitié du village.  page 94

L'automne 1910, Vicente et Juan, deux paysans  de Castelnovo, travaillaient non loin de Sabino...l'automne était une saison désolée. Les premiers froids descendaient des Pyrénées, faisant trembler les feuilles des peupliers noirs en étincelles de vert et d'argent...Page 99..Sabino terminait son travail au coucher du soleil et rejoignit Vicente et Juan. Ils descendirent ensemble le chemin, et  comme ils avaient touché leur paie, ils allèrent à l'auberge du Moine. ...Le lendemain, l'Adela se mit à interroger, étonnée qu'il ne fût point rentré dormir. page 100

Don Ricardo ne  disait jamais "rembourser" mais "restituer" page 122

Juan et Vicente avaient avoué. Le curé   avait l'air plus mécontent  que surpris. " Il y a beaucoup de misère autour de nous ,dit-il, mais je n'aurais jamais  cru   que deux hommes des bords de l'Orna   fussent capables de tuer  pour onze pesetas. C'était la somme que Sabrino avait en poche le jour  où " on l'avait tué" Onze pesetas et  trente centimes/ page 128

Mon père demanda à don Ricardo si l'in connaissait  d'autres détails sur le crime. Il insista, au passage,  sur les tortures, soutenant qu'elles avaient été prouvées.  page 131. 

(Vicente et Juan avouent le meurtre sous les tortures et inventent les  circonstances) Le juge , mécontent d'avoir perdu son temps er les nerfs à vif  par le spectacle, retourna à l'automobile.  page 140 ( les deux "accusés on dit qu'ils avaient le corps de Sabrino au cimetière, son corps n'a pas été trouvé)/ 

L'avocat parti, aucun des deux ne croyait à la culpabilité de l'autre; ils avaient vu  que les éléments de défense préparés par l'avocat n'étaient qu'un tissu d habiles  mensonges. page 150

La décision de don Ricardo d'aider  les familles de Vicente et de Juan fit l'effet d'une offense à don Manuel  , aussi s'empressa-t-il , au cours de la réunion, de d'explique  à ses amis ce qu'il avait fait. page 154

Le chine avait la taille d'un veau  de huit mois. Don Manuel prit le jambon dans le plat et le lui lança. le chien avala sans mâcher. Le berger regardait avec un peu d'envie parce qu'il n'en avait pas mangé depuis des années.  page 159

six mois passèrent et toujours pas de sabrin o. Mais Mme Antonio (sa mère) ne changea pas d'avis: personne n'avait tué son fils. Ce n'était pas une opinion mais une obscure évidence qu'elle portait dans  ses entrailles.  page 163

( Le procès de Juan et de  Vicente) En fin de compte, les jurés  d'Ontinena reconnurent une circonstance atténuante ( le bon sens paysan les poussaient à conserver un dernier doute, du fait qu'on  n'avait pas retrouvé la moindre trace du mort)  et les accusés furent condamnés aux  travaux forcés à perpétuité et envoyés au pénitencier de Lérida.  page 168

A pénitencier, Vicente t Juan passaient des semaines entières sans parler à personne, absorbés par leur travail.  Juan apprit le métier de bourrelier et Vicente ce lui e cordonnier, et ils s'y consacraient de toutes leurs forces. Leur conduite exceptionnelle leur fit obtenir commutations et remises de peine. ON leur avait proposé trois fois comme garde-chiourmes , mais ils refusèrent sans donner de raison...Ils ne proclamèrent jamais leur innocence. page 173

Quand ils furent libérés, ils éprouvèrent une curieuse sensation d'abandon dans les rues, dans le train. Au village, Vicente fut accueilli en triomphe par sa femme. ...Quant à Juan, sa femme le reçut froidement. Son fils qui avait seize ans le regardait comme un  étranger.  Juan voulut le reconquérir , avant  sa femme, mais l'enfant refusait de sortir avec son père. On ne lui donnait pas de travail non plus; alors que son fils en avait.... page 175

Plusieurs mois passèrent quand un jour arriva la nouvelle de l'apparition de Sabrino dans le village voisin.  Personne n'y crut.  C'était tellement hors de toute logique que ni Juan , ni Vicente ne prirent la peine d'aller vérifier sur place.  page 177 ...La femme de Vicente acheta des liqueurs; elle voulait faire une grande fête et inviter tous les voisins mais il la retenait: " Tu vas trop vite. attends; Ne faisons pas parler les gens pour rien" . Mais elle était, maintenant ,  convaincue de l'innocence de son mari. page 179...Le lendemain, le secrétaire envoya un message à Juan et un autre à Vicente.  Flanqué du maire et de deux conseillers, il leur tendit la main, les invita à s'asseoir et leur alluma une cigarette. Juan et Vicente n'avaient pas besoin d'en savoir plus. les expressions de sympathie teintée d'étonnement en disaient plus long que n'importe quelle parole. page 180

Juan, sans lâcher sa  main, (celle de Sabrino) prononça d'une voix ferme pourque tout le monde l'entende: " Je ne t'en veux pas.  " Juan remercia tout le monde d'avoir emmené Sabrino au village. page  198

Sabrino se sentait flatté chaque fois qu'il voyait son nom imprimé. Ce qui s'y disait ne lui faisait aucun effet. ..;Le seul fait qui l'intéressait,  c'était son nom écrit sur un papier qui se vendait pour de l'argent aux gens qui s'attroupaient autour des aveugles.  page 201

Puis ils parlèrent de la mort de Juan. Mon père, n'étant pas très au courant, Sabrino expliqua qu'il était allé le voir et qu'avant de mourir, Juan lui avait pardonné. Il avait un certain sens moral sont mon père ne l'aurait jamais cru capable, et en le voyant si fier de ce pardon, il fut plus heureux encore d'être intervenu en sa faveur.  page 221

mardi, septembre 22, 2020

IMPOSSIBLE ( Erri De Luca) 2020

 On part en montagne pour éprouver la solitude, pour se sentir minuscule face à l'immensité de la nature. Nombreux sont les imprévus qui peuvent se présenter, d'une rencontre avec un cerf au franchissement d'une forêt déracinée par le vent.

Sur un sentier escarpé des Dolomites, un homme chute dans le vide. Derrière lui, un autre homme donne l'alerte. or, ce ne sont pas des inconnus.. Compagnons du même groupe révolutionnaire quarante ans plus tôt, le premier avait livré le second et tous ses anciens camarades à la police. Rencontre improbable, impossible coïncidence surtout, pour le magistrat chargé de l'affaire, qui tente de faire avouer au suspect un meurtre prémédité.

Dans un roman d'une grande tension, Erri De Luca reconstitue l'échange entre un jeune juge et un accusé, vieil homme " de la génération la plus poursuivie en justice de l'histoire d'Italie. "  Mais l'interrogatoire se mue lentement en un dialogue et se dessine alors une riche réflexion sur l'engagement, la justice, l'amitié  et la trahison. 

"Souvent, en écoutant tel ou tel récit, je pensais " c'est impossible, cela n'a pas pu se passer comme cela." et puis un an ou deux après, c'était devenu vrai".  Isaac Bashevis Singer.

( A la question du  juge, l'accusé la corrige )  "Dans de telles conditions qu'est - ce qui vous pousse à faire ça? ( à aller dans la montagne) La réponse  est : personne. Nous n'avons pas de commanditaires.  Ils sont inutiles, la montagne est un mobile suffisant.  Drôle de jeu de mots, n'est-ce pas?  La montagne , immobile par nature,  est un mobile. C'est exactement ça: elle attire à elle Chacun a ses propres raisons d'y aller.  La mienne est de tourner le dos à tout, de prendre de la distance.  Je rejette le monde entier derrière moi. je me déplace dans un espace vide et aussi dans un temps vide. Je vois comment était le monde  sans nous, comment il sera après.  Un endroit  qui n'aura pas besoin qu'on le laisse en paix.  Là-haut, je suis un étranger, sans invitation et sans bienvenue. page 20

Un livre d'un alpiniste français  a pour titre: " Les Conquérants de l'inutile". Inutile, cet adjectif a une valeur pour moi. dans la vie économique où tout repose  sur la partie double donner/avoir, sur le profit  et l'utile, aller en montagne, grimper, escalader, est un effort. Il n'est pas utile  et ne cherche pas à l'être. page 21

( le juge) Et la peur? ...- La peur est utile.  C'est d'ailleurs une forme de respect et même de révérence due à l'immensité du lieu qu'on traverse. La crainte est le préliminaire de la concentration. Elle n'entrave pas les mouvements, elle en augmente la précision. page 23

( l'accusé, en prison,  écrit une lettre à Ammoremio, ) Le magistrat qui m'interroge a la moitié de mon âge, il ignore tout de la montagne et des histoires révolutionnaires.  C'est moi qui devrais l'interroger.  Il n'est jamais allé en montagne et il essaie de comprendre  ce que je vais y faire.  Je lui ai répondu qu'on y va  pour rien qui sert à quelque chose.  Car l'inutile est beau.  page 28

Avec toi, j'ai appris le mot amour  et les jours  oeufs de Pâques , chacun avait une surprise  à l'intérieur. ...;Avec toi,  j'ai appris l'amour qui maintient  sa prise et sa durée au-delà des disputes, des différents, des défauts, jusqu'à les aimer aussi.  C'est l'amour pour ton air contrarié, tes explosions et le retour des sourires ensuite. ....Aussi ai-je décidé  que ma définition du mot "amour" c'était toi. page 29;....Ce qui compte pour moi, c'est que les jours aient un sens, avec une proue qui glisse lentement en avant en compagnie du temps. page 31....Pour toi, il n'y a que nous deux qui comptons.  Le reste du monde est si flou qu'il faut mettre des lunettes pour le voir....Pour moi, la liberté n'est pas de pouvoir aller me promener, mais de garder ensemble les mots pour toi et leurs conséquences.. Je te dis que je t'aime et

je le fais continuellement. La liberté c'est de nous garder ensemble là-dedans. Aucune cellule ne peut m'enlever cette liberté. page 34

( Au juge) Une autocritique serait ici un mea culpa et une demande de circonstances atténuantes. Entre vous  et moi, il n'y a rien à atténuer. Vous me gardez  en prison et moi, je m'y adapte. En outre, vous n'êtes pas en âge  d'avoir assisté à ce qui s'est passé à l'époque et je ne vous  tiens pas pour un interlocuteur légitime sur les évènements de ces années-là. page 38....Prendre connaissance  des évènements d'une époque à travers des documents judiciaires, c'est comme étudier les étoiles en regardant leur reflet dans un étang. page 40...Vous pouvez m'enlever  un peu de ma liberté de mouvement, mais pas la liberté  qui est dans mes raisons et mes convictions. page 48

Ammoremio, je vais bien...Je bavarde continuellement avec toi, plus que lorsque nous sommes ensemble et que tu me reproches d'être silencieux. Tu serais étonnée de me voir si bavard là-dedans....Je te décris n'importe quoi des cafards aux verrous. En attendant, mon ouïe s'est développée. page 51 ....Là-dedans, je découvre que j'ai du temps utile à revendre. Je t'ai dit un jour que je n'étais jamais ennuyé  une seule minute dans ma vie. L'ennui est un gaspillage que j'ignore. Un écrivain en avait fait le sujet d'un de ses romans.  Je ne l'ai pas lu, même pas par curiosité de savoir ce que c'est . page 53

Ammoreimio, me voici revenu dans l'intimité des mètres verrouillés. Dehors, il pleut, je le sais par le ruissellement dans la gouttière.  Tu n'as pas fait de latin , moi si. Il existe deux verbes qui signifient demander, l'un sert à demander pour savoir, l'autre à demander pour obtenir. Quand le magistrat insistait avec ses questions, il disait qu'il voulait savoir la vérité.  Ce n'est pas vrai. Il interroge pour obtenir une confirmation de ce qu'il croit déjà savoir. Il n'utilise pas le verbe de la curiosité de celui qui veut s'informer ou connaitre une vérité. Il n'en a pas besoin.  page 63^

Bien sûr, tu étais et tu restes libre de te détacher, mais tu as insisté pour me garder quand même. Maintenant aussi tu me gardes, Entre nous s'applique le verbe "se garder"...;C'est bien de faire l'expérience des "sans" de peu d'importance, comme un café au réveil. page 65.....J'apprends à nouer une relation avec le temps. Je me présente  comme une personne de mon âge. Le temps est là pour toujours et moi aussi, même si mon "pour toujours" est plus bref. Ta présence a mis les jours en file indienne, en route vers les rendez-vous. page 65 Un sujet délicat me vient maintenant à l'esprit.  Tu me demande parfois si je suis jaloux. Je te réponds non. Parce que  ti voglio, bene, je t'aime. Le mot bene , bien change tout. si on l'enlève, il reste: ti voglio, je te veux.  Là oui, on est jaloux. Mais moi, j'ajoute un mot en plus, juste et précis: ti voglio bene. Lors de ma précédente incarcération,, certains camarades de cellule se tourmentaient à l'idée que leur femme, leur fiancée puissent trouver un autre homme....Quand il s'agit de longues séparations laissons faire le temps et non les serments. Tu es une femme au coeur  de la vie.  S'il t'arrive d'éprouver  un désir impérieux  pour un homme, tu l'exprimes et tu le satisfais. J'espère que tu ne tomberas pas amoureuse,, mais bien quand même, je t'aime tant. le bonheur que tu saisis avec un autre, ne m'enlève rien de toi. Tu ne pouvais pas trouver ce bonheur avec moi. page 68

( au juge) Vous vous trompez sur le passé. il ne reste pas intact. Le temps est une lèpre qui le fait tomber  par petits bouts.  page 83  .....Serais-je  incapable, serais-je supérieur? Je ne serais répondre. Il me semble en revanche  que vous vous êtes fixé une tâche au-dessus de vos capacités, en maintenant en examen une personne  plus âgée et plus compétente que vous. je connais les procès , non en tant que téléspectateur de séries policières, mais en tant que membre de la génération la plus  poursuivie en justice de l'histoire d'Italie....page 85.....Le temps de la réclusion ne me pèse pas, car, même là-dedans, il reste mien. page 95

Ammoremio, une autre lettre s'ajoute à celles non expédiées. Je reste en isolement, ainsi il n'y a aucune possibilité de recevoir des visites. Je n'en souhaite pas, pas plus que des lettres. C'est un lieu pour hommes seuls, un couloir de cellules individuelles, de monastère sans prières. Les moines d'ici s'en remettent aux avocats, ce sont eux qui s'occupent des prières.  page 97....Dans une de ses phrases, ont je me souviens mal il ( Leonardo Sciascia, écrivain italien) écrit que la vérité est au fond du puits. Si on  se penche, on voit le reflet de la lune ou du soleil. Mais sin on descend  dans le puits, on ne trouve ni l'un ni l'autre. On trouve la vérité. page 100....ici, c'est un endroit où on oublie le verbe "pouvoir" . Ici, on ne peut presque rien. page 102

( Au juge) L'obsession d'être déclaré important par les autres, ne me concerne pas. page 105 .Je vois la société comme une construction faite de matériaux  de plus en  plus mauvais au fur et à mesure qu'elle progresse vers le haut.  page 130

Ammoremio. Moi, je suis dans le temps et dans le temple de  la patience pure. ...On vit dans une cellule comme des hôtes du temps. page 136

Le juge "  Ces jours-ci, je me suis  de nouveau  promené en montagne......Je découvre que j'aime ça et je vous comprends un peu mieux, vous les alpinistes. Je me concentre mieux  en marchant en montée, je rassemble mes idées. page 139.....L'expérience n'est pas un catalogue de réactions déjà prêtes, elle consiste au contraire à faire confiance à l'improvisation. page 141 ....(le juge) "Pour moi, votre culpabilité est certaine mais impossible à associer à une vérité procédurale". page 149.....Quel effet ça vous fait de retrouver la liberté? - Je suis resté libre. Ma liberté n'est pas à la portée de vos mesures de restriction.  page 153

Ammoreimio. , Je viens de te téléphoner et je n'ai rien pu te dire, à part que j'ai été relaxé.  page 157...il ( le juge) m'a interrogé sur les montagnes. Encore des questions , mais d'une autre nature. Il  utilisait le verbe latin " demander" pour "savoir " et non pour obtenir". Elles sont comme les livres, les montagnes. On ne se baigne pas deux fois dan sla même eau, disait un philosophe grec., on n'escalade pas deux fois la même montagne parce qu'elle est différente comme le lecture de Pinocchio faite à 10 ans puis à cinquante. page 158....Je lui ai parlé du sentiment de la fraternité. Elle est avec la liberté et l'égalité dans la devise de la Révolution française. , mais elle est différente. On se bat pour obtenir ou pour défendre une liberté, une égalité. Pour la fraternité, on ne peut pas. Qu'est-elle donc alors? C'est le sentiment qui réunit les fils d'une communauté , en renforce l'union et produit l'énergie nécessaire pour se battre pour la liberté et l'égalité. ...Elle n'exclut personne. L'ennemi peut aussi faire partie de la fraternité. mais aucun programme ne peut la construire, si elle ne se produit pas toute seule. page 160



mercredi, septembre 16, 2020

MA VIE SUR LA ROUTE ( Gloria Steim)

 Journaliste, militante, Gloria Steim est une figure de la lutte pour les droits des femmes et des droits civiques aux Etats-Unis. Elle a fondé le Women's Media Center, une organisation qui se bat pour rendre les femmes plus présentes dans les médias, e tle magazine féministe Ms...qui met en avant des personnalités comme Beyoncé, Chimamanda, Ngozie  Adichie, Lupita Nyong'o ou Amy Schumer.

Pendant toute sa vie, elle a voyagé à travers l'Amérique pour aller rencontrer les autres - un goût du nomadisme qui s'enracine dans son enfance passée à sillonner le pays en compagnie d'un père fantasque épris de liberté.

Ma vie sur la route est le récit autobiographique de plus de cinquante ans de combats, depuis la cause amérindienne à l'avortement en passant par le tourbillon de la campagne politique d'Hilary Clinton ou encore des droits de la communauté gay. 

Une ode à l'intranquillité qui nous pousse à partir à l'aventure par celle qui écrivit: 

Ne demandez pas aux femmes de s'adapter au monde..demandez au monde de s'adapter aux femmes". 

"L'évolution nous destinait à être des voyageurs. les séjours prolongés , dans une grotte ou un château , n'ont été qu'une goutte d'eau dans l'océan du temps de l'évolution".  Bruce Chatwin  ( Anatomie de l'errance.)


C'est le voyage qui a créé ma vie sédentaire et non l'inverse. page 29

A fil du temps, j'ai découvert une chose que je n'aurais peut-être jamais apprise en restant chez moi: les gens réunis dans  un même espace se comprennent et s'identifient les uns aux autres beaucoup plus facilement  que par le biais d'une page ou d'un clan. page 29

Prendre la route- ou plutôt laisser la route me prendre -  a changé  la perception que j'avais de moi- même.  Si la route est compliquée, c'est parce que la vraie vie est compliquée. page 30

Aujourd'hui ..seul le conflit  fait l'actualité , où être objectif signifie tout critiquer sans distinction. page 30

D'ici à une trentaine d'années la population américaine d'origine européenne sera minoritaire; la première génération d'enfants majoritairement issus des minorités visibles est déjà née.  page 31

Plus que toute autre chose,  le voyage nous oblige  à vivre l'instant. page 35

Le dictionnaire lui-même nous apprend qu'un aventurier est quelqu'un qui "aime et  recherche l'aventure" alors qu'une aventurière est "une femme qui a des aventures galantes souvent scandaleuses" ou une intrigante qui "recherche  en mariage , avec une intention intéressée, une personne d'un rang ou d'une  fortune plus élevés. page 36

Selon l'écrivain voyageur Bruce Chatwin, notre "besoin de distraction, notre manie de nouveauté" seraient une survivance de notre passé nomade. En tibétain, ajoute-t-il, le terme désignant un être humain signifie "celui qui part en migration" Et en anglais, le mot "progress" a d'abord voulu dire" voyage" et plus précisément " voyage saisonnier, circuit" page 49

Un jour, alors que  j'avais environ cinq ans, nous étions dans un magasin et je réclamai un  nickel  à mon père. Il voulut savoir pourquoi. D'après lui, je répondis : " tu peux me dire oui ou non; mais tu n'as pas le droit de me demander pourquoi". Ravi, il me donna  la pièce et m'assura que j'avais raison.  page 64

Si on pense à quelqu'un qu'on aime, est-ce qu'on devient un peu comme lui? Je me plais à penser que oui. page 75

C'est en Inde , où j'ai passé deux ans après l'université - pour fuir un brave garçon qui n'était pas fait pour moi - que j'ai compris que les grandes traversées en solitaire de mon père  n'étaient pas le seul modèle. Là-bas, j'ai découvert que la route pouvait  se partager, qu'il existait une manière différente d'aborder le voyage, à la fois ancienne et très moderne. page 77

Avec l'impulsivité de la jeunesse, j'avais décidé  d'aller seule de Calcutta au Kerala, m'arrêtant dans les villages et les temples sur le parcours. mes amies étudiantes m'exhortèrent à voyager dans l'un des wagons exclusivement  féminin, vestige de l'Empire britannique. ..;Je découvris un véritable dortoir sur roues. Des femmes de tout âge et de toute taille étaient assises en  groupes pour discuter, bercer des enfants ou partager  des repas dans des gamelles en cuivre, à plusieurs étages.  page 79

C'était la première fois que je voyais à l'oeuvre la magie du groupe où chacun peut s'exprimer, où tout le monde doit écouter, où l'important est d'arriver à un consensus, quel que soit le temps nécessaire.  page 83

Je ne pouvais pas deviner que, une décennie plus tard, je verrais  des groupes de sensibilité et des cercles de parole donner  naissance au féminisme . page 84

(En 1963, Martin Luther King organise une marche sur Washington) Je n'avais pas remarqué l'absence de femmes au micro. Et je n'avais jamais songé aux raisons racistes qui commandaient le contrôle du corps des Noires.  Je sentis un déclic se faire dans ma tête. C'était comme en Inde, où on restreignait la sexualité des femmes de haute caste, et où on exploitait celle des plus pauvres. page 90 Martin Luther King prononça son discours très attendu d'une voix grave et familière....Mahalia Jackson cria: " Parle - leur du rêve". C'est alors qu'il entonna, de mémoire, la célèbre litanie: " I have a dream". page 91

A la fin des années 60, à l'époque de nos premières interventions, l'opposition à la guerre du Vietnam était la principale cause militante. On occupait des bâtiments, et on brûlait des cartes de conscription. Cependant, en parallèle, le mouvement gay et lesbien  sortait de l'ombre et les Amérindiens  se mobilisaient pour stopper l'entreprise de destruction de leurs langues, de leur culture et de leur histoire. page 98

En ce qui me concerne, il s'agit d'un événement dont vous n'avez sans doute jadis entendu parler: la Conférence nationale des femmes qui s'est tenue à Houston en 1977..;cette manifestation ( de trois jours et trois nuits)  a permis de fédérer un mouvement autour de problèmes et de valeurs communes. page 106

J'avais appris qu'être seul au volant n'était pas toujours - pas souvent , en réalité - la manière de voyager la plus enrichissante. Ne pas pouvoir discuter  avec les autres passagers, ne pas pouvoir apprécier le paysage: tout ça me manquerait page 127

Les chauffeurs de taxi sont un baromètre de l'état de la société et se révèlent souvent meilleurs pronostiqueurs politiques que beaucoup d'experts médiatiques.  Après tout, ils passent plus de temps à parler à des inconnus qu'aucun institut de sondage ne pourrait le permettre, ils surprennent plus de conversations privées qu'un agent des renseignements réalisant des écoutes...page 130

( dans un taxi à Midtown) ll me demande ce que je fais. Je daigne lâcher deux mots : " j'écris", espérant décourager toute tentative  de conversation. " Dans ce cas, je ne dois pas vous connaître , répond-il très sérieusement , parce que je ne lis pas"  Présumant que j'ai affaire à un petit malin, je ne relève pas. " Et je ne regarde pas la télé, poursuit-il. je ne vais pas sur Internet, je ne lis pas de journaux et je ne joue pas aux jeux vidéos. Je ne fais rien de ça depuis près d'un an. Je ne veux pas qu'on interprète le monde à ma place. Je m'injecte la vie directement dans mes veines. page 142....Au lieu d'un pourboire, il me demande un service. - Ecrivez au sujet de mon expérience. Expliquez que vous avez rencontré un ancien drogué des médias qui se soigne, quelqu'un qui , autrefois  rêvait des héros  de cinéma au lieu  de penser aux gens réels. Je ne lisais jamais un livre qui ne m'avait été conseillé par un critique. j'étais tellement accro aux infos que j'allais me coucher avec mon casque. j'avais même peur de rater des é-mails quand je faisais l'amour avec ma copine. .;Maintenant, j'essaie de voir la vie sans prisme. je suis clean depuis huit  mois. E je commence à croire que j'existe.  page 143

Quand l'esclave se défait de ses chaînes, son premier acte est de se nommer. page 155

Si vous vous souciez des gens, ils se soucieront de vous et prendront soin de vous. page 160

1972.  Margaret Sloan et moi faisons une tournée des campus du Texas....Nous nous retrouvons  dans le principal auditorium de l'université. La salle est bondée. Les représentants du jeune féminisme sont là, mais aussi le mouvement des droits civiques, le Black Power...Beaucoup d'étudiantes vivent au quotidien la double discrimination, pas seulement dans la société , mais aussi au sein même des mouvements auxquels elles s'identifient; chez les féministes en raison de la couleur de leur peau et dans le Black Power du fait de leur sexe. pages 176, 177

Ces mondes éphémères de tailles variables, qui se créent sur les campus ou ailleurs, nous rappellent que nous ne sommes pas seuls et que nous avons des choses à apprendre les uns des autres. Ils nous redonnent de l'énergie pour continuer à progresser vers des objectifs communs. page 194

( Quand l'auteur était au lycée à Washington) J'ignorais que le changement politique pouvait signifier se sentir plus en sécurité dans la rue, avoir une identité à soi au lieu de devoir se marier pour devenir quelqu'un, envoyer les lycéens de Tolédo à l'université plutôt qu'à l'usine, à faire sortir nos nouveaux amis de leur ghetto blanc. je ne savais pas que des changements concrets résultant de décisions politiques auraient pu aider ma mère à poursuivre sa carrière de journaliste à laquelle elle avait dû renoncer. page 204

Avec le recul, je distingue trois périodes dans ma vie de militante, même à l'époque où je n'étais pas consciente. Dans un premier temps j'étais bénévole et j'obéissais aux ordres. .Dans un deuxième temps, j'ai participé à la création de plusieurs organisations féministes...J'avais plus de soixante ans quand j'ai entamé la troisième phase de ma vie militante, l'action que je préfère, indépendante de toute organisation. Avec quelques complices rompus à cet exercice, je me déplaçais en camion, faisant halte dans les swing states où notre présence était souhaitée. page 208

Pour faire de la politique, il faut être prêt à manger du conflit à tous les repas. J'ai remarqué que les grands  leaders étaient galvanisés par le conflit. Ce qui me  galvanise, c'est d'écouter les histoires des gens et de réfléchir à des solutions ensemble.  .....J'entends la voix de ma amère: " la démocratie, c'est quelque chose qui se fait chaque jour , comme se brosser les dents. page 211

En 1963, je finis par obtenir un reportage à Washington. J'étais chargée d'écrire sur le style Kennedy à la Maison Blanche...Ce jour de novembre, je classais des coupures de journaux tandis que Ted mettait la dernière main au discours du président avant qu'il ne s'envole vers Dallas. Enfin, il traverse en courant la pelouse la Maison Blanche pour le tendre à John Kennedy, qui s'apprêtait à monter dans l'hélicoptère pour rejoindre Air Force One.....C'était la dernière fois que nous le voyions.  A New York, le lendemain, je lisais sur le visage des passants qui était au courant et qui ne l'était pas. Ted avait appelé pour dire que la balle avait fracassé le crâne. Il n'y avait aucun espoir. page 212

( en 1969) On voit mieux ce qui est  véritablement important quand on est sur le terrain. C'était la compassion de Bob Kennedy qui comptait, et sa capacité à s'identifier aux exclus, pas le fait qu'il se soit lancé dans la course avant ou après la primaire du Hampshire. .;Il était le seul  à avoir une image et un parcours acceptables aux yeux des Latinos et des Afro-Américains. Il déclara : " pour ceux d'entre vous qui sont noirs et seraient tentés par la haine et la défiance, ...;j'ai aussi un membre de ma famille qui a été tué par un Blanc. Il y eut un silence. Puis, il fut longuement applaudi....Un mois plus tard,  il annonçait l'assassinat de Martin Luther King...Deux mois plus tard , il était assassiné à Los Angeles...page 218

Les femmes de tous horizons étaient plus susceptibles que les hommes de voter pour l'égalité, la santé  et l ' éducation. Il ne s'agissait pas de biologie mais d'expérience. En 1984, je vis ce que je désespérais de connaître un jour: une femme se présentait à la vice-présidence  des Etats-Unis. ( Geraldine Ferraro) page 233 La primaire démocrate de 2008 , qui opposait Hillary Clinton et Barack Obama, nous offrait  (ces à deux possibilités. page 236.....Clinton se voyait réduite à son sexe, Obama a sa couleur de peau. page 244

Voyager, c'est aussi repasser par certains endroits et avoir l'impression qu'on les découvre pour la première fois.  Ainsi, c'est à la fac que, sans le savoir, j'ai appris ma plus importante leçon politique.  je m'étais inscrite à un cours de géologie......j'ai découvert une tortue d'eau géante de près de  soixante centimètres, sur le talus boueux d'une route goudronnée. j'étais sûre qu'elle allait s'aventurer sur la chaussée et être écrasée. Tant bien que mal, je la ramassai en essayant d'éviter son bec pour ne pas me faire pincer et je la redescendis. Alors que je venais de la remettre à l'eau et que je la regardais s'éloigner, mon professeur s'approcha  de moi. " Tu sais, me dit-il posément, il a probablement fallu un mois à cette tortue pour gravir la pente afin de pondre  ses oeufs dans la boue au bord de la route. Et toi, tu l'as redescendue". J'étais accablée. Je m'en voulais de  ma bêtise mais il était trop tard. Il me fallut de nombreuses années pour comprendre que cette mésaventure m'avait enseigné la première règle du community organiser: Toujours demander son avis à la tortue. page 261

(L'auteur est invitée à faire un sermon dans une église à Minneapolis en 1978)  Je ne parle pas de la position du Vatican sur l'avortement.....Je parle des cultures originelles pour qui Dieu était présent dans tous les êtres vivants. La nature, les femmes et certaines "races" se sont vues privées  d'âme seulement depuis quelques siècles afin d'assurer la domination masculine....Pour rendre le pouvoir aux femmes et à la nature, on a besoin de la liberté de procréation, d'une sexualité détachée de l'unique fonction reproductive ....Mon sermon semble bien reçu. ... Dans l'ensemble, je sens de la curiosité et de l'ouverture d'esprit plus que de l'hostilité ou de la contestation  page 295 .... En 2012, le Vatican annonce une enquête....sur la Leadership Conference of Women Religious....On leur reproche de réclamer plus de responsabilités dans l'Eglise, pour elles-mêmes et pour les femmes en général, de  rester "silencieuses" sur l'homosexualité et l 'avortement, de passer trop de temps à travailler contre  la pauvreté et l'injustice, de promouvoir " des thèmes féministes radicaux incompatibles avec la foi catholique" et de soutenir l'assurance maladie du président Obama... page 298

Du point de vue de la religion, Dieu se manifeste seulement à des élus dans des lieux précis. dans la spiritualité, Dieu se révèle dans tout ce qui  est vivant. page 307

Barack Obama. Je ne peux pas le croire dépourvu d'empathie ....C'est un être humain sain et équilibré qui a épousé une amie et une collègue - une femme qui était sa supérieure hiérarchique lorsqu'ils se  sont rencontrés - et ils élèvent leurs filles dans le même esprit. Je songe  que s'il est élu, ce sera peut-être la première famille heureuse et égalitaire à la Maison Blanche. page  331

Les Etats - Unis. avec seulement 5% de la population mondiale, nous comptons près du quart du nombre total des détenus de la planète. page 333 A New York, la somme dépensée pour nourrir et loger un détenu pendant un an suffirait à couvrir les  frais de scolarité à Harvard pendant plus  de trois ans ; page 336 ( les prisons  sont privées, l'Etat paie les frais.)

En pays indien, nous n'avons pas la même notion du temps. J'apprends, tu apprends - et d'autres apprendront. page 348

Il ne faut pas s'étonner si l'histoire orale se révèle souvent plus juste que celle des livres. La première est transmise par la multitude de ceux qui étaient présents. la seconde est écrite par une élite qui ne l'était sans doute pas. page 354...;IL était fréquent que  des Blanches choisissent elles-mêmes de rester après avoir découvert la place faite aux femmes chez les Indiens. page 355 Les femmes avaient , par ailleurs, la possibilité de décider quand et si elles voulaient des enfants...;J'appris aussi que , à l'instar du bengali, le cherokee et d'autres langues amérindiennes ne possédaient pas de pronoms personnels portant sur le genre, comme elle ou il. Un être humain est un être humain...page 359...En Californie, je me retrouvai à table avec une professeure de spiritualité promonothéiste et plusieurs femmes appartenant aux tribus de cet Etat qui compte plus d'Amérindiens qu'aucun autre. Toutes s'accordaient à dire qu'autrefois, le modèle d'organisation sociale n'était  ni la pyramide, ni l'échelle verticale , mais le cercle. page 360

Le repas fut une leçon en soi. On m'expliqua que l'alimentation était un marquer générationnel. Leurs grands-parents et tous ceux qui sont nés avant la Seconde Guerre mondiale avaient vécu  à la campagne  et mangeaient  comme leurs ancêtres, le genre d 'alimentation qui faisait que les colons s'extasiaient de la taille, de la force et de la vitalité des Indiens dans leurs lettres à leur famille. Puis vinrent les générations de ceux qui s'étaient retrouvés dans des réserves, tributaires des rations gouvernementales de sucre,  raffiné, de saindoux, de farine blanche, et où bien sûr, on trouvait des commerces d 'alcool.la santé de la population indienne déclina, tandis que l'éthylisme et le diabète grimpèrent en flèche. Tous ces étudiants avec qui je partageais à présent un repas sain...avaient au moins un ami ou un parent sous dialyse. Emmener les proches à l'hôpital ou dans un centre de consultation était devenu un rituel familial. 

Une pancarte sur le mur de la salle où nous déjeunions mettait les points sur les i. Ce  n'est pas en pensant qu'on apprend à bien vivre. C'est en vivant qu'on apprend à bien penser.  (Paroles de sages amerindiens

Je peux partir, parce que j'ai une maison qui m'attend. Je peux  rentrer parce que je suis libre de partir. C'est l'alternance qui donne  toute sa saveur à chacun de ces modes de vie. cet équilibre est à la fois très ancien et très moderne . Nous avons besoin des deux. page 393

mardi, septembre 08, 2020

BRISER EN NOUS LA MER GELEE. ( Erik Orsenna) 2020

 Voici l'histoire d 'un amour fou. 

Et voici la lettre , une longue lettre envoyée à Madame la Juge, Vice-Présidente aux affaires familiales.

En nous divorçant, Suzanne et moi, le 10 octobre 2011, elle a soupiré: " Dommage, je sentais beaucoup d'amour pour vous."

Comme elle avait raison!

Mais pour nous retrouver, pour briser en nous  la mer gelée, il nous aura fallu voyager.

Loin en nous- mêmes, pour apprendre à ne plus trembler.

Et loin sur la planète, jusqu'au Grand Nord, vers des territoires d'espions d'autant plus invisibles que vêtus de blanc, dans la patrie des vieux chercheurs d'or et des trésors perdus, refuge des loutres de mer, des libraires slavophiles et des isbas oubliées.

Le saviez-vous? Tout est Géographie.

Qu'est-ce qu'un détroit, par exemple le détroit de Béring? Un bras de mer resserré entre deux continents.

A l'image exacte de l'amour.

Et c'est là, entre deux îles, l'une américaine et l'autre russe, c'est là que court la ligne du changement de date.

Après L'Exposition coloniale, après Longtemps;, l'hure était venue pour moi d embarquer pour la seule exploration qui vaille: aimer. 


Il y a des hommes et des femmes qui ont la force d'entrer tout de suite dans leur vérité. Pour d'autres, il faudra beaucoup voyager. Car ils commencent par fuir. Ils ne se retrouveront que s'ils ont la chance par exemple la chance de rencontrer un sourire, un certain matin d'automne, dans un petit palais de justice. page 14

J'aime les bateaux parce que l'eau et le vent font le plus gros du travail. page 71

Parler ou coucher? Pour mieux nous connaître, nous  nous parlions, nous ne cessions  de  parler. Et cette cataracte de paroles a failli nous noyer. Car nous  nous parlions aussi pour reculer le moment où il faudrait nous taire. Et passer le flambeau à nos corps.  Pour qu'eux aussi apprennent à se connaître. page 74

Par définition, une  noce réunit deux personnes différentes mais aussi deux parentèles et deux groupes  d'amis. Comment faire pour qu'au pire ils se supportent, et, au mieux,  s'accordent assez pour prendre ensemble du bon temps? page 109

L'un des inconvénients d'un deuxième mariage, c'est l'absence de cadeaux. Vous avez  beau interroger votre concierge, admonester votre facteur, vous n'êtes  destinataire de RIEN  au lendemain de vos noces.  Vous voilà privé de cette joie enfantine de déchirer des emballages multicolores, d'ouvrir des boîtes, le coeur battant..Non  sans raison, vos amis et relations ont considéré 1) qu'ils avaient déjà donné; 2) qu'il fallait vous punir de votre désinvolture: aviez-vous rendu les présents reçus lorsque vous aviez divorcé?  Non n'est-ce pas? Alors de quoi vous plaignez-vous!.page 119

Pourquoi la très mauvaise idée m'était-elle venue d'emmener Suzanne aux Etonnants Voyageurs? Pour lui donner une fois pour toutes le goût de la géographie? Ce festival Etonnants Voyageurs a été inventé par Michel Le Bris, le seul étudiant des Hautes Etudes Commerciales emprisonné pour cause de maoïsme..?.Page 154

La jalousie est une ogresse dont l'appétit grandit à mesure qu'on la nourrit. page 188

Qu'est-ce qu'un amour? La ronde des oui et des non. On entre dans la ronde  pour un oui ou un non. Ce peut être un oui tout de suite, dès le premier regard. mais le oui peut commencer par un non qui n'est qu'un rempart, un oui qui se défend , un faux nez du oui. page 194

Tout va dépendre maintenant, pour l'avenir de l'amour, de l'équilibre entre le oui et les petits non.page 195

J'entends bien sûr un oui, celui de la demande en mariage acceptée dès le deuxième dîner. Mais sitôt ce oui prononcé, ne résonnent à mon oreille que des non. Non à la confiance. Non au partage. Non à recevoir tel ami, telle amie, pourtant d'enfance. Non à ce projet de vacances, pourtant italiennes. Non à cette belle idée de livre....Non au rire (perpétuel) de Gabriel. Non aux déprimes ( chroniques) de Suzanne. Non à sa passion, toute féminine, pour les légumes. Non à son goût à lui si vulgaire, pour le ketchup. Non à dormir trop tôt. Non à  se réveiller trop tard. page 196

Il y a trois catégories de mariages.- Je t'écoute. - Il y a les bons mariages. - J'ai peur que nous ne soyons pas concernés. .; - Il y a les mauvais mariages. Inutile de s'attarder. Et...Il y a les mariages qui n'ont pas commencé. Eh bien , notre mariage à nous, ça crève les yeux qu'il appartient à cette catégorie-là.  Regarde: nus sommes restés chacun sur notre rive. Aucun vêtement de toi chez moi aucun de moi chez toi. Quand tu me donnes un livre, je me suis rendu compte que je te le rendais toujours. Notre vie st une vie d'emprunt et de remboursement. Surtout ne rien se devoir.  Surtout chacun chez soi  et les vaches  seront bien gardées. Surtout, surtout , ne rien  déborder. Pareil pour la musique.  Pour la maison. Une maison solide, pas une de paille  qu'on puisse abattre en soufflant.;.Nous n'avons jamais pris le temps de construit  une maison. Et ce n'est pas la faute des appartements séparés. L'immobilier n'a pas le monopole des maisons. Il y a toutes sortes de maisons, des qui rassurent et protègent, même sans toit ni murs. Des maisons communes voyages, des maisons communes projets;, de maisons communes actions, des maisons communes livres écrits ensemble, des maisons communes  colères, indignations,, combats partagés. On se plaît encore mais ces maisons-là attendent toujours.  je ne sais pas toi mais moi, je me sens aussi seule qu'avant notre rencontre. Peut-être davantage ......Ton oui à notre mariage était un faux oui. Je ne suis pas très forte en grammaire, mais  un oui, normalement, change le monde, non? Après un oui, le monde n'est plus le même.Ton oui à toi n'a rien changé. Un oui qui ne change pas c'est un mariage qui n'a pas commencé. page 200

Si tant de gens veulent des enfants, c'est qu'ils ont besoin d'ancres. page 214

Qu'est-ce qu'un couple appareillé? ..Appareiller veut dire unir deux choses pareilles. Mais aussi  se préparer au départ. Faute d'avoir trouvé en eux des choses pareilles, ces couples se préparaient au départ. Le mariage et le divorce sont deux appareillages. le premier pour un seul bateau, le second pour deux. page 218

( l'avocat pour le divorce) " J'en déduis que d'après vous, Suzanne ne décide jamais, elle accepte. " page 220

Rien n'est plus reposant que de vivre sa vie. Sa vie et pas une autre. page 265

A quoi sert notre mémoire? A rien si nous ne savons pas convoquer nos souvenirs au bon moment, le moment précis où ils éclaireront notre vie présente. page 138

Maman , à quoi servent les histoires?  - A s'y sentir au chaud. - ça veut dire que les histoires ont des bras? - Tu as tout compris. ( Gabriel et sa mère)

"Gabriel, si tu m'arrêtes à chaque mot, nous ne parviendrons jamais à la fin de la triste histoire des loutres. - C'est pour cela que je retarde, maman, tu n'as pas deviné?  - Où as-tu trouvé ça, Gabriel? Mais tu as raison, les mots retardent l'arrivée de la vérité. page 333

Qu'est-ce qu'un chercheur d'or?  - Un petit soldat enragé d'espérance

Qu'est-ce qu'un lendemain de ruée vers l'or? - " Des mines en ruine, des galeries efondrées, ses ruisseaux dévastés par le mercure, des villes mortes...page 377

Du temps que je marcahis, je voyais plus clair dans ma  vie Page 421


mercredi, septembre 02, 2020

RASSEMBLEZ-VOUS EN MON NOM ( Maya Angelou)

 "Silhouette imposante, port de tête altier, elle fait résonner la voix d'une femme noire, fière et volontaire, qui va devoir survivre dans un monde d'une extrême dureté., dominé par les Blancs. Une voix riche et douce qui, malgré les discriminations, porte l'espoir et la joie, l'accomplissement et la reconnaissance, et défend farouchement son droit à la liberté.

Après l'inoubliable beau Je sais pourquoi chante l'oiseau en cage, Maya Angelou poursuit ici son cycle autobiographique. Maya Angelou fut poétesse, écrivaine, actrice, militante, enseignante et réalisatrice. Elle  a mené de nombreux combats avant de devenir une icône contemporaine qui a inspiré la vie de millions de personnes. Elle a côtoyé Nelson Mandela, Rihanna, Malcolm X et James Baldwin et beaucoup d'autres lui ont rendu hommage. "


Pendant la guerre, les Noirs avaient souvent gagné plus d'argent en un mois qu'ils n'en avaient vu de leur vie entière. Cessant d'être contraints à la fuite par leur incapacité à faire vivre leur famille, les hommes ne quittaient plus leur femme. Ils prenaient l'autobus sur le principe du premier arrivé, premier assis. Et, le plus souvent, à leur travail ou dans les magasins, on leur donnait à tous du monsieur ou madame. 

Deux mois après le jour J, les usines d'armement commencèrent à se fermer, à réduire leurs frais, à renvoyer les ouvriers. A certains de ces hommes, on  offrit des billets de retour dans leur Sud natal. ...Leur intellect élargi ne pourrait plus jamais se réadapter à ces étroits confins. Ils étaient libres, ou du moins plus proches de la liberté que jamais auparavant, et ils refusèrent de repartir. Les soldats, ces héros de la veille, démobilisés dans la cité de la débrouille, on les vit traîner au coin des rues du ghetto, comme du linge oublié à sécher sur une barrière de jardin. pages 9 et 10

Ma mère, généreuse, elle l'était; indulgente, jamais; aimable , oui; tolérante, non. page 12

J'avais loué une chambre  ( avec droit de cuisine) dans un immeuble victorien... J'avais un enfant superbe  qui éclatait de rire  en me voyant, un travail que je faisais bien et j'étais jeune et aussi folle qu'un lézard vagabond.  C'était sûrement cela la réussite. page  24

J'avais passé tant d'années  à jouer  des personnages autres que moi que je ne pus continuer à touiller et mélanger , à régler mes feux comme si chaque nerf de mon corps n'avait été rattaché au troisième tabouret derrière le comptoir. page 29 ( elle  a rencontré un client ) 

Je n'achetais pas des choses, j'achetais du temps. page 35

Ma mère apprit mes projets sans surprise: " Tu es une femme. Tu peux prendre tes propres décisions"  "Sois la meilleure dans ce que tu entreprends. Si tu veux devenir une putain, ça te regarde. mais alors, sois épatante. Ne mégote sur rien. Tout ce qui vaut la peine mérite qu'on se donne du mal". page 41 (elle quitte San Francisco)

(Elle a monté un bordel) Il fallait faire très attention aux Blancs, et spécialement aux hommes.  page 79

C'est à cette époque où ma vie se déroulait mélodramatiquement à la charnière de l'intrigue et du mensonge, que je découvris les écrivains russes. page 85

( Elle retourne dans son village natal suite à ses activités louches). Il existe dans l'imaginaire américain un pays bien-aimé où des femmes très pâles voguent en permanencc sous de sombres magnolias, tandis que des hommes blancs aux mains douces époussettent des brins de glycine sur les épaules laiteuses de leurs amantes. Une harmonieuse musique noire flotte comme un parfum dans un air précieux que rien de menaçant ne vient jamais troublé. 

Mais le Sud vers lequel je repartais  avait la palpable réalité des chairs et des ventres gonflés par la pauvreté. Stamps, Arkansas, un petit bourg, avait subsisté durant des centaines d'années sur les revenus des plantations de coton   et jusqu'à la Première  Guerre mondiale , une scierie déglingée.

Au cours de la Seconde Guerre, l'armée absorba la jeunesse, blanche et noire, de la région, et les usines d'armement du Nord recrutèrent ce qui restait de gens sains et vigoureux.  Peu, sinon aucun, revinrent pour réclamer un héritage de terreur et de misère.  Seuls les vieux, hommes et femmes et les enfants demeurèrent ..page 94

Pareille aux enfants noirs des petites villes du Sud, j'avais accepté la totale polarisation des races comme un confort psychologique. les Blancs existaient, personne ne le niait, mais ils n'étaient pas présents dans ma vie quotidienne.  page 95

Pourquoi , si les choses étaient si formidables à San Francisco, j'avais refait surface dans un patelin poussiéreux de l'Arkansas?  Personne  ne posa la question parce qu'ils avaient tous besoin de croire  qu'un pays existait quelque part..;où les Nègres étaient traités comme des gens, et où les Blancs n'étaient pas des ogres tout-puissants dont ils avaient l'expérience. 

Les valeurs morales des populations rurales noires du Sud ne sont pas tout à fait les mêmes qu'ailleurs. L'âge est plus précieux que la richesse et la piété plus importante que la beauté. page 99

( Suite à une esclandre dans un magasin, sa mère la renvoie à San Francisco avec son fils). "Décide d'abord si tu veux faire deux ans d'armée. Loin de ta famille et de ton fils. A recevoir des ordres et à camoufler ton  humeur. C'est une décision que personne ne peut prendre ni pour toi, ni t'aider à prendre"  Page 126

Debout devant le drapeau, une main dur la Bible, et l'autre plaquée sur ma poitrine, je jurai de défendre mon pays contre ses ennemis...page 131

"Vous a-a-on demandé, oui ou non, si vous aviez appartenu au parti communiste?"- Oui, on me l'a demandé et j'ai répondu non." " Les communistes sont des sans-Dieu, Johnson. Et l'armée à laquelle j'appartiens se bat sous la protection de Dieu". pages 138, 139

Un être enclin à la solitude ne cherche pas le réconfort dans l'amour mais accepte les variables comme normales. page 196