jeudi, juillet 30, 2020

PLUS LOIN QUE L'HIVER ( Isabel Allende) 2020

Au coeur de la tempête de neige la plus terrible que Brooklyn ait connue  de mémoire d 'hommes , Richard Bowmaster, professeur d'université, sexagénaire et solitaire, heurte la voiture conduite par une jeune immigrée guatémaltèque sans papiers. Il est contraint d'appeler sa voisine et collègue chilienne, Lucia Maraz. Le secret que leur révèle alors la jeune Evelyn Ortega les entraîne bientôt tous les trois dans une incroyable aventure. de confidences en révélations, Plus loin que l'hiver nous transporte de l'Etat de New-York aux terrifiantes années 1970 au Chili,  de la langoureuse Rio de Janeiro des années 1980 au règne actuel des passeurs mexicains, et une amitié inattendue voit le jour entre ces trois personnages que tout semblait séparer. 

Isabel Allende pointe l'injustice politique pour raconter,avec générosité et l'énergie qui lui sont propres, le courage face aux épreuves et la naissance d 'une passion. Plus loin que l'hiver est un des livres les plus personnels de l'auteure, une belle histoire multigénérationnelle d'amitié et de rédemption.

"Au milieu de l'hiver, j'apprenais enfin qu'il y avait en moi un été invincible". Camus, , l'Eté. 

BROOKLYN  Rien à faire: à soixante-deux ans, Lucia  nourrissait encore des rêves de jeune fille. son cou était ridé, sa peau sèche, ses bras flasques; elle avait les jambes lourdes et s'était résignée  combien sa taille s'effaçait, car elle manquait de discipline pour combattre le déclin dans un gymnase.  ...page 17

Non rien à faire, elle n'aurait pas de romance avec Richard. quel dommage!  car c'était le genre d'homme tranquille et fiable, avec lequel elle aurait accepté de s'ennuyer. page 20

BROOKLYN  Cela faisait des années qu'il ( Richard) vivait dans un environnement parfaitement sous contrôle, sans surprises , ni sursauts.  page 30

(Richard a heurté une voiture conduite par une Latino-Américaine, guatémaltèque en situation irrégulière) " Désolé de te déranger;si tard, Lucia, mais j'ai besoin de ton aide, pour un problème sérieux, annonça Richard au téléphone.
- Quel genre de problème?...
- Une Latino-Américaine, hystérique, a envahi  mon domicile et je n'en sais que faire. peut-être, pourrais-tu l'aider. je ne comprends presque rien à ce qu'elle dit; page 36

GUATEMALA. Les enfants Ortega n'étaient pas les seuls sans mère ni père: deux tiers  des enfants scolarisés connaissaient la même situation. . Naguère, encore, seuls les hommes émigraient  pour trouver du travail, mais ces dernières années les femmes s'en allaient également.  selon le Père Benito, les émigrés envoyaient des  millions de dollars au pays pour entretenir leurs familles, contribuant ainsi à la stabilité des gouvernements et à l'indifférence des nantis. page 45
Le Père Benito avait l'habitude de s'installer dans l'unique bar du village, devant une bière qu'il faisait durer toute la nuit pour discuter avec les paroissiens  de l'impitoyable répression contre les indigènes, qui avait duré trente ans. page 46

Comme toute commerçante, aussi pauvre qu'elle fût, l'aïeule devait payer sa quote-part de "protection" aux mafieux et délinquants qui opéraient impunément dans la région, et parfois, aux gardes civils. c'était une somme modique, qui correspondait à ses modestes revenus, mais il fallait s'en acquitter sous la menace, sin on la marchandise volait dans les caniveaux, et l'on essuyait les coups;  En décomptant tous ses frais, il lui restait à peine de quoi vivre. sans les colis de Myriam ( sa fille et mère d'Evelyn) ils auraient versé dans l'indigence;page 53

( Le petit-fils de la grand-mère, fils de Myriam et frère d'Evelyn) a été retrouvé mort) Le carton pendu au cou de Grégorio , avec les initiales de Mara Salvatrucha, cartel du crime organisé, portait une inscription au revers, disant que tel serait le sort réservé aux traîtres et à leurs familles.  Nul ne sut jamis quelle pouvait être la trahison de Grégorio Ortega.  page 55

CHILI . Léna , sa mère , et son frère Enrique étaient les deux piliers de l'enfance et de la  jeunesse de Lucia Maraz.avant que son frère lui fût arraché par le coup d'Etat militaire. page 57
Lucia terminait ses études secondaires, à la fin des années 1960, quand Henrique se joignit au mouvement qui soutenait le candidat socialiste à la présidence du Chili, Salvador Allende. Pour beaucoup, c'était  Satan incarné. Pour Henrique, le salut de l'humanité passait par le renversement du capitalisme, au moyen d'une révolution qui ne laisserait plus pierre sur pierre. ..;La droite déclencha une campagne de terreur: le Chili allait finir comme Cuba, les Soviétiques enlèveraient les enfants pour leur laver le cerveau, et on détruirait les églises., on violerait les religieuses et on exécuterait les curés...page 62

BROOKLYN  (Richard) Le fait est que la Chilienne était admirable sur le plan professionnel. Elle venait à peine d'arriver à New York qu'il ( Richard) lui demanda de diriger un séminaire. Ils avaient dû occuper le grand auditoire car il y avait beaucoup plus d'inscriptions que prévu.  Et c'était à lui qu'il incombait de la présenter. Le premier sujet abordé était l'intervention de la CIA en Amérique  latine qui  avait contribué à déstabiliser les démocraties et à les remplacer par un type de gouvernement totalitaire que les Américains ne pourraient tolérer chez eux. ..Lucia avait été ovationnée. .Richard avait été stupéfait par son éloquence en même temps que son charmé par son ensemble noir, le collier d'argent et les mèches de couleur.  page 76
Il (Richard) lui avait proposé de donner un cours sur la politique chilienne pendant tout un semestre. Certains (étudiants) montraient une ignorance monumentale: ils arrivaient à l'université sans pouvoir situer le Chili sur une carte, pas plus que leur propre pays dans le monde; pour eux, les Etats-Unis se confondaient avec l'univers. page 77

BROOKLYN (Lucia et Richard) (Evelyn révèle qu'il y a un mort dans le coffre de la voiture qu'elle conduisait) " Il faut appeler la police" conclut-il en empoignant son portable.
La fille du Guatemala poussa un cri de terreur. Puis, elle éclata en sanglots, pour des raisons qui semblaient évidentes à Lucia, mais beaucoup moins à Richard qui n'ignorait pas portant le climat d'incertitude permanente où vivent les migrants d'Amérique latine.
" Je suppose que tu es sans papiers, dit Lucia. Nous ne pouvons contacter la police, Richard.  Evelyn se retrouverait dans une impasse. Elle a pris la voiture sans permis. On peut l'accuser de vol et d'homicide.  page 86

EVELYN ( Guatemala) ( La maison de la grand-mère a été saccagée par les mafieux et Evelyn est en sang) " Ils ne sont pas nés pervers, Benito. , ils furent un jour d'innocents petits morveux....Cette violence est le fruit d'une guerre perpétuelle contre les pauvres. Deux cent mille indignés exterminés; cinquante mille disparus, un million et demi de gens " déplacés". Nous sommes un petit pays, alors calcule le pourcentage de la population visée.  page 100
- Ce monde aurait besoin de gens fâchés comme toi., Benito."
Sa rage était ancienne. le curé l'avait combattue en lui pendant des années; il croyait qu'à son âge, après ce  qu'il avait vécu, l'heure était venue de faire la paix avec le "réel". Mais l'âge l'avait rendu ni plus sage, ni plus tranquille, seulement plus rebelle.  Depuis sa jeunesse, il avait éprouvé une révolte contre le gouvernement, les militaires, les Nord-Américains, les riches de toujours et maintenant il la ressentait contre  la police, les narco-trafiquants, les gangsters et tous ceux qui prospéraient sur les cendres du désastre. page 101

LUCIA ( Canada) Lucia Maraz venait d'avoir dix-neuf ans et s'était inscrite à l'université pour étudier le journalisme quand débuta son existence de réfugiée. ..;Elle  avait passé deux mois à l'ambassade du Venezuela dans l'espoir  d'un sauf-conduit qui lui permettrait de quitter le pays...avant de s'en  aller pour Caracas...puis le Canada.  page 113
Lucia Maraz vécut les années de son exil canadien à Vancouver, une aimable cité, au climat plus avenant que Montréal. ..Elle s'adaptait au pays et se fit des amis.  page 119

LUCIA ET RICHARD ( Brooklyn) ( ils recherchent un lieu où mettre le cadavre de la voiture) En étudiant la carte, Richard  se souvint d'un lac où il se rendait avec Horacio Armado- Castro et où il n'était pas retourné depuis deux ans.  Son ami y possédait une cabane rustique, qu'il occupait avec sa famille en été avant de partir pour l'Argentine. , en hiver, c'était leur refuge à eux deux. page 128

EVELYN ( Mexique) ( Evelyn avec d'autres migrants est arrivée  à la frontière.) Depuis le campement, ils apercevaient le rivage yankee, surveillé nuit  et jour par des caméras, des projecteurs, des agents à bord de véhicules militaires, de chaloupes et d'hélicoptères.  Des haut-parleurs prévenaient tous ceux qui s'aventuraient dans le fleuve,  qu'ils entraient sur le territoire des Etats-Unis et devaient faire demi-tour...page 142

RICHARD, (New York). Seuls les humains, disait-il, marchent centrés sur eux-mêmes, esclaves de leur ego,s'observant sans cesse, sans arrêt sur la défensive, même en l'absence  de toute menace. page 145
Lucia s'installa au volant de la Subaru, avec Evelyn et Marcelo pour copilotes, et sous les yeux, la carte sur laquelle la route était tracée au crayon rouge.... ( pour se débarrasser du corps dans le coffre)
En se fondant sur le récit d'Evelyn, concernant le couple Leroy ( ses employeurs), on avait peut-être assassiné la victime pour la faire taire, à supposer qu'elle eût  découvert quelque chose qui mettrait en cause son mari. page 150

Richard avait été un enfant studieux et timide, toujours détraqué de l'estomac. .;Il avait étudié les sciences politiques, en se spécialisant dans l'étude du Brésil, car il parlait portugais: enfant, il allait souvent à Lisbonne passer ses vacances chez ses grands-parents maternels; Il avait consacré sa thèse de doctorat aux manoeuvres de l'oligarchie brésilienne et de ses alliés, qui avaient fini par renverser , en 1964, Joao Goulart, le président charismatique d ela gauche, et  avec lui, son modèle politique et économique. Goulart avait été destitué par un coup d'Etat militaire, appuyé par les Etats-Unis dans la Doctrine de la  Sécurité nationale pour combattre le communisme., au Brésil comme dans tant d'autres pays.page 151

LUCIA ET RICHARD. Nord de New York. dans la Subaru, Evelyn continuait à murmurer ses prières pour Kathelyn Brown, (son corps est dans le coffre, elle était la maîtresse de Monsieur  Frank Leroy et la psychiâtre de Madame Leroy, Cheryl)comme on le faisait pour les morts de son village. page 159

LUCIA (Chili)Pendant ses vingt années de mariage, Lucia  Maraz aurait parié sans hésiter sur la fidélité de son mari: il était trop occupé pour naviguer dan sles stratagèmes des amours secrètes. ..;
Ils s'étaient connus en 1990, Lucia était rentrée au Chili après dix-sept ans d'exil ou presque et avait trouvé un emploi comme productrice de télévision, non sans mal...page 165
La capitale avait tellement changé que Lucia ne reconnaissait plus les rues où s'était déroulé sa jeunesse..Deux nations se partageaient le même espace: la petite caste du marché international et des prétentions cosmopolites etla grande nation de tous les autres citoyens. page 166
..On n'éprouvait pas de sympathie pour ceux qui revenaient:la gauche les accusait d'être partis par lâcheté, et la droite, d'accointance avec les communistes. page 165

RICHARD ( nord de New York. ) Richard, Lucia, Evelyn sont dans un motel  sur la route d'un lieu pour se débarrasser du corps de MMe Brown.

EVELYN (. Frontière du Mexique et des Etats-Unis. Les journées devenaient interminables pour Evelyn Ortega, dans l'ennui et la chaleur suffocante du campement de  Nuevo  Laredo. Evelyn  et le autres passagers étaient entourés de migrants encore plus démunis qu'eux.  Beaucoup avaient connu la faim et la pénurie. Certains avaient tenté de traverser le fleuve, sans y parvenir; d'autres, avaient été arrêtés de l'autre côté puis expulsés au Mexique. , car il coûtait plus cher de les renvoyer dans leur pays d'origine. page 184
Beto  Cabrera ( le passeur)  prit congé des membres de son groupe avec force accolades et d'ultimes recommandations...Le fleuve était beaucoup plus dangereux qu'il n'y paraissait depuis la rive, mais personne n'hésita, ca rils n'avaient seuelment quelques secondes pour esquiver les faisceaux des projecteurs. page 186 En fait la trtaversée durait seulement quelques minutes.  page 187

Le fonctionnaire de l'immigration qui eut à traiter le cas d'Evelyn Ortega après son arrestation à la frontière , se retrouva devant une fille tête baissée, tremblante et choquée....page 193
"Ouf, voilà qui va faciliter les choses. Nous allons appeler ta mère (elle vit aux Etats-Unis) pour qu'elle vienne te chercher. Tu pourras partir temporairement avec elle, jusqu'à ce que le juge statue sur ton cas. 
page 194

RICHARD (Rio De Janeiro)

EVELYN (Chicago) Miriam, la mère d'Evelyn était restée plu de dix ans sans voir ses trois enfants qu'lle avait confiés à la garde de la grand-mère , au Guatemala.  Elle reconnut Evelyn dès son arrivée à Chicago.  page 211
Deux ans s'écoulèrent. Evelyn n'avait toujours pas reçu la notification des tribunaux que lui avait annoncée le centre de détention. page 215
Miriam montra New York sur une carte à sa fille,l'aida à empaqueter ses affaires  dans une petite valise, lui donna une adresse à Manhattan et la poussa dans un bus Greyhound. ....Evelyn Ortega sonna à la porte d'une maison à trois étages. page 222

LUCIA ET RICHARD ( Au nord de NewYork) "Tu nous as raconté comment sont morts tes frères au Guatemala. Kathryn aussi a connu une mort violente. J'imagine que cela te vaut de mauvais souvenirs."
La jeune fille acquiesçait sans lever la tête de sa tasse fumante.
" Mon frère aussi a été tué, ajouta Lucia. Il s'appelait Enrique, je l'aimais beaucoup. On suppose qu'il a été arrêté, mais nous n'avons jamais rien su. Et puis nous n'avons pas pu l'enterrer, on ne nous a pas rendu sa dépouille. 
- Et c'est sss...sûr qu'il est mm...mort? demanda Evelyn, plus bégayant que jamais.
- Oui, Evelyn. J'ai passé des années à mener des recherches sur les prisonniers disparus, comme Enrique...page 225

RICHARD ( Rio De Janeiro)  Richard fut ^plus affecté par le désespoir insondable de sa femme que par la mort de l'enfant.page 242

Sa fille ( Bibi) l'attendait à la porte, et, en apercevant la voiture au coi, elle courut pour l'accueillir quand il arrivait à la maison mais Richard ne la vit pas. Il sentit le choc sans savoir qu'il venait de la renverser. page 247

EVELYN Brooklyn.  Evelyn Ortega commença  à travailler chez les Leroy en 2011...page 257
Au but de quinze ans de vie commune, Cheryl Leroy s'était résignée à l'autorité brutale de' son mari., mais n'avait pas suffisamment appris à esquiver ou à prévenir ses attaques. Elle restait avec lui par accoutumance au malheur, par dépendance économique et à cause de leur fils malade. Auprès de son analyste, elle avait admis qu'elle le supportait encore par addiction à la facilité: comment renoncer , en effet, à ses ateliers de croissance  spirituelle, au club de lecture, aux cours de Pilates qui la maintenaient en forme....page 260
La cuisinière et sa fille mirent Evelyn en garde: il ne fallait pas fourrer son nez dans les affaires des Leroy. Les personnes un peu fouineuses avaient été renvoyées.     page 270 Les raclées, s'administraient toujours à huis clos mais les parois de cette vieille maison étaient fines. page 274

LUCIA  (Chili) La mort de sa mère en 2008, provoqua chez Lucia Maraz un sentiment d'insécurité qu'elle expliquait mal. Lucia , en effet   ne dépendait plus de Lena depuis qu'elle s'était exilée à l'âge de dix-neuf ans;.  Pour la première fois, Lucia sentit le poids  de son âge. Jusque là, vieillir et mourir avaient représenté des idées abstraites, des choses qui n'arrivaient qu'aux autres. page 281
Lucia s'installa à Brooklyn en septembre 2015 page 285

RICHARD ET LUCIA  ( Nord de New York) A cinq heures de l'après-midi,  quand Lucia et Richard retrouvèrent Evelyn dans la cabane après avoir précipité la voiture dans le lac , épuisés, couverts de neige et de boue page 293
Evelyn et Marcelo s'endormirent tout de suite, mais Lucia et Richard continuèrent à bavarder jusqu'à minuit passé. Ils avaient tant de choses à se dire dans ce passage délicat de l'intimité balbutiante. ..Amour, amour: la veille encore, Richard, maladroit; échafaudait des dialogues avec Lucia, et voilà que dans son esprit, se pressaient des vers sentimentaux, qu'il ne se fût jamais risqué à écrire.  page 295

EVELYN, RICHARD , LUCIA ( Rhinebeck) Dans la Subaru, avec deux vitres à moitié baissées,..;Richard Bowmaster racontait aux deux passagères que, quelques mois plus tôt, il avait invité des enquêteurs sur le trafic des travailleurs sans papiers à donner une conférence dans sa faculté - ce à quoi se livraient précisément Frank Leroy et Ivan Danescu, selon les explications données par Evelyn. Rien de neuf sous le soleil, commentait Richard: l'offre et la demande existaient depuis l'abolition  de l'esclavage. mais jamais ce commerce n'avait été aussi rentable que de nos jours, une mine d'or aussi juteuse que le trafic  de drogues ou le commerce des armes. ....Les migrants finissaient comme esclaves d'un genre nouveau dans l'agriculture, la manufacture, l'industrie et les maisons closes. 
Frank Leroy gardait une façade respectable homme d'affaires....Il blanchissait de l'argent et résolvait les problèmes légaux qui pouvaient se présenter. Tout comme il avait obtenu une carte d'identité  de tribu amérindienne à Evelyn Ortega. .page 305

Ensemble, ils sortirent Kathryn de la voiture, l'étendirent sur un brancard et la portèrent jusqu'au sanctuaire...Sur les instructions de la jeune fille, qui assumait son rôle de prêtresse,  ils improvisèrent un rite funéraire élémentaire...;Ils  couvrirent le corps de Kathryn avec le tapis, replièrent les quatre coins de la bâche pour l'envelopper soigneusement....
"Prions Richard, pour accompagner Evelyn et faire nos adieux à Kathryn, demanda Lucia.
- C'est que , vois-tu , je ne sais pas prier.
- Chacun le fait à sa manière. Pour moi, prier, c'est relâcher sa tension; et se fier à l'existence.
- Est-ce Dieu pour toi? 
- Appelle -le comme tu voudras, mais donnons la main à Evelyn et formons un cercle. Nous allons aider Kathryn et son petit à prendre à prendre son envol.  page 314




samedi, juillet 25, 2020

PRINCE D'ORCHESTRE ( Metin Arditi, né à Ankara) 2012

Alors que chaque concert lui vaut un triomphe et qu'il s etroucve au sommet de sa gloire, le chef d'orchestre Alexis Kandilis commet une indélicatesse dont les conséquences pourraient être irrémédiables. Sa réputation est ébranlée. Aux déceptions et revers qui s'ensuivent, il oppose la certitude de son destin d'exception. Mais les blessures les plus anciennes se rappellent à son souvenir. L'insidieux leitmotiv des Kindertotenlieder - les chants ses enfants morts-  de Gustav Mahler lui chuchote sans répit le secret qu'il voudrait oublier. La chute est inexorable. Seules l'amitié ou la confiance de quelques proches semblent l'ouvrir à une autre approche de son talent, susciter en lui un homme nouveau, dont la personnalité glisserait de la toute- puissance à la compassion, de l'arrogance à l'empathie profonde. Se dessine peut-être une métamorphose....
Roman haletant, parcours exalté, bouleversé par les véhémences de la musique, Prince d'orchestre est aussi une réflexion sur la part d'imprévisible que contient toute existence, sur la force du hasard et les abîmes de la fragilité humaine, sur les souffrances que convoque, apaise, et souvent transcende l'inépuisable fécondité de l'art. 

La  vie est  poussière et le destin vent.  ( Francisco Tamayo)

Seul, Pierre était silencieux. Il avait appris à s'ennuyer. .Ces repas, il les connaissait depuis toujours. Mais ils lui étaient étrangers. page 39

Pourquoi l'avait-elle épousé? Elle se souvint du plaisir qu'il lui donnait au lit. Un plaisir affolant....Sans  doute aussi, se dit-elle à cet instant, qu'elle l'avait épousé pour le bonheur de l'aider dans  sa carrière. Non pas comme une femme se met au service de l'homme qu'elle aime,  mais dans  le besoin obsédant de faire comme sa m ère et d 'offrir la charité. page 55

L'univers dans lequel  il se trouvait n'était pas celui du luxe. C'était le grand faste. page 69

Un autre aspect de ces rencontres émerveillait Alexis par- dessus tout: l'attention que lui portaient ces puissants...Leurs questions sur ses concerts, ses projets, ses compositeurs préférés, ..toute cette curiosité le comblait. page 74

"Il ne faut jamais blesser les hommes, Car un homme blessé est un animal dangereux.  Il faut les caresser ou les tuer. "page 78

Je n'ai pas terminé la lecture de ce livre.

jeudi, juillet 16, 2020

MISS ISLANDE ( Audur Ava Olafsdottir)

Islande , 1963. Hekla, vingt et un ans, quitte la ferme de ses parents et prend le car pour Reykjavik. IL est temps d'accomplir son destin: elle sera écrivain. Sauf qu'à la capitale, on la verrait plutôt briguer le titre de Miss Islande.
Avec son prénom de volcan, Hekla bouillonne d'énergie créatrice, entraînant avec elle, Isy, l'amie d'enfance qui s'évade par les mots - ceux qu'on dit et ceux qu'on ne dit pas - et son cher Jon John, qui rêve de stylisme entre deux campagnes de pêche. 
Miss Islande est le roman , féministe et insolent, de ces pionniers qui ne tiennent pas dans les cases. Un magnifique roman sur la liberté, la création.



"Il faut porter en soi un chaos pour pouvoir mettre au monde une étoile qui danse"  Nietzche , Ainsi parlait Zarathoustra."





 (Hekla est dans le car )"Puis- je me permettre de vous demander votre nom, mademoiselle....?

- Hekla.
- Rien que ça. Hekla s'élève, vertigineuse et limpide vers la voûte céleste. ..;
Il regarde le livre que je tenais entre les mains.
- Et vous lisez de la littérature étrangère?
- Oui.
 page 34

....Enfin bref, nous recherchons pour participer à ce concours des jeunes filles qui ne seraient pas fiancées et dont la silhouette serait aussi gracieuse que le visage. Je sais reconnaître la beauté quand je le rencontre, voilà pourquoi j'aimerais vous inviter à briguer le titre de Miss Islande.
 Je le toise.
- Non merci.
Il insiste.
- Chacun de vos traits est aussi limpide qu'un jour d'été islandais. 
Il plonge sa main  dans la poche de sa veste, en sort une carte de visite qu'il me tend.
....- Au cas où vous changeriez d'avis. page 38

" Toi, tu mets des pantalons et tu traces ta route. page 43 ( dit Isey, son amie qui la reçoit)
Je lui dis que Jon John m'a proposé d'occuper sa chambre ...pendant qu'il est en mer. Le temps que je trouve du travail et un endroit à moi...." page 47

Ma  valise est  prête lorsque David Jon John  Johnsson vient me chercher.
 "ON turbine jour et nuit, par équipe., pour couper la viande, scier les os et les faire bouillir. J'étais le seul à ne pas prendre des bains de soleil avec les autres. Quand ils ont découvert que j'étais différent, j'ai eu peur qu'ils me jettent dans un chaudron.
Il y en avait quand même un qui était comme moi.
Je l'ai su dès que je l'ai vu.
Et lui aussi. page 52

( David Jon John) " Je te jure , Hekla, je ne vais pas passer ma vie ici, sur ce maudit bout de terre oublié  de Dieu. je n'ai pas la force d'affronter cette mer déchaînée. Je veux partir. Voir le monde. Autre chose que Hull et Grimsby. je veux travailler dans un théâtre, créer des costumes pour des comédies musicales. Ou dans une maison de couture. Il y a plus de gens comme moi à l'étranger. Beaucoup plus.  page 57

J'aimerais être différent, mais je ne peux pas changer ça. Les hommes sont faits pour aller vers des femmes.. Moi, je couche avec des hommes. page 60
Je ne rentre dans aucune catégorie, Hekla. Je suis un accident qui n'aurait jamais dû voir le jour. Je n'arrive pas à trouver ma place. je ne sais pas d'où je viens. Cette terre n'est pas la mienne. je ne la connais pas sauf quand on m'y enfonce le visage. je sais le goût de la poussière. ..Ma mère a vu mon père trois fois et elle a couché avec lui qu'une seule fois. Un coup en passant et voilà.  page 61

La plupart des hommes qui aiment les garçons sont pères de famille, ils ne sont  homosexuels que le week-end. Ils se marient pour cacher ce penchant contre- nature. Leurs femmes sont au courant. Elles les connaissent. Et ceux qui viennent de province prétendent qu'ils ont une petite amie et un enfant, chez eux à la campagne.
IL baisse les yeux et enfouit son visage dans ses mains.
- Je n'ai pas envie de devenir comme eux et de vivre caché. Je veux juste aimer un garçon comme moi, lui tenir la main dans la rue. ça n'arrivera jamais, Hekla. page 66

(Isey) - Je me suis mise à écrire des dialogues, reprend-elle.
- Quel genre de dialogues? Des choses que les gens disent?
- A la fois ce qu'ils disent et ce qu'ils ne disent pas. je ne peux pas expliquer à Lydur (son mari) que chaque fois qu''il ouvre la bouche, j'ai envie de noter ce qu'il dit. Et encore moins que j'écris ce qu'il ne dit pas. Il ne comprendrait pas non  plus , que parfois, j'ai envie de m'interrompre dans ce que je fais pour l'écrire au lieu de le vivre. page 90

( Isey) " Je me sentais tellement à l'étroit chez mes parents. La montagne touchait la clôture de la ferme;j'avais envie de partir. Je suis tombée amoureuse. Je suis tombée enceinte. L'été prochain j e serai seule avec deux enfants dans un appartement en sous - sol à  Nordurmyri. Et je n'ai que vingt-deux ans.  page 208

( Isey à Hekla) - De quoi as-tu le plus envie? D'avoir un petit ami ou d'écrire des livres?
...- J'ai envie des deux. j'ai besoin à la fois d'être seule et accompagnée.
...Isey hésite
- Je sais bien  que pour toi ma vie n'est pas intéressante mais j'aime  Lydur. Je ne suis plus seule. Hekla.  Je forme un nous. Je suis Lydur et Thorgerdur . pages 109, 110

La musique seule peut parler de la mort.  page 124

"Quand une idée me vient, j'ai l'impression de recevoir une décharge électrique, comme quand on touche un fil dénudé d'un fer à repasser. page 135

En dehors des étoiles qui scintillent au firmament, le monde est noir. page 136

J'attrape la machine à écrire sous le lit, j'ouvre la porte de la cuisine, je pose la machine sur la table  et je place une feuille sur le cylindre.
C'est moi qui ai la baguette du chef  d'orchestre..
J'ai le pouvoir d'allumer une étoile sur le noir de la voûte céleste.
Et celui de l'éteindre.
Le monde est mon invention. page  155

( Le petit ami d'Hekla)
- Si les choses étaient ce qu'elles devraient être, je rentrerais déjeuner à la maison , Hekla.
Il me fixe.
- Est-ce que tu me ferais des pommes de terre comme les autres femmes?
Je ne dis rien.
....- Non, Hekla, tu refuses d'être une femme comme les autres. page 160

( Le frère d'Hekla)
Elle a également parlé de toi. Elle a dit que certaines personnes s'engendrent elles-mêmes. Comme toi...Elle m'a demandé de te dire bonjour  avant d'ajouter...qu'il fallait....porter en soi un chaos...Pour pouvoir mettre au monde une étoile qui danse....Va savoir ce que ça veut dire...page 198

Nous sommes faits  de l'étoffe de nos rêves. page 208

Le temps est venu de se réjouir d'une nécessaire séparation.
( Le petit ami d'Hekla)
- Ce que j'admire chez toi, Hekla, c'est que tu crois en toi, quoi que les autres en pensent.  page 211

( DJ Johnsson a épousé Hekla pour simplifier sa situation)  Je me rapproche de lui. Il tremble.
- Je suis étranger en ce plat pays. DJ Johnsson .  Je suis un hôte de passage sur cette Terre. Je sui né par accident. On ne m'attendait pas. Je suis parfois tellement fatigué, Hekla. Tellement las d'exister qu'il m'arrive d'avoir simplement envie de
 somnoler
sommeiller
de passer un mois entier
dans les bras de Morphée. page 238

Les jours passent, les heures sombrent. page 239

" Certes, il n'y a pas de place en ce monde pour un homosexuel , Hekla, mais il y a de la place pour une femme qui écrit. page 260


mercredi, juillet 08, 2020

LA FILLE DE L'ESPAGNOLE ( Karina SAINZ BORGO) 2020

Adelaida Falcon vient d'enterrer sa mère lorsque de violentes manifestations éclatent à Caracas. L'immeuble où elle habite se retrouve au coeur des combats entre jeunes opposants et forces du gouvernement. Expulsée de son logement , puis dépouillée de ses affaires, au nom de la Révolution, Adelaida parvient à se réfugier chez une voisine, une jeune femme  de son âge surnommée " la fille de l'Espagnole". Depuis cette cachette, elle va devoir apprendre à devenir  une "autre "et à  se battre , pour survivre dans une ville  en ruine qui sombre dans la guerre civile. 
Roman palpitant, et d"une beauté féroce, le récit de cette femme sonne juste, comme une vérité, mais également comme un avertissement. Il nous parle depuis l'avenir, à la manière  d 'une dystopie, nous rappelant que notre monde peut s'effondrer à tout moment, qu'il est aussi fragile que nos souvenirs et nos espoirs.

Nous avons enterré ma mère avec ses affaires: sa robe bleue, ses chaussures noires à talons plats et ses lunettes à double foyer. Impossible de faire nos adieux autrement. Impossible de dissocier cette tenue de son souvenir.  Impossible de la rendre complètement à la terre . Nous avons tout inhumé, parce que après sa mort, il ne nous restait plus rien. page 11

" Perdre "était devenu  un verbe égalisateur  que les Fils de la Révolution brandissaient contre nous. page 12

Je n'ai jamais conçu notre famille comme une grande chose. La famille, c'était nous  deux, ma mère  et moi.  Notre arbre généalogique commençait et s'achevait avec nous. ..Nous nous suffisions l'une à l'autre.  page 17

" On appartient au lieu où sont enterrés nos morts".  Juan Gabriel Vasquez) page 27

J'ai entendu des détonations. Tout comme la veille, et le jour d'avant, et le jour précédent...Puis, j'ai entendu des bruits chez Ramona et Carmelo, les voisins du dessus. Des meubles renversés. Des chaises et des tables traînées d'un côté à l'autre de l'appartement...Le pays vivait des jours sombres, probablement les pires depuis le XIXè siècle, au temps de la Guerre Fédérale.
J'ai pensé à un cambriolage, mais comment était-ce possible: personne n'avait haussé la voix.....j'ai vu sortir de l'immeuble un groupe d'hommes portant l'uniforme militaire des Renseignements Généraux. Ils étaient cinq et avaient  de longues armes pendues à l'épaule. Certains emportaient un four à micro-ondes et la tour d'un ordinateur. D'autres traînaient deux valises..pages 41, 42
Le Cabinet Révolutionnaire a annoncé , sur ordre du Commandant Président, que le papier monnaie serait progressivement éliminé....L'argent qui circulait tant bien que mal ne valait rien, même avant qu'on le brûle. page 42
A la maison, il y avait assez de nourriture pour tenir deux mois: la réserve que ma mère et moi avions accumulée après les pillages qui avaient ravagé le pays quelques années plus tôt et avaient cessé d'être des événements exceptionnels pour faire partie de la routine.  page 42

Le premier épisode de pillage collectif dont je me souviens s'est produit le jour de mes dix ans....En moins d'un mois, le pays a changé. On a commencé à voir défiler des camions de déménagement sur lesquels voyageaient des piles de cercueils. harnachés avec des cordes, et ne core, pas toujours. Les jours passant, on s'est mis à emballer les corps non identifiés dans des sacs en plastique avant de es jeter dans la Peste, la fosse commune où ont fini des centaines de victimes assassinées. Ce fut la première tentative des Pères de la Révolution pour prendre le pouvoir.  pages 44, 45

J'ai fouillé au fond de l'armoire jusqu'à trouver le chemisier au papillon monarque. C'était un chemisier brodé de sequins noirs et dorés. J'adorais ce vêtement. ..J'ai étendu sur le lit en me demandant pourquoi ma mère l'avait acheté, puisqu'elle ne l'avait jamais porté.
...j'ai fait mes études dans une institution de bonnes soeurs, la pâle imitation d'une autre, plus prestigieuse, où je n'ai pas été admise, parce que, pendant l'entretien, la directrice a découvert que ma mère n'était ni veuve, ni mariée. Eh bien qu'elle ne m'ait jamais parlé de cet épisode, j'ai fini, par comprendre qu'il s'agissait là d'un des symptômes de la maladie congénitale propre à la classe moyenne vénézuélienne de l'époque: une hybridation entre les tares des descendants d'Espagnols du XIXè siècle et la débandade d'une société dans laquelle chacun portait en lui un mulâtre et un nègre dans le sang.  pages 49,50

Sur ordre des Fils de la Révolution, la monnaie étrangère était devenue illégale. page 53

Personne n'était en sécurité chez soi. Dehors, dans la jungle, les méthodes pour neutraliser l'opposant avaient atteint un degré de perfection sans égal.  Dans ce pays, la seule chose qui fonctionnait était la machine à tuer et à voler, la mécanique bien huilée des rafles.  page 58

Tout comme Teseo, des hommes et des femmes avaient débarqué à Caracas depuis Santiago, Madrid, les Canaries, Barcelone, Séville, Naples, Berlin...on les avait oubliés dans leur pays, et ils vivaient maintenant parmi nous. Musius, tous. page 63
Les hommes , comme Teseo étaient arrivés au Venezuela à une époque où tout restait à faire, tandis qu'ils laissaient derrière eux les ruines où ils étaient nés. Les rues de Caracas reproduisaient les voix  et les accents de ces gens qui avaient traversé l'Atlantique, cette mer où il y a toujours quelqu'un qui dit adieu.... page 64

Je suis née et j'ai grandi dans un pays qui a accueilli des hommes et des femmes venus d'une autre patrie.  page 66

( C'est la pénurie générale) On nous a promis. Que plus personne ne volerait, que tout serait pour le peuple, que chacun aurait la maison de ses rêves; que rien de mauvais n'arriverait plus jamais..;Rien ce que qui arrivait ne relevait de la responsabilité des Fils de la Révolution. Si les boulangeries étaient vides, c'était la faute du boulanger. Si la pharmacie n'était pas approvisionnée.;le pharmacien était à coup sûr le coupable.....page 69
Manger ou se soigner, rien d'autre. Le suivant dans la file d'attente était toujours un adversaire potentiel, quelqu'un qui possédait quelque chose de plus que nous. page 70

( L'auteur rentre chez elle, la serrure a été changée et l'appartement occupé par des inconnues)
J'ai sonné. Une, deux, trois fois.
Elle sont tardé à répondre. J'ai insisté une dernière fois en frappant à la porte.
Alors elle s'est ouverte.Une femme à la tignasse écrasée dans un chignon est apparue.....Elle portait le corsage avec le papillon en requins de ma mère.
- Qu'est-ce que tu veux? a-t-elle dit en me regardant droit dans les yeux.
- Je....Je..
- Je quoi, ma petite mère..
- Je suis....
- C'est ça. Tu es...
- Je suis....
je n'ai pas pu terminer ma phrase. Je me suis évanouie. page 78
( elle est revenue à elle)
" Encore toi, ma petite mère? Tu t'es remise de  tes émotions, mon petit coeur?
....- Je suis la propriétaire de cet appartement. C'est chez moi .  Sortez d'ici ou j'appelle la police!
- Ben voyons, ma petite chérie, c'est le choc qui t'a rendue débile ou c'est la naissance? Ici, l'autorité, c'est nous; l'au-to-ri-té."
...- Je veux mes livres, Je veux ma vaisselle, je veux ma maison. Rendez-les moi.
- Tu veux tout ça. On va te le donner, attends un peu , ma princesse...
...;- Regarde, regarde bien ce que j'en fais, de tes affaires, a-t-elle dit tout en écrasant les débris de vaisselle de la Cartuja. Voilà ce qu'on fait, mon coeur e ton le fait parce qu'on a faim.Faim-aim.....Tu ne sais pas ma grosse, ce que c'est la faim. Ecoute-ça, ma petite mère. faim-aim.
....Cette maison, maintenant, elle est à nous, parce qu'elle a toujours été à nous. Mais , vous, vous nous l'avez pris"....pages 85, 86, 87

Se connaître consiste à  modifier son ignorance. page 104

( Adelaïda est dans l' appartement d'Aurora Peralta, celle-ci est morte.
Il fallait que je me débarrasse du corps d'Aurora Peralta sans attirer l'attention. Si je voulais me réfugier dans son appartement, je n'avais pas droit à l'erreur....J'ai attendu jusqu'à dix heures du soir. page 107

Le désespoir injecte des éclairs de génie. page 109

Santiago (le frère d'une amie) me regardait presque aussi affolé que moi, les yeux grands ouverts et sans vie. Il m'observait comme s'il s'était égaré, depuis longtemps déjà dans un endroit lointain. Pour la première fois depuis que je le connaissais,j'ai vu en lui quelque chose qui ressemblait à la défaite. Le jeune économiste brillant, qui savait tout sur tout, qui pouvait tout faire, s'était évaporé. On aurait dit un vieillard. Il avait le visage broyé, la peau pleine de croûtes de blessures accumulées. Il était tellement maigre que je pouvais voir ses veines sur les rares muscles qui recouvraient ses os. Il portait un tee-shirt rouge, avec les yeux du Commandante imprimés à la hauteur de sa poitrine.
...-Adelaïde, j'ai faim.
... Quand ils m'ont conduit à al Tombe, ils m'ont laissé un mois entier dans une cellule sans fenêtre, ni aération. Au début, j'étais seul. Puis, ils ont ramené deux autres types de l'université.  Toutes les deux heures, on avait la visite d'un membre du SEBIN, les mecs des Renseignements Militaires...page 120

Ana (soeur de Santiago) et moi sommes devenues amies pendant la première année à la faculté de lettres..Une série de coïncidences a fini par nous unir: les horaires de l'université, les matières dans lesquelles nous nous inscrivions...Mais si on me demandait pourquoi nous sommes restées amies, toutes ces années, je ne pourrais pas bien en expliquer la raison. C'était comme ce qui transforme les amours en mariages.  Souvent, on n'a pas trop le choix, et si la compagnie de l'autre n'est pas désagréable, on laisse le temps faire son oeuvre. page 125

J'ai découvert que la réalité détruit toujours les certitudes. page 135

( La Maréchale et les femmes qui occupent l'appartement d'Adelaïda reçoivent la visite d'un visiteur qui leur reprochent de ne pas distribuer les paniers de nourriture , de les garder pour elles ou de les vendre à leur profit, Adelaîda entend la conversation, de l'appartement qu'elle squatte)
- Ce n'est pas à toi, ma fille. Mets-toi ça bien dans le crâne. On n'aime pas les gens qui profitent de la mémoire du Commandant. Et toi, tu te comportes de façon bien égoïste. Alors, je ne répéterai pas: ou tu donnes tous les paniers de nourriture du comité et on te laisse tranquille ou c'est la guerre"
..- Je n'ai rien fait de  mal. Tout le monde fait ça. "
Son ton était plus hésitant.
- Tu vas donner tous ces cartons, oui ou non, a-t-il crié.
Elle n'a pas répondu page 168

Le quotidien consistait désormais à regarder, à garder le silence pendant que d'autres étaient conduits en prison ou à la mort. Nous étions encore vivants. Pétrifiés comme des statues mais vivants. page 178

( Adelaïda veut prendre l'identité d'Aurora Peralta afin de partir  en Espagne).
Le processus de transformation en Aurora Peralta avait déjà commencé, et on pouvait même dire que j'avais franchi avec succès la première étape de mon imposture. Je me suis rendue au consulat d'Espagne vêtue de ses habits, trois tailles trop grandes.  page 186
Enfermée entre ces murs,  je me suis consacrée à étudier et à comprendre la biographie de la femme en qui je devais me transformer.  page 189

" La passagère Aurora Peralta est priée de se présenter au personnel de la compagnie".
J'ai posé mon passeport sur le comptoir. Je suis descendue sur  la piste. J'ai obéi; la décision de ceux qui n'ont pas le choix.
C'était le troisième contrôle, alors j'ai supposé qu'il s'agissait du dernier.
....J'ai récité mon discours par coeur, comme je l'avais fait des centaines de fois face au miroir de la salle de bains.
- Voyez-vous, mon Caporal, la plus âgée de mes tantes  est très malade. Elle est très vieille...pages 211, 213
" Et vous êtes espagnole?....Vos papiers sont en règle.
- Ma mère est espagnole, et comme vous le voyez, j'ai les deux nationalités...page 215

Une seule syllabe sépare "quitter" d' "acquitter" page 221

Toute mer est un bloc opératoire où un bistouri aiguisé sectionne celles  et ceux qui prennent le risque de la traverser. page 226

Par où commence-t-on à mentir? Parle nom? Par les mimiques? Par les souvenirs? Par les mots peut-être?  page 228

" Tu es...?
- Oui, je suis Aurora. Il était dix heures et demie du matin. Neuf heures et demie à Caracas.
A Caracas, il ferait toujours nuit. page 235