mercredi, août 29, 2018

ITINERAIRE D'UN SALAUD ORDINAIRE ( Didier Daeninckx)

Clément Duprest, brillant étudiant en droit, intègre la police nationale en 1942. Contrairement à certains de ses collègues,  Duprest ne "fait pas de politique": il va se contenter de mettre au service  de ses patrons, son intelligence et son sens de l'observation. Au sein de la " brigade des propos alarmistes", il est chargé de repérer et de neutraliser les individus hostiles à Vichy. ...Ainsi commence la longue carrière d'un fonctionnaire que certains diraient  irréprochable.  Duprest sera mêlé, au cours de sa vie, à nombre d'événements qui ont marqué la chronique.
Didier  Daeninck, à travers les faits et gestes quotidiens d'un salaud tout à fait ordinaire, nous invite à revisiter quarante ans d'histoire française, depuis la rafle du Val' D'Hiv jusqu'à la candidature de Coluche à l'élection présidentielle de 1981: Occupation, Libération, décolonisation,  affaires politico - mafieuses, mouvements d'étudiants, grèves ouvrières, répression policière. ....Comme dans Meurtres pour Mémoire, le savoir-faire du romancier s'appuie à la fois sur une analyse très fine des comportements humains et sur une multitude de détails véridiques, qui rendent captivante cete traversée du dernier demi-siècle.
 
Après avoir poursuivi les Juifs et la Résistance, Duprest, après la guerre, une fois blanchi, continue à débusquer, cette fois les communistes, les Algériens voulant leur indépendance, les manifestants de mai 68 etc....La retraite en 1981 met fin à son action d'investigation obsessionnelle.
 
" Un problème sérieux, la sécurité du métro... Les papillons, les tracts, les inscriptions. Jusqu'aux faux aveugles qui glissent des notes de la Marche Lorraine,  ou de l'Internationale au milieu d'une ritournelle, à l'accordéon. On va en venir à bout! Ils ont créé un groupe d'employés en civil qui font le même boulot que nous, à ce que je me suis laissé dire....Ils circulent dans les rames, musette à l'épaule, et ne se privent pas d'écouter  tout ce qui se dit, de voir tout ce qui se fait ou qui se traîne.  page 15
 
(Au restaurant)  - Il reste de la place?
- Vous pouvez vous mettre sur la banquette en coin, près de la desserte. C'est sur le chemin des toilettes, mais  vous pouvez rester  en retrait et vous profitez de la conversation des gens du monde. page 17
L'homme s'effondra et ce fut Duprest qui lui passa les menottes . (L'homme était dans un cinéma). Il se souvenait aussi, quarante ans plus tard, de son contentement, de cette impression de chaleur dans le ventre quand il avait refermé les bracelets d'acier sur les poignets du prisonnier. page 21
..."Qu'est-ce-que vous allez en faire?
...- La conversation...Ces gars-là, on les connaît. Il faut les travailler au forceps pour qu'ils accouchent. Si on passe trop de temps, ils  se referment comme une huître. Tu vas voir comment ça se passe.22
...."Le gars qu'on a serré nous a mis sur une piste. Au début, il voulait tout garder pour lui, mais dès qu'on a commencé à faire des folies avec son corps, il est devenu partageur!  Tu sais y faire Emile!
- Je suis passé par la fac  de médecine. J'ai pas mal potassé les terminaisons nerveuses. L'anatomie en fait c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas. page 32
 
"les actualités au cinéma) Tandis que les troupes de la Wehrmatch accentuent leurs efforts pour prendre le pétrole du Caucase devenu vital pour le ravitaillement des troupes, le peuple allemand n'a de cesse de soutenir ses soldats. On s'active dans les usines et dans les champs, jusque dans les camps de travail où sont regroupés les opposants de tout poil; la lie  que toute société, fût-elle parfaite, génère..."
Des rires s'élevèrent, puis des sifflements fusèrent, des invectives. Le chahut gagna progressivement toutes les rangées, s'amplifia quand ce fut le tour de Pierre Laval d'occuper le rectangle lumineux. page 44
 
" Tu es con ou quoi! Un juif à la Brigade spéciale! Tu t'écoutes de temps en temps? Je suis flic, et j'ai rempli mon certificat d'aryanité, comme toi. Il n'y a pas un seul dans la famille, on a vérifié. Sur cinq générations. Tout est en règle. " Page 47
 
Plusieurs hangars contenaient les objets interdits amenés par les Juifs au cours des deux années précédentes: téléphones, bicyclettes, postes de TSF. Dans un atelier  attenant, des ouvriers réparaient les saisies , dépouillant une radio de ses ampoules pour en équiper deux autres....page 74
 
Accompagné d'une ordonnance militaire, ils ( Duprest, Traverse, Baldowsky) contournèrent le plus grands des bâtiments, longèrent la cour grillagée pour aboutir à des casemates creusées dans la muraille, où étaient détenus les clandestins, ainsi que les otages. Près d'une centaine  de ces " Sühnepersonen" des victimes expiatoires selon la terminologie officielle, venaient d'être regroupées près  de l'abri  numéro 22, avant d'être dirigées vers le Mont Valérien, un autre fort de l'ancienne enceinte de défense de Paris, où avaient lieu les exécutions. page 81
 
"Ils étaient tous là, toute la racaille, les Georges Mandel, les Jean Zay, les Léon Blum, l'escroc Stavinsky, plus une femelle, la banquière Marthe Hanau.  page 102
Le climat s'était alourdi à la préfecture, pas tant en raison de la succession de revers de l'armée allemande  , qu'à cause des rumeurs qui touchaient le cœur même du système, les Renseignements Généraux. Lors de plusieurs réunions, l'existence d'un groupe  de traîtres agissant depuis les Brigades Spéciales avait été  évoquée  par des commissaires aussi rigoureux que David ou Gautherie. Et come personne n'avait été nommé, tout le monde se sentait visé. page 104

Le service de Balaune fut contacté au début du mois de février par l'Office français d'information pour établir la liste d'accréditation des journalistes en vue du procès du groupe Manouchian auquel les autorités allemandes  voulaient donner  le plus grand retentissement possible.  page 110

Le débarquement allié sur les côtes normandes provoqua l'inquiétude, mais pas de panique, comme s'il prenait place dans le déroulement ordinaire de la guerre. Les investigations continuaient, on organisait des filatures, on dressait des listes d'otages. La situation bascula lors du second souffle de l'offensive américaine dans le Cotentin, à la fin du mois de juillet. page 130
Ils ( Duprest et ses collègues) se réfugièrent dans la cave....et n'émergèrent de leur refuge qu'au vacarme que firent les centaines de cloches de la région sonnant à toue volée, le jeudi 24 août 1944, au soir, quand les troupes alliées s'immiscèrent dans Paris. page 132
L'inspecteur...dit simplement :
- Ne tirez pas, je me rends" page 133
 
L'inspecteur Duprest semblait tétanisé, il ne réagissait pas, Airaud se fit pédagogue:
-" Vous ne comprenez pas? Je vais être plus clair: je viens de vous dire que le dossier ne sera pas transmis. la commission n'a rien à vous reprocher.... Vous pouvez disposer.  page 153
 
Le procès de Baldowsky s'ouvrit en octobre, une semaine après l'exécution de Pierre Laval....Le sang versé depuis des mois semblait avoir étanché une partie de soif de vengeance des juges: la peine de mort se plus rare, et celui de se trouver devant un peloton d'exécution au printemps, s'en sortait à l'automne, pour les mêmes accusations , avec dix à quinze ans de travaux forcés assortis de l'indignité nationale. page 166
" Sans nous avoir mis au courant de ce qu'il venait  faire dans ce lieu de rétention de patriotes, Baldowsky est entré dans une pièce de corps de garde et en est ressorti revêtu d'une soutane de prêtre, tenant à la main un livre d'église e tune croix. Nous avons alors compris qu'il se faisait passer pour un confesseur auprès des otages afin de recueillir les aveux qui n'avaient pas pu être obtenus par la force.  page 172 ( déclaration de Duprest au procès de Baldowsky)
 
Le commissaire principal l'avait convoqué un matin pour lui remettre une invitation à une première théâtrale valable pour deux personnes. Cela lui permettrait , lui avait-il confié, d' approcher l'auteur de la pièce sur qui il était temps de recueillir quelques indiscrétions au cas où  ses dispositions pour la polémique le conduiraient à embrasser une carrière politique.....( la pièce :Morts sans sépulture  de Jean-Paul Sartre)...Dès son retour à Plaisance, ...l'inspecteur s'isola dans les toilettes pour rédiger le premier jet de la notule concernant celui qu'il baptisa fautivement Jean Sartre...: Pas de sympathies pétainistes connues. Participe à un groupe de résistance, Socialisme et Liberté....Multiples activités à côté de son métier d'enseignant. page 179, 180
Vincent Auriol  devenait président  de la République

"Et qu'est-ce qu'on fait si  ce n'est pas un secret?
- On mange au restaurant, mais ce qui est original, c'est que c'est un dirigeant du parti communiste qui se charge de régler l'addition.
Duprest expédia les affaires courantes en attendant que  le taxi qu'il avait commandé pointe son nez dans la cour d'honneur de la Préfecture. Il étala sur son bureau les documents  qu'on lui avait faits parvenir....Ivo Livi, est né citoyen italien le 13 octobre 1921....Artiste de variété, il semble recueillir les faveurs d'un public  principalement féminin sous le pseudonyme de Yves Montand...Contrairement à son frère, Livio Livi, communiste déclaré, on ne lui connaît pas d'engagement politique. page 191
 
Le soir, en entrant, il s'isola quelques instants dans la pièce qui lui servait de bureau pour compléter les fiches  des époux Livi.
Henriette , Charlotte, Simone Kaminker dite Simone Signoret, ( nom de jeune fille de sa mère )née en Allemagne en 1921, a acquis la nationalité française par filiation. Père, radio speaker à Londres ....page 211
Il sortit ensuite le casier portant la  référence "M" afin de compléter le carton consacré à Yves Montand....Au programme de la tournée...Montand insère une nouvelle chanson: Quand un soldat.....Il s'agit d'une critique voilée de la guerre menée contre les insurgés communistes en Indochine...page 212
 
( Emeute à Casablanca où Duprest a été envoyé pour une ou deux semaines)  . Un quart d'heure avait suffi à l'infanterie pour dégager le bâtiment public; et des dizaines de corps d'adolescents parsemaient les chemins défoncés du bidonville. Des soldats commencèrent à les entasser dans un autobus Panhard délesté de ses sièges et la macabre cargaison fut dirigée  vers l'infirmerie indigène qui jouxtait le parc des expositions....Page 220...Personne ne soupçonna jamais que trois cents corps avaient été dispersés, enterrés en secret, brûlés, recouverts de chaux vive ou jetés à la mer...page 221
 
L'inspecteur passa les premiers jours de janvier à attraper son retard en découpant tous les articles consacrés aux personnages qu' il avait en fiches. Il sortit le dossier470.109 pour en relire le contenu:
"Georges Brassens , né le 21 octobre 1921 à Sète ( dans l'Hérault) .Nationalité française mais italien par sa mère. Condamné à un an de prison avec sursis, pour vol, en 1939. Travail obligatoire en Allemagne (usine BMW)....Ses écrits prônent l'anarchie. page 223
 
Dans la nuit du 24 au 25 décembre....Guy ( le fils de Duprest) se mit soudain debout tout en dépliant le pantalon en  toile bleue qu'il venait de découvrir dans l'emballage.. Il se précipita sur sa mère pour l'embrasser.
- C'est exactement celui que je voulais.
Duprest tendit la main pour saisir l'étiquette en cuir apposée sur la poche postérieure droite du vêtement aux surpiqures apparentes. Il l'arracha d'un coup sec avant de la brandir devant les yeux de Liliane ( son épouse) en hurlant:
" Tu aurais pu m'en parler! Pourquoi tu lui as acheté ça? Tu sais bien ce que j'en pense! C'est des habits de voyou, je ne veux pas que mon fils se déguise en blouson noir."
- Mais Clément?..
-  Il n'y a pas de Clément qui tienne! En plus, tu as vu  ce qu'il y a d'écrit dessus?  Levi!  Levi Strauss and Co. Ce n'est pas parce qu'ils sont partout qu'ils doivent aussi  s'afficher sur mon fils! Non mais  ?
page 228
 
A l'issue des embrassades traditionnelles, des discours et de l'ingestion des petits fours, il( le commissaire principal Lapides) lui avait  remis une enveloppe contenant un message du préfet, Maurice Papon. Duprest  s'était délesté de sa coupe de champagne pour ouvrir le ^pli, les mains tremblantes, debout devant l'une des fenêtres hautes qui surplombaient la cour de la Cité. Une phrase très brève, tracée d'une écriture ferme et penchée, précédait la signature: " Vos chefs savent ce qu'ils vous doivent".
La distinction avait rapidement été suivie d'une promotion au rang de commissaire principal....page 238
 
( Son fils Guy) Il avait lancé à son père qui ramenait à la maison un gigot généreusement offert par un boucher de la rue de Buci. " Le Bon Dieu aurait pu te faire honnête. Tu as de la chance, il t'a épargné".
Le lendemain, alors que le commissaire expliquait à sa femme, tout en coupant des tranches d'agneau fumant, qu'il faudrait attendre plusieurs mois avant d'engager les travaux de rénovation de la cuisine, Guy s'était permis d'ajouter son grain de sel:
- Dans un ménage, quand l'homme ne ramène pas un certain volume d'oseille, l'autorité devient ni plus ni moins, que de la tyrannie". page250

Mai 68. Chaque minute apportait son lot de surprise: les étudiants reprenaient  possession de la Sorbonne rebaptisée Université autonome populaire, la police se voyait contrainte de remettre en liberté les manifestants arrêtés les jours précédents, les ouvriers venaient de décider l'occupation des usines Renault de Cléon, de Flins... page 250
Jean- Louis Barrault...Il était là?  Ils l'ont insulté?  Je m'en doutais après ce qu'ils ont fait à Arletty., au moment de la Libération.... page 275

Le commissaire fut également en première ligne lorsque les tensions dans le camp du pouvoir se soldèrent par la mort de personnages de premier plan....Markovic , ce garde du corps d'Alain Delon... Le Prince  de Broglie le soir de Noël 1976 , à Paris,...Robert Boulin, noyé dans une mare profonde de tente centimètres....page 288

"Quel genre de mission?
....- faire taire Coluche.
Duprest écarquilla les yeux en réprimant un sourire.
" Coluche? le comique?  Je ne comprends pas. Vous plaisantez?
...-Pas le moins du monde....Je n'avais pas pris au sérieux l'annonce de sa candidature....page 294

Dans le taxi qui l'emmenait vers l'inactivité, il se dit que s'il avait servi l'Etat , puis la République, l'âge le mettait à l'abri d'avoir à servir la gauche. page 310

jeudi, août 23, 2018

L'AUTOBUS ( Eugénia Almeida)

"Dans une petite ville du fond de l'Argentine, un homme et une très jeune femme attendent un autobus dans un café, il passe sans s'arrêter. Il y a quatre jours maintenant que l'avocat Ponce amène sa sœur pour prendre cet autobus et qu'il ne s'arrête pas. Des jeunes gens décident de partir à pied le long de la voie ferrée. Le village s'interroge. Il s'est passé quelque chose dans le pays que tout le monde ignore ici.
Sous l'orage qui gronde sans jamais éclater, de chaque côté de la voie ferrée qui sépare parias et notables, la réalité se dégrade subtilement. des livres disparaissent de la bibliothèque. Les militaires rôdent autour de la ville, des coups de feu éclatent. Les masques tombent à mesure qu'une effrayante vérité se dévoile.
Sobre et dense, sans concession, ce court roman nous conduit, dans un style alerte et cinématographique, au cœur des pages sombres de l'histoire de l'Argentine et parle du pouvoir sous ses formes les plus perverses. "
 
"Le roman n'est pas une confession de l'auteur, mais une exploration de ce qu'est la vie humaine dans le piège  qu'est devenu le monde. " Milan Kundera.
 
Cela fait trois soirs que l'autobus passe sans ouvrir ses portes. Le village est sous une chape métallique. Grise , légèrement ondulée. ...Cela fait quatre jours que les Ponce rejoignent à la même heure l'arrêt situé près de l'hôtel. Lui met un costume, une cravate et des chaussures de ville. Il porte la valise de sa sœur en faisant mine de la trouver légère. Les femmes marchent à quelques pas derrière, parlant et en agitant les mains. page 9 
 
De jour, c'est superflu. Tout le monde sait qui vole qui, qui déteste qui, qui trompe qui. la nuit tombée, le commissaire sort faire un tour le long des maisons importantes: celle de la veuve Juaerez, celle des Orellano,  celle de Guzman, celle du docteur Vieytes. Parfois, on entend un coup de fusil, un soupir sec et bref, le bruit d'un corps qui tombe. Mais c'est toujours de l'autre côté des voies...Le commissaire sait pourquoi lui aussi vit de l'autre côté. Et il sait qu'il y a d'autres règles: de ce  côté des voies, l'hôtel, le club, la pharmacie, le salon de coiffure, les familles des notables, le commissariat. De l'autre côté, les maisons basses, aucune route goudronnée, des commerces pauvres ... des soupirs, des robes à fleurs, des enfants avec plus de père, le poignard, la fourche, le fusil. page 23
 
Personne ne pouvait lui dire ( à Ponce) quel côté il devait vivre, personne pour l'obliger. Ponce regardait le bout de sa cigarette. L'obscurité totale à l'exception de la braise. Personne ne pouvait lui dire quelle maison acheter. On l'avait obligé une fois et il avait choisi un piège, il payait maintenant en s'obligeant à vivre dans un village choisi à l'aveuglette sur une carte. Et oui, il avait choisi cet endroit...
Après avoir regardé Marta pendant deux ans, il lui semblait qu'elle avait enseveli les reproches...Il se demandait  parfois si elle se rendait compte qu'il l'avait enterrée dans ce village pour la punir. page 28
 
Ponce sortit de chez Hidalgo  et retourna une nouvelle fois chez le juge Florès. Marta le reçut à contrecoeur. Sa bouche était tordue de fatigue.
..."Mata, tu es enceinte?
- Oui.
Elle ne sut pas pourquoi mais elle céda d'un  coup.
- De moi?
- Oui,
-  Il n' y a pas eu d'autre?
- Non.
- C'était  la première fois?
- Oui
.-Tu voulais être enceinte?...
- Tu es fou? J'ai dix-sept ans. Je ne te connais pas.
- J'ai un travail à Buenos Aires.  page 44
Ils se marièrent un mois plus tard....Ils s 'installèrent dans  la maison du juge.
...Quinze jours après le mariage, Ponce se réveilla parce que quelqu'un lui touchait l'épaule. En voyant la main de Marta, il se redressa. Elle le regardait l'air absent, dans une chemise de nuit couverte de sang.
Le médecin leur dit qu'ils ne devaient pas s'en faire, qu'ils auraient d'autres enfants, qu'ils étaient jeunes et en bonne santé....
Marta demeura plus taciturne que jamais. transparente comme un miroir. Ponce encaissa mal le choc. A présent, il la méprisait définitivement. Il était piégé dans un cérémonial vide qui n'avait servi à rien. ..Il (Ponce) s'était marié, par obligation, avec une femelle enceinte, qui avait à présent le ventre vide. Et ne lui avait  rien donné. pages 46, 47
 
Devant son père, Marta se montrait joyeuse. C'était une des choses que dérangeaient Ponce. Devant les autres, elle semblait aller bien, elle ne montrait pas la peine qu'elle avait subie, elle jouait son rôle de jeune mariée. Dès qu'ils étaient seuls, les gestes disparaissaient et de derrière surgissait le masque horrible, des muscles mal cousus qui ne semblaient pas appartenir à une femme....Ils ne s'aimaient pas, ils ne se connaissaient pas, elle ne lui était même pas sympathique. page 48
 
Ils arrivèrent au village par une matinée terreuse. page 49
 
Un jour, sans aucune raison, sans explication rationnelle, Marta changea. ...Elle se mit à parler de n'importe quel sujet. Des choses minimes sans importance. Toutes les deux ou trois phrases, elle riait , comme une idiote.
...Il ne put jamais comprendre ce changement. Trente-quatre ans plus tard, il n'en trouve pas toujours la raison. ...
Elle est à présent, une femme bruyante qui a grossi, et qui, en même temps, Ponce l'aurait juré, a rétréci. page 53
 
"Excusez-moi. Mon travail n'est pas simple. Moi aussi, je dois obéir (il est policier) sans poser de questions. Vous en êtes conscient? Moi, on m'envoie un ordre et je le fais exécuter. Et  si je ne comprends rien, cela ne fait rien. En plus, mes supérieurs ne sont pas ici, ils ne savent pas comment est la situation, ici, je connais tous les habitants du village. Je connais les parents, les frères et sœurs. A Cordoba, ils attrapent un type, le mettent en prison et ne savent même pas comment il s'appelle. Il n'y a pas longtemps, j'ai reçu une circulaire qui disait que je devais aller à la capitale suivre un cours, un stage de formation, c'est comme ça qu'ils disent. Et vous savez sur quel sujet? Techniques d'interrogatoires. Hein? Techniques d'interrogatoires! A moi. Mais qu'est-ce je peux bien demander aux prévenus puisque j'ai déjà les réponses? Dans quel monde vivent-ils? Que croient-ils?   ...Techniques d'interrogatoires? Vous vous en rendez compte? Ils ne comprennent pas qu'ici , les choses sont différentes. Il y a deux mois, un supérieur à la direction générale m'a appelé pour me demander de surveiller...quelqu'un d'ici, du village. Et ils voulaient me transmettre des  renseignements. Et je leur ai dit que ce n'était pas la peine, que je savais même avec quel verre de vin il se soûlait, qu'il n'était pas possible que....et moi je leur ai dit que non, que celui-là, que celui-là passait ses journées dans les champs et les soirées à se soûler, que lui, ce n'était pas possible...Que je les tiendrais informés.......Je ne sais plus comment fonctionne la chaîne de commandement. Et avec cette histoire de gouvernement militaire...Je ne sais plus...je ne sais plus si je dois obéir à ma hiérarchie, ou à un militaire moins gradé....page 66

Victoria est la seule faiblesse que Ponce s'autorise. Sans doute, la seule personne qu'il ne se croit pas obligé de défier ou de soumettre. La seule femme qui ne le dérange pas, qui sait reculer à temps et garder le silence. La seule voix qui le rassure quand il l'écoute. Victoria ( sa sœur), pour lui, est une erreur parfaite. Quelque chose qui ne devrait pas être de ce monde, un geste merveilleux qui passe inaperçu. page 80
 
L'idée de la (Victoria) laisser à Buenos Aires ne lui plaisait pas non plus. La ville était en révolution, Peron promettait l'indicible et il semblait que soudain tout pouvait changer. page 80
 
Ce n'était pas Buenos Aires mais c'était une ville. Petite, conservatrice. Chacun savait la place qu'il devait occuper.
Victoria s'y installa peu de temps après. Ponce voulut l'accompagner mais l'idée de revoir son beau-père l'ennuyait.  Marta y alla à sa place. Le juge Flores reconnut à peine sa fille dans cette jeune femme agitée, bavarde, bruyante, qui l'embrassait tout le temps. Plus d'une fois, il essaya de parler avec elle comme  ils le faisaient avant. Marta ne se prêta à aucune de ses tentatives. Elle avait toujours quelques minutes d'avance. Elle pensait à ce qu'il faudrait faire après; remplissant l'instant présent comme pour mieux le vider de toute vie réelle....
Elle avait l'air joyeuse, dans une urgence joyeuse....Une image lui vint à l'esprit: celle d'une poule folle. page 81
 
Victoria apprend à parler à tout le monde, c'est-à-dire à ne parler avec personne. Elle rend les salutations des voisins toujours de façon mesurée. Les sourires de quelques-uns, une main levée pour d'autres, un léger mouvement de tête pour presque tout le monde. page 83
 
La solitude n'est pas si mauvaise. Elle protège. page 84
Victoria apprend à tout voir et à garder le silence. La bibliothèque est fermée. Ils disent que c'est pour cause d'inventaire mais elle sait que ce n'est pas vrai. Ou pas complètement. Ils font l'inventaire des livres. Et quelques-uns, magiquement se perdent. Ils perdent des pages, sont volés, mouillés, déchirés, brûlés, perdus. Comme certaines personnes. Le contremaître la prévient qu'il a enterré deux corps. Qu'ils les a trouvés la veille au soir. Des impacts de balles. Ils devaient être morts depuis deux ou trois jours. Deux garçons. Non, ils ne sont pas d'ici. Non, la police, non. Ils doivent être au courant. Je les ai enterrés sur place. Non, mademoiselle, pas de croix....J'ai fait ça  en bon chrétien... Je veux dire, les enterrer. Non, je ne voulais dire à personne mais....j'ai pensé... c'est vous la patronne, non?
Beaucoup de noyés, de disparus, de destinations inconnues. Elle sait que la bibliothèque est fermée.
De nouveaux ouvriers arrivent. Des gens des villes, cela se remarque, ils n'ont jamais été dans les champs. Elle les embauche quand même. page 85

"Non, je dis cela parce que...en ville, il leur arrive d'emmener des gens qui n'ont rien fait. page 89

Récapitulons. Je ne peux rien écrire, je ne peux faire de rapport, je ne peux pas parler, je ne peux pas faire de recherches, je ne peux pas poser de questions. A quoi, bordel, peut bien me servir la main? A faire le salut militaire et basta. page 99
 
Ils ont dit à la radio qu'il y avait eu un affrontement
- A Cordoba?
- Non, près d'ici. Deux morts. Des guérilleros, bien sûr.  Les nôtres n'ont rien eu. Heureusement....
-Ils ont dit leur âge?
- L'âge de qui?
- Des morts.
- Ah, non. Pourquoi voulez-vous le savoir?
- Pour rien. Il y avait une femme?
- Comment le savez-vous? (Rita sourit) Oui. Un homme et une femme, amants peut-être.....Ils disent qu'ils étaient recherchés depuis longtemps. Qu'ils étaient très dangereux. Il  paraît qu'ils étaient venus dans la zone. C'est pour ça qu'on a laissé la barrière baissée. Un jour ou l'autre, on les attrape....Page 106
 
C'était une femme accompagné d'un homme...
Au salon de coiffure, à la pharmacie, à l'épicerie, tout le monde parle de la mort des deux subversifs.
....Tout ce que je dis, c'est qu'il y a quatre jours, un couple qui allait à pied à Pozo del  Sauce  a disparu. Aujourd'hui, on parle d'un affrontement où deux personnes ont été tuées, à peu près dans le même  secteur. Tu ne trouves pas que cela fait beaucoup de coïncidences? page 114
 
L'avocat porte un costume et un chapeau. Il tient à la main la valise de sa sœur. Maria  et Victoria marchent en parlant à quelques pas derrière...L'on voit les phares de l'autobus éclairer le carrefour, à deux roues de là. Il roule sans se presser , à vitesse réduite. page 123

mardi, août 21, 2018

VIVANT (Roland Fuentes)

"Sept étudiants passent leurs vacances ensemble. L'un deux invite un nouvel ami, inconnu du groupe, Elias, qui cristallise aussitôt tous les regards. Nul n'aurait pu prévoir que le séjour entre potes qui s'annonçait si bien - sport, révisions, détente - tournerait  en un combat à la vie, à la mort .A moins que la haine de " l'autre " n'ait été là, en germe, dès le premier instant."
 
Un roman qui nous happe, au rythme d'une course-poursuite effrénée, brillant et nécessaire.
 
"Il n'y a pas d'étrangers sur cette terre" est un slogan de la Cimade, une association de solidarité active avec des personnes migrantes, réfugiées et demandeurs d'asile.
 
C'est Salomé qui avait trouvé ce gîte. Un ancien centre de vacances, au milieu des pins, à l'est de Marseille. Comme il est interdit de construire  du neuf dans le parc national des Calanques, pour préserver le paysage, les bâtiments anciens demeurent denrées rares, ou tombent en ruine. ...
Le propriétaire la louait encore vaguement, ou à des amis, en leu  conseillant la prudence. Les planchers, la toiture...Pour le prix, on ne pouvait rien dire. La situation était idéale: un point de vue grandiose sur la grande bleue; et la première calanque à neuf cent mètres....page 17
 
BOF, je n'ai pas accroché à ce livre.

mercredi, août 15, 2018

RESSUSCITER (Christian Bobin)

Il y a une étoile mise dans le ciel pour chacun de nous, assez éloignée pour que nos erreurs ne viennent jamais la ternir. page 15
 
C'est une étrange expérience que d'aller au cimetière rendre visite à quelqu'un qu'on a aimé. cela commence par une promenade douce et nonchalante, presque rêveuse, jusqu'à cet instant où il n'est plus possible de faire une pierre tombale comme devant un obstacle infranchissable. On s'apprêtait à rencontrer quelqu'un et il n'y a personne, il n'y a même plus rien, comme si la terre était plate et qu'on avait par distraction atteint une bordure. Je suis devant la tombe de mon père., comme devant un mur, au fond d'une impasse. IL ne me reste plus qu'à lancer mon cœur par- dessus, come font les enfants quand ils jettent un ballon, pardessus un mur d'enceinte, pour le plaisir un peu anxieux, en allant le rechercher , de pénétrer dans une propriété inconnue. page 16
 
Le jour où nous consentons à un peu de bonté est un jour que la mort ne pourra plus arracher au calendrier. page 18
 
Le jour de l'enterrement de sa mère, C. a été piquée par une abeille. Il y avait beaucoup de monde dans la cour de la maison familiale. J'ai vu C.  dans l'infini de ses quatre ans, être d'abord surprise par la douleur de la piqûre puis,  juste avant de pleurer, chercher avidement des yeux, parmi tous ceux qui étaient là, celle qui consolait depuis toujours et s'était arrête brutalement la recherche, ayant soudain compris l'absence et la mort. Cette scène n'a duré que quelques secondes, est la plus poignante que j'aie jamais vue.  Il y a une heure où, chacun de nous, la connaissance inconsolable entre dans notre âme et la déchire. C'est dans cette heure-là, qu'elle soit déjà venue ou non, que nous devrions tous nous parler, nous aimer et même le plus possible rire ensemble. page 20
 
Les feuilles tombées du tilleul se recroquevillent, comme un cœur se resserre autour d'un souvenir de ce qu'il a perdu. page 28
 
Je me suis penché sur la tombe de mon père et j'ai appuyé ma main sur la pierre froide. Des nuages obscurcissaient le ciel. Le soleil est apparu et il a posé sa main sur la pierre. Le glacé  de la pierre me disait l'absence  définitive de mon père et la chaleur du ciel me disait la douceur toujours agissante de son âme.  Je ne suis resté qu'une poignée des secondes et suis revenu dans la ville avec, au  cœur, une force énorme.  page 38
Il n'y a pas de plus grand malheur sur cette terre que de ne trouver personne à qui parler et nos bavardages, loin de remédier à ce  silence, ne font la plupart du temps que l'alourdir. page 39
 
Toute rencontre m'est cause de souffrance, soit parce qu'elle n'a lieu qu'en apparence, soit, parce qu'elle se fait vraiment et c'est alors la nudité du visage de l'autre qui me brûle autant qu'une flamme. page  47
 
La terre se couvre d'une nouvelle race d'hommes à la fois instruits et analphabètes, maîtrisant les ordinateurs et ne comprenant plus rien aux âmes, oubliant même ce que ce mot jadis a pu désigner. Quad quelque chose de la vie les atteint malgré tout - un deuil ou une rupture -  , ces gens sont plus démunis que des nouveaux-nés. Il leur faudra alors parler une langue qui n' a plus cours, autrement plus fine que le patois informatique. page 51
 
J'ignore où sont tous ceux que j'ai aimés et qui sont morts. je sais seulement qu'ils ne sont pas au cimetière, même si le soleil s'incline chaque jour devant leurs tombes pour y briller leurs noms. De l'au-delà, je n'imagine rien, ou bien quelque chose de semblable à ces champs qui ne sont plus cultivés depuis longtemps, et dont , même en cherchant dans les lourds registres pauvres des mairies, on ne retrouvera plus le propriétaire...page 57
 
J'ai trouvé Dieu dans les flaques d'eau, dans le parfum du chèvrefeuille, dans la pureté de certains livres et même chez des athées. Je ne l'ai presque jamais trouvé chez ceux  dont le métier est d'en parler. page 60
 
Que quelqu'un quelque part s'absente - pour un travail de longue haleine ou pour une mort qui est le plus absorbant des travaux - et un objet témoignera de lui en son absence. , comme fait dans un tableau de Van Gogh, une paire de  souliers fatigués, luisant au seuil d'une ferme. page 69
 
On peut embrasser le village de Marciac en quelques minutes comme on peut l'épouser pour des siècles. C'est sans étonnement - plutôt comme une confirmation  de la vérité de ce lieu -  que j'y ai aussi rencontré le mal: tout doit trouver sa place sur terre, même dans la noirceur du cœur humain. Le mal avait des traits d'un couple possédant sept à huit maisons dans le village. Ils ne parlaient que d'elles, pour se plaindre des tracas qu'elles leur donnaient. Ils en vendaient certaines, en rachetaient d'autres ou les louaient. Dans leurs paroles, ces maisons ressemblaient à des tirelires géantes qu'ils secouaient pour entendre le bruit de leur argent à l'intérieur. Je les écoutais sachant un e autre part de leur histoire: l'oncle de la femme était un boulanger. Un chagrin d'amour l'avait amené à fermer son magasin et à tout lâcher à ce qui donne à un homme une importance à ses yeux et aux yeux des autres. En quelques jours, il avait tout quitté sauf son cœur: pendant des années, cet homme a, de sa démarche de boiteux,  irradié de bonté; les rues de ce village, qui lui ressemblait tant, humble devant chacun et rendant service à tous. Le couple l'a pris en secrète haine, car personne ne faire la sainteté aussi vite que le diable. Ils l'ont mis au service de leur famille, le prenant come chauffeur pour les conduire à l'église, le dimanche, à cent mètres de leur maison. Là-bas, ils s'asseyaient au premier rang, face au maître-autel et au prêtre qui n'était sans doute à leurs yeux qu'un notable désargenté. ... Ils continuaient d'abuser de l'innocence de cet homme, raillant sa gaucherie, méprisant  sa pauvreté et ne lui donnant jamais  rien qui aurait pu adoucir sa vie matérielle. A sa mort, ils ont jeté son corps dans la caveau familial, sans faire inscrire son nom à côté des autres, sur la tombe.  page 75

Certains êtres ont le génie d'éteindre une à une les étoiles dans le ciel puis, se tournant vers les proches,  de conclure d'une voix douce: vous voyez, j'avais raison. Il n'y a jamais rien à espérer que la nuit entière et noire, noire et noire. page 87
L'amour de certaines mères est comme une corde passée au cou de l'enfant: au moindre mouvement de celui-ci, le nœud coulant se resserre. page 88
 
On peut bien voir à condition de ne pas chercher son intérêt dans ce qu'on voit. page 92
Dans cette ville, comme dans toutes les villes, il y a des notables, et ces notables ont des femmes qu'ils sortent et montrent come un des signes de leur puissance, et ces femmes sont toutes endimanchées et fortement maquillées comme les morts que les employés des pompes funèbres veulent rendre présentables aux familles. je les regarde, je vois qu'elles possèdent tout ce qui peut s'acheter, qu'elles s'ennuient et qu'elles ont une peur panique de vieillir. ...page 94
 
Chaque fois que j'entends un prêtre - en dehors de la messe - me  parler  de Dieu avec une voix veloutée, j'ai l'impression de me trouver devant quelqu'un qui prépare un mauvais coup et qui cherche à m'endormir avec des manières sucrées. page 103
 
J'ai tout misé sur un amour qui ne peut entrer dans ce monde même s'il en éclaire chaque détail. page 112
Ce n'est pas sa beauté, sa force et son esprit que j'aime chez une personne, mais l'intelligence du lien qu'elle a su nouer  avec la vie. page 113
 
J. a été élevé par une mère institutrice qui le retenait dans la classe pour lui donner des cours supplémentaires quand les autres enfants couraient sous le soleil. Les années ont passé. J. est devenu un intellectuel, c'est-à-dire quelqu'un que sa propre intelligence empêche de penser. Il écrit des livres sur les vagabonds au dix-neuvième siècle, cherchant  en vain, dans la poussière des archives la lumière qui enflammait la cour d'école à cinq heures sonnantes. page 125
 
A.et E. formaient un couple où chacun des deux, par lassitude ou désespoir, avait renoncé à l'amour de l'autre. Ils ne s'étaient séparés, recomposant leur lien à une moindre hauteur, dans un goût commun pour les voyages et les antiquités. page 135
 
J'enterre beaucoup d'écrivains dans des cartons que je descends à la cave: mon cœur se simplifie en même temps que ma bibliothèque. page 140
...ils (ces gens) disent ce qu'ils sont et n'entendent pas ce qu'ils disent. page 141
Certains couples font penser à deux fous dont chacun serait persuadé d'être l'infirmier de l'autre. page 143
J'ai toujours eu un léger dégoût pour ceux qui sont capables de commenter pendant des heures la finesse de l' arôme d'un vin, amenant dans leur parole, pour des choses sans importance, une délicatesse qu'ils ne mettent pas dans leur vie. page 144
 
J'ai enlevé beaucoup de choses inutiles de ma vie et Dieu s'est approché pour voir ce qui se passait. page 148