jeudi, février 21, 2013

L'AUBEPINE ROUGE ( Ai Mi)

Sur fond de révolution culturelle, une histoire d'amour impossible  entre deux adolescents que tout sépare. Fille d'une famille d'intellectuels disgrâciés par le Parti, Jing Qiu, tout juste 15 ans, est envoyée à la campagne pour prouver sa valeur et sa droiture. c'est là qu'elle rencontre le beau Lao San, fils d'un général de l'armée qui joue de l'accordéon , chante des airs russes, prend de la distance vis à vis de la doctrine communiste, critique le régime ...L'amour à cette époque est qualifié de bourgeois et de notion capitaliste.

Ai Mi est un pseudonyme. Après avoir grandi en Chine, l'auteur vit aux Etats-Unis, elle raconte, dans  ce livre, son histoire  d'adolescente , pour le trentième anniversaire de la mort de Lao San.

Quant à demander aux élèves d'écrire ces livres (d'histoire) c'était typique de l'éducation révolutionnaire et illustrait parfaitement les slogans en vigueur:"Partir des masses pour arriver aux masses", les humbles sont les plus intelligents et les nobles les plus bêtes". page 12

Jin Qiu eut du mal à reprendre la marche (elle se rend dans un village) comme si la pause avait avivé la douleur. Mais il n'était pas question de se plaindre. Se montrer douillet ou tire-au-flanc était bourgeois, et Jing Qiu craignait d'être rangée dans cette catégorie. Déjà affligée de mauvaises origines sociales, il lui fallait encore plus que les autres se rapprocher du peuple et de ses souffrances...elle ne pouvait se permettre le moindre geste  ou la moindre parole non prolétaire. page 19

Le père de Jing avait été envoyé en camp de réforme par le travail à la campagne  dès le début de la révolution culturelle. page 30

Selon la coutume du village, on appelait les fils de famille par leur rang de naissance  et non par leur prénom: l'aîné s'appelait l'Aîné, le deuxième, le troisième , etc...Cet usage ne s'appliquait pas aux filles: leur rang ne comptait pas puisqu'elles étaient destinées à d'autres, données en mariage, et qu'à partir du moment où elles partaient vivre chez leur belle-mère, elles n'étaient plus considérées comme des membres de la famille. "Les filles mariées sont comme de l'eau renversée" disait l'adage. page 38

"Si la vie est une route à sens unique, alors marche dorénavant devant moi, que je puisse toujours te voir. Si la vie est une  route à double sens, alors, donne-moi la main , et nous traverserons la foule sans nous perdre" Lao San à Jin Qiu.page 56

Sa mère (à Jin Qiu) lui avait expliqué  qu'autrefois, chez les paysans, les jeunes épouses étaient traitées comme la cinquième roue  du carrosse: à table, les beaux-parents étaient servis en premier, puis c'était le tour du mari,  des beaux-frères, des belles-soeurs et enfin des enfants. lorsque leur tour arrivait, les malheureuses n'avaient que les restes.Les maris n'osaient montrer leur amour pour leur femme devant leurs parents, alors lorsqu'ils voulaient lui faire plaisir,  en lui donnant des mets choisis, ils les cachaient dans le bol. page 92

Son père (à Jin Qiu) dès qu'il eut l'âge de se marier, avait dû épouser deux femmes. Deux mariages arrangés, l'un par son père, l'autre par son oncle, qui le considérait comme son fils et l'avait chargé d'assurer sa descendance. Il avait d'abord essayé d'échapper à ces unions forcées en partant suivre ses études dans une autre ville, mais quand son père s'était retrouvé à l'article de la mort, il avait dû revenir et se plier à sa volonté....Il avait  ensuite rencontré la mère de Jin qu'il avait fini par épouser après  s'être débarrassé de ses deux précédentes femmes au prix  de mille difficultés...Plus tard , quand le père de Jin avait été condamné à travailler comme un forçat dans la ferme qui appartenait autrefois à sa famille, il avait proposé à sa femme de divorcer pour protéger leurs enfants. Mais elle avait refusé de l'abandonner...Les enfants refusèrent eux aussi....page 363



samedi, février 16, 2013

GENS DE PEKIN (Lao She)

A travers des personnages divers que l'auteur met en scène, c'est la vie pékinoise, à la fin de l'Empire et au début de la République qui resurgit. (1910-1920). Les prostituées côtoient les amateurs d'opéra et les agents de police; les bandits avec les honnêtes gens, les simples artisans avec les petits commerçants. Il donne la parole à ceux qui ne l'avaient pas.

 L'heure était aux chemins de fer, aux fusils, aux ports ouverts et à la terreur; page 26

Xin Dezhi comprit que le géant Qian ne reviendrait plus. Le monde avait changé pour de bon. page 48

Dans l'année, il suffisait qu'il mourût comme une dizaine de gens riches et on avait de quoi vivre  page 57 (le personnage de ce récit prend en charge les célébrations lors des décès.)

Nous étions complètement dépassés par le cours des événements et on n 'y pouvait rien  page 67 (un homme seul)

Aider autrui  était pour moi une forme de distraction, dont je ne pouvais me passer. Pourquoi?  parce que, dans notre métier, il y avait deux sortes de travail. L'un était intéressant et propre, c'étaient  les effigies mortuaires. L'autre, le "blanc",  était bien différent.  page 65

Pour éliminer les superstitions, il n'y a rien de tel qu'un malheur qui vous tombe dessus sans qu'on l'ait prévu .(sa femme l'a quitté). ..A force de réfléchir, je m'étais rendu compte  que la superstition , c'est bon seulement  quand on espère obtenir un bienfait inattendu; quand c'est le contraire qui arrive, on n'a plus d'espoir et on ne croit naturellement plus à rien. page 79

Dans les journaux et dans les discours publics, on exalte souvent la liberté, or, quand on exalte une chose, c'est précisément qu'elle n'existe pas en réalité.  page 126

Il avait un seul but dans la vie: amasser le plus d'argent possible, de façon à s'assurer une sécurité et une indépendance complètes, comme s'il avait été lui-même, une petite montagne isolée dans la plaine . page 164

(L"héroïne de cette dernière nouvelle s'est prostituée pour avoir de quoi manger)  J'acquis au cours de ces expériences, une certaine connaissance  de l'"homme " et de l'"argent"; l'argent est encore plus redoutable: m'homme est une bête, mais  c'est l'argent  qui lui donne du nerf. page 307

J'avais connu tant d'hommes  que j'avais oublié l'amour. Je n'avais aimé que moi-même, mais ne le pouvais même plus. page 313

La prison est l'endroit idéal pour vous convaincre que l'humanité ne s'améliorera jamais. Même en rêve, je n'ai jamais vu  quelque chose d'aussi sordide. Mais j'y suis et ne songe guère à en sortir. Si j'en crois mon expérience, le monde extérieur ne vaut guère mieux. page 314 (l'héroîne est emprisonnée pour son activité de prostituée)

lundi, février 04, 2013

QUAND L'EMPEREUR ETAIT UN DIEU ( Julie Otsuka)

Petit livre qui raconte l'histoire des milliers de citoyens américains, d'origine japonaise qui ont été déportés dans des camps après l'attaque de Pearl Harbour. Julie Otsuka emprunte largement à l'histoire de ses grands-parents. Elle retrace le destin d'une famille tranquille de Berkeley. Le père, soupçonné d'être un traître au service de l'empereur, est déjà interné , la mère et ses deux enfants sont envoyés dans un camp de l'Utah aux confins du désert. Un exil fait de privations et de souffrance, où les pires sévices sont perpétrés dans l'indifférence générale.Trois ans plus tard, à la fin de la guerre, arrive le temps des retrouvailles, c'est une famille brisée qui doit réapprendre à vivre avec ses voisins.

Demain, les enfants et elle s'en iraient. Elle ignorait où ils se rendraient, où combien de temps ils seraient partis, ou encore qui habiterait la maison pendant leur absence. Elle savait simplement qu'ils devaient s'en aller demain.  page 174

Lors de la première journée dans le désert, sa mère lui avait dit d'être prudent: "Ne touche pas aux barbelés, ne parle pas aux gardes dans les miradors. Ne regarde pas directement le soleil. Et n'oublie pas: ne prononce jamais le nom de l'empereur à haute voix. page 60

Cela ne ressemblait à aucun des déserts dont il avait entendu parler dans les livres. Ici, il  n'y avait ni palmiers, ni oasis, ni caravanes de chameaux serpentant lentement parmi les dunes. Ici, il n'y avait que le vent et la poussière,et  puis le sable brûlant. Page 61

Les règles concernant la clôture étaient simples: interdiction de passer par-dessus, interdiction de passer par-dessous, interdiction de passer autour, interdiction de passer au travers...Il y avait aussi des règles concernant le langage: ici, on dit "salle à manger" et non pas "cantine" "conseil de sûreté" et non pas "police interne", "résidents" et non pas "évacués"enfin et surtout, "climat mental " et non "moral"... Il y avait aussi des règles concernant la nourriture: il était interdit de se resservir , sauf de pain et de lait. Et concernant les livres: pas de livres en japonais. Il y avait aussi des règles concernant la religion: pas de shintoïstes,  avec leur culte de l'empereur. page 69

"On vous a amenés ici pour votre propre protection" leur avait-on assuré. C'était dans l'intérêt de la sûreté nationale, C'était une question de nécessité militaire. C'était pour eux l'occasion de prouver leur loyalisme. p78

Beaucoup de gens avaient logé chez nous en notre absence mais nous ignorions qui ils étaient, ou ce qu'ils étaient devenus, ou encore pourquoi nous n'avions jamais reçu le moindre chèque de l'homme qui avait promis de veiller à la location de la maison. page 118