mardi, juillet 26, 2022

24 HEURES DANS LA CHINE ANCIENNE ( YIJIE ZHUANG ) 2020

Courte parenthèse dans la Chine de la dynastie Han, le règne de l'usurpateur Wang Mang ( de 9 à 23 après J.C.) fut celui d'un grand réformateur à une époque de richesse économique, d'expansion du confucianisme et d'innovation technique. Nous revivons cette prospérité au travers de gens de toutes origines, mais aussi les tensions sociales qui conduisirent à l'assassinat du souverain. Et si nous croisons les classiques profils de médecin et de soldat, de sage-femme et de danseuse, de scribe et d'ouvrier, des personnages singuliers font leur apparition: un amoureux des pur-sang se désole qu'ils servent de sacrifices et la concubine d'un empereur défunt doit veiller sur sa sépulture parce qu'elle ne lui a pas donné d'enfants. Nous pénétrons nous-mêmes dans un mausolée aussi luxueux qu'un palais avec un voleur de tombes, avant nous délasser dans une salle de bains ultramoderne pour oublier le trépignement des barbares aux frontières. 

La période des Han occidentaux est l'une des plus fascinantes dans la longue histoire de la Chine. Ere de dynamisme et de changements à la fois sociaux, politiques et technologiques. , elle connaît un accroissement démographique très élevé et de vives tensions sociales à l'hure où l'ordre ancien s'oppose aux  idées nouvelles. Les Han occidentaux ( ou Han antérieurs) accèdent au pouvoir en 202 avant J.C. Ils règnent sur la Chine pendant près de deux siècles jusqu'à l'évènement  de Wang Mang qui reste en place de 9 à 23 après J.C. Après cette brève parenthèse, les Han orientaux( ou Han postérieurs) se maintiendront sur le trône de 25 à 220 après J.C. 

Yijie Zhuang es tune jeune archéologue chinois. IL enseigne à l'University College London tout en menant des campagnes de fouilles en Asie. 

7è heure de la nuit ( 0.00- 1.00) Le médecin prescrit un traitement. 8è heure de la nuit ( 2.00- 3.00) Le pilleur de tombes. 9è heure de la nuit, ( 2.00- 3.00) La sage-femme accouche sa belle-fille. 10è heure de la nuit. (03.00-4.00) Le palefrenier prépare ses doléances. 11è heure de la nuit ( 04.00-05.00) Les femmes de la maisonnée s'affairent à la meule. 12è heure de la nuit. ( 05.00- 06.00) Le bronzier consulte un collègue. 1è heure du jour ( 06.00-07.00) L'ouvrier du canal est nostalgique. 2è heure du jour ( 07.00-08.00) Le maitre commence  la classe. 3è heure du jour. ( 08.00- 09.00) La jeune tisserande cueille des feuilles de mûrier. 4è heure du jour. ( 09.00- 10.00) Le sculpteur de tombes forme des apprentis.  5ème heure du jour ( 10.00- 11.00) Le sculpteur de tombes forme des apprentis. 6è heure du jour ( 11.00-12.00) le prêtre se querelle avec un ami. 7 è heure du jour ( 12.00- 13.00 ) Le capitaine de la tour de guet coupe de l'herbe. 8è heure du jour. (13.00- 14.00) Le responsable des greniers se prépare à l'inspection. 9è heure du jour. ( 14.00- 15.00) Le courrier approche de la capitale.  1è heure de la nuit. 18.00- 19.00) Le chef prépare un banquet. 2è heure de la nuit. (19.00- 20.00) La suivante de la concubine se désole.  3è heure de la  nuit. ( 20.00-21.00) Le scribe prend une décision. . 4è heure de la nuit. (21.00 -22.00) La danseuse clôt la représentation. 5è heure de la nuit. ( 22.00-23.00) La première femme de chambre prépare le bain. 6è heure de la nuit. 23.00-00.00)  le soldat se bat contre la peste. 7è heure du jour. 00.00- 01.00 Le capitaine de la tour de guet coupe l'herbe;   8è heure du jour. ( 01.00- 02.00) Le responsable des greniers se prépare à une inspection. 9è heure du jour.( 14.00-15.00.) Le courrier approche de la  capitale. 10è heure du jour; ( 15.00-16.00)  L'agriculteur fait une pause.  11è heure du jour. (16.00-17.00 ) Le forçat arrive au camp. 12è heure du jour. ( 17.00-18.00) Le briquetier est de mauvaise humeur. 1è heure de la nuit. ( 18.00-19.00)  Le chef prépare un banquet. 2è heure de la nuit. (09.00-20.00)  La suivante de la concubine se désole. 3è heure de la nuit. ( 20.00-21.00) Le scribe prend une décision. 4è heure de la nuit. (21.00-22.00) La danseuse clôt la représentation. 5è heure de la nuit. (22.00-23.00) La première femme de chambre  prépare un bain. 6è heure de la nuit. (23.00-24.00) Le soldat se bat contre la peste. 

dimanche, juillet 24, 2022

NEVERLAND ( Timothée De FOMBELLE) 2017

 "Je suis parti un matin d'hiver en chasse de l'enfance. j'avis décidé  de la capturer entière et vivante. "Regarde, elle est là, tu la vois?" Je l'avais toujours sentie battre en moi, elle ne m'avait jamis quitté. Mais c'était le vol d'un papillon obscur à l'intérieur, le frôlement d'ailes invisibles dont je ne retrouvais qu'un peu de poudre sur mes bras au réveil". 

Neverland est un retour au pays d'enfance, un irrésistible voyage vers ces hauts territoires perdus que nous portons en nous. 

Aujourd'hui, je suis incapable de dater ce grand passage. Il me semble seulement qu'un matin on se réveille adulte dans le  regard des autres. On hésite un moment.  On ne se sent ni préparé, ni volontaire pour le voyage. Mais, il y a ce regard, en face, qui nous considère...page 9

Je me souviens de ce besoin qui m'a envahi un jour d'attraper l'enfance pour la tenir, comme dans une cage entre mes mains fermées, et la montrer aux autres en écartant doucement les doigts. " Regarde, elle est là. Tu la vois? "page 11

Comment attraper l'enfance seule, et ne pas l'écraser au fond du filet sous le poids des grands qui étouffent tout. Je croyais qu'un pays la gardait à l'abri, même quand on grandissait...;Cela m'a pris beaucoup de temps. C'était un voyage incertain. j'ai dormi sous la lune...puis , un matin, je me suis agenouillé sur le sable des rivières. j'ai tamisé lentement , jour après jour. mais ce qui m'intéresse n'est pas ce qui reste dans le tamis. Ce qui m'intéresse est justement ce qui traverse, ce qui échappe, un sable plus fin qu'une fumée.  C'est l'enfance. page 13

J'avais les talons posés au bord de l'enfance, les mains dans les poches. Et je me penchais doucement en avant. page 23

L'enfant est une île. il ne sait rien et ne possède rien.  ..Pour lui, le lendemain n'existe pas. Le passé a déjà disparu. page 27

En grandissant, j' ai vu ralentir le moulin du temps.la joie durait plus longtemps, mais la peine aussi.  page 43....Ce trait de lumière sous sa porte qui m'a fait croire que lire, c'est attendre quelqu'un. page 46

Ma solitude  me faisait exister pour la première fois. Page 50....L'enfance n'habite pas la mémoire. Elle habite notre chair et nos os. ..;je sens encore bouger  en moi le corps de l'enfant.  Ce corps qui ne s'arrête jamais, petit moulin poussé par une force inconnue. L'enfant aux lèvres bleues qui se baigne depuis des heures. L'enfant endormi sur une valise. L'enfant qui s'habille tout seul dans la maison qui dort. L'enfant qui s'appuie  sur le vent en écartant les bras. L'enfant perdu dans la rue. L'enfant qui mange. L'enfant clown. L'enfant qui a mal. L'enfant qui court. L'enfant si bien caché qu'on l'a oublié. L'enfant qui pleure seul. Lenfant penché sur son genou blessé; Lenfant qui a chaud. L'enfant qui traîne un arbre mort; L'enfant sous la pluie. L'enfant avec, aux pieds, plus de boue que de bottes. L'enfant qui sourit de fatigue. ..L'enfant qui écoute une histoire. L'enfant avec des talons hauts. L'enfant qui tremble. L'enfant au soleil. L'enfant qui attend l'heure. page 71

Le chagrin est  une lame qui fend l'enfant en deux. La tristesse remplit sa chambre.  Elle occupe l'espace entier...L'air devient rare. Le jour n'entre plus. Il n'y a pas de lendemain possible. page 90

Je n'ai jamais pensé qu'un tiroir ou une armoire ou même un coffre étaient autre chose que des fenêtres qui s'ouvraient vers des mondes ignorés. page 97

J'apprenais que ce que l'on fait nous dépasse quelquefois. C'est une histoire de confiance et de liberté. On n'est jamais à l'abri que ça marche. page 102

Et je les ai vus s'éloigner tous les deux.  Quelqu'un s'était défait de moi pour le rejoindre.  Quelqu'un que j'avais raccompagné ici sans le savoir. Il me ressemblait. Je m'étonnais que ça n'ait pas fait encore plus  mal. Juste un point de côté quand il s'est détaché. La pluie a commencé à tomber. page 115



lundi, juillet 18, 2022

LE FESTIN ( Margaret KENNEDY) 1950, réédité en 2022

 Cornouailles 1947.  Comme tous les étés, le révérend Seddon rend visite à son ami le père Boff. Hélas, cette année, son ami n'a pas de temps à lui accorder, car il doit écrite une oraison funèbre, l'hôtel de Pendizack, manoir donnant sur une paisible crique, vient de disparaître sous l'éboulement de la falaise qui le surplombait. Et avec lui, sept résidents. Dans cette maison reconvertie en hôtel par ses propriétaires, désargentés, étaient réunis les plus hétéroclites des vacanciers: une aristocrate égoïste, une écrivaine bohème et son chauffeur- secrétaire, un couple endeuillé, une veuve et ses trois fillettes miséreuses, un chanoine acariâtre et sa fille apeurée. Le temps d'une semaine au bord de la mer,  dans l'Angleterre de l'après-guerre, alors que les clans se forment et que les pires secrets sont révélés, les fissures de la falaise ne cessent de s 'élargir. 

1947.Ce gouvernement socialiste ne s'occupe pas des pauvres comme il l'avait promis, mais il a fait tomber les riches, c'est toujours ça. Page 32

De toute évidence, il faisait partie de ces gens qui se ravitaillaient au marché noir, portaient des bas de contrebande et ne se faisaient  aucun scrupule, en temps de pénurie, de prendre plus que leur part. page 62

Mrs Thomas venait des environs de Londres et méprisait les populations rustiques de Porthmerryn.  page 74

Elle regarda son mari. Il ne lisait pas. IL ne réfléchissait pas. Elle savait que lorsqu'il était recroquevillé, il ne pensait à rien, il ne faisait qu'exister à l'intérieur de sa coquille. Depuis quelque temps, il paraissait rapetisser; et on eût dit qu'il se desséchait dans son crâne. page 131

(J'ai survolé ce roman)

mercredi, juillet 13, 2022

LE PREMIER JOUR DU PRINTEMPS ( Nancy TUCKER ) 2022

 Peut-on pardonner l'impardonnable? Chirisse est la meilleure pour chaparder des bonbons, faire le poirier et gagner des parties de cache-cache; Mais, dans sa banlieue sordide, son quotidien est violent, solitaire et misérable. La seule chose qui donne à Chrissie l'impression d'être vivante, c'est son secret. Et rien que d'y penser, elle a des papillons dans le ventre. Le premier jour du printemps, elle a tué un petit garçon. Quinze ans plus tard, Chrissie s'appelle Julia. Elle tente d'être une bonne mère pour Molly, sa  fille de cinq ans. Va-t-elle pouvoir subvenir à ses besoins? Réussir à lui donner  ce qu'elle n'a jamis reçu? Quand un soir, elle commence à recevoir de mystérieux appels, elle craint que son passé ne refasse surface. Et  sa plus grande peur, celle de voir lui retirer Molly, ne soit sur le point de se réaliser. 

Le souvenir, c'est pareil que du beurre qu'on jette dans une poêle chaude. ça fait des bulles et ça grésille. page 17

Nous n'étions pas rentrées à la maison à quinze heures quarante-cinq pour goûter à seize heures, lire un livre à  seize heures trente, regarder Blue  Peter à  dix-sept heures, prendre le repos du soir à dix-sept heures trente. Notre fragile emploi du temps en sucre s'était fracturé de même que Molly ( la fille de  Julia- Chrissie). Voilà ce qui m'arrivait quand je cessais de me concentrer. page 26

Je me disais qu'avoir un enfant mort, c'était pas mal, en fait : on avait plein de gâteaux et de ragoûts. page 37

- Ben, si on ne meurt pas dehors, on va mourir d'ennui ici. Et moi, je préfère mourir en jouant que mourir en m'ennuyant. Alors, je vais dehors, Tu fais ce que tu veux. page 39

En vrai, j'aimais pas trop ça, mais j'en buvais, plus  c'était facile après de ne pas penser que j'aurais rien  à manger, le soir, après l'école. page 59

" Celui qui a tué Steven pourrait recommencer...." J'avais envie de lui  dire que , depuis que j'avais tué Steven, je me sentais vachement plus en sécurité qu'avant, parce que c'était de moi que les gens devaient se méfier  et être  celle dont on devait se méfier, y avait rien de plus sécurisant...page 65

On allait toujours à la messe le dimanche. Maman aimait bien le Bon Dieu même si moi, elle ne m'aimait pas. page 79

Après Lucy, j'ai été Julia,  et ils m'ont promis que jamais personne ne découvrirait que Julia était naguère été Christie. Néanmoins, ils m'avaient  déjà promis la même chose à propos de Christie. " Promesse" c'était juste un mot, de même qu'un nom; et je n'étais plus Chrissie, plus maintenant, plus au fond de moi, seulement les vautours s'en foutaient. Jan m'a trouvé l'appartement au-dessus du snack d' Arun...page 101

( A la sortie de prison) " Nous sommes certains que c'est la bonne décision - de te laisser sortir, a dit mon responsable. Nous en sommes tous convaincus. Seulement, nous ne pouvons pas garantir qu'il en sera de même pour les autres. Certaines personnes croient que les enfants qui ont commis des crimes, devraient rester en détention aussi longtemps que les adultes, et elles ne seront pas contentes qu'on te libère. Si tu ne changes pas d'identité, il y  aura beaucoup qui se donneront comme mission de découvrir où tu vis, et alors.... - Ce serait m'envoyer à la mort, ma grande, a dit la supérieure. - Donc, il faut que je fasse semblant de ne plus être moi? ai-je demandé. - Tu auras une nouvelle identité. On te fournira les documents  nécessaires pour que tu puisses toucher les allocations et cherche run emploi. On t'aidera à trouver un logement, et on te confiera à un conseiller d'insertion que tu verras régulièrement. Te là, oui....Tu vivras comme une autre personne. Ce sera un second départ. page129

Steven était mort depuis si longtemps que j'avais perdu le compte des jours, n'empêche, y avait de plus en plus de policiers dans la rue.  page 137

Les policiers sont venus chez moi le lendemain. Ils ont sonné tôt le matin, j'étais encore en chemise de nuit. J'étais rentrée tard la nuit d'avant....C'était le même policier qui avait parlé à papa, mais cette fois, il avait un ami avec lui, un plus petit avec des  chaussures qui brillaient. Mon ventre s'est mis à danser quand j'ai ouvert la porte et que j'ai vu leurs boutons d'argent. J'avais l'impression d'être au milieu d'une scène où il faisait noir, et que soudain, on allumait les projecteurs. Ils m'ont demandé si maman était là et j'ai répondu qu'elle dormait là-haut, ce qui était peut-être vrai , mais peut-être pas. ...." Vous cherchez celui qui a tué Steven, pas  vrai? " j'ai dit en m'appuyant au cadre de la porte....Les policiers se sont regardés, le, petit a sorti son carnet, tourné les pages et montré quelque chose au plus grand. page 180 page 179......"D'accord Christine. A bientôt. " Avant d'aller rejoindre les autres policiers dan sla rue, il m'a parlé avec les yeux et ça, même moi, je l'ai compris: " Toi, je t'ai à l'œil". page 184

Papa ne m'avait rendu visite à Haverleigh avant mes seize ans. Il avait débarqué trois jours avant mon anniversaire et s'était ramené dans la salle des visites avec un sachet de bonbons emballés que les gardiens avaient tous défaits pour vérifier qu'il n'y avait pas de drogue ou de lame de rasoir cachée. ....Il était venu. Il était venu me voir et m'avait apporté des bonbons. Il était  venu me voir et m'avait apporté des bonbons pour mon anniversaire. page 201, .."Il ne me reste plus que deux ans ici. Après je sortirai .page 202..Parfois, il est nécessaire de mettre un peu d'espace entre soi et les autres, même lorsqu'on aime vraiment...page 202

Après avoir tué Steven, je m'étais assise sur mes talons et secoué mes mains engourdies. je me sentais fatiguée, j'avais chaud, mais pas faim - pour une fois- etj'avais pensé ": on ne peut se sentir mieux que ça. " J'ai regardé Ruthie e j 'ai essayé de retrouver ces sensations. J'ai essayé si fort que j'ai failli pousser dehors mes intestins - voilà l'impression que ça me faisiat. Pousser. Crisper; J'ai posé la main sur son épaule et l'ai secouée. J'ai tapoté son visage: " Allez, reviens, j'ai murmuré." Reste pas morte. Je vouais pas vraiment. reviens", Elle bougeait plus. Elle était immobile. Je l'ai secouée à nouveau.." Reviens. S'il te plaît, reviens. " Elle bougeait plus. page 296

Je me suis rappelé le premier jour où on m'a emmenée au commissariat de police, loin de la maison bleue et du trou dans le ciel. Quand ils ont fini de m'interroger, ils m'ont laissée dans une pièce vide. Je n'avais que huit ans mais pourtant, j'ai eu droit à la cellule et au procès.  Certains crimes étaient si terribles qu'on ne vous considère plus comme une gamine. page 305..Le procès a continué pendant des jours et des jours er j'en ai eu vite assez. Les gens venaient l'un après l'autre à la barre témoigner à quel point j'étais mauvaise....page 307..;Je me suis forcée de me lever quand le juge me l'a demandé. IL m'a regardée dans les yeux et m'a dit que je serais placée dans un Foyer et à ce moment -là je savais que  "foyer"  n'était qu'un autre mot pour "prison". ..Il a prononcé des mots come "mauvaise", , sans limites, " faire le mal"...Page 309

J'avais tout pris, tout mâché, digéré et commis des actes qui avaient privé deux familles du paradis pour ne leur laisser que l'enfer. voilà la vérité. La vérité de chaque heure, de chaque jour. il en sera toujours ainsi. page 310

Steven était aussi gravé à l'intérieur de mes paupières. Il était là quand je clignais , il était là quand je m'endormais, son genou contre mon ventre, mes mains sur sa gorge. j'éteignais la vie en lui, jusqu'à ce qu'il soit allongé sous moi pareil à un tube de dentifrice vide, jusqu'à ce qu'il soit si mort qu'il pourrait pas redevenir vivant avant des jours et des jours. page 317




 


jeudi, juillet 07, 2022

JACK ( Maryline ROBINSON) 2022

 L'amour peut-il sauver un homme de la perdition? Saint-Louis; Missouri, post- Seconde guerre mondiale. Jack Boughton, un Blanc fort instruit, sans ressources, vivote tant bien que mal sans pouvoir toujours se payer une chambre. Depuis qu'il a purgé une peine de deux ans de prison pour un vol qu'il n'avait pas commis, il passe le plus clair de son temps à lire la poésie à l:a bibliothèque. Jusqu'au jour où il fait la rencontre de Melle Della Miles, professeur d'anglais noire, et fille de pasteur comme lui. Lors de rendez-vous toujours plus risqués, ils s'apprivoisent, se parlent de Hamlet, de foi, de leurs pères respectifs, de l'âme, de la fin du monde. L'évidence de leur amour, le risque terrible qu'il leur fait courir dans une ville divisée par la ségrégation, le regard que porte la famille de Della sur une telle union et les penchants destructeurs de Jack convergent pour donner à cet amour auréolé de spiritualité la tension, la beauté et la force d'un très grand livre. Une histoire d'amour autant que de survie, qui met en jeu deux pensées, eux postures morales, deux cœurs purs, et l'un es personnages masculins les plus bouleversants et facétieux de la littérature , à la frontière entre l'ombre et la lumière. 

samedi, juillet 02, 2022

L'HOMME QUI M'AIMAIT TOUT BAS ( Eric Fottorino) 2009

 Mon père s'est tué d'une balle dans la bouche le 11 mars 2008. Il avait soixante-dix ans passés. J'ai calculé qu'il m'avait adopté trente-huit ans plus tôt, un jour enneigé de février 1970. Toutes ces années, nous nous sommes aimés jusque dans nos différences. Il m'a donné son nom, m' a transmis sa joie de vivre, ses histoires de soleil, beaucoup de force et aussi une longue nostalgie de sa Tunisie natale. En exerçant le métier de kinésithérapeute, il travaillait " à l'ancienne", ne s'exprimait qu'avec ses mains, au besoin par le regard. Il était courageux, volontaire, mais secret: il préféra toujours le silence aux paroles, y compris à l'instant ultime où s'affirma sa liberté..

" Ce sont les mots qui ne sont pas dits qui font les morts si lourds dans leur cercueil." Montherlant. 

Le lendemain, au courrier, j'ai reçu une lettre. J'ai reconnu son écriture sur l'enveloppe. Depuis la veille, j'avais gardé l'oeil sec, je pleurais comme pleurent les grottes: à l'intérieur. Il était partout dans mon esprit...page 12

J'ai réalisé  à ce moment la dimension magique de l'écriture: les personnages ne vieillissent ni ne meurent. page 15

A l'auteur des Choses la vie, on avait demandé: que feriez-vous si vous appreniez qu'il vous reste seulement un quart d'heure à vivre?  Guimard avait dit : " je jetterai ma montre". Mon père avait jeté sa montre depuis longtemps. Il ne comptait plus le temps qui restait. Il a brisé lé sablier. page 25

Etre ou avoir. C'est un jeu d'enfant. Comment dire?  Etre, ne plus être.  Papa est mort, papa n'est plus, n'existe plus, papa s'est tué, papa s'est suicidé, papa s'est supprimé, papa s'est donné la mort ( donné? ) , papa s'est éteint ( mais est-ce le mot qui convient pour un coup de feu? )

Avoir. Papa a mis fin à ses jours. Papa a abrégé ses souffrances ( mais de quoi souffrait-il? ou de qui?) papa a succombé à sa blessure, papa a péri, papa  a disparu bien qu'il soit là sous nos yeux? 

Avoir encore ou ne plus avoir: Je n'ai plus mon père, j'ai perdu mon père ( en 1999, Eric Chabrerie  devenu Eric Fottorino, j'avais gagné un  père. )

Réconciliation dans la mort d'être et d'avoir: avoir été. mon père  a  été. le temps est passé et il a passé vite. Etre et avoir, ne plus être, ne plus avoir. Glissement,; imperceptible et pourtant pénible. Mon père est, vit et respire. Mon père était. S'habituer à cet "était" alors qu'il est toujours là. Etait: jamais imparfait n'a si bien mérité ce nom, le passé est imparfait, qui souligne ce qui n'est plus et ne sera plus jamais. Impossible de parler de papa au présent désormais., alors qu'il y a si peu de temps, hier encore, tout à l'heure même, avant le coup de téléphone, " il est arrivé" quelque chose".... pages 32, 33

Trop de pensées m'agitent, toutes sont pour mon père. Pas une goutte de son sang coule dans mes veines. Rien et pourtant tout. page 44

Avant , il n'y ait des femmes. Ma mère, sa mère, des femmes avec leurs douleurs et leurs tristesses, l'une trop jeune et l'autre trop vieille, deux solitudes avec mon enfance au milieu. L'arrivée de Michel a tout changé. Fini le vendredi maigre et la messe du dimanche. - lui qui ne croyait qu'au foot. Fini Bordeaux la sombre et bonjour La Rochelle au soleil.  Fini le fils unique sans père -et si c'est pas malheureux- bonjour  au bonheur en famille,  père et mère, et un et deux et trois garçons. Tout avait changé soudain. Une voix d'homme, des vêtements d'homme, des chaussures de cuir...page 66

Quand les choses sont allées de travers, j'ai tenté de rester droit. page 73

Il savait que la volonté ne peut seule donner le talent. Il eut la sagesse de me laisser la découvrir, sans que jamais il ne brise mes rêves par tiédeur ou manque d'enthousiasme. page 86

Tu m'aimais tout bas, sans effusion, comme on murmure pour ne pas troubler l'ordre des choses. Tu m'aimais tout bas, sans le dire, sans éprouver le besoin d'élever la voix. C'était si fort - la force de l'évidence - que tu ne l'aurais pas crié sur les toits. Il fallait une indiscrétion de voisin, de cousin, pour que j'apprenne combien tu étais fier , heureux que ce rejeton épais comme une arbalète qui disputait aux plus costauds des titres de champion à la gomme. Je me console ainsi: tu es parti tôt mais tu as eu le temps d'être fier de moi, de moi, ton fils, de nous tes fils....page 90

  Deux pères le jour de mon mariage, aucun le jour de ma naissance. Une mère dix-sept ans  à peine, livrée seule à sa grossesse, à sa maternité, à l'éducation stricte d'une mère très catholique, qui ne pouvait souffrir que sa fille puisse devenir l'épouse d'un juif marocain étudiant la médecine à Bordeaux. Ce fut une histoire terrible pour ma mère et aussi pour Maurice qui dut retourner  au Maroc ,  son diplôme de gynécologue ,accoucheur en poche , qui fit naître des milliers d'enfants mais ne put m'approcher sauf une fois, pour me vacciner puis m'offrir un jouet. page 106

Je suis dans cette maison car mon père est mort, et chaque fois que je m'allège, que je reprends mon souffle, qu'une sensation légère m'envahit, cette pensée me rattrape. page 125

Il aurait fallu parler ensemble. depuis longtemps on ne parlait plus, ce qui s'appelle parler. On évitait ce qui aurait pu créer des tensions, de l'incompréhension. On restait en surface, là où ça ne risquait rien . On commentait le temps qu'il faisait, pas le temps qui nous éloignait...Tout n'était pas lisse.....Tu étais mon héros avec ses failles, d'autant plus attachant que rongé en secret par  d'impondérables démons . Je me demande si je t'ai vraiment connu, si je t'ai vraiment compris.  D'où a surgi cette mort? ..Il y a tout ce qu'on dit et tous ces silences qui nous attachaient solidement l'un à l'autre. On s'est protégés, toi, par ce que tu m'as donné, moi parce que j'ai renoncé à te demander.....Ta part obscure, je la respecte.  Que j'aurais aimé cerner pour la détruire  à force d'amour. page 144

Au revoir papa, salut, pas adieu, on risquerait de se manquer. page 148