lundi, janvier 28, 2019

BAIN DE LUNE ( Yanick Lahens)

J'avais écrit plusieurs passages mais après une mauvaise manipulation tout s'est effacé. 
 
 C'est l'histoire d'Olmène , de Dieudonné  et de Cétoute. L'histoire des lignées Lafleur et Mésidor qui, malgré le ressentiment, s'entremêlent. A travers eux, c'et l'histoire d'Haïti....

mercredi, janvier 23, 2019

AU PETIT BONHEUR LA CHANCE (Aurélie Valognes)

"1968. Jean a six ans quand il est confié du jour au lendemain à sa grand-mère. Pour l'été. pour toujours. Il n'a pas prévu ça. Elle non plus.
Mémé Lucette n'est pas commode, mais dissimule un cœur tendre. Jean, véritable moulin à paroles, est un tourbillon de fraîcheur pour celle qui vivait auparavant une existence paisible rythmée par ses visites au cimetière et sa passion pour le tricot.
Chacun à une étape différente sur le chemin de la vie -  elle a tout vu - Lucette et Jean vont s'apprivoiser en attendant le retour  de la mère du petit garçon.
Ensemble, dans une société en plein bouleversement, ils découvrent que ce sont les bonheurs surprises qui font le sel de la vie."
 
"La vie , ce n'est pas ce qu'on a vécu, mais ce dont on se souvient"  Gabriel  Garcia  Marquez.
 
Marie reprend sa vie de jeune femme de 28 ans en main. Avec Jean dans ses bagages...
Deux âmes fragiles percent la nuit , et en moins d'une heure, viennent gratter une porte familière.  En découvrant ces deux fugitifs et la petite valise. Lucette n'a pas l'air surprise. Elle ne pose aucune question. jean;, lui, en aurait eu des dizaines, mais la fatigue l'emporte. La jeune mère claque la porte derrière elle et repart. Lui, reste seul, chez sa grand-mère. Pour l'été. Pour toujours.
Jean ne le sait pas encore , mais ce jour de juillet 1968,  sa nouvelle vie commence.  pages 10, 11
 
Marie a eu toujours des rêves plein la tête. Des envies plus grandes que la chambre de 7 m2 qu'elle partageait avec Françoise, sa grande sœur.  page 17
 
Son père était deux fois plus vieux que Marie au début de leur histoire (encore une histoire de mathématiques)  et cela n'avait pas, mais alors pas du tout, plu à Lucette. Le père de Jean avait déjà bien vécu quand il avait rencontré Marie. Beaucoup même. Avec une autre famille. Et une femme anglaise par dessus le marché.
Jean aimait beaucoup son père. Il l'évitait seulement les soirs où il recevait sa paie et rentrait bien plus tard du bistrot. page 32
 
A Paris, Marie cherche un emploi de serveuse. Elle s'apprête à la dernière mode comme les stars de cinéma, pour être la plus jolie, celle à qui l'on accorde toujours les pourboires les plus généreux;; page 49
A partir de son adolescence , Marie prend conscience qu'elle est belle. Elle est admirée par les femmes autant qu'elle fait tourner la tête des hommes. On la courtise et elle minaude. page 50

"Mémé, pourquoi on ne va pas faire les courses comme maman au Codec? Ils vendent tout, tu sais!  ça éviterait de faire la tournée!
page 69
 
"Tiens  Jean, dresse la table, s'il te plaît.
- Ce n'est pas un truc de garçons que de mettre le couvert, Mémé. Tu ne le sais pas?
- Et la vaisselle? demande - t-elle circonspecte.
-Bah, encore moins. Le Papa lit le journal, pendant que la Maman , elle fait la vaisselle. C'est comme ça la vie, Mémé.
- Je crois, mon petit bonhomme qu'il y a deux ou trois petites choses que tu n'as pas bien comprises "dans la vie". page 73
 
(Jean est allé avec Mémé chez les cousins) Une fois à l'intérieur, Jean reste bouche bée. Rien n'est comme son ancien chez lui, encore moins comme chez Lucette. Tout est à la dernière mode. ou peut-être tout simplement moderne....
- Whaouuuuuuuu! Tante Françoise, tu as un frigidaire!
Jean ouvre la porte et commente pour Mémé:
- Tu vois que ça servirait bien, un frigo!....
...Le petit garçon continue la visite, les yeux toujours plus écarquillés. Une salle d'eau avec de l'eau et qui coule comme par magie  depuis un robinet.... pages 83, 84, 85

Le petit garçon  ne parvient pas à cacher sa déception (une carte de  sa mère adressée à Lucette mais pas à lui)  Elle est  trop grande. Il a pris cette lettre comme une gifle. Il s'attendait à ce que Marie lui adresse son message...Jean ne le sait pas encore, mais c'est ce jour-là que sa vraie vie d'homme a commencé: quand il a cru , pour la dernière fois, ce que lui disaient les adultes. pages 101, 102

Le chemin de l'école est toujours un moment  de rêvasser. Comme le dit Lucette.  Jean est, de toute façon, toujours dans la lune. A six ans, Jean fait seul deux kilomètres pour se rendre à l'école: cela fait quand même huit kilomètres à pied, puisqu'il arpente les rues quatre fois par jour, en rentrant  déjeuner le midi. page 141
 
Juin 1968. Depuis que Marie est partie, onze mois ont passé. Jean a bien grandi. Lucette lui a tricoté des pulls gigantesques dont il déplie les revers au fur et à mesure qu'il s'allonge. Il est allé chez le coiffeur et a demandé la coupe à la mode: celle en brosse.  C'est Bonne Soirée , le journal de Tante Françoise qui en faisait l'éloge. Lucette était contente;  elle n'aurait pas aimé qu'il choisisse une version très  chevelue , comme celle des yéyés. page 151
 
(Lucette, Jean , Françoise, la tante et sa famille sont allés à Paris pour un baptême d'un cousin. Marie est la marraine) Il (Jean ) ne reconnaît pas cette personne à la chevelure peroxydée et toute gonflée sur le dessus, mais il identifierait  entre mille cette odeur: tabac, citron  et touche de miel... Lorsque Marie se retourne vers le fond de l'église,  elle ne discerne pas non plus cet enfant qui plonge la tête dans l'allée....Mais quand il relève la tête, Marie est en train de remettre son sac à main sur l'épaule et s'apprête à suivre les filles de son âge, qui quittent déjà la fête.
- Mais tu vas où? lui  demande-t-il de sa petite voix d'enfant.
-En discothèque, avec mes cousines. mais avant, je vais leur montrer la vraie vie parisienne....
Je suis désolée. je n'ai pas eu le temps de t'écrire autant que je l'aurais voulu...
-  Tu viens Marie? On t'attend ou quoi?...
- J'arrive. A bientôt Jean....
Jean, lui reste seul...pages 157, 158
 
Dans le train de retour, Jean reste silencieux. Il n'a pas décroché un mot depuis la veille...Il a pris sa décision: tous ses demains se feront sans elle. Il ne veut plus rien attendre d'elle. Jamais. Il sera peut-être  enfin heureux ainsi. page  160
 
Lorsque le lendemain, Lucien( le facteur) arrive  avec une lettre de Marie, Jean l'attrape et la met directement dans la poubelle., sous les yeux ahuris des deux complices.  Lucette et Lucien écrivent les lettres pour  faire croire à Jean que c'est  sa mère qui lui envoie des nouvelles). page 171

(Lucette a changé d'appartement )  Lucette a complété  le luxe de son  appartement avec une machine à laver le linge. Elle raffole de  sa Vedette...Page 190
(Les cousins et Tante Françoise sont partis vivre en Allemagne, pour suivre  l'oncle, Alfred)   Juin 1973. Jean avec Mémé va les voir.
Jean est content de constater que ses cousins , à première vue, ne se sont pas trop "germanisés" ..Il les retrouve égaux à eux-mêmes. page 201
 
 

vendredi, janvier 18, 2019

FIN DE ROMAN EN PATAGONIE ( Mempo Giardinelli)

Originaire des zones tropicales du nord-est de l'Argentine, Mempo Giardinelli décide, un jour, de partir pour l'inconnu: la Patagonie. Il s'embarque à bord d'une vieille Ford Fiesta en compagnie d'un ami, avec un budget de 2000 euros chacun et de 40 jours de liberté.
Récit de voyage tissé de fiction, d'esquisses d'intrigues, d'amitié,  de grandes discussions et de silence, ce livre est une invitation à la découverte de ce bout du bout du monde connu encore sauvage, en cours de destruction, mais peuplé de gens à l'hospitalité légendaire.
 
"Grand raconteur d'histoires, Giardinelli, tout au long de ce voyage plein de tendresse, nous fait partager ses rencontres et nous donne un livre délicieux sur une Patagonie qui n'a rien à envier à celle de Chatwin. " Luis Sepulveda.
 
"Quand vous partez en voyage, laissez votre vie chez vous, dans votre village ou votre ville. C'est un attirail inutile". Juan Filloy  Periplo (1930)
 
Le matin ensoleillé où nous avons pris le départ, nous étions comme deux gosses qui font l'école buissonnière, la rabona, comme on dit en Argentine. Nous sommes allés regarder, un fois de plus,  l'immense fleuve et le débit impressionnant du Paraná a réussi , comme toujours, à calmer l'anxiété quasi infantile qui me gagnait. Fernando m'a regardé de ses yeux illuminés de poète et m'a murmuré à voix basse, avec son accent madrilène, : "Bonne chance, vieux frère". page 17
 
Nous avions préparé le voyage pendant toute l'année (1999 ) par courrier électronique et décidé que trente ou quarante jours seraient suffisants pour réaliser notre objectif....Notre détermination était  donc notre meilleur bagage. page 18
 
La Patagonie argentine, ces gigantesques et mystérieuses étendues escarpées et totalement arides de 787 291 km2, une fois l'Allemagne réunifiée, par exemple ; ou la moitié du Mexique, ou encore la Grande - Bretagne, la Hollande, la Belgique , le Danemark, le Portugal, l'Autriche et l'Allemagne réunis.... mais à peine peuplée d'un million et demi de personnes et avec une densité de population atteignant tout juste 1,88 habitant au km2. 
Du point de vue politique, elle comprend  cinq provinces...page 35
D'un point de vue économique, la Patagonie  est notre région la plus riche en pétrole et en se possibilités minières, encore inexplorées, paraissent infinies. En surface, le vent balaye tout: moutons, guanacos, et nandous et même la côte très riche en espèces progressivement dévastées par une exploitation commerciale des plus irrationnelles et des plus féroces.  page 36
..La question de la Patagonie, territoire toujours occupé par les Indiens qui  ne reconnaissaient aucune souveraineté nationale et attaquaient sans cesse les garnisons. page 37
 
Patagones est une ville où l'on peut mourir d'une mort romantique. Patagones est une jeune fille sérieuse, elle attire.
Patagones pourrait bien être une ville côtière du Brésil. patagones est jolie comme le baiser d'une fiancée. Les jours de pluie.
Patagones est noble, rustique et sévère et, à la fois,  douce comme un menin.
Pour écrire sur Patagones, il faut mettre une main sur son cœur et fermer doucement les yeux.  (Arlt) page 42
 
Je prends conscience brusquement que notre voyage sera  uniquement littéraire, tout au moins au sens de la conversion textuelle de l'expérience...Je veux que personne me dise comment est la Patagonie, ni qu'on me suggère ce que je dois voir ou laisser de côté. Je veux apprécier tout ce qui me tombera sous les yeux et avoir sur toutes choses un regard vierge...Je veux sentir, je veux que ce qui apparaîtra ou m'arrivera soit imprévu. Je découvre que c'est pour cette raison que j'ai presque rien lu ou relu sur la Patagonie, ces derniers temps: les voyages des autres sont les voyages  des autres et rien de plus. Je veux faire  un voyage, mon voyage, je veux le construire pas à pas, et pour cela, il ne faut pas lire le récit d'autres périples...Page 43
 
Quand la pensée magique remplace la réflexion critique raisonnée et quand ce phénomène se généralise dans une société, on peut en attendre les conséquences sociales les plus graves. page51
 
Ce Néant que nous trouverons tout au long du voyage,  a déchaîné mythes et légendes et exerce une immense attraction sur des millions de personnes dans le monde entier.
...Je suis aussi Darwin traversant ces steppes avec un sauf-conduit délivré par Juan Manuel De Rojas lui-même et s'interrogeant sur le sacré et le profane dans cette région du monde d'une poésie infinie  et d'une infinie tristesse, stérile et accablée comme une mère aux seins desséchés...page 56
 
"Et de quoi vivez-vous, Abraham?
- De vent et de souvenirs, comme tout le monde; dit-il et aussi à me demander sans cesse à quel moment je me suis trompé de chemin. page 61
 
La culture  garantit la stabilité démocratique; que l'autoritarisme s'appuie toujours sur l'ignorance et que la meilleure littérature ne reflète pas la réalité mais y fait allusion. Punir tous les responsables de ce génocide que fut la dictature; ne pas le faire, c'était risquer de faire perdre toute visibilité à la confiance populaire, c'était le découragement et le discrédit , l'échec de la démocratie retrouvée. Malheureusement, on a choisi de châtier  partiellement certains généraux dont la responsabilité était incontestable et on a laissé en liberté des dizaines d'assassins qui marchent aujourd'hui dans les rues assoiffés de revanche ...pages 69, 70
Ecrit-on pour publier?  Pour éviter les pressions des agents, des éditeurs, des lecteurs? Pour se sentir exister ou se délecter de la facilité du "succès"? Pour gagner de l'argent?  La littérature est-elle  une manière de  chercher des réponses que nous ne trouverons jamais! Ou, en dernière instance, n'écrit-on pas finalement pour savoir pourquoi on écrit? page 71
 
Les indigènes de Patagonie, comme ceux de toute l'Argentine,  il faut le reconnaître pour notre honte, premiers habitants natifs  de ces contrées, ont été les principales victimes  de la "civilisation".  Ils ont été arrachés à leur terre,  privés de leurs droits, de leurs traditions, et de leurs coutumes, complètement  éliminés de certaines régions et, de surcroît, exploités pendant des décennies....Pourtant, ils ne sont pas hostiles, au contraire. En Patagonie, on trouve partout des gens aux traits indigènes, purs ou métis et l'on remarque aussitôt qu'ile évitent les contacts avec une exquise discrétion ou s'occupent de la vente de leurs produits  artisanaux  avec dignité, sans accepter de marchandages dégradants. page 84
 
(Une institutrice de Patagonie) Pour emplir ses fonctions, elle doit parcourir tous les jours quarante kilomètres à l'aller et au retour dans une jeep déglinguée achetée avec son mari. Elle parle, sans se plaindre mais on se demande néanmoins comment elle peut nourrir avec une telle somme ces enfants à qui on sert régulièrement, du lundi au vendredi,  le petit déjeuner, le repas de midi,  et le goûter. Tous sont fils de pêcheurs ou d'ouvriers agricoles de la péninsule....
"Pendant des années, nous n'étions pas inscrits au budget dit-elle. Nous ne  recevions rien, ni matériel, ni argent;, parce que nous n'avions pas de numéro....Et bien sûr, nous n'avons pas de courant électrique. ...pas de frigo... Tout juste, une salle de classe et une petite cantine...."page 87
 
"La Patagonie est une prison ouverte, précise Lito. On est en liberté mais on ne peut pas en sortir" page 95
 
Quand un homme intelligent dit une sottise, c'est qu'il est distrait. Quand il en dit deux au cours  d'une même conversation,, c'est qu'il entre dans l'inéluctable sénilité de l'âge. Mais 'il en dit, à chaque moment, et n'a pas l'air vieux alors, pas de doute, il est amoureux. page 109
 
J'ai dit que dans notre Amérique, nous nous appelons Latino-Américains parce que nous nous pensons comme une totalité comprenant le Brésil, les Antilles, les Caraïbes, les Guyanes et la nation chicana: cette définition englobe quatre langues au moins. page 114
 
"Je suis ce voyageur qui ne sait jamais exactement où il va.....
Je suis ce chemineau qui cherche, frénétique, la découverte, l'introuvable, le déconcertant.
...Je suis un navigateur dont la boussole s'est brisée, imprécis, capricieux, la mort elle-même ne doit pas être définitive quand on lui résiste à grand renfort e marche et à marche forcée. Je suis l'infatigable hamster prisonnier qui chemine à en mourir, errant et changeant comme me vent, susceptible comme un fuyard, tout juste un calligraphe, un versificateur qui médite et raconte, prosaïque et profane et ne reconnaît pas d'origines, un fou peut-être, un insoumis, un inclassable...page 116
 
Ce qui est impressionnant, c'est de vivre dans une aussi terrible solitude. Autour de nous, tout est gris et la certitude de l'abandon s'ajoute à la mélancolie des lieux. page 121
On ne voit personne, pas un gaucho, pas le moindre troupeau de moutons,, pas l'ombre d'une estancia. le paysage est une immensité grise et brutale  et tout n'est que pierre, vent et néant. page 127
 
C'est à San Julian que Magellan a débarqué en 1520, un an exactement après qu'Hernan Cortès ait mis le pied à  Veracruz pour entreprendre sa marche fabuleuse sur  Tenochtitlan et trois lustres exactement  avant la fondation de Buenos Aires.  page 135
J'essaie d'imaginer comment les indigènes vivaient ici avant l'arrivée des conquistadors , espagnols et créoles. ...Patagonie viendrait de "patagons" qualificatif appliqué  par les  Européens  à ces Indiens qui étaient , à leurs yeux, des " géants, si grands que nous leur arrivions tout juste à la taille"...page 141
 
Dans ce pays, tout particulièrement, un paradis, même s'il est peuplé d'indigents, autant de richesse inutile devrait ébranler toute forme d'indifférence....En Patagonie, ce n'est pas seulement l'argent qui fait défaut mais l'imagination, l'audace....Ce n'est pas leur faute mais celle de la dictature - elle a produit une génération de parents pleins de ressentiment - et de la dissolution de l'Etat. Il y aurait tant à faire ici. Il suffirait d'esprits plus ouverts, d'un Etat qui finance simplement l'irrigation au goutte-à-goutte, l'énergie éolienne et le goudronnage des voies de communication. page 167
 
Les éleveurs ont misé sur la globalisation et la globalisation les a écrasés. page 181
Derrière la fenêtre, un vent antarctique a soufflé toute la nuit, pareil à celui qui a dû faire perdre la tête à Amundsen et à Scott. page 183
 
Je pense au regard  un peu paradoxal des gens qui, comme moi,  voyagent beaucoup et finissent involontairement par devenir des sortes de correcteurs de voyages...Il me semble que le voyageur , qu'il le veuille ou non, finit par réécrire non seulement le souvenir de ses  voyages mais aussi le paysage qu'il a traversé.  On  n'a d'yeux  que pour les gens et les rencontres, les découvertes donnent aux voyages une dimension unique, inestimable...Plus que les paysages contemplés, le souvenir des gens rendra  la mémoire du voyage plus puissante et plus précise. page 185
 
dans cette immense vacuité, impossible de ne pas remarquer  que la richesse de la Patagonie à l'aube du XXIè siècle n'est plus liée au pétrole,  au bétail, ou à l'activité  portuaire mais au tourisme. ...Pour le moment les seuls visiteurs sont les Européens discrets et silencieux, admirateurs de l'immensité vide et adeptes de la pondération. Mais un jour, arriveront les Américains du Nord et ce sera le carnaval des dollars. Il faudrait se préparer à recevoir  la richesse qu'ils sont capables de dispenser mais aussi de contrôler les désastres qu'ils provoquent inexorablement. pages  195, 196

Il s'agit d'un canyon...On l'appelle le Pinturas, certainement parce que les parois donnant au nord sont couvertes de centaines de peintures rupestres: mains, cerfs,  silhouettes  et toutes ces choses peintes sur les rochers il y a des milliers  d'années pour marquer son identité, convoquer les gibiers ou les dieux eux-mêmes...page 200
...Me voici  maintenant dans ce lieu isolé du monde, sans télé, sans radio, et le silence  est une bénédiction. page 201

En Patagonie, les crochets donnent  parfois lieu à d'heureuses découvertes. dans la vie aussi. page 205
Avec un mélange de  chagrin et  de culpabilité, je sens que notre voyage se termine. J'ai toujours été un exilé et je connais bien ce sentiment....J'ai dû vivre un exil forcé de presque dix ans, il a déterminé mon existence, l'a modifié page 225

Il n'y aura jamais  d'investissements  en Patagonie si on ne prépare pas le changement: voilà ce que les responsables locaux se refusent à comprendre. Mais pour cela, il faut éduquer, goudronner, établir des colons et leur donner des crédits, il faut mettre à profit l'énergie peu coûteuse et exercer un contrôle impitoyable sur l'homme, ce terrible ennemi de la nature. page 229
De nombreux nazis ont trouvé sur la cordillère des paysages  alpins,, des versions germaniques de la Forêt Noire ...cette protection offerte aux nazis en fuite  est  la  plus grosse dette envers l'humanité  contractée par  Juan Domingo Péron âge 230

La Patagonie est sans doute merveilleuse mais ces territoires vides, ces  immensités parfaites qui  nous ramènent toujours à la véritable dimension de notre petitesse, à notre fugacité et à notre importance infinitésimale sont également accablants...Il serait bon  que tous ces leaders mondiaux, tous ces présomptueux , tous ces paons ... viennent prendre un bain de Patagonie .Le monde serait sans doute différent. Meilleur.Page  232

mardi, janvier 08, 2019

MAITRES ET ESCLAVES ( Paul Greveillac) 2018

Kewei naît en 1950, dans une famille de paysans chinois au pied de l'Himalaya. Au marché de Ya'an, sur les sentes ombragées du Sichuan, aux champs et même à l'école, Kewei, en dépit des suppliques de sa mère, dessine du matin au soir. La collectivisation des terres bat son plein et la famine décime bientôt le village.
Repéré par un garde rouge, Kewei échappe au travail agricole et à la rééducation permanente. Sa vie bascule. Il part étudier les Beaux-Arts de Pékin, laissant derrière lui sa mère, sa toute jeune épouse, leur fils et un village dont les traditions ancestrales sont en train de disparaître sous les coups de butoir de la révolution.
Dans la grande ville, Kewei côtoie les maîtres de la nouvelle Chine. Il obtient la carte du Parti. Devenu peintre du régime, il connaît une ascension sans limite. Mais l'Histoire va bientôt le rattraper.
 
Paul Greveillac est né  en 1981....Il retrace ici, le destin vibrant d'un artiste chinois.
 
Les soldats avaient quitté , dix jours plus tôt, Kumming " la ville du printemps éternel". Ils avaient marché tout ce temps. Ils tâchaient de se donner du cœur et de se tenir chaud, en enchaînant les rengaines de chez eux. Ils étaient jeunes et bien nourris. Ils avançaient vaillamment. On avait parfois rabattu sur ses oreilles les pans des ouchankas fournies par le grand frère soviétique ,en octobre, parce qu'on était en montagne. Certains souriaient , d'un sourire franc d'homme simple, heureux d'aller en découdre  au Tibet car, à en croire la propagande, c'était leur devoir et ce serait facile.
 Ils allaient affronter une armée d'impérialistes aux rangs gros des bergers et de moines. Armés, pour moitié seulement, de vieux fusils anglais qui s'enrayeraient de frousse à la seule vue de l'Armée Populaire. Ils étaient mieux ici qu'en Corée, où leurs frères d'armes combattaient les Etats-Unis. Un adversaire que Mao, certes, avait réduit à un  "tigre de papier" , mais , qui, en attendant, possédait l'arme nucléaire et n'avait pas hésité à s'en servir, cinq ans plus tôt, contre le Japon. page 17

Lorsque le planton fut de retour, accompagné de Tian Yongmin, un garçon était né. Le brouillard  s'était dissipé. Membre de l'ethnie des Hans , fils de paysans, le nouveau-né avait pour nom " Tian", pour le champ qu'on cultive, mais aussi pour le cadre dans lequel on peint. page 19

Appendu à la porte qui donnait sur la courette que son ménage partageait avec ses grands-parents,  un petit panier de rotin rond, empaqueté de rouge, contenait une paire de baguettes, ainsi qu'un pichet de vin de riz. C'était le signe qu'on avait enfanté. Un fils...page 21
 
Et puis, surgit le camion.  C'était un gros camion de transport de fabrication américaine, sur les portières duquel on devinait encore, peint au pochoir, un soleil blanc à douze rayons: la cocarde des forces de Tchang Kai- chek. Il dépassa Kewei dans un fracas ordurier, sacrilège dans la montagne peuplée par les mânes. Dans la benne du camion, grande comme une maison aux yeux de l'enfant, une dizaine de jeunes soldats partaient vaillamment attaquer la roche au marteau piqueur. Construire la route bitumée qui relierait Chengdu à Lhassa.
Kewei était bouche bée.
Plongé dès sa naissance dans la grande nature, il cherchait l'exotisme.
Et pour lui, c'était ce camion poussiéreux qui venait de faire irruption grossièrement au Paradis. page 36
 
Il (Kewei) ne sortait de son silence que pour dire à quel point il détestait l'école.  Xi Xyan répondait que l'école n'enseignait pas comment devenir un bon paysan. Yongmin regardait tristement son fils. Il pensait au contraire que l'éducation était i:mportante. Qu'il fallait que son fils apprît à lire et à écrire. Pour mieux savoir peindre et atteindre à la "Triple Perfection" - alliage  de la peinture, de la calligraphie et de la poésie. page 43

Jiang ( le chef du village) fronçait les sourcils. Il en était convaincu: la redistribution des terres avait été une étape nécessaire, mais c'était par  la collectivisation qu'on réaliserait le socialisme. page 49

La cantine de la coopérative venait d'être mise en place. On y faisait bombance. ...Devant une telle opulence, les aïeux Tian et Xi hochaient négativement la tête...,ça ne peut pas durer pensaient-ils Tout autour d'eux, les paysans s'empiffraient  en louant Jiang, Mao. Le Parti.  Yongmin mâchonnait et ne disait rien. Kewei observait le portrait de Mao. page 54
 
A la cantine, cependant, quelques semaines après la récolte des semis d'automne, il y eut soudain bien moins à manger. Les réserves étaient presque vidées. Dans l'arrière-cour, les volailles pesaient plus en plumes qu'en chair. les porcs étaient illicitement égorgés avant l'âge.  IL faisait chaud. ...Et pourtant on n'avala bientôt qu'un bol de riz et du bouillon trop épicé....On avait faim, désormais, quand on rentrait chez soi. page 58
 
Les diables communistes déboulèrent en nage dans la courette en hurlant, poussant devant eux des brouettes d'objets divers.: cassolettes à repasser la soie, casseroles bombées encore grasses, épingles à cheveux enchevêtrés. Tout ce qui ressemblait de près ou de loin à du fer , à de l'acier,  devait être entassé immédiatement.. page 60
Et la Nouvelle Chine, industrielle, surpasserait bientôt la Grande Bretagne, et puis, un jour, les Etats-Unis. page 61
Il vaut mieux laisser la moitié de la population mourir de faim, afin que l'autre moitié puisse manger suffisamment page 66
 
Quelques mois plus tôt, lors des "festivités" du Nouvel An,, on s'était battu à la cantine.  A cause de quelques grains de riz. Le sang avait détrempé le parterre craquelé  page 70
 
Lorsqu'il vit s'approcher la première Jeep, Kewei quitta le chemin et escalada, à toutes jambes, le flanc du haut talus....Jamais il n'avait vu autant d'hommes rassemblés devant ses yeux....Le spectre de la famine le hantait encore. Lui-même était si cave et ces hommes étaient beaux. page 92
Kewei peignait des  scènes champêtres et des cascades argentées sur des éventails, que sa mère partait vendre au marché de Ya'an. page 102
 
Dans le village, il n'y avait plus de vieux. Il y avait en revanche beaucoup d'enfants, très jeunes. La famine avait dévoré la base et le sommet de la pyramide des âges. L'avait rabotée jusqu'à en faire une tige de bilboquet. C'était manifeste, en cette fin de mois de septembre, alors que se répandent dans les ruelles, en faveur de la fête de la mi-automne, des centaines de diablotins qui, d'ordinaire, dormaient déjà depuis longtemps. lls couraient partout, manquant de s'étouffer  des jaunes d'œufs de cane qui fourraient des gâteaux de lune. Leurs parents, assis dans la rue, autour de tables basses, trinquaient bruyamment, au vin d'osmanthe....La lune, c'était elle que l'on fêtait  en même temps que la récolte, la lune était pleine  comme un sou d'or. page 11
 
Le village  connut bientôt une animation extraordinaire. Il se  transforma en organisme drogué à un opium plus puissant que la religion, cocktail de peur, d'impuissance,  de sadomasochisme et de pulsions malsaines. Sur la grande place, on trouvait  désormais moins d'illettrés que  ceux dont on rédigeait les confessions, des écrivains publics. Auto-critique ordinaire: 20 jiao. Auto-critique du tonnerre: 50  jiao. Les hauts - parleurs , à présent, relayaient les attaques enragées des gardes rouges contre les quatre vieilleries. page 116

Zhong envoya  Kewei à Chengdu peindre  des grands formats de propagande...On racontait  qu'il s'y passait  des horreurs pires qu'au village. La capitale régionale était barricadée. Aux prises avec la guerre civile.  page 136
 
Kewei lisait sans être sûr de bien comprendre.  Lui, Tian Kewei, fils de paysans  moyens-riches, il était accepté  quelque part.  Aux Beaux-Arts.  A Pékin.  Afin d'y suivre sa formation de peintre.  C'était tout bonnement inconcevable...Il eut un vrai vertige.  Il devinait obscurément que sa vie prenait un cours radicalement nouveau, qui pourtant était celui de l'évidence.  page 149
 
A Ya'an , Kewei poursuivit ses études. Il rejoignit  les rangs des paysans nouveaux. page 152
-Kewei, mon fils,  On nous a apporté  un courrier....Lis! Lis!  Que nous sachions de quoi il retourne. ...Kewei prit la lettre des mains de sa mère.  Il reconnut l'en-tête. La calligraphie de Mao- Zedong.
Pékin l'appelait. Le sommait de se rendre aux Beaux-Arts. On lui rappelait que lui, "paysan moyen-riche" ,y avait été accepté presque deux ans auparavant. C'était une chance unique. Entre les lignes, on se demandait bien ce qu'il foutait. S'il n'était pas un contre-révolutionnaire, crachant  à la figure de l'art prolétarien.
- "C'est Pékin...., bredouilla-t-il. Les Beaux-Arts. page. 156
 
Il avait fait le voyage tout seul. page 164...Alors Kewei était parti. Il était attendu à Pékin. Mais on n'attendait que lui. page 165
Aux yeux  de Kewei, Pékin était à la fois une jungle et un désert. Il avait souvent l'impression de déambuler dans une immense salle  de cérémonie vidée de ses invités. Le silence alors  l'écrasait. Il se demandait où tout le monde avait bien pu passer. page 166
Le camarade Tian Kewei  occupait à présent  une cellule aux murs blanchis à la chaux. Le pensionnat des Beaux-Arts avait été construit récemment. page 167

L'instructeur passif se borna  à faire défiler les copies et à demander aux étudiants  de les applaudir.  C'était très simple. Plus la copie  était applaudie, plus elle était réussie. ...Lorsque l'instructeur présenta  à la classe la copie de Kewei , pas un seul étudiant n'applaudit. page 180
Lors de la séance de critique - autocritique du soir, on sous-entendit l'opposition de Kewei au Gand Bond en avant. Après tout, il n'avait  peint que deux des trois petits drapeaux rouges , c'était forcément parce que,  des trois piliers de  la Nouvelle Chine, ( la ligne populaire de construction du communisme, les communes populaires, le Grand Bond en avant)  il n'y en avait qu'un qu'il refusait de soutenir.
Kewei fut bien  forcé d'avouer: "Je comprends ma faute...." page 184
 
Quelques semaines plus tard,  Xi Yan reçut une enveloppe  en provenance de Pékin....C'était la première fois que Kewei envoyait de l'argent. C'était un petit pactole...Li Fang et le bébé pouvaient désormais le rejoindre  la tête haute. Là-bas .A Pékin page 197

Le Président des Etats-Unis  d'Amérique,  Richard Nixon, se rendrait bientôt en Chine pour tendre la main au Grand Timonier., mettant fin à vingt-cinq ans  de rejet  boudeur et mauvais perdant. page 201
 
Le seul autoportrait de Tian Kewei date de l'été 1971 page 203
 
Deux courants cohabitaient alors, comme deux voisins de palier qui voudraient s'ignorer - mais qui partagent le même charbon pour se chauffer -  Le pragmatisme de Zhou Enlai et le révolutionarisme de Jiang Qing s'observaient en chiens de faïence. page 249
 
Kewei s'ennuyait. Il n'en laissait rien paraître....Lorsque la lumière des projecteurs l'atteignait, dans la pénombre, le badge jetait vers Kewei  de petites étincelles.
Le jeune peintre était de retour à Shanghai pour y lancer la campagne opposant à postiori le moderne  Lu Xun à l'antique Confucius. Disparu en 1939, passeur de littérature  japonaise et russe , Lu Xun ne fut pas plus communiste que Confucius. Mais l'habile Mao récupéra celui qu'on considérait comme l'un des pères de la littérature chinoise contemporaine. page 264
En un  an et demi, Kewei avait beaucoup changé. Il était devenu l'aspirant dignitaire aux dents longues.  Mauvaise foi. Ego calculateur. Il ne poursuivait plus qu'un seul but: faire "fructifier son capital politique" . Il voulait obtenir son bol d'acier: la carte du Parti.  page 264
 
A vingt-cinq ans, le camarade  peintre Tian Kewei entra au Parti Communiste chinois. apparatchik parmi les apparatchiks, il vint rejoindre les  trente-deux millions de membres de l'élite politique ( de l'élite tout court), du pays le plus peuplé du monde. Trente-deux millions, c'est une broutille : moins deux pour cent de la population.  page 298
 De la mort du Grand Timonier, Xiazhi ( fils de Kewei)  retint surtout le blanc. Le blanc aveuglant des chemises et des tuniques en deuil... La peur tenaillait Kewei.
La Chine était en deuil.
La Chine ne savait plus à quels saints se vouer.  page 322
 
Le lendemain, ...Li Fang ( épouse de Kewei) se jeta sous un train. Ironie du sort, ce fut sous le Pékin-Shanghaï.
...Xiazhi haïssait son père...  pages 335, 336
Il avait vingt-huit ans. Il était fatigué. page 340
 
Kewei ne peignait plus. il ne dessinait plus. Il avait laissé son talent en friche.  A produire pour d'autres, il  s'était renié lui-même . L'au-delà le lui reprochait.   page 358
 
Sur le bureau du camarade Tian, s'amoncelaient de plus en plus de revues, reproductions, programmes; maquettes. La vie culturelle était en pleine floraison.  Kewei s'évertuait toujours à bien faire son travail.....Il guettait sa propre déchéance sur les visages de ses collègues, de ses supérieurs. Paranoïaque, il finit par l'y voir. Un tel ne lui avait pas tenu la porte.  Tel autre ne l'avait pas salué. ...page 378
 
(Kewei est venu dans son village natal) Kewei mit pied à terre.. Devant lui, s'étalait le village de toujours . Ici, rien n'avait changé. La terre. Le torchis. La misère.  Et sur les murs, des slogans effacés par le temps., comme des repentirs oubliés....Il poussa un portillon rouillé. Le cimetière était vide. ...Il voulait se souvenir. Mais il était trop tard. Il se perdit parmi les morts....Devant la tombe de son Den, il ne ressentit rien. Le poids de l'accablement avait disparu. Mais  c'était pire maintenant. La gorge sèche, le cerveau vide,  et le cœur muet, il se tint là quelques minutes. Toujours rien.  Même pas le silence, qui est l'absence de bruit. Rien.  page 390

Il avait fait les Beaux Arts. Il avait vécu la révolution  et ses privations dans sa propre chair. ...Pourtant, n'importe quel usurpateur pouvait à présent , s'improviser artiste.  ....
La Révolution culturelle avait pourtant été la décennie la plus fructueuse du camarade Tian. page 406
 
Den Liqun dressait le portrait de la Chine....Hystérique. Epileptique.  Individualiste.  Egoïste. Méprisante envers les pauvres.  En voie de devenir pire encore qu'une bourgeoise , la Chine se muait en parvenue. La pureté  de la République Populaire était attaquée de toutes parts. Par les forces de l'étranger. Par le cancer de l'argent. page  413
 
(1984) Le camarade Tian consacrait désormais l'essentiel de son temps à se faire tout petit. En attendant des jours meilleurs, le moment de se jeter sur la proie, il hibernait. ....Il était de nouveau au chômage. Il avait meublé , pendant presque un an, sa solitude et son désoeuvrement...Page 425
 
Dès le lendemain de l'annonce du décès de Hu Yaobang, la place Tian'anmen était occupée par une centaine de manifestants, réclamant plus de réformes, plus de démocratie, plus de lutte contre la corruption....Quelques jours plus tard, plus de cent mille personnes déjà,, sur  Tian'anmen.  ...
En parlant  de la révolution, Mao aimait à reprendre un vieux proverbe : " une seule étincelle peut allumer un feu de prairie".
L'étincelle, ce fut l'éditorial du Quotidien du Peuple du 26 avril 1989. Il qualifiait les manifestations étudiantes de "troubles anti-Parti et anti-socialistes" occasionnés par une "infime minorité aux desseins inavoués", par " des conspirateurs" en vue de "plonger le pays tout entier dans le chaos". La prairie, c'était Tian'anmen. C'était Pékin. C'était la Chine toute entière. page 438
Le 16 mai, plus de trois mille manifestants faisaient la grève de la faim....Li Peng  présenta ses excuses à Gorbatchev. Il eût pu étrangler de ses mains les squatteurs de Tian'anmen. page 444
 
Janvier 2017. La République populaire de Chine allait vaillamment sur ses soixante-dix ans.  Elle avait survécu aux régimes socialistes de l'Europe de l'Est. Elle avait damé le pion à sa grande rivale d'autrefois, l'URSS.  Ses cousins, par alliance, Cuba ou la Corée du Nord, étaient devenus des  mésalliances.
Kewei , vieilli, ridé, seul, déambulait parmi les mutations du "rêve chinois" de Xi Jinping.  ...Après Tian'anmen, le père avait repris l'œuvre inachevée du  fils ( mort sous les chenilles des tanks en 1989)Il en avait revu  la perspective  approximative. Il avait apporté la dernière touche. ...page 456