vendredi, mai 31, 2019

BREXIT, L'AUTOPSIE D'UNE ILLUSiON ( Alex Taylor) 2019

-" On vient de l'apprendre, Alex Taylor, c'est officiel, votre pays quitte l'Union européenne"
Il es 7 h17, le 24 juin 2016. J'apprends la nouvelle en direct sur un plateau de télévision. Le Brexit m'arrache une partie de mon identité. Je choisis mon camp: je veux devenir Français.
 
Qui mieux qu'Alex Taylor, citoyen britannique s'il en est, britannique d'origine ayant fait sa carrière et sa vie  on the continent, pour  dévoiler les vraies causes, souvent mal comprises, du Brexit? C'est un livre personnel, teinté d'humour et de nostalgie, un plaidoyer vibrant, rempli de tendresse, pour cette Europe en laquelle il croit plus que jamais.
 
 
Le Brexit m'a touché au plus profond de moi-même. It's personal. Je suis né en 1957, avec la signature du traité de Rome. Mon adolescence coïncide avec l'entrée tardive de mon pays dans le club. Ma vie a été infiniment plus riche en raison de cette idée loufoque de réconcilier ce bric-à-brac de pays ayant passé une bonne partie du siècle à se massacrer.
Je viens d'un milieu plutôt modeste, et surtout d'un pays qui était dans les années 1970 l'homme malade du continent. La Grande Bretagne obligée de demander des emprunts au FMI, frappait à la porte pendant dix  longues années, quémandant  de pouvoir rentrer. Cinq ans après , j'arrive en France, laissant derrière moi the winter of discontent - ( hiver 1978-1979).Le Royaume-Uni était au bord du collapse,  en faillite, criblé par d'interminables grèves. Des poubelles, voire des cadavres, pourrissaient dans les rues...Page 9
J'étais très content de venir chercher du travail dans un autre pays où j'avais  plus ou moins les mêmes droits que les ressortissants. ...Personne  ne m'a jamais fait sentir que je n'avais pas le droit d'être ici, un Européen vivant avec d'autres Européens , en plein cœur de l'Europe. page 10

En votant le Brexit, mes compatriotes m'ont enlevé, du jour au lendemain, une partie essentielle de mon identité. page 12
En trois semaines, je rassemble formulaires, traductions assermentées, fiches de loyer et de paie. Je passe les tests  de niveau de français. J'apprends les innombrables noms des rois de France pour l'entretien d'assimilation. Dix-huit mois après, je suis le fier détenteur d'une nouvelle carte d 'identité de cette magnifique République qui m'avait accueilli quarante ans auparavant. page 13

Nous habitions un monde où tout tournait plutôt autour du verbe" avoir". ...Aujourd'hui, le verbe être semble avoir pris sa place. Le Brexit  n'est autre chose qu'une crise d'identité qui prend la forme d'un monologue. " Tribu ou pas tribu? That is the question. page 15
 
Le Brexit n'est autre que ce gros éclat de colère, point culminant d'une crise identitaire qui couve depuis la Seconde Guerre mondiale. page  30
 
 
Beaucoup de Français, notamment mes confrères, confondent anglais et britannique. Quelles sont au juste "Les Iles" britanniques? Il n'y a pas qu'une. En tout, ce sont plus de six mille, deux grandes et une multitude de petites. ...Ensemble, avec la Grande Bretagne, ce sont les "British Iles".
..."Britannique" correspond aux deux îles donc, mais, hors de ce  contexte géographique, l'adjectif British s'applique à la Grande Bretagne plus l'Irlande du Nord. Les deux se trouvent réunies sous une seule entité administrative:  le Royaume Uni.  pages 35, 36
Les Unionistes de l'Ulster sont plus royalistes que la Reine, plus british que les Britanniques.
...Autre signe de cette crise identitaire, les Britanniques ont de plus en plus de mal avec les autres drapeaux de notre "union précieuse". page 39
 
53% des Anglais ont voté le Brexit, 60% dans certaines régions. Un sondage début 2013 montre que 35% des habitants de l'Angleterre se sentent plus anglais que britanniques et leur nombre ne cesse de grimper. ...Près de la moitié des Anglais veulent un parlement anglais, même si aucun député ou représentant ne fait campagne pour le réclamer.  C'est un thème largement absent des médias.
L'Angleterre n'a pas d'hymne. Peu d'Anglais connaissent le jour de la fête nationale, le jour de ce  même saint George ( le 23 avril). page 42
 
Les mots ont de l'importance. N'oublions pas qu'il y a le mot "Great" dans Great Britain. Il y a tout de même peu de pays au monde qui s'autorisent un tel compliment.  page 44
 
Je suis né à Luton, au nord de Londres. A la fin des  années 1950, le "smog" emmitouflait encore la capitale et ses environs. Mes parents anglais ont "émigré"  vers l'extrême sud-ouest du pays afin d'offrir un air plus pur à leur seul et unique fils, né avec quelques faiblesses pulmonaires. Plus exactement en Cornouaille ou les Cornouailles, puisque les Français hésitent. Cornwall en tout cas; le pays des mouettes et des goélands. page 46
 
Les Britanniques n'ont pas de pièce d'identité. Inimaginable ailleurs. Les raisons de cette absence remontent au cœur de la conception qu'ils ont de leur "contrat" avec la nation...Difficile d'avoir "des sans-papiers" , lorsqu'il n'y a pas de papiers à avoir.
Cette absence de papiers d'identité, incompréhensible et souvent ignorée de ce côté de la Manche,  rend le refus britannique d'appartenir à Schengen, même  quand ils étaient dans l'Union européenne, plus compréhensible. page 53
Cette absence de papiers est l'une des motivations des Africains à Calais voulant se rendre en Grande-Bretagne. Une fois sur le sol britannique, les contrôles d'identité n'existent pas. page 54
Comment expliquer sinon qu'il s'agit de l'un des pays rarissimes au monde, avec l'Arabie saoudite, à ne pas avoir une constitution écrite? On  fait parce qu'on a fait. On est parce qu'on était. page 55
L'une des conséquences de cet absence de papiers est que les Britanniques ne sont pas tenus de prouver leur identité dans cet acte de citoyenneté fondamental: voter. page 62
 
Il est évident que l'expérience des deux Guerres mondiales est radicalement différente en  Grande- Bretagne que sur le reste du continent. page 67
La Grande-Bretagne a de plus en plus de mal  à savoir quelle est sa place dans le monde, quelque part entre la nostalgie des grandeurs d'antan et un refus d'accepter un rôle plus modeste. Le ministre danois des Finances, Kristian  Jensen, a pointé ce dilemme, énervant bon nombre de Brexitteurs...:" il y a deux sortes de nations européennes aujourd'hui, affirme-t-il. Les petites et celles qui ne se sont pas rendu compte qu'elles son petites". page 72
 
La "remembrance" à l'égard de la Première Guerre mondiale est bien différente des souvenirs de celle d'après....Le symbole de cet acte, de ce processus du souvenir est le poppy. Le coquelicot est l'équivalent du bleuet en France. Les ressemblances s'arrêtent là....Une usine  dédiée à Londres fabrique, chaque année,  quelque 30 millions de poppies. En 2014, la douve de la Tour de Londres, dans une exposition spectaculaire, fut entièrement couverte de 888243 coquelicots en céramique, le nombre recensé de soldats britanniques tués entre 1914 et 1918. pages 77, 78
 
J'ai fait des revues de presse européenne pendant plus de trente ans. je peux affirmer, sans retenue , que la presse britannique, tout en étant parfois la plus exigeante, est également de loin, la plus odieuse du continent. ..;Pour comprendre leur portée, ( The Sun, The Mail  soutenaient le Brexit), il  faut savoir que ce message est passé non seulement pendant la campagne du référendum, mais depuis des décennies déjà. page 103
Selon une étude de la Loughborough University, 82% des articles parus dans la presse britannique pendant la campagne du référendum avaient un ton négatif à l'égard de l'Union européenne.  page 104
La réputation de la presse britannique prend un sacré coup lorsque l'on apprend, par exemple, que Reporters sans Frontières l'a rangée derrière l'Uruguay, Samoa et le Chili en raison des restrictions sur les reporters. page 112
 
Le Brexit a été remporté par ceux de ma génération pour qui l'histoire était plutôt une mythologie qu'un vrai sujet d'étude. page 123
 
Si les Britanniques connaissent une version parfois  romancée de leur rôle  dans "les Grandes Guerres", ils en savent énormément peu sur leur propre Empire, si ce n'est une certaine mélancolie nostalgique. Je ne me souviens d'aucun cours à l'école sur la colonisation. Je revois vaguement une carte du monde dans ma salle de classe dans les années 1960....
Rien en revanche dans notre programme scolaire sur la moindre guerre ou atrocité, les exploitations, les famines  à l'époque de l'Empire. page 127
 
A bien des égards, la Grande-Bretagne est incontestablement un pays davantage tourné vers le reste du monde que vers les côtes juste en face. Tous connaissent la phrase de Churchill: " A choisir entre l'Europe et l'Atlantique, la Grande-Bretagne choisira toujours le grand large.  La question , avec le Brexit,  est de savoir si, dans le monde tel qu'il se dessine, à choisir entre la passé et l'avenir, la Grande-Bretagne opérera pour l'illusion ou la réalité. page 133
 
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques manquaient singulièrement de main-d'œuvre. On demanda à des Antillais de venir les aider dans la reconstruction du pays. Le Windrush était le premier navire qui transporta la nouvelle main-d'œuvre vers la Mère Patrie. Il y a des images poignantes de ces hommes, de ces femmes qui débarquent vers une nouvelle vie, une valise et parfois, un ou deux enfants à la main. Tous sont remplis d'espoir, de frissons aussi sous la pluie du port de Southampton. On ne leur a jamais donné de papiers, ni aux premiers arrivés, ni à leurs enfants nés après. En 1970, le ministère les rassure: ils seront considérés à tout jamais comme Britanniques à part entière.  En 2010, la ministre de l'Intérieur, une certaine Mrs May, décide de créer une ambiance "hostile à l'immigration illégale". Dans l'impossibilité de produire des  papiers qu'on ne leur avait jamais donnés, des centaines d'entre eux ainsi que leurs descendants furent licenciés, voire parfois expulsés du pays....Page 143
Le racisme s'exprime beaucoup plus facilement à l'égard des Européens vivant depuis peu dans le pays. Les actes de violence à leur égard se sont multipliés depuis le référendum. page 145
Au moment du Brexit, il y avait un nombre estimé à 3,5 millions de ressortissants européens au Royaume-Uni. "Estimé" car personne n'a jamais entrepris de les compter. page 146
Les raisons du Brexit, loin d'être un rejet massif du projet européen, c'est plutôt l'aboutissement d'une vaste crise d'identité sous forme de dialogue interne. L'Europe, si mal connue sur place, n'a été que le miroir déformant dans lequel les Britanniques se sont vus.  Comme ils ne se sont pas reconnus, ils ont poussé un tonitruant" go away" collectif. page 151
 
Le Brexit a eu des conséquences les plus inattendues. J'ai récemment fait un reportage sur un sujet les plis poignants. Il s'agit de britanniques d'origine juive qui, depuis le référendum ont demandé la nationalité allemande. Des dizaines de milliers de Juifs ont fui les nazis, juste avant le déclenchement de la guerre, pour s'installer en Grande- Bretagne, notamment avec les Kindertransport.
Une clause de l'article 116 de la Constitution allemande, prévoit que l'on peut demander la nationalité allemande, pour soi et ses propres descendants, si celle-ci fut révoquée "pour des raisons politiques, religieuses ou raciales". Voulant garder leur citoyenneté européenne, 1667 personnes  en 2017, 1229 en 2018 page 164
 
La France a attendu longtemps des moments clés comme le procès Barbie pour lancer un vrai débat sur la place publique....IL fallait du temps pour admettre que les Français n'avaient été ni plus glorieux ni plus lâches que les autres.
Les pays voisins ont surtout regardé avec un certain étonnement, voire admiration, la façon dont la vie politique française a pu être marquée dans l'après-guerre par un seul homme. Le général Eidenhower notamment  a compris beaucoup mieux que Roosevelt, qu'il valait mieux s'associer à un héros du peuple que d'essayer de lui imposer celui de son choix. Le général De Gaulle était la personne idoine pour incarner " the next step"
Churchill est passé à la postérité comme héros de la guerre . De Gaulle y passera comme acteur d'après-guerre.
Par la simple force de sa personnalité, De Gaulle a réussi à imposer sa lecture de l'histoire à une France qui n'avait nullement besoin d'en chercher, voire d'en inventer une autre. SA vision était celle qu'il fallait pour propulser le renouveau industriel du pays....Les Allemands et les Britanniques se cantonnent jusqu'à aujourd'hui à leurs rôles respectifs de vainqueur et de vaincu.  pages 170, 171
 
" Nous avons fait l'Italie, reste à faire les Italiens" affirma Massimo d'Azeglio, l'un des Pères de cette nation au moment de sa création  en 1861.  Nous avons fait l'Europe en 1957, les "Européens" eux, semblent toujours aux abonnés absents. page 175
 
Aujourd'hui, l'Europe ouvre ses frontières comme jamais auparavant. Le Brexit remonte hélas le pont - levis sur la forteresse. Les prémices de ce divorce entre la Grande Bretagne et l'Europe furent jetés avant même la signature du traité de Rome. La Grande  Bretagne envoya tardivement, à la conférence de Messine en  1955, le sous-secrétaire de la Commission pour le commerce, Russell  Bretherton......(il a dit) : " Le traité dont vous discutez n'a  aucune chance d'aboutir. Si jamais il est validé, il sera totalement inacceptable pour les Britanniques..." page 188
Albert camus, dans un discours peu connu, parle mieux que quiconque de la trame de l'histoire qui se déroulera pendant plus d'un demi-siècle. En 1950, déjà l'écrivain avertit en quelque sorte contre le Brexit: " Votre pays aura droit à une reconnaissance encore plus grande de la part des hommes libres, lorsque vos vertus ne se  réalisent plus dans l'isolement. L'Europe  a  besoin de la Grande-Bretagne. Aussi misérable que soit l'état du continent aujourd'hui, la Grande- Bretagne ne trouvera guère son salut hors de l'Europe. ...Pour le meilleur et pour le pire, les destins de l'Europe et de la Grande- Bretagne sont liés. le mariage est nécessaire mais ne se fait pas dans la joie.  Comme le nôtre n'est guère réjouissant, tâchons au moins qu'il soit durable. le divorce est hors de question." pages 189, 190

Mrs May m'a définitivement perdu le jour où elle affirmait , froidement : "  Si vous pensez être citoyen du monde, c'est que vous êtes citoyen de nulle part. Vous ne comprenez pas ce que veut dire la citoyenneté". page 201

Qu'ils inventent un passeport et une vraie citoyenneté européenne!  on ne peut continuer à reproduire aux Européens de ne pas se sentir européens si on leur refuse la moindre possibilité de s'identifier comme tels.  page 202
Donald Tusk, le Président du Conseil européen: " l'enfer réservera un lieu particulier à ceux qui ont oeuvré pour le Brexit sans songer un seul instant comment le mettre en oeuvre".  page 204

Le Brexit peut faire du bien de part et d'autre. Il peut permettre aux Britanniques de trancher une bonne fois pour toutes avec cette crise identitaire qui les poursuit depuis la fin de la guerre. ...Le Brexit peut également permettre à une Europe plus réunie, dépourvue de ses principaux râleurs , de forger  un nouveau rôle dans un monde où il fait encore plus froid que jamais. page 206
 
Un sondage paru en 2012, expliquait que l'appartenance à l'Union européenne était le dernier des soucis des Britanniques.
La marge entre Leave et Remain était des plus réduites. Un  référendum plus démocratique aurait sans  doute donné un résultat différent. Pourquoi n'a-t-on pas laissé voter les jeunes concernés au plus haut point par ce choix fondamental?  Deux ans auparavant , les 16-18 ans avaient bel et bien le droit de voter sur l'indépendance de l'Ecosse. Là, tout d'un coup, ils n'étaient plus assez mûrs pour décoder d'un avenir pourtant plus large?  Un pays " normal" n'aurait pas privé non plus de vote un million de Britanniques échoués sur le continent, concernés au premier chef par ce référendum qui - qui nous - arrache droits et certitudes. Si ces deux catégories avaient pu voter, le résultat aurait été différent.   page 207
 
 

vendredi, mai 24, 2019

VIVRE (Yu HUA)


 VIVRE!  ( Yu Hua )
 
Fugui, enfant gâté et unique héritier de la famille Xu, est un fils prodigue qui dilapide son bien, au grand dam de son épouse Jiazhen. Ruiné, il est contraint de travailler la terre. Mais ce revers de fortune se révèle une chance au moment de l'avènement  du la Chine communiste: autrefois fils de propriétaire foncier , désormais simple paysan, il échappe au triste sort réservé aux nantis. Les tourmentes successives qui secouent le pays tout au long du XXè siècle, n'épargneront toutefois pas sa famille.
Immortalisé par le film de Zhang Yimou qui en a été tiré , ( Grand Prix du jury au festival de Cannes , 1994) Vivre! est le premier roman de Yu Hua dans lequel l'émotion et la compassion prennent le pas sur la violence. Considéré en Chine comme une œuvre majeure, ce livre célèbre l'inaltérable volonté de vivre, par - delà les malheurs et les coups du destin.
 
A cette époque, notre famille n'était pas encore ruinée. Nous, les Xu, nous possédions plus d'une centaine de mu de terres qui s'étendaient  d'ici jusqu'à la cheminée de l'usine que vous voyez là-bas. Mon père et moi, le "vieux" et le "jeune" maître, nous étions connus très loin aux environs, pour notre richesse. page 14
 
Selon mon père, j'étais incorrigible depuis ma plus tendre enfance . Le professeur, lui, prétendait que j'étais du bois pourri, impropre à la sculpture. Aujourd'hui, je pense qu'ils avaient raison, tous les deux, mais ce n'était pas le cas à l'époque.  page 15

( Le jeune père de famille a perdu au jeu , il doit rembourser sa dette de jeux. Son père lui commande de la rembourser avec des sapèques. ) Le jour même, je commençai à porter les sapèques jusqu'en ville avec une palanque, faisant une dizaine de lis à pied pour aller rembourser ma dette.
- "Vous vous donnez beaucoup de peine pour rien, remarqua-t-il. Ce serait plus simple avec des
pièces d'argent"
....Brusquement, je compris pourquoi  mon père avait commandé des sapèques plutôt que des pièces d'argent. Il voulait m'enseigner une vérité: me faire sentir combien l'argent était difficile à gagner. Cette idée me coupa les jambes. accroupi au bord de la route, je  me mis à sangloter en hoquetant, secoué jusqu'au bas du dos. page 40
" Tant qu'on est heureux, il ne faut pas avoir peur de la misère"  page 46
 
Fugui  a été enrôlé de force dans l'armée de  Chiang Kai shek...
"Est-ce que le président Chiang Kai shek va venir nous sauver?
- Imbécile, répliqua le chef en se tournant vers lui. "Même ta mère ne viendrait pas te sauver dans une pareille situation. Tu ferais mieux de te sauver toi-même." page 84
Lorsque l'Armée de Libération se rua vers nous....à ma grande  surprise , ils venaient nous apporter de la nourriture...;Je n'avais jamais vu autant de monde se nourrir ensemble. ...Nous avalions tous extrêmement vite
Le lendemain matin, on nous rassembla sur un  terrain vague, assis par terre, un rang derrière l'autre, avec deux tables devant nous. Un homme, qui avait l'air d'un officier, nous fit un discours. Il commença par parler de la nécessité de libérer toute la Chine . Puis, pour terminer, il déclara que ceux qui désiraient s'engager dans l'Armée de Libération devaient rester assis, et ceux qui voulaient rentrer chez eux pouvaient venir chercher de quoi payer leurs frais de voyage. pages 86, 87
 
A la suite de l'Armée de Libération qui allait porter la guerre dans le sud, je regagnai mon pays natal. Le temps passait vite, cela faisait presque deux ans que j'avais quitté ma famille. page 90
 
Lorsque j'étais rentré à la maison, le village avait commencé à appliquer la réforme agraire du parti communiste. On m'avait distribué cinq mu de terres, cinq mu qui appartenaient à Long'er ( qui l'avait dépouillé de ses biens pour une dette de jeux) Pour celui-ci, cette réforme avait été un grand malheur. Après avoir mené une vie aisée de propriétaire foncier pendant près de quatre ans, il avait tout perdu avec la Libération. Le gouvernement populaire  avait confisqué ses terres et les avait distribuées à ses anciens fermiers.  Mais il refusait de l'accepter. ...Il fut arrêté....On finit par le fusiller.
J'allai assister à son exécution. page 92

Plus je pensais à la mort de Long'er, plus je trouvais que j'avais eu de la chance. Si mon père et moi n'avions pas été si dépensiers, j'aurais sans doute été fusillé à la place de Long'er. je me touchai le visage, les bras, j'étais intact. J'avais vraiment eu beaucoup de chance.  page 94
 
En 1958, commença  l'époque de la commune populaire. Nos cinq mu étaient désormais propriété de la commune. Il ne nous restait qu'une parcelle de terre devant la maison. page 110
 Après l'inauguration de la cantine,  on réquisitionna toutes nos provisions, ainsi que nos deux moutons, ce qui nous fit beaucoup de peine. ...le chef avait raison: la cantine , c'était vraiment pratique, il suffisait de faire la queue pour pouvoir se rassasier.  La quantité n'était pas limitée, chacun mangeait autant qu'il en avait envie.  De plus, il y avait toujours de la viande....page 112
 
Le lendemain de l'ouverture de la cantine, le chef envoya deux jeunes gens du village acheter une chaudière en ville pour qu'on puisse fabriquer de l'acier. Tous les morceaux de poêles et d'objets en fer avaient été entassés sur l'aire de battage.
- Nous ne pouvons pas les laisser  dormir là dit le chef. Il faut les fondre rapidement. page 115
 
Tous les moutons du village avaient été tués. Les provisions de la cantine étaient épuisées. Seuls les trois buffles , destinés à labourer les champs, étaient encore en vie. Le chef du village assura qu'il allait demander de la nourriture à la commune, ...Ils ne ramenèrent pas le moindre grain de riz.
- La cantine sera fermée à partir de demain, dit le chef. Chaque famille va acheter une poêle en ville et on mangera à la maison comme autrefois.
Sur un mot du chef, on avait commencé par démolir toutes les poêles , et maintenant, on allait les racheter page 130
 
Les vieux paysans pleuraient: " De quoi allons-nous vivre? se demandaient -ils.
 Les jeunes, eux, avaient encore l'espoir que l'Etat nous viendrait en aide.
- Inutile de s'inquiéter, disaient-ils. le Ciel viendra à notre secours au dernier moment. le chef est parti demander du riz au district.
Le chef est allé trois fois à la commune et une fois au district.
....Les gens du village comptaient maintenant les grains de riz avant de les verser dans la poêle., car les provisions  étaient limitées. Au lieu du repas habituel, ils ne préparaient plus que la soupe de riz, qui se diluait de jour en jour....IL y avait  deux mois que nous n'avions pas mangé à notre faim. page 141, 142
 
Pourtant, la vie était extrêmement pénible, il fallait continuer à vivre. Chaque jour, elle ( son épouse) partait à la recherche de légumes sauvages. Comme elle ne mangeait jamais à sa faim, sa santé déjà mauvaise, s'altérait  de plus en plus.  page 146
- " Va boire pour te remplir le ventre, lui suggéra Jiazhen, désespérée.
Pour tromper sa faim, Youqin ( le fils) n'avait plus qu'à aller boire beaucoup d'eau à l'étang. page 148
 
Le jour où Erxi vint épouser Fengxia ( la fille de Fugui et de Jiazhen) on entendit de loin, résonner les gongs et les tambours. Tout le monde se précipita à l'entrée du village. Erxi avait amené une bonne vingtaine de personnes, toutes vêtues du costume Mao. Si Erxi n'avait pas eu une fleur rouge sur la poitrine, on aurait pu le prendre pour un cadre important de la ville. La vingtaine de gongs et les deux gros tambours faisaient un bruit assourdissant. mais le plus remarquable, c'était la charrette rouge et verte au milieu du cortège, sur laquelle était perchée une chaise décorée de la même manière. page 193
 
La révolution culturelle faisait  rage en ville. Les murs étaient couverts de dazibaos. Ceux qui les placardaient étaient des paresseux. Ils ne se donnaient pas la peine d'arracher les vieux pour coller les nouveaux.  Erxi et Fengxia avaient leur porte couverte de slogans. Et on imprimait des citations du président Mao sur les objets les plus courants. ...En ville, j'évitais les endroits trop fréquentés. Les bagarres étaient quotidiennes et je m'étais heurté plusieurs fois à des blessés, étalés par terre.  Je comprenais pourquoi le chef de notre village ne participait plus aux réunions qui se déroulaient en ville. page 202

( Je me suis rendue compte que j'avais déjà lu ce  livre vers les années 2010, en deux tomes.)
 
 

samedi, mai 18, 2019

LA NUIT, J'ECRIRAI DES SOLEILS ( Boris Cyrulnik) 2019

"Je sais maintenant, grâce aux récits intimes de mon for intérieur, et aux histoires des enfances fracassées, qu'il est toujours possible d'écrire  des soleils.
 
 Combien , parmi les écrivains,  d'enfants orphelins, d'enfants négligés, rejetés,  qui, tous, ont combattu la perte avec des mots écrits.
 
Pour  eux, le simple fait d'écrire changea le goût du monde.
 
Le manque  invite à la créativité . La perte invite à l'art, l'orphelinage  invite  au roman. Une vie  sans actions,  sans rencontres et sans chagrins ne serait qu'une existence  sans plaisirs et sans rêves, un gouffre de glace.
 
Crier au désespoir n'est pas une écriture, il faut chercher  les mots qui donnent  forme à la détresse pour mieux la voir, hors de soi. Il faut mettre  en scène l'expression de son malheur.
 
L'écriture comble le gouffre de la perte, mais il ne suffit pas d'écrire pour retrouver le bonheur.
 
En écrivant, en raturant, en gribouillant des flèches dans tous les sens, l'écrivain raccommode son moi déchiré. Les mots écrits métamorphosent  la souffrance. " B. C.

vendredi, mai 10, 2019

LES SEPT MARIAGES D'EDGAR ET DE LUDMILLA (J. C. RUFIN) 2019

Sept fois , ils se sont dit oui. dans des consulats obscurs, des mairies de quartier, des grandes cathédrales ou des chapelles du bout du monde. Tantôt pieds nus, tantôt en grand équipage. Il leur est même arrivé d'oublier les alliances. Sept fois, ils se sont engagés. Et six fois, l'éloignement, la séparation, le divorce.
 
Edgar et Ludmilla...Le mariage sans fin d'un aventurier charmeur, un peu escroc, et d'une exilée un peu "perchée", devenue une sublime cantatrice acclamée sur toutes les scènes d'opéra du monde. Pour eux, c'était en somme: "ni avec toi, ni sans toi". A cause de cette impossibilité, ils ont inventé une manière de s'aimer.
Pour tenter de percer le mystère, je les ai suivis, partout, de Russie jusqu'en Amérique, du Maroc à l'Afrique du Sud, j'ai consulté les archives et reconstitué les étapes de leur vie pendant un demi-siècle palpitant , de l'après-guerre jusqu'aux années 2000.  Surtout, je suis seul à avoir recueilli leurs confidences, au point de savoir à peu près tout sur eux.
Parfois, je me demande même s'ils existeraient sans moi.  J. C. R.
 
 
Ils étaient quatre, deux filles et deux garçons à rouler dans une Marly couleur crème et rouge pour relier Paris à Moscou. page11
Ils étaient rentrés depuis deux jours en URSS et s'enfonçaient dans les terres noires de l'Ukraine.
A la frontière, un cinquième passager les avait rejoints, à bord de la Marly...Un "guide touristique"....C'était un Géorgien d'une trentaine d'années...
Du fait de sa présence, les jeunes Français avaient très peu de contacts avec les populations. - si ce n'est aux étapes  prévues et aux interlocuteurs qu'on leur avait préparés. Page 21
 
(Ils arrivent dans un village et une jeune fille nue est dans un arbre) Les villageois s'étaient attroupés autour d'elle et allaient l'emmener mais le guide  voulut la voir et on la conduisit devant lui. Il avait grande envie de la frapper, mais il sentait autour de lui l'attention indiscrète des quatre étrangers et il se retint.
Il interrogea la fille...Elle regardait Edgar .....page 25
Quand un tel choc amoureux arrive, le temps est suspendu. Et quand il prend fin, aucun des deux épris ne pourrait dire combien il a duré.
Edgar ne bougeait pas. Il est difficile de rendre l'émotion qu'il ressentait. page 27
 
Une fois à Moscou, ils durent prendre part à des réceptions officielles d'une hypocrisie épaisse dans lesquelles personne n'était ce qu'il prétendait être, sauf eux. (les Français) page 29
 
(Edgar a décroché un travail pour Paris Match en URSS: faire un reportage sur Khrouchtchev)...C'était Ludmilla le but de ce voyage. Edgar n'avait fait que de l 'entrevoir mais il n'avait cessé depuis lors de penser à elle. page 33
 
Tout fut enfin réglé et une brève cérémonie put être organisée pour sceller l'union des deux inconnus. page 60
(Ils sont à Paris) Le contraste entre eux était saisissant. Ludmilla s'émerveillait de tout. Elle faisait de longues promenades dans les rues pavillonnaires...Edgar, lui, montrait tous les signes du désespoir.  Il avait contracté quelques dettes pour financer son voyage en Ukraine et devait maintenant les rembourser. page 67
 
Avec un vocabulaire simple, pour être sûr d'être compris, il annonça son intention de divorcer. ...Elle n'avait aucune envie de divorcer mais si cette séparation apportait à Edgar la paix et le bonheur, elle s'y résignait aussi, par amour. page 73
 
Avec ce divorce, Edgar avait retrouvé son énergie et cet humour qui était chez lui une  arme de combat. . Non pas qu'il fût heureux, il était libre, ce qui n'est pas la même chose. De cette liberté,  il ne faisait pas un usage hédoniste,: elle était la force qui le faisait avancer, imaginer, réaliser. page 77
 
Ludmilla se jeta dans l'étude ( de la musique). Le plaisir qu'elle y trouva lui fit oublier d'être malheureuse. page  83
Pendant ce temps, Edgar poursuivait, lui,  sa traversée de l'échec. page 83
Pendant qu'il gravissait à grandes enjambées les degrés de cette première réussite, il n'avait qu'une idée: revoir Ludmilla et lui offrir enfin la vie qu'elle méritait. page 89
 
L'amour était pour lui un corps mou auquel seul l'argent et tout ce qui permettait d'acquérir servait de colonne vertébrale. En somme, il jugeait son aptitude à être aimé en fonction de sa capacité à gagner de l'argent. Page 95
 
Le deuxième mariage eut lieu en juillet 1968, à la mairie du Xè arrondissement de Paris. Le calme était revenu dans la ville, les Parisiens partis en vacances, il faisait chaud. page 100
Ludmilla n'aurait jamais eu elle-même l'idée de ces nouvelles noces. Mais Edgar  les proposa, elle accepta tout naturellement. Elle y voyait une matérialisation du bonheur qu'ils vivaient depuis leurs retrouvailles. C'était aussi une occasion de s'habiller et de  faire la fête. page 101
 
Quand Ludmilla rentra boulevard Magenta, elle trouva Edgar soucieux d'une grosse vente prévue pour le lendemain. Au cours du dîner, elle lâcha négligemment:
- Je vais chanter à l'opéra.
- Ah bon , dit-il,  c'est bien.
Il était admiratif des talents de sa femme mais il faut reconnaître qu'il les considérait avec un peu de condescendance. L'essentiel pour lui était ailleurs, dans  ce qu'il faisait lui et qui lui apportait la prospérité. page 108
 
(Edgar a fait faillite, le couple ne possède plus rien) Edgar était plus abattu que jamais....Il s'accusait de ne pas être digne d'elle, de la rendre malheureuse, de l'avoir précipitée dans la pauvreté.....page 212
Ludmilla écouta tout cela silencieusement...Elle se leva, se planta devant lui...Puis elle parla.
- Maintenant, tu vas m'écouter.
Elle commença par lui dire qu'elle n'avait rien attendu d'autre de lui que de l'amour. Si elle avait tout risqué pour le suivre, ce n'était pas pour  de l'argent, ni un statut social, ni pour quelconques considérations matérielles. Elle l'aimait, c'était tout. Et elle n'espérait qu'une chose  de lui: qu'il partage avec la même force cet amour.
..Edgar, il ne parvenait pas à accepter l'idée  de cette égalité ( mari, femme)
- Dis-toi une chose, martela-t-elle sans le quitter des yeux, je ne suis pas à vendre et tu ne m'as pas achetée. je n'ai épousé  ni un compte en banque, ni un titre sur une carte de visite, ni un train de vie.
....- Et qu'est-ce qui me reste?  osa-t-il en redressant la tête. J'ai tout perdu.
 Mal lui en prit.
- Moi! hurla-t-elle. Il te reste moi. Mais cela n'a pas de valeur à tes yeux car on ne te l'a pas pris. pages 123, 124
....- Es-tu décidé, oui ou non, a traversé la vie avec moi en acceptant ce qu'elle nous apporte? Les joies, les  épreuves, l'inconnu. C'est ce qu'il y a  de plus beau à vivre, l'inconnu, tu ne crois pas?
Edgar opina mais haussa légèrement les épaules en signe d'impuissance...
- Je vais demander le divorce, prononça-t-elle, étonnée, elle-même par la netteté de cette réponse.
Il la regarda stupéfait.
- Le divorce? Et pourquoi?
- Pour que tu comprennes que je ne suis pas avec toi pour un papier. pour te délivrer des obligations que tu crois avoir à mon égard.  pages 124, 125

Il est difficile de comprendre pourquoi à peine un an et demi après un divorce qui les avait rendus si heureux, Ludmilla et Edgar éprouvèrent le besoin de se remarier. page 144
 
Edgar aurait pu souffrir de sa situation; il traînait  sa faillite frauduleuse, ne gagnait rien et vivait grâce aux revenus de sa femme. Pour quelqu'un qui avait eu naguère une si haute idée de ses responsabilités de "chef de famille", c'était l'opposé de toutes ses valeurs.
Or, non seulement, il ne fut pas sujet à la mélancolie, mais il traversa cette période avec un bonheur complet. page 148
 
Bien des ennuis de Ludmilla et d'Edgar sont venus de leurs fréquentations...
Cependant, le mari et la femme n'eurent jamais en la matière le même comportement. Lui était attiré surtout par les amitiés superficielles  et les personnalités originales, souvent  un peu troubles....
Ludmilla, au contraire, n'abandonnait jamais personne....Toute son existence, elle fut entourée d'une sorte de cour de gens aussi différents qu'il était possible....Ludmilla ne choisissait pas en fonction de la notoriété mais en suivant sa seule sympathie. page 156
Edgar était à l'aise avec tout le monde mais de son époque de pauvreté, il avait gardé une dilection particulière pour les gens ordinaires.  page 159
 
Le capitalisme offre une chance à qui sait la saisir: il blanchit tout, dès qu'un degré suffisant de réussite fait oublier l'objet initial et le remplace  par ce qu'il génère, c'est-à-dire l'argent.  page 194
 
Il (Edgar ) aimait prodigieusement sa femme, et,  sans qu'il s'en rendit compte, ce sentiment lui faisait désirer toutes les autres. page 211
 
Quand elle n'était pas avec lui ( son professeur d'opéra, Karsten) Ludmilla réfléchissait longuement à  ces relations tumultueuses. Ce n'était pas de l'amour. ...Ses relations avec Edgar; A celles-là, seules, elle réservait  le nom d'amour. ..C'était un face-à- face de tendresse, de respect,  de désir paisible. Elle devait d'ailleurs reconnaître que l'amour physique y prenait  peu de place....Elle aimait sa tendresse pour Ingrid( leur fille), même si elle souffrait d'en être exclue par l'enfant. page 213, page 214
Le poison du doute infectait la vie d'Edgar. (Il soupçonne Ludmilla et Karsten d'être amants) ...Que la jalousie survienne et l'amour enfoui réapparaît, balayant tout. page 224
Le troisième divorce de Ludmilla et d'Edgar fut le plus violent, le plus conflictuel et le plus long de tous....A leur colère personnelle s'ajoutèrent les conseils avisés de tous ceux qui s'emploient dans de telles circonstances à rendre le malheur plus profond et la séparation plus complète. Les amis chers, de part et d'autre,  vinrent conforter chaque combattant dans la certitude qu'il avait raison de se battre et ne devait rien céder....Quitter l'un ne signifiait pas qu'elle allait vivre avec l'autre: l'aventure avec l'Italien et son mariage avec Edgar étaient deux faces d'une même histoire. l'une servait de contrepoids à l'autre.
Enfin, le 10 juin 1983, ils se retrouvèrent une nouvelle fois sur les bancs du palais de justice. Ils y arrivèrent brisés et mutiques tandis que leurs avocats babillaient. On aurait cru deux prisonniers que les hommes en noir auraient capturés....Edgar obtenait la garde d'Ingrid. pages 229 et suivantes
 
Le quatrième mariage  fut fixé pour le début du mois de juillet. page 270
Quand ils se décidèrent (Edgar et Ludmilla)  à quitter le pavillon d'Ermenonville , au petit matin, ils durent affronter
  ce que, tout en prétendant le désirer, ils redoutaient le plus: se retrouver seul à seule.
Rien ne provoque la détresse comme le bonheur quand il est obligatoire. En ce jour  de noces, ils étaient contraints  de  se montrer heureux d'être ensemble. page 273
On peut donc dire qu'ils cohabitaient plus qu'ils ne vivaient ensemble. page 276
(Edgar  a été vu en Amérique ne compagnie d'une prostituée, mineure, rencontre téléguidée par un "ami" de Ludmilla.)  L'affaire  eut un retentissement énorme.
....Ainsi prit fin la quatrième union d'Edgar et de Ludmilla après quelques mois seulement d'une cohabitation sans passion. Si cette séparation n'avait pas eu de si graves conséquences, ils en auraient été, l'un et l'autre soulagés. page 292
Face à la tempête médiatique,  Edgar, je l'ai dit, a fait son choix de sauver ses entreprises...Les partenaires et subordonnés d'Edgar ont d' eux    , en face  d'eux, un homme grave,, déterminé, au fait de ses affaires. page 297...S'il suscitait de la sympathie, il ne se livrait pas, restait  solitaire et secret.  DE là  venait sans doute,  que Ludmilla ait toujours pris pour lui une place singulière.  Il y avait de l'amour certes, avec les fluctuations qu'on  a décrites. Mais une amitié les liait peut-être plus profondément encore. Elle était un confident  et jouait dans l'esprit d'Edgar...Le rôle de l'ami qu'il n'avait pas. page 298
...On avait appris peu après ( la faillite)  qu'il avait quitté la France à bord d'un vol pour Dubaï. Mais sa destination était inconnue. Un mandat international  était délivré contre lui. page 312

....Huit mois après son arrivée ( à Cape Town)  qu'il prit la décision d'interrompre le dialogue intérieur  qu'il entretenait avec lui-même. Il eut l'idée d'écrire à Ludmilla.  page 322
Deux mois se passèrent avant que Ludmilla prît la décision...
Ludmilla l'attendait, debout sur la terrasse. elle se tourna vers lui. Ils eurent un moment de surprise tant ils avaient l'un et l'autre changé. Ils étaient réveillés du long et haïssable cauchemar du succès, délivrés du culte narcissique  d'eux-mêmes que leur avaient imposé des carrières hors du commun. ..Ludmilla fit un pas. Edgar avança vers elle, haletant de sa course et tremblant de surprise. Puis, ils s'étreignirent, envahis l'un et l'autre par la sensation d'être à nouveau au complet dans ce monde. pages 325, 326
 
(Ingrid, la fille d'Edgar et  de Ludmilla reçoit un courrier de ses parents)
-3Il s sont dingues.
- Qui ça? "ils" demandai-je
- Mes parents.
- Eh bien?
- Ils m'annoncent leur mariage.
je ris à mon tour.
- ça fait combien maintenant?
-  Cinq!
- Ils t'ont donné des explications?
- Pas plus que  les autres fois. Ils disent qu'ils se sont retrouvés au Cap. Et comme d'habitude, ils invoquent des raisons pratiques: mon père est résident en Afrique du Sud,. Pour que Ludmilla reste avec lui, il fallait qu'ile se marient. page 330
 
Le  14 février 2006, dans son cabinet ...à Bourges, maître Paul Vouzeron, avocat du barreau, vit entrer une femme inconnue.......
- mon mari e t moi-même voulons divorcer.
- De nouveau?
- Oui.
....Maintenant que tout est terminé, cher monsieur, vous pouvez bine me dire  la vraie raison. Pourquoi avez-vous divorcé cette fois-ci?
- Comment vous n'avez pas deviné?
- J'avoue que non.
- Eh bien  maître, c'est tout simple. Pour nous marier. page 344
 
(Ingrid et son compagnon - qui est le narrateur,  sont chez Edgar et Ludmilla)
- Nous avons une grande nouvelle à vous annoncer.
Ingrid tressaillit.
- Nous avons divorcé, avoua-t-il d'une voix tremblante....
...En y réfléchissant, poursuivit-elle ( Ludmilla)  nous nous sommes aperçus qu'aucun de nos mariages n'a été un vrai mariage.
- Qu'entendez-vous par vrai mariage? , maman?
...Le premier était un mariage blanc. Ou tout comme: l'URSS, pas de visa, pas de papiers.
- Bref,  éluda Edgar.
- Le deuxième, un mariage d'opérette. La Rolls rose, le frac, ...
- Le troisième, un mariage de convenances.
- Le quatrième, un mariage pour les médias, Paris- Match, Point de  vue, strass et paillettes.
- Le cinquième , conclut Edgar lugubrement, un mariage d'exil.
.....- Si bien qu'aujourd'hui, nous allons nous marier, si l'on veut , pour la première fois.
- Vous aimez vraiment cela? dis-je pour les taquiner.
Mais Edgar répondit très sérieusement.
- Oui, nous aimons cela. Nous aimons ça comme un rêve, qui était celui d e notre enfance, et que nous n'avons jamais réalisé, bien que nous ayons cru l'atteindre. Et avec le temps, voyez-vous, le sens  de tout cela a changé.  Il nous emble aujourd'hui que le mariage est quelque chose de trop sérieux pour le confier à de jeunes gens.  Ce devrait être un aboutissement, vous ne croyez-pas? Un but à atteindre, un idéal. Pour y parvenir, il faudrait toutes les ressources de la maturité, toutes les leçons de l'expérience et le temps surtout, le temps pour rencontrer la bonne personne et la reconnaître.
...- bon, vous avez envie de  faire la fête. Vous n'étiez pas obligés de divorcer pour ça.
- Tu te trompes, intervint Ludmilla. A ce jeu-là, il faut miser. Et gros. Pour que l'engagement soit total, il faut la liberté de ceux qui  y consentent le soit aussi.
- Charabia, grogna Ingrid... page 348

( Edgar  a acheté un château pour ce sixième mariage et  a invité plein de monde) - Nous avons eu affaire à tous les corps de métiers qui s'occupent de mariage, de près ou  de loin: maires, consuls, notaires, avocats, prêtres et même ...détectives privés.....Nous avons décidé cette fois-ci de nous en passer.....Bref, nous sommes arrivés à la conclusion que la seule autorité à laquelle nous avions envie de nous en remettre,  c'était nos semblables, nos frères humains,. Vous.
Il laissa passer un temps puis conclut:
- C'est à votre garde vigilante que nous allons confier notre serment.
....Ensuite, tour à tour, les mariés se demandèrent leur consentement et se répondirent un  " oui". sonore. ..Ils échangèrent leurs anneaux, de fines  tresses d'acier sans valeur...Puis ils s'embrassèrent.  page 361, 362

Il ( Edgar) s'est éteint paisiblement à la fin du mois d'août.
..A mesure que les années passaient , - et Ludmilla  vécut six ans après la mort d'Edgar - elle parlait de  moins en moins volontiers de lui....Elle ne voulait plus parler de lui au passé. Elle pensait à lui souvent, peut-être même constamment, et cette présence permanente lui interdisait de le considérer comme un personnage disparu. Il était toujours présent en elle....Edgar était un véritable interlocuteur à qui elle livrait d=ses pensées et dont elle obtenait des réponses. je e compris quand je me rendis compte que, les rares fois où elle parlait de lui, elle utilisait le présent.
- Vous savez ce qu'il croit? me demanda-t-elle un jour ...
Je ne répondis pas..
- Il pense  qu'on va se retrouver au Ciel  un jour.
...- C'est bizarre parce qu'il n'est pas tellement religieux....
..;- Je sais bien pourquoi il croit cela; C'est tout lui, Tout lui. Vous avez deviné, bien sûr?
La question ne s'adressait pas à moi mais à un auditoire inconnu qui peuplait la grande salle de ses rêves.
- Non? Vous ne trouvez pas?  C'est simple. Il croit qu'il y aura  là-haut je ne sais quel type..et qu'en nous voyant, il proposera de nous marier.
Sa gaieté lui faisait presser le pas...
- ça fera sept. Un chiffre qui lui plaît.
Nous étions arrivés près d'une écluse...
...- On verra bien. page 368
 
 
 
 
 
 

mardi, mai 07, 2019

LE MONDE SELON GUIREC ET MONIQUE ( Guirec Soudée) 2019

Un marin,
Une poule,
Un incroyable voyage.
 
Jeune Breton qui n 'a   jamais connu   d'autre terrain de jeux que l'océan, Guirec Soudée écume les mers du globe avec pour seule compagne, une poule, Monique.
Ensemble, ils ont traversé l'Atlantique, rallié le Groenland, affronté 130 jours emprisonnés au cœur de la  banquise, franchi le périlleux passage du Nord-Ouest , mis les voiles pour le Grand Sud, essuyé des tempêtes dans  les  plus extrêmes latitudes, passé le Cap Horn, rejoint l'Antarctique avant d'amorcer un long retour jusqu'en Bretagne.
L'incroyable histoire d'un   garçon opiniâtre, qui n'attend pas que ses rêves se dessinent à l'horizon, et d'une  poule , concentré de fantaisie et de  courage, qui offre un œuf par jour à l'aventurier.
 
Guirec Soudée est originaire  de la petite île d'Yvinec dans les Côtes d'Armor. A 21 ans, convaincu qu'il vaut mieux vivre ses rêves plutôt que de rêver sa vie, il quitte tout pour faire le tour du monde en solitaire à bord d'un voilier de 10 mètres, fort de beaucoup d'humour et   de ténacité.
 
C'est ici que tout commence
 
Décembre 2012..
 
J'ai mon bateau. Je suis descendu de Bretagne pour aller le chercher dans le Sud, à Martiques. Moi, Guirec, originaire de Plougrescant, dans les Côtes d'Armor, j'achète un bateau en Méditerranée! page 13
Yvinec, c'est le plus bel endroit du monde. sur l'île, il y a une seule maison, la nôtre. Le continent n'est pas loin, 1 kilomètre à peine, lorsque la mer est basse, il  est impossible de rejoindre la terre à pied, et à marée haute, il n'y a que nous sur le caillou. page 16
 
Je voulais naviguer en bateau, mais avant, il me fallait de l'argent. Alors, j'ai tout quitté. Mon île, ma famille, le lycée, le confort d'une vie bien réglée.
J'ai vendu ma moto, acheté un billet pour l'Australie, un dictionnaire français-anglais, un guide Lonely Planet et j'ai tout planté là. Il me restait 200  euros. ...J'ai trouvé du travail à la récolte des pommes, des pastèques et aux vendanges......pages 18, 19
 
Je suis parti fin novembre. A l'arrache. Juste après avoir peint "Yvinec" en lettres vertes sur un côté de la coque. Pas le temps de faire les deux....La vie est trop courte pour les regrets. Tout anticiper ne sert à rien, sauf à t'empêcher d'avancer....Mon but, ça , je ne l'avais encore dit à personne , ce n'était pas de faire le tour du monde. C'était d'aller au bout du monde.  page 23
 
La veille de mon départ, j'ai dû appeler mon ami, Romain, pour lui demander de me réexpliquer comment on faisait le point, comment on calculait la longitude et la latitude sur une carte. page 24
 
J'ai appareillé tout seul. Personne n'était là,  et c'était mon souhait. page 27
 
( Guirec est à Madère ) Pour la première fois, je vais naviguer un mois d'affilée complètement seul. J'en meurs d'impatience. Avec une seule ombre au tableau: j'aurais aimé une petite compagnie animale. Mon père m'y a encouragé. ..;Un animal un peu utile. C'est alors que l'idée d'une poule m'avait effleuré. ça ne prend pas de place, ne fait pas trop de bruit et ça pond des œufs! Mon père avait jugé l'idée excellente. ...J'en parle à Iao...et quelques jours plus tard, arrive au Bahia un gros carton, à l'intérieur , une petite boule de plumes.
Une jolie poule rousse avec sa crête rouge vif et sa barbichette.
...Je la dépose sur le pont d'Yvinec. Elle secoue un peu ses plumes avant de partir en reconnaissance, circonspecte...Je dois lui trouver un nom. Sur mon bateau, j'ai plusieurs bols bretons, avec un prénom écrit dessus. J'ai le mien, bien sûr, un bol " Guirec" que j'ai emporté avec moi. Et puis , il y en a deux autres que d'anciens propriétaires ont laissés. Un "Jeannette" et un "Monique". J'hésite et finalement, je choisis Monique, ça sonne bien Monique pour une poule. pages 43, 44, 45
 
Première partie
 
Notre traversée de l'Atlantique.
 
Nous sommes partis! Le 17 avril 2014, à 19 heures. Si tout va bien, nous serons aux Antilles la première semaine de mai.  page 53
 
Comme je m'apprête à vivre quelque chose d'exceptionnel, j'ai emporté des petits carnets sur lesquels j'écrirai tout. Chaque jour, je consigne la météo, la vitesse du vent, celle d'Yvinec, ce que je mange,  ce que je pêche, un peu tout  et n'importe quoi, afin de conserver des souvenirs. Sauf que pour le moment, je n'ai pas grand-chose  à raconter. page 57
 
Après douze jours de mer, je commence à m'ennuyer. Je relis les notes dans mon cahier.
...Je commence à être impatient d'arriver, et je me  prépare déjà à la suite, au nouveau défi qu'il me faudra trouver. Monter vers le nord, aller voir le Groenland, à la rencontre des ours  blancs, des phoques et des renards polaires...et m'enfermer dans les glaces?
L'ennui me fait cogiter. Moi qui regarde toujours devant, je me surprends à me tourner en arrière. Je n'ai pas revu ma famille depuis un an. Mes sœurs ont eu des bébés que je ne connais pas ou peu. Mais c'est surtout à mon père que je pense. Je suis le petit dernier de ses huit enfants, il m'a eu tard. On est très proches, lui et moi. C'est la dernière personne que j'ai appelée avant de partir, la seule à me comprendre, à ne pas me traiter de fou quand je lui raconte mes projets, à m'encourager. A l'inverse, ma mère et mes soeurs se récrient: " Non Guirec, ne pars pas, c'est de la folie!" plus je veux leur prouver de quoi je suis capable. J'ai beaucoup de choses à leur prouver , et à me prouver aussi. Même si je ne sais pas encore bien quoi. page 71
 
Jour 27, 14 mai.
Incroyable! Je n'arrive pas à y croire. Quelque chose se dessine au loin. Une étendue de sable.
Terre en vue! On a réussi, à nous les Caraïbes! 
...J'appelle mon père, la dernière personne que j'ai eue au téléphone avant de quitter El Médano, la première que je veux entendre au moment de toucher terre.
" Papa, papa, c'est bon, j'y suis! Je l'ai fait papa, j'ai réussi. "
Je rigole au téléphone, je n'ai jamais été aussi heureux de ma vie.
J'ai juste  le temps de sentir la fierté dans  sa voix, avant de perdre le réseau.  page 79
 
Jour 28, 15 mai.
Vingt-huit jours et vingt-cinq œufs plus tard. , nous arrivons à Saint-Barth. Monique se sera bien amarinée. page 79
 
Ces vingt-huit jours en mer m'ont appris à faire corps avec Yvinec: manger, me déplacer, dormir à la gîte. Appréhender  ses faiblesses, jouer de ses qualités, anticiper la météo....
Désormais, je me connais mieux. Je pourrais  éprouver du découragement, m'apercevoir que je me suis trompé, que la solitude est trop lourde à porter, que je manque  encore de maturité pour une navigation en solitaire, que, finalement, je ne suis pas fait pour ça. C'est tout le contraire, j'ai découvert que j'aime la solitude, l'immensité et mon bateau. Et que j'ai envie de continuer, tout simplement. page 80
 
 
Deuxième partie
 
Pris dans les glaces
L'hivernage.
 
 Le 29 juin, à 6 heures, Monique se met à chanter avec le soleil. Je suis déjà sur le pont, excité. Je suis tellement impatient, je n'ai pas terminé de ranger Yvinec, c'est un joyeux bazar à l'intérieur....Cap sur le Nord , ma Monique! page 97
 
Après trois jours de navigation (après Halifax) plutôt  agréable, en équipage, on arrive à Saint-Pierre-et-Miquelon., un petit morceau de France au bout du monde. Nous sommes accueillis par une population généreuse .Tout le monde a le sourire. La télévision locale vient nous filmer à bord, on fait l'ouverture au  journal télévisé.
...Les températures baissent sérieusement.page 100
A trois jours de Groenland, apparaissent dans le ciel, des espèces de voiles verts, jaunes, roses qui dansent  au-dessus de nos têtes, comme si les extraterrestres diffusaient  des hologrammes;  Elles sont là! Mes premières aurores boréales, encore plus belles que je ne les imaginais, nous restons ébahis , la tête en l'air, le mât d'Yvinec semble  diriger l'orchestre  de lumières. page 101
 
Le 18 octobre, nous quittons enfin Illulissat avec un moteur en état de marche et un ponton couvert de bidons.  A 6 heures du matin, j'enfile mon collant et un  pull. C'est le noir complet dans le bateau...Le port est encore gelé....J'enclenche la marche avant. On est partis.
 Est-ce bien raisonnable? J'évacue la question.  De toute façon, je connais la réponse. C'est sûr, je suis un peu culotté, un peu inconscient. Mais renoncer, après tout le mal que je me suis donné,  je ne peux pas. page 113
 
Quand je suis invité  quelque part, je n'aime pas arriver les mains vides. J'essaie toujours d'apporter quelque chose, mais ici, l'histoires e complique... Alors, j'ai une idée: un œuf de Monique, tout frais pondu de ce matin. Je retourne au bateau, j'attrape le dernier et l'emballe délicatement dans du papier....un œuf tout frais, ils n'en ont jamais vu;  et  les poules, ils ne  les connaissent qu'à la télé ou dans l'assiette.  ( Guirec est au Groenland à Saqqaq) page 118
C'est le bout du monde, mais la société de consommation y est implantée de plain-pied. En fait, dès qu'un objet tombe rn panne, ils le rachètent, ils ne  font rien réparer.
De toute façon, il n'y a ni électricien, ni maçon, ni plombier, page 120
 
Sur le pont, le thermomètre indique - 28 degrés....Un iceberg a profité pour venir nous tenir compagnie....A l'extérieur, j'aperçois une lumière au loin. C'est un bateau de pêche, il me semblequ'il arrive vers nous.
Mais c'est Uno. ça alors, déjà de la visite!...Il met sa main sur le cœur, et me fait le signe " non", je ne comprends plus rien , si ce n'est  que ça semble sérieux.
" Viens Uni, monte! Come on board"
Une fois au chaud, il sort son téléphone portable et me montre la capture d'écran.  C'est un message pour moi, un message de ma  sœur Nolwenn
Je prends le téléphone. C'est du français, pourtant j'ai beau lire, je ne comprends pas. Parce que c'est incompréhensible. Parce que c'est inimaginable.
Mon père est mort.
C'est arrivé la veille...
Et maintenant, je suis là, tout seul, comme un con, au milieu de nulle part, tout seul avec une poule.
Uno me prend dans ses bras. Il ne peut rester, le temps est mauvais et il  veut rentrer avant la nuit. Il me serre une fois encore contre lui, et s'en va.  page 131
 
Si je résume, mon père est mort, il fait nuit tout le temps, on ne pêche pas, il y a un temps pourri, de la glace partout sur le bateau, la pompe de la cale, l'évacuation de l'évier, le spot pour éclairer à l'extérieur, le moteur de l'annexe ne marchent plus.
Heureusement, il y a Monique. Si je garde le moral, c'est en grande partie grâce à elle.  Il y a vraiment un truc entre nous.  On commence à bien se connaître tous les deux.  Elle me fait rire autant qu'elle m'énerve.  page 143

20 décembre. Je me réveille à 11heures, jette un coup d'œil à travers le hublot et, surprise, une fine pellicule grisâtre recouvre la mer...La glace s'est formée autour du bateau.. ça y est! Enfin! C'est la banquise! c'est la banquise qui s'installe! Un mois que je l'attends! page 147

11 janvier. Je ne trouve pas les mots pour exprimer la beauté du paysage ce matin. ...Je comprends ce que je suis venu chercher ici.  page 164
 
26 février On a encore perdu un peu de banquise au large. L'heure de la débâcle a sonné. Elle était censée se produire aux alentours du mois de mai.  page 183
Le froid n'a pas tenu longtemps, le thermomètre extérieur indique - 3 degrés. page 185
 
Le 2 avril. Le soleil est revenu. La glace a presque disparu, un petit  vent d'est nous pousse vers le large. C'est le moment. Avec un pincement au coeur, je remonte les 80 mètres de chaîne. Puis, je hisse les voiles et Yvinec glisse sur l'eau glacis. page 191
Cent trente jours et cent six œufs plus tard, nous quittons doucement ce qui fut  notre enfer de glace, notre paradis blanc. Dans cette baie silencieuse, je laisse une partie de moi. Quelques mois à peine se sont écoulés, pourtant quelque chose a changé. Je crois avoir trouvé ce que j'étais venu chercher: moi page 192
 
Troisième partie
 
 Le passage du Nord-Ouest.
 
A la fin du mois de mai,  je retourne à Llulissat pour remettre mon bateau en état....Avec le printemps, Monique s'est mise à me suivre partout., toujours entourés d'une nuée de gamins joueurs.  Mais, elle, une seule chose l'intéresse: les moustiques - très nombreux à cette saison- elle les attrape au vol  d'un geste expert et les dévore goulûment.
A la fin de mai, le soleil ne se couche plus. page 197
 
(Après une opération de l'appendicite à Paris)  Le dimanche 30 juillet 20016, à 23h05,  dans la douceur d'une nuit ensoleillée, l'estomac noué et le cœur en vrac, je lève l'ancre.
Un long chapitre se referme.
....Pendant ces mois sur la banquise, j'ai appris à  ralentir,  à réfléchir, à me poser pas mal de questions sur l'existence.
J'ai eu des moments de découragement, de ras-le-bol; mais ça n'a jamais duré. Et je n'ai jamais eu peur de mourir . J'ai craint de perdre mon bateau, et c'était horrible , de perdre  Monique aussi. 
J'ai compris que je ne manquais ni de courage, ni de force. Avec la mort de mon père,  j'ai appris ce que voulait dire "plus jamais". J'ai affronté une nature hostile, des tempêtes, le froid, la glace, la neige, les échouages. Mais je suis allé jusqu'au bout, sans baisser les bras. C'est déjà pas si mal. page 199 
 
....C'est ainsi, que le 1er septembre 2016,  après  trente-deux jours de navigation et 3400 milles, soit 6000 kilomètres, après le froid, la faim, la fatigue,  on jette l'ancre à Nome,  Alaska, point officiel d u passage au Nord(Ouest.
On a réussi, Papa, si tu me vois, tu dois être fier. ...Je ne suis pas le premier  à avoir franchi le fameux passage à la voile et en solitaire, mais une chose est sûre: Je suis le plus jeune et Monique est bien la première poule au monde  à pouvoir dire: " J'ai fait le Nord-Ouest". page 214
 
Quatrième partie.
 
De l'Alaska au Canada.
 
Grâce à Raino,, j'en apprends  plus sur les Amérindiens qui ont dû composer avec les pressions de la culture américaine...Puis, en anglais, il m'explique  que c'est  par l'art que sont transmises  l'histoire et la culture amérindiennes de génération en génération. page 229
Le 31 octobre 2016, je lève l'ancre. Yvinec glisse sur une eau lisse.
Le lendemain, nous reprenons la mer en  direction du Canada.  page 231, page 232
 
Malgré tout, je suis heureux, serein. Je regarde notre tracé sur la carte, voilà nous avons fait un demi-tour du monde. Où irons-nous ensuite?  Je ne cesse d'exploiter  des  champs du possible.  Mon doigt se perd  sur le globe, je me sens libre, libre comme l'air. page 234
 
Alors que l'été  s'installe,  je suis récompensé de mes efforts. Le bateau n'a jamais été aussi beau! A l' intérieur, gazinière toute neuve, une douche bricolée et des toilettes utilisables, un luxe!  Les murs sont complètement refaits, et fraîchement repeints. ...Page 243
Avant de passer une troisième fois le Cape Scott, je m'arrête au nord de Vancouver, à Hope Island. page 245
 
Après six jours de navigation au portant, j'arrive au large des côtes californiennes....Surgit  la silhouette du Golden Gate. page 247
Je m'engage sous le pont  avec Yvinec; toutes voiles dehors, moi et Monique sommes impressionnés et fiers de franchir ce monstre d'acier. page 248
 
 
Cinquième partie.
 
En route vers le Grand Sud.
 
Le 30 novembre, au matin,  nous repassons le Golden Gate., cette fois  en direction  du grand large, cap sur la Pacifique Sud. On quitte la civilisation, et pour longtemps. Pour atteindre Ushuaia et l'Amérique du Sud, 7000 milles de navigation sont à parcourir, l'équivalent de trois traversées de l'Atlantique du  Cap Vert.  aux Antilles. Si tout va bien, nous en avons  pour deux mois de mer. page 253
 
Au large du Mexique, le climat tropical se fait ressentir, cela fait plus de deux ans que je n'avais plus senti la chaleur sur ma peau.  page 255
 
Aujourd'hui, c'est Noël et quel plus beau cadeau que le passage e l'Equateur! C'est une grande première pour Yvinec, , Monique  et moi. J'éprouve une nouvelle excitation, Monique n'a pas l'air de se rendre compte que nous surfons sur nos rêves d'enfance. page 258
 
Nous ne sommes plus loin du point Nemo, l'endroit le plus éloigné de toute terre, le plus isolé de la planète. C'est plutôt flippant. Un  sentiment de grande solitude s'empare de moi, je le chasse de mon esprit. page 264
 
On devrait arriver au Cap Horn dans  trois ou quatre jours. Et ça y est, j'ai vu mon premier albatros!J'en rêvais, c'était magique de le voir planer, épouser la houle, avec une telle légèreté. page 268
Nous passons le Cap Horn le 19 février, sans nous en rendre compte, trop loin pour apercevoir la terre. page 271
 
Cape Town nous ouvre les bras, marquant la fin des hostilités. J'exulte à la vue des premières courbes montagneuses. Quelle délivrance!   quel soulagement! page 281
 
Sixième partie
 
La longue remontée.
 
Après seize jours de mer, terre en vue! Nous sommes vendredi 13, toutes voiles dehors au beau milieu de l'océan, la mer est formée, et laisse apparaître par intermittence la dernière terre d'exil de Napoléon.  L'ambiance est mystique. Sainte-Hélène me plaît déjà. page 287
 
Nous passons les îles de la Dominique, Guadeloupe, Montserrat, Saint-Christophe. Je passe au vent de Saint-Barth...page 291
 
Le 15 décembre, au matin, je m'engage dans le Kerpont entre l'île de Bréhat et Béniguet...La baie de Paimpol s'ouvre à moi. Dernier bord sous voile. Yvinec glisse à toute allure, Monique est dressée sur ses pattes, et moi, je suis survolté. Je suis fier de ma petite poule aux œufs d'or, mon équipière de choc. La foule nous attend au bout de la jetée., la musique bretonne retentit, mon cœur s'emballe, je suis ivre d'émotion.  Un mélange de fierté et d'accomplissement me submerge. Tout se bouscule dans ma tête.  Flash-backs, je n'en reviens pas, on aurait dû mourir sept fois au moins, mais on l'a fait:" On l'a fait, Momo, on a réussi! On est à la maison! " A quai, toute ma famille bondit d'impatience. C'est l'heure d'affaler les voiles.
 
Il ne manque que toi papa....page 296