vendredi, mai 24, 2019

VIVRE (Yu HUA)


 VIVRE!  ( Yu Hua )
 
Fugui, enfant gâté et unique héritier de la famille Xu, est un fils prodigue qui dilapide son bien, au grand dam de son épouse Jiazhen. Ruiné, il est contraint de travailler la terre. Mais ce revers de fortune se révèle une chance au moment de l'avènement  du la Chine communiste: autrefois fils de propriétaire foncier , désormais simple paysan, il échappe au triste sort réservé aux nantis. Les tourmentes successives qui secouent le pays tout au long du XXè siècle, n'épargneront toutefois pas sa famille.
Immortalisé par le film de Zhang Yimou qui en a été tiré , ( Grand Prix du jury au festival de Cannes , 1994) Vivre! est le premier roman de Yu Hua dans lequel l'émotion et la compassion prennent le pas sur la violence. Considéré en Chine comme une œuvre majeure, ce livre célèbre l'inaltérable volonté de vivre, par - delà les malheurs et les coups du destin.
 
A cette époque, notre famille n'était pas encore ruinée. Nous, les Xu, nous possédions plus d'une centaine de mu de terres qui s'étendaient  d'ici jusqu'à la cheminée de l'usine que vous voyez là-bas. Mon père et moi, le "vieux" et le "jeune" maître, nous étions connus très loin aux environs, pour notre richesse. page 14
 
Selon mon père, j'étais incorrigible depuis ma plus tendre enfance . Le professeur, lui, prétendait que j'étais du bois pourri, impropre à la sculpture. Aujourd'hui, je pense qu'ils avaient raison, tous les deux, mais ce n'était pas le cas à l'époque.  page 15

( Le jeune père de famille a perdu au jeu , il doit rembourser sa dette de jeux. Son père lui commande de la rembourser avec des sapèques. ) Le jour même, je commençai à porter les sapèques jusqu'en ville avec une palanque, faisant une dizaine de lis à pied pour aller rembourser ma dette.
- "Vous vous donnez beaucoup de peine pour rien, remarqua-t-il. Ce serait plus simple avec des
pièces d'argent"
....Brusquement, je compris pourquoi  mon père avait commandé des sapèques plutôt que des pièces d'argent. Il voulait m'enseigner une vérité: me faire sentir combien l'argent était difficile à gagner. Cette idée me coupa les jambes. accroupi au bord de la route, je  me mis à sangloter en hoquetant, secoué jusqu'au bas du dos. page 40
" Tant qu'on est heureux, il ne faut pas avoir peur de la misère"  page 46
 
Fugui  a été enrôlé de force dans l'armée de  Chiang Kai shek...
"Est-ce que le président Chiang Kai shek va venir nous sauver?
- Imbécile, répliqua le chef en se tournant vers lui. "Même ta mère ne viendrait pas te sauver dans une pareille situation. Tu ferais mieux de te sauver toi-même." page 84
Lorsque l'Armée de Libération se rua vers nous....à ma grande  surprise , ils venaient nous apporter de la nourriture...;Je n'avais jamais vu autant de monde se nourrir ensemble. ...Nous avalions tous extrêmement vite
Le lendemain matin, on nous rassembla sur un  terrain vague, assis par terre, un rang derrière l'autre, avec deux tables devant nous. Un homme, qui avait l'air d'un officier, nous fit un discours. Il commença par parler de la nécessité de libérer toute la Chine . Puis, pour terminer, il déclara que ceux qui désiraient s'engager dans l'Armée de Libération devaient rester assis, et ceux qui voulaient rentrer chez eux pouvaient venir chercher de quoi payer leurs frais de voyage. pages 86, 87
 
A la suite de l'Armée de Libération qui allait porter la guerre dans le sud, je regagnai mon pays natal. Le temps passait vite, cela faisait presque deux ans que j'avais quitté ma famille. page 90
 
Lorsque j'étais rentré à la maison, le village avait commencé à appliquer la réforme agraire du parti communiste. On m'avait distribué cinq mu de terres, cinq mu qui appartenaient à Long'er ( qui l'avait dépouillé de ses biens pour une dette de jeux) Pour celui-ci, cette réforme avait été un grand malheur. Après avoir mené une vie aisée de propriétaire foncier pendant près de quatre ans, il avait tout perdu avec la Libération. Le gouvernement populaire  avait confisqué ses terres et les avait distribuées à ses anciens fermiers.  Mais il refusait de l'accepter. ...Il fut arrêté....On finit par le fusiller.
J'allai assister à son exécution. page 92

Plus je pensais à la mort de Long'er, plus je trouvais que j'avais eu de la chance. Si mon père et moi n'avions pas été si dépensiers, j'aurais sans doute été fusillé à la place de Long'er. je me touchai le visage, les bras, j'étais intact. J'avais vraiment eu beaucoup de chance.  page 94
 
En 1958, commença  l'époque de la commune populaire. Nos cinq mu étaient désormais propriété de la commune. Il ne nous restait qu'une parcelle de terre devant la maison. page 110
 Après l'inauguration de la cantine,  on réquisitionna toutes nos provisions, ainsi que nos deux moutons, ce qui nous fit beaucoup de peine. ...le chef avait raison: la cantine , c'était vraiment pratique, il suffisait de faire la queue pour pouvoir se rassasier.  La quantité n'était pas limitée, chacun mangeait autant qu'il en avait envie.  De plus, il y avait toujours de la viande....page 112
 
Le lendemain de l'ouverture de la cantine, le chef envoya deux jeunes gens du village acheter une chaudière en ville pour qu'on puisse fabriquer de l'acier. Tous les morceaux de poêles et d'objets en fer avaient été entassés sur l'aire de battage.
- Nous ne pouvons pas les laisser  dormir là dit le chef. Il faut les fondre rapidement. page 115
 
Tous les moutons du village avaient été tués. Les provisions de la cantine étaient épuisées. Seuls les trois buffles , destinés à labourer les champs, étaient encore en vie. Le chef du village assura qu'il allait demander de la nourriture à la commune, ...Ils ne ramenèrent pas le moindre grain de riz.
- La cantine sera fermée à partir de demain, dit le chef. Chaque famille va acheter une poêle en ville et on mangera à la maison comme autrefois.
Sur un mot du chef, on avait commencé par démolir toutes les poêles , et maintenant, on allait les racheter page 130
 
Les vieux paysans pleuraient: " De quoi allons-nous vivre? se demandaient -ils.
 Les jeunes, eux, avaient encore l'espoir que l'Etat nous viendrait en aide.
- Inutile de s'inquiéter, disaient-ils. le Ciel viendra à notre secours au dernier moment. le chef est parti demander du riz au district.
Le chef est allé trois fois à la commune et une fois au district.
....Les gens du village comptaient maintenant les grains de riz avant de les verser dans la poêle., car les provisions  étaient limitées. Au lieu du repas habituel, ils ne préparaient plus que la soupe de riz, qui se diluait de jour en jour....IL y avait  deux mois que nous n'avions pas mangé à notre faim. page 141, 142
 
Pourtant, la vie était extrêmement pénible, il fallait continuer à vivre. Chaque jour, elle ( son épouse) partait à la recherche de légumes sauvages. Comme elle ne mangeait jamais à sa faim, sa santé déjà mauvaise, s'altérait  de plus en plus.  page 146
- " Va boire pour te remplir le ventre, lui suggéra Jiazhen, désespérée.
Pour tromper sa faim, Youqin ( le fils) n'avait plus qu'à aller boire beaucoup d'eau à l'étang. page 148
 
Le jour où Erxi vint épouser Fengxia ( la fille de Fugui et de Jiazhen) on entendit de loin, résonner les gongs et les tambours. Tout le monde se précipita à l'entrée du village. Erxi avait amené une bonne vingtaine de personnes, toutes vêtues du costume Mao. Si Erxi n'avait pas eu une fleur rouge sur la poitrine, on aurait pu le prendre pour un cadre important de la ville. La vingtaine de gongs et les deux gros tambours faisaient un bruit assourdissant. mais le plus remarquable, c'était la charrette rouge et verte au milieu du cortège, sur laquelle était perchée une chaise décorée de la même manière. page 193
 
La révolution culturelle faisait  rage en ville. Les murs étaient couverts de dazibaos. Ceux qui les placardaient étaient des paresseux. Ils ne se donnaient pas la peine d'arracher les vieux pour coller les nouveaux.  Erxi et Fengxia avaient leur porte couverte de slogans. Et on imprimait des citations du président Mao sur les objets les plus courants. ...En ville, j'évitais les endroits trop fréquentés. Les bagarres étaient quotidiennes et je m'étais heurté plusieurs fois à des blessés, étalés par terre.  Je comprenais pourquoi le chef de notre village ne participait plus aux réunions qui se déroulaient en ville. page 202

( Je me suis rendue compte que j'avais déjà lu ce  livre vers les années 2010, en deux tomes.)
 
 

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