jeudi, août 26, 2021

BETTY ( Tiffany MCDANIEL) 2020

 La petite Indienne, c'est Betty Carpenter, née dans une baignoire, sixième de huit enfants. Sa famille vit en marge de la société car, si sa mère est blanche, son père est cherokee. Lorsque les Carpenter s'installent dans la petite ville de Breathead, après des années d'errance, le paysage luxuriant de l'Ohio semble leur apporter la paix. Avec ses frères et soeurs, Betty grandit bercée par la magie immémoriale des histoires de son père. Mais les plus noirs secrets de la famille se dévoilent peu à peu. Pour affronter le monde des adultes, Betty puise son courage dans l'écriture: elle confie sa douleur à des pages qu'elle enfouit sous terre pendant des années. Pour qu'un jour toutes ces histoires n'en forment plus qu'une, qu'elle pourra ainsi révéler. 

Betty raconte les mystères de l'enfance et la perte de l'innocence. A travers la voix de sa jeune narratrice, Tiffany McDaniel chante le pouvoir réparateur des mots et donne  naissance à une héroïne universelle.

Mon père est né le 7 avril 1909 dans un champ de sorgho, du Kentucky, situé  sous le vent d'un abattoir. ..;Il descendait des Cherokees à la fois par son père et par sa mère. page 14

Les autorités avaient décrété que les Cherokees devaient être "civilisés" ou expulsés. Ils n'ont eu d'autre choix que de parler l'anglais de l'homme blanc et de se convertir à sa religion. On leur a dit que Jésus-Christ était aussi mort pour eux. Avant le christianisme, les Cherokees étaient fiers de leur société matriarcale et matrilinéaire. Les femmes étaient à la tête de la famille , mais le christianisme a donné aux hommes un rôle prédominant. A la suite de ce bouleversement, les femmes ont été écartées de la terre qu'elles avaient possédée et cultivée. On leur a donné un tablier et on leur a signifié que leur place était à la cuisine. Aux hommes, qui avaient été chasseurs, on a dit qu'ils devaient maintenant travailler dans les champs. Les Cherokees ont vu leur mode de vie traditionnel éradiqué, de même que la répartition des rôles entre les deux sexes, qui avaient permis aux femmes d'occuper une place aussi importante que celle des hommes. page 26

Il ( le père de Betty) a expliqué que depuis le premier jour à la mine, les autres refusaient de l'appeler Landon. Ils lui donnaient des noms comme Tonto et Emplumé. ...Il a raconté  également que les mineurs ne voulaient pas prendre l'ascenseur avec lui pour descendre dans le puits. " Avec le vieux Landon Carpenter, on risque de se faire scalper". " Ils m'ont immobilisé par terre, je ne pouvais plus bouger. L'un d'eux qui se marrait le plus, il m'a craché sur la joue. Il m'a craché sur la joue comme si je n'étais rien. ..Je ne pouvais pas bouger...".page 64

On était en 1971, et j'avais sept ans quand Maman a dit qu'elle voulait rentrer chez elle. Chez elle, c'est l'Ohio, c'est là qu'étaient ses racines. " Les racines disait Papa sont les parties essentielles de la plante. C'est par les racines,  qu'une  plante se nourrit  et ce sont ses racines qui la maintiennent en place quand tout le reste est emporté.  Sans racines, on est ballotté au gré du vent. page 71

(Le ballon de la petite voisine - blanche_ a atterri chez Betty qui l'a tenu dans  ses mains, les parents de la voisine : ) "Elle a  essayé de le voler." - - Mais on ne peut plus le reprendre maintenant. pas si elle l'a touché, a dit la femme en prenant la petite fille dans les bras. Les gens de couleur ont toujours une maladie ou une autre. Elle a mis ses microbes dessus". page 207

" En ce temps-là, avant que l'ombre de l'homme blanc ne vienne s'étendre sur nous, expliquait-il tout en enfonçant sa bêche dans le sol, c'étaient  les femmes cherokees qui cultivaient la terre parce qu'elles avaient du sang de Selu en elles. Les hommes cherokees n'avaient pas le sang de Selu et donc, ni la terre ni les récoltes ne leur appartenaient. Elles  n'appartenaient qu'aux femmes. page 114

"Je veux que maman rentre (elle a fait une tentative de suicide), a dit Fraya directement à Flossie. Que je donne un coup de main dans la maison ne veut pas dire que je veux prendre sa place. Elle est un peu plus que le ménage, non? Que de nourriture sur la table? Que je remplace pour ces choses ne fait que je suis elle, parce qu'être elle, c'est quelque chose qu'elle seule peut faire".  page 194

Maman cuisinait toujours pieds nus. Elle avait quarante-deux ans à cette époque-là, mais elle paraissait pas son âge quand elle était jambes nues. Elle avait l'air d'une jeune fille, en fait, qui se tenait debout, un pied posé sur l'autre quand elle se concentrait. page 232

Il y a des petites filles qui grandissent avec un père irréprochable , bon et tendrement lié au coeur de sa fille. D'autres petites filles grandissent sans père du tout, sans rien connaître, donc des hommes bons et ceux qui le sont moins. Les plus malheureuses de toutes sont les petites filles qui grandissent avec un père qui n' a pas son pareil pour transformer un ciel bleu et ensoleillé en une violente tempête. Ma mère était l'une de ces petites filles malheureuses, et elle a enduré le genre d 'enfance qui vous fuyez le plus vite impossible. Sauf si vous n'avez nulle part où fuir. page 285. " Ma petite, ma mignonne, viens me parler, chantait-elle ( la mère de Betty) et elle m'a attirée près d'elle...Je vais te raconter une histoire qui est arrivée il y a bien longtemps. Ma petite, ma mignonne, je t'ai observée grandir". ..."Mon Pappy était un homme qui avait les orteils dans la rivière de Dieu et les talons dans la boue du diable...."J'avais neuf ans quand Dieu m'a tourné  le dos pour la première fois, m'a-t-elle dit, le regard fixé devant elle. L'âge que tu viens d'avoir, petite fille." ..On était en février, il faisait froid. " Momma a enlevé les chaussures de pappy....( la mère de la maman de Betty  a préparé a allongé sa fille sur le lit, " C'est ton cadeau d'anniversaire. Tu ne  peux pas partir tant que tu ne l'as pas eu en entier.." Puis elle s'est éloignée. "Je pensais qu'il venait dans le lit simplement pour faire un somme à côté de moi. (Son regard s'est fixé dans le vide). Quand il s'est allongé sur moi.....Il s'est enfoncé en moi jusqu'au bout et Dieu n'a rien fait..;Il n'y a pas eu d'éclairs. pas d'anges soufflant des trompettes pour voler à mon secours. Où était Dieu quand mon papa était sur moi? Je n'étais qu'une petite fille. Rien qu'une toute petite fille  page 296

J'ai écrit tout ce que Maman m'avait raconté....J'ai serré les pages contre moi. J'ai essayé de les étouffer en allant au garage chercher un bocal vide et une pelle à main....J'ai creusé la terre avec la pelle. Quand le trou fut assez profond, j'ai mis l'histoire dans le bocal ...J'ai enterré cette histoire vivante...Page 300

Ta maman  m'a trouvé. J'étais perdu, mais elle m'a trouvé quand même. Je n'avais ni but, ni nom avant ta maman. Quand j'étais enfant, les gens m'appelaient...toutes sortes de noms sauf le mien. Personne ne m'avait demandé  comment je m'appelais, avant ta maman. Non seulement, elle me l'a demandé, mais elle a même ajouté "monsieur", à la fin. Quel est votre nom monsieur?" On ne m'avait jamais dit "monsieur" avant cela. Au début de ma vie, je n'étais personne, mais parce que ta maman a fait de moi un père, j'ai une bonne chance de finir mon existence sur cette terre comme quelqu'un qui vaut la peine qu'on se souvienne de lui....page 318

" Tu m'as demandé si je voulais être riche, Betty, mais je ne suis pas un homme pauvre. Comment pourrais-je l'être avec tous ces diamants...Peu importe que nous n'ayons le moindre sou en poche, puisqu'on a la richesse du monde entre nous. " page 367

( Flossie a ses premières règles) " D'après Fraya, ça signifie que tu es une femme. - Pourquoi faut saigner pour gagner le droit d'être une femme? page 393

( Le grand'père est décédé, le père de la maman) Je ne m'étais pas habillée pour porter le deuil, mais pour célébrer le fait qu'un homme mauvais n'était plus de ce monde. page 398

Nous venions de nous rendre compte que certaines choses ne sont jamais aussi grandes que dans le souvenir qu'on a d'elles. page 404

J'ai observé ses rides (celles de son père) . Elles m'ont fait penser aux sillons dans le grès. ...Son visage devenait peu à peu aussi ancien que la terre. page 476 " Je me suis toujours entendu dire que j'étais insignifiant, a-t-il remarqué....Tu t'entends dire cela et tu  tu te mets à le croire...Il y a des hommes qui ne valent pas la peine  qu'on en parle. Ce sont des bouche-trous. Voilà ce que je suis. Un bouche-trou. Une   marche sur laquelle d'autres grimpent pour arriver au sommet. Une goutte de peinture sur le portrait de quelqu'un plus important. Autrefois, ça me dérangeait. Mais aujourd'hui, je suis trop vieux pour m'en faire à ce sujet. page 479

(la maman) "Quels que soient les griefs que l'on puisse avoir contre Landon Carpenter, on ne peut pas dire qu'il n'aime pas ses enfants....Il y a des hommes qui connaissent le montant exact de leur  compte en banque, a poursuivi maman. Il y a ceux qui savent combien de kilomètres indique le compteur de leur voiture, et combien elle pourrait parcourir....Ton père, lui, ne connaît rien de tout ça. Les seuls nombres que Landon Carpenter a en tête, c'est le nombre d'étoiles qu'il y avait dans le ciel la nuit où ses enfants sont nés. Je  dirais qu'un homme qui a dans la tête des cieux remplis des étoiles de ses enfants est un homme qui mérite notre amour. En particulier, l'amour de celle qui avait le plus d'étoiles. page 516

C'était le printemps 1969. Richard Nixon était président. Les premiers soldats américains allaient se retirer du Vietnam. Des hommes, autres que mon père, allaient poser le pied sur la lune. Mais ce sera pour plus tard. On était au printemps , et tout ce que je savais vraiment de 1969, , c'est que j'avais quinze ans.  page 602.  (Betty a eu ses règles pour la première fois) - Je n'en veux pas; je ne veux pas saigner pas . - Tu vois, dans certaines cultures, on giflait les filles quand elles saignaient pour la première fois, m'a dit Fraya en posant gentiment sa main sur ma joue. C'était une vraie gifle, en pleine joue. Mais dans  d'autres cultures, comme chez les Cherokees, le sang était considéré comme un signe de pouvoir.  page 608

(Le père, Landon Carpenter est malade) La voix de papa ne m'avait jamais paru si faible. Il a fait rouler sa tête vers nous....la pensée m'est alors venue qu'être enfant, c'est savoir que le balancement du berceau nous rapproche et  nous éloigne en même temps de nos parents.  C'est le flux et le reflux de la vie qui, tour à tour, nous poussent vers les autres, puis nous en écartent, peut-être dans le seul but de nous permettre d'acquérir la force nécessaire pour affronter l'instant où ce mouvement de balancier nous aura tellement éloignés  de la personne que nous aimons le plus qu'elle ne sera plus là quand nous reviendrons vers elle.  page 673

J'ai eu le sentiment que je portais cette robe noire non seulement pour la mort de mon père, mais aussi pour la mort de mon enfance. page 687...Des étrangers regardant ses mains ( celles de son père) n'auraient vu en lui qu'un homme sans importance. Mais dans la vie, ou bien vous vivez dans la maison de quelqu'un d'autre, ou bien vous construisez la vôtre.  Un homme qui avait les mains de mon père était un  homme qui avait construit sa demeure avec du ciel et des étoiles.  page 690

Enterrer un père est une chose qui vous accompagne longtemps après que vous avez raccroché votre robe noire dans votre placard page 701

(Betty quitte la maison et part elle ne sait pas où) Je me suis souvenue de ce que mon père m'avait dit un jour. " Aucune eau ne connaît le repos". Je sais aujourd'hui ce qu'il voulait dire, parce que les vagues provoquées par sa mort ont perdu de  leur force mais les eaux ne seront jamais tranquilles. page 716 



vendredi, août 20, 2021

RETOUR A MARTHA'S VINEYARD ( Richard RUSSO) 2020

 Le 1er décembre 1969, Teddy, Lincoln et Mickey, étudiants boursiers dans une fac huppée de la côte Est, voient leur destin se jouer en direct alors qu'ils assistent, comme des millions d'Américains, au tirage au sort télévisé qui déterminera l'ordre d'appel des conscrits à la guerre du Vietnam. Un an plus tard, diplôme en poche, ils passent une dernière fois un week-end ensoleillé à Martha's'Vineyard, dans la maison de vacances de Lincoln, en compagnie de Jacy, le quatrième mousquetaire, l'amie dont ils sont tous les trois amoureux.

Septembre 2015, Lincoln s'apprête à vendre la maison et   les trois amis se retrouvent  à nouveau sur l'île. Au bord du Jerry, les souvenirs affluent dans la mémoire de Lincoln, le "beau gosse" devenu agent immobilier et père de famille, dans celle de Teddy, , éditeur universitaire, toujours en proie à des crises d'angoisse et dans celle de Mickey, la forte tête, rockeur invétéré qui débarque sur sa Harley. Parmi ces souvenirs, celui de Jacy, mystérieusement disparue après le week-end  de 1971. Qu'en est-il devenu d'elle?Qui était-elle réellement? Lequel d'entre eux avait sa préférence? Les trois sexagénaires , sirotant des Bloody Mary sur la terrasse où, à l'époque, ils buvaient de la bière en écoutant Creedence, rouvrent l'enquête qui n'avait pas abouti alors, faute d'éléments. Et ne peuvent s'empêcher de demander si tout n'était pas joué d'avance. 

LINCOLN. Tous étaient devenus des conservateurs et durs, plus durs que Lincoln en tout cas. républicain depuis toujours, il a du mal ces temps-ci  à trouver sa place sur l'échiquier politique. pas question de voter pour Hillary, mais pour qui alors? Une douzaine de candidats du GOP ( le parti républicain américain) étaient toujours en lice..   page 36  Quoiqu'il en soit, c'était un soulagement de mettre la politique  de côté pendant quelques jours. Lincoln était presque certain que Teddy qui devait  arriver le lendemain, était toujours un progressiste acharné, mais dans quel camp? Clinton ou Saunders?  Et Mickey? Votait-il d'abord? Le sujet du Vietnam serait à éviter , lui aussi.  La guerre était finie depuis des dizaines d'années, mais ne le serait-il jamais pour des hommes de leur âge? Cette guerre avait été la leur, qu'ils y aient participé ou pas.  page 37

Jacy .  Disparue sur cette île. Le week-end du Mémorial Day , 1971. page 4o...Plus las que fatigué, il était resté éveillé dans la chambre, se demandant quels nouveaux ravages le temps impitoyable avait infligés à se amis et aussi  quelle image il allait leur offrir. Cela faisait....dix ans qu'il ne les avait pas revus. page 41

La maison de Chilmare se dresse sur un hectare de terrain bosselé et pittoresque qui descend vers State Road et l'Atlantique au-delà d'un bleu parfait aujourd'hui sous un ciel sans nuage. ..Il s'assoit sur la dernière marche et appelle Anita. " On ne peut pas vendre, dit-il quand elle répond" OK. - Comment ça OK? On n'a pas le choix. Le but n'est pas seulement de leur permettre de retomber sur leurs pieds après la crise. leurs enfants avaient besoin d'aide eux aussi pour surnager. Anita et lui avaient été heureux de pouvoir donner un coup de main, mais, ce faisant, ils avaient fragilisé leurs finances. .."On était d'accord dit-il. - Et je suis toujours d'accord". Cette réponse le met de mauvaise humeur .page 52

TEDDY.  Aucun doute , ce voyage sur l'île- en compagnie de vieux amis et de souvenirs de jeunesse - constitue un risque, une menace potentielle pour son équilibre durement acquis.  Soixante-dix ans, nom de Dieu. Il avait espéré qu'à cet âge, il n'aurait pas besoin d'être aussi vigilant , et qu'après tout ce temps, la folie -  car ses crises s'y apparentaient - refluerait. page 57

(Teddy est professeur d'université et éditeur) " Je ne veux pas de ton argent. - Qu'est-ce que tu veux alors?" Curieusement, c'est la question que s'est posée Teddy durant presque toute sa vie d'adulte, et à laquelle il n'avait jamais répondu. La première personne qui la lui a posée s= était son professeur référent à Minerva College, désireux de savoir quelle matière principale il allait choisir.  Incapable de se décider, il avait opté pour les études générales, un cursus destiné à repousser la question plutôt qu'à y répondre.   page 59

- " Vous avez l'habitude de traverser la vie  avec votre badge dans votre poche?  Pour que les gens ne sachent pas qui vous êtes? - Oui, généralement . - Je m'en doutais. Quand je me suis renseignée, personne ne semblait vous connaître réellement. La réponse  était , je crois, :"Il reste dans son coin". "page 67

Demain, à ce cocktail explosif, il faudra ajouter Mickey. Réussiraient-ils, tous les trois,  réunis de nouveau sur l'île, à créer un epotion magique assez puissante pour la ressusciter.? page 72

LINCOLN. La membrane qui sépare la compassion de la pitié est parfois fine , comme du papier  à cigarette . page 81


J'ai terminé la lecture du roman. Il ne m'a pas passionné mais je voulais aller jusqu'à la dernière page.

 

jeudi, août 12, 2021

LA GRANDE VIE (Christian BOBIN) 2014

 Les palais de la grande vie se dressent près de nous. Ils sont habités ici par des rois, là, par des mendiants. Thérèse de Lisieux et Marylin Monroe, Marcelline Desbordes-Valmore et Kierkegaard. Un merle, un geai et quelques accidents lumineux. La grande vie prend soin de nous quand nous ne savons plus rien. Elle nous écrit des lettres. 

La voix de mon père avait quelque chose de la croûte du pain chaud. page 13

Le commerce des brins de muguet est une forme divine de la mendicité....J'ai acheté cinq brins. je les ai portés sur la tombe de mon père. Il pleuvait. page 20

La perte fait entrer l'éternel dans nos chairs et l'éternel c'est ce qui ne passe pas, ce qui reste en travers de la gorge.  page 24

Ce que j'appelle réfléchir: je dévisse ma tête , je la mets sur une étagère et je sors faire une promenade. A mon retour, la têt s'est allumée. la promenade dure une heure ou un an. page 29

La floraison des cerisiers ne dure pas. L'essentiel, on l'a en une seconde. Le reste est inutile. page 39

Les livres sont des gens étrangers. Ils viennent nous prendre par la main et tout d'un coup, nous voilà dans un autre monde. page 49

La guerre est de tout temps, cher Jünger. Fou celui qui se croit à l'abri. Ce ne serait qu'un endroit pour mourir sans bruit. Je cherche ce qui arrive quand on n'est plus protégé et qu'on n'a plus peur de rien. page 51

Pourquoi ne dit-on jamais que la résurrection commence dès cette vie et que toute parole ivre est une rose de sang, éclatante reine du néant  de nos jours? page 54

J'aurai passé ma vie à regarder le reflet de la vie sur la rivière de papier blanc. ce n'est pas ce qu'on appelle vivre, c'est beaucoup mieux. page 68

Je n'ai pas oublié le martin-pêcheur qui j'ai vu plonger dans la rivière au-dessus de laquelle  était l'auberge où je mangeais.  Cet oiseau fou m'avait, par sa vision, sauvé du désespoir  de voisins de table qui parlaient affaires. page 71

Hier, j'ai vu plusieurs libellules au-dessus du pré, gorgées de bleu. Elles se déplaçaient par saccades au-dessus d'une touffe d'herbe, d'un caillou. On dirait quelqu'un qui  vient voir si tout va bien, puis qui s'éloigne, rassuré. page 88

Plus loin, dans les bois, il y a un chemin sur lequel je marchais avec toi, quand tu étais de ce monde. Le chemin semble indifférent mais je sais qu'il se souvient de toi. Il n'y a pas de temps. page 90

La vie, dit Rimbaud, est la farce à mener par tous. page 97

On peut donner sa vie pour trois fois rien. la donner ou la perdre. page 108....Tout donner, tout perdre et qu'on n'en parle plus. Ne plus penser à rien, c'est commencer à bien penser. Ne rien faire, c'est faire un pas vers Dieu. Page 109

Nous ne sommes séparés de la vie éternelle que par une cloison plus fine que le rideau mouvant des branches du saule pleureur. page 117

Le coeur est une chambre froide, le seul appareil photographique fiable. page 120


mercredi, août 04, 2021

ADIEU, MON UNIQUE (Antoine Audouard)

 "Si mon coeur n'est pas avec toi, et s'il n'est pas avec toi, il n'est nulle part."

Il est maître de philosophie le plus célèbre du XIIè siècle. Elle est l'élève la plus douée. C'est lui qui la séduit mais c'est elle qui lui révèle l'amour. Bafoué, l'oncle de la jeune fille exerce sur Abélard une vengeance atroce. Des années plus tard, les eux amants séparés échangent quelques lettres dont les mots sont restés célèbres...tandis qu'Abélard tente de donner un sens religieux à son humiliation, Héloïse lance un cri de révolte et d 'amour. Et quand il est abandonné de tous, c'est encore vers elle qu'il se tourne. 

Le roman seul pouvait permettre d'approcher le mystère de cet amour unique. Antoine Audouard restitue avec brio l'incroyable vitalité de l'époque, loin des clichés sur l'époque médiévale. L'histoire d'Héloïse et d'Abélard brûle à travers les siècles. Leurs mots sont les nôtres, la violence de leurs sentiments nous est familière. Abélard - frère de tout homme - Héloïse - soeur de toute femme.

Etre pas vu de qui l'on veut être vu en apprend plus sur la vie que les férules et les coups. - c'est apprendre à savoir qu'on n'est pas aimé que par hasard, par accident. page 22

Simplement, je savais que je ne pourrais jamais prendre part au bonheur des autres; je serai celui qui arrive trop tôt ou trop tard, celui qu'on appelle pas ou qui , invité,  se réveille au milieu de la nuit en sachant que la fête est finie. page 27

Pétronille s'avance  seule vers eux. André m'attrape par la manche? " Celui-ci est Bernard de Fontaines, chuchote-t-il, il vient de quitter l'abbaye de Cîteaux pour créer un monastère à Clairvaux, dans un val infesté de bêtes sauvages. - Le grand? - Non, l'autre. Celui-ci s'appelle Pierre Abélard. Il se croit le meilleur philosophe u monde.  page 30

Il me demanda ce que je cherchais  à Paris. J'hésitai.  - Mon maître, dis-je à voix basse en regardant le fond  de ma bière. - Que dis-tu?  Je répétai plus fort, le regardant dans ses yeux noirs. - Mon maître, dis-je. - Ami, dit-il. je suis ta providence. J'ai le maître qu'il te faut...-  Je sais dis-je, Pierre Abélard..- Comment le connais-tu.?....Quand il parle dit Arnaud, c'est comme si Aristote et Platon étaient revenus en un seul homme pour faire tomber les mystères et triompher la raison.  page 47

"Il me la faut, dit Pierre Abélard, lentement, en détachant les syllabes. Les larmes me montèrent aux yeux, que je ravalai sur l'instant.  - "Guillaume, il me la faut, répéta-t-il, rêveur- et il n'avait pas besoin  de sire son nom, Je  savais.  Héloïse était venue l'écouter quelquefois.  Autant que je sache, ils n'avaient pas échangé plus de trois mots. page 70

Pierre avait choisi Héloîse sans la connaître et sans savoir aimer: qu'elle soit à lui. page 86

(L'oncle d'Héloïse, chanoine Fulbert) " Guillaume, dis-moi la vérité. "  - Certainement. - Elle est savante, n'est-ce-pas? - Très.- Je vais   te confier un secret: je veux qu'elle le soit encore plus.. Je veux - que Dieu me le pardonne- qu'elle excite la jalousie et que partout l'on dise: " Voici Héloïse, c'est la plus forte et la plus savante femme au monde. Elle est la nièce du chanoine Fulbert. "Il a les larmes aux yeux et je jalouse sa foi naïve, sa confiance dans les vertus de sa nièce. page 115.

Quand elle me voit, elle a un moment de joie. Ses yeux s'éclairent, et, par naïveté ou présomption, je pourrais croire que c'est pour moi qu'elle est heureuse de voir. " Comment va-t-il? " Elle rougit, se reprend. " Pardonne-moi Guillaume....Tous ces jours-ci, je me suis tue et je m'inquiétait pour lui sans le savoir. - Il vit avec moi dans une petite maison sur la Montagne. Il ne dort pas. Il n'étudie pas, ses pensées ne sont occupées que de toi. Quand il écrit, c'est ton nom que sa plume trace sur le parchemin. page 122

"Je l'aime tant, Guillaume. L'abandon de notre fils, s'il faut le blâmer, je me reproche à moi-même et non à lui..- Pourtant...;Je sais bien. je lui cite en exemple ces femmes soumises, ces femmes diaboliques....Je ne suis fière que d'être à lui, d'être ce qu'il veut, contre lui-même et contre moi-même. Je suis fière d'être sa servante, me glorifie d'être sa maîtresse et serais sa putain s'il me le demandait, heureuse d'être entre les bras des autres, si je peux voir du bonheur dans ses yeux. ..je suis la femme du maître.. Je hais ce mariage qui détruira notre couple - je le sais comme une certitude tragique, une évidence - mais voici  déjà que pour lui plaire, je dois être ma meilleure ennemie. A la fin, je resterai seule avec cet amour-là." page 162 (Héloîse et Abélard se marient.)  Il n'y aura pas de fête, pas de repas où l'on boit, où l'on pleure - il n'y aura pas de danses où l'on s'oublie, pas de bouffons pour rappeler les exploits de l'époux ou de jongleurs pour distraire l'assemblée avec des histoires du passé. page 163

Je n'ai pas terminé le livre.....


 parchemin..." page 123