jeudi, août 12, 2021

LA GRANDE VIE (Christian BOBIN) 2014

 Les palais de la grande vie se dressent près de nous. Ils sont habités ici par des rois, là, par des mendiants. Thérèse de Lisieux et Marylin Monroe, Marcelline Desbordes-Valmore et Kierkegaard. Un merle, un geai et quelques accidents lumineux. La grande vie prend soin de nous quand nous ne savons plus rien. Elle nous écrit des lettres. 

La voix de mon père avait quelque chose de la croûte du pain chaud. page 13

Le commerce des brins de muguet est une forme divine de la mendicité....J'ai acheté cinq brins. je les ai portés sur la tombe de mon père. Il pleuvait. page 20

La perte fait entrer l'éternel dans nos chairs et l'éternel c'est ce qui ne passe pas, ce qui reste en travers de la gorge.  page 24

Ce que j'appelle réfléchir: je dévisse ma tête , je la mets sur une étagère et je sors faire une promenade. A mon retour, la têt s'est allumée. la promenade dure une heure ou un an. page 29

La floraison des cerisiers ne dure pas. L'essentiel, on l'a en une seconde. Le reste est inutile. page 39

Les livres sont des gens étrangers. Ils viennent nous prendre par la main et tout d'un coup, nous voilà dans un autre monde. page 49

La guerre est de tout temps, cher Jünger. Fou celui qui se croit à l'abri. Ce ne serait qu'un endroit pour mourir sans bruit. Je cherche ce qui arrive quand on n'est plus protégé et qu'on n'a plus peur de rien. page 51

Pourquoi ne dit-on jamais que la résurrection commence dès cette vie et que toute parole ivre est une rose de sang, éclatante reine du néant  de nos jours? page 54

J'aurai passé ma vie à regarder le reflet de la vie sur la rivière de papier blanc. ce n'est pas ce qu'on appelle vivre, c'est beaucoup mieux. page 68

Je n'ai pas oublié le martin-pêcheur qui j'ai vu plonger dans la rivière au-dessus de laquelle  était l'auberge où je mangeais.  Cet oiseau fou m'avait, par sa vision, sauvé du désespoir  de voisins de table qui parlaient affaires. page 71

Hier, j'ai vu plusieurs libellules au-dessus du pré, gorgées de bleu. Elles se déplaçaient par saccades au-dessus d'une touffe d'herbe, d'un caillou. On dirait quelqu'un qui  vient voir si tout va bien, puis qui s'éloigne, rassuré. page 88

Plus loin, dans les bois, il y a un chemin sur lequel je marchais avec toi, quand tu étais de ce monde. Le chemin semble indifférent mais je sais qu'il se souvient de toi. Il n'y a pas de temps. page 90

La vie, dit Rimbaud, est la farce à mener par tous. page 97

On peut donner sa vie pour trois fois rien. la donner ou la perdre. page 108....Tout donner, tout perdre et qu'on n'en parle plus. Ne plus penser à rien, c'est commencer à bien penser. Ne rien faire, c'est faire un pas vers Dieu. Page 109

Nous ne sommes séparés de la vie éternelle que par une cloison plus fine que le rideau mouvant des branches du saule pleureur. page 117

Le coeur est une chambre froide, le seul appareil photographique fiable. page 120


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