jeudi, août 26, 2021

BETTY ( Tiffany MCDANIEL) 2020

 La petite Indienne, c'est Betty Carpenter, née dans une baignoire, sixième de huit enfants. Sa famille vit en marge de la société car, si sa mère est blanche, son père est cherokee. Lorsque les Carpenter s'installent dans la petite ville de Breathead, après des années d'errance, le paysage luxuriant de l'Ohio semble leur apporter la paix. Avec ses frères et soeurs, Betty grandit bercée par la magie immémoriale des histoires de son père. Mais les plus noirs secrets de la famille se dévoilent peu à peu. Pour affronter le monde des adultes, Betty puise son courage dans l'écriture: elle confie sa douleur à des pages qu'elle enfouit sous terre pendant des années. Pour qu'un jour toutes ces histoires n'en forment plus qu'une, qu'elle pourra ainsi révéler. 

Betty raconte les mystères de l'enfance et la perte de l'innocence. A travers la voix de sa jeune narratrice, Tiffany McDaniel chante le pouvoir réparateur des mots et donne  naissance à une héroïne universelle.

Mon père est né le 7 avril 1909 dans un champ de sorgho, du Kentucky, situé  sous le vent d'un abattoir. ..;Il descendait des Cherokees à la fois par son père et par sa mère. page 14

Les autorités avaient décrété que les Cherokees devaient être "civilisés" ou expulsés. Ils n'ont eu d'autre choix que de parler l'anglais de l'homme blanc et de se convertir à sa religion. On leur a dit que Jésus-Christ était aussi mort pour eux. Avant le christianisme, les Cherokees étaient fiers de leur société matriarcale et matrilinéaire. Les femmes étaient à la tête de la famille , mais le christianisme a donné aux hommes un rôle prédominant. A la suite de ce bouleversement, les femmes ont été écartées de la terre qu'elles avaient possédée et cultivée. On leur a donné un tablier et on leur a signifié que leur place était à la cuisine. Aux hommes, qui avaient été chasseurs, on a dit qu'ils devaient maintenant travailler dans les champs. Les Cherokees ont vu leur mode de vie traditionnel éradiqué, de même que la répartition des rôles entre les deux sexes, qui avaient permis aux femmes d'occuper une place aussi importante que celle des hommes. page 26

Il ( le père de Betty) a expliqué que depuis le premier jour à la mine, les autres refusaient de l'appeler Landon. Ils lui donnaient des noms comme Tonto et Emplumé. ...Il a raconté  également que les mineurs ne voulaient pas prendre l'ascenseur avec lui pour descendre dans le puits. " Avec le vieux Landon Carpenter, on risque de se faire scalper". " Ils m'ont immobilisé par terre, je ne pouvais plus bouger. L'un d'eux qui se marrait le plus, il m'a craché sur la joue. Il m'a craché sur la joue comme si je n'étais rien. ..Je ne pouvais pas bouger...".page 64

On était en 1971, et j'avais sept ans quand Maman a dit qu'elle voulait rentrer chez elle. Chez elle, c'est l'Ohio, c'est là qu'étaient ses racines. " Les racines disait Papa sont les parties essentielles de la plante. C'est par les racines,  qu'une  plante se nourrit  et ce sont ses racines qui la maintiennent en place quand tout le reste est emporté.  Sans racines, on est ballotté au gré du vent. page 71

(Le ballon de la petite voisine - blanche_ a atterri chez Betty qui l'a tenu dans  ses mains, les parents de la voisine : ) "Elle a  essayé de le voler." - - Mais on ne peut plus le reprendre maintenant. pas si elle l'a touché, a dit la femme en prenant la petite fille dans les bras. Les gens de couleur ont toujours une maladie ou une autre. Elle a mis ses microbes dessus". page 207

" En ce temps-là, avant que l'ombre de l'homme blanc ne vienne s'étendre sur nous, expliquait-il tout en enfonçant sa bêche dans le sol, c'étaient  les femmes cherokees qui cultivaient la terre parce qu'elles avaient du sang de Selu en elles. Les hommes cherokees n'avaient pas le sang de Selu et donc, ni la terre ni les récoltes ne leur appartenaient. Elles  n'appartenaient qu'aux femmes. page 114

"Je veux que maman rentre (elle a fait une tentative de suicide), a dit Fraya directement à Flossie. Que je donne un coup de main dans la maison ne veut pas dire que je veux prendre sa place. Elle est un peu plus que le ménage, non? Que de nourriture sur la table? Que je remplace pour ces choses ne fait que je suis elle, parce qu'être elle, c'est quelque chose qu'elle seule peut faire".  page 194

Maman cuisinait toujours pieds nus. Elle avait quarante-deux ans à cette époque-là, mais elle paraissait pas son âge quand elle était jambes nues. Elle avait l'air d'une jeune fille, en fait, qui se tenait debout, un pied posé sur l'autre quand elle se concentrait. page 232

Il y a des petites filles qui grandissent avec un père irréprochable , bon et tendrement lié au coeur de sa fille. D'autres petites filles grandissent sans père du tout, sans rien connaître, donc des hommes bons et ceux qui le sont moins. Les plus malheureuses de toutes sont les petites filles qui grandissent avec un père qui n' a pas son pareil pour transformer un ciel bleu et ensoleillé en une violente tempête. Ma mère était l'une de ces petites filles malheureuses, et elle a enduré le genre d 'enfance qui vous fuyez le plus vite impossible. Sauf si vous n'avez nulle part où fuir. page 285. " Ma petite, ma mignonne, viens me parler, chantait-elle ( la mère de Betty) et elle m'a attirée près d'elle...Je vais te raconter une histoire qui est arrivée il y a bien longtemps. Ma petite, ma mignonne, je t'ai observée grandir". ..."Mon Pappy était un homme qui avait les orteils dans la rivière de Dieu et les talons dans la boue du diable...."J'avais neuf ans quand Dieu m'a tourné  le dos pour la première fois, m'a-t-elle dit, le regard fixé devant elle. L'âge que tu viens d'avoir, petite fille." ..On était en février, il faisait froid. " Momma a enlevé les chaussures de pappy....( la mère de la maman de Betty  a préparé a allongé sa fille sur le lit, " C'est ton cadeau d'anniversaire. Tu ne  peux pas partir tant que tu ne l'as pas eu en entier.." Puis elle s'est éloignée. "Je pensais qu'il venait dans le lit simplement pour faire un somme à côté de moi. (Son regard s'est fixé dans le vide). Quand il s'est allongé sur moi.....Il s'est enfoncé en moi jusqu'au bout et Dieu n'a rien fait..;Il n'y a pas eu d'éclairs. pas d'anges soufflant des trompettes pour voler à mon secours. Où était Dieu quand mon papa était sur moi? Je n'étais qu'une petite fille. Rien qu'une toute petite fille  page 296

J'ai écrit tout ce que Maman m'avait raconté....J'ai serré les pages contre moi. J'ai essayé de les étouffer en allant au garage chercher un bocal vide et une pelle à main....J'ai creusé la terre avec la pelle. Quand le trou fut assez profond, j'ai mis l'histoire dans le bocal ...J'ai enterré cette histoire vivante...Page 300

Ta maman  m'a trouvé. J'étais perdu, mais elle m'a trouvé quand même. Je n'avais ni but, ni nom avant ta maman. Quand j'étais enfant, les gens m'appelaient...toutes sortes de noms sauf le mien. Personne ne m'avait demandé  comment je m'appelais, avant ta maman. Non seulement, elle me l'a demandé, mais elle a même ajouté "monsieur", à la fin. Quel est votre nom monsieur?" On ne m'avait jamais dit "monsieur" avant cela. Au début de ma vie, je n'étais personne, mais parce que ta maman a fait de moi un père, j'ai une bonne chance de finir mon existence sur cette terre comme quelqu'un qui vaut la peine qu'on se souvienne de lui....page 318

" Tu m'as demandé si je voulais être riche, Betty, mais je ne suis pas un homme pauvre. Comment pourrais-je l'être avec tous ces diamants...Peu importe que nous n'ayons le moindre sou en poche, puisqu'on a la richesse du monde entre nous. " page 367

( Flossie a ses premières règles) " D'après Fraya, ça signifie que tu es une femme. - Pourquoi faut saigner pour gagner le droit d'être une femme? page 393

( Le grand'père est décédé, le père de la maman) Je ne m'étais pas habillée pour porter le deuil, mais pour célébrer le fait qu'un homme mauvais n'était plus de ce monde. page 398

Nous venions de nous rendre compte que certaines choses ne sont jamais aussi grandes que dans le souvenir qu'on a d'elles. page 404

J'ai observé ses rides (celles de son père) . Elles m'ont fait penser aux sillons dans le grès. ...Son visage devenait peu à peu aussi ancien que la terre. page 476 " Je me suis toujours entendu dire que j'étais insignifiant, a-t-il remarqué....Tu t'entends dire cela et tu  tu te mets à le croire...Il y a des hommes qui ne valent pas la peine  qu'on en parle. Ce sont des bouche-trous. Voilà ce que je suis. Un bouche-trou. Une   marche sur laquelle d'autres grimpent pour arriver au sommet. Une goutte de peinture sur le portrait de quelqu'un plus important. Autrefois, ça me dérangeait. Mais aujourd'hui, je suis trop vieux pour m'en faire à ce sujet. page 479

(la maman) "Quels que soient les griefs que l'on puisse avoir contre Landon Carpenter, on ne peut pas dire qu'il n'aime pas ses enfants....Il y a des hommes qui connaissent le montant exact de leur  compte en banque, a poursuivi maman. Il y a ceux qui savent combien de kilomètres indique le compteur de leur voiture, et combien elle pourrait parcourir....Ton père, lui, ne connaît rien de tout ça. Les seuls nombres que Landon Carpenter a en tête, c'est le nombre d'étoiles qu'il y avait dans le ciel la nuit où ses enfants sont nés. Je  dirais qu'un homme qui a dans la tête des cieux remplis des étoiles de ses enfants est un homme qui mérite notre amour. En particulier, l'amour de celle qui avait le plus d'étoiles. page 516

C'était le printemps 1969. Richard Nixon était président. Les premiers soldats américains allaient se retirer du Vietnam. Des hommes, autres que mon père, allaient poser le pied sur la lune. Mais ce sera pour plus tard. On était au printemps , et tout ce que je savais vraiment de 1969, , c'est que j'avais quinze ans.  page 602.  (Betty a eu ses règles pour la première fois) - Je n'en veux pas; je ne veux pas saigner pas . - Tu vois, dans certaines cultures, on giflait les filles quand elles saignaient pour la première fois, m'a dit Fraya en posant gentiment sa main sur ma joue. C'était une vraie gifle, en pleine joue. Mais dans  d'autres cultures, comme chez les Cherokees, le sang était considéré comme un signe de pouvoir.  page 608

(Le père, Landon Carpenter est malade) La voix de papa ne m'avait jamais paru si faible. Il a fait rouler sa tête vers nous....la pensée m'est alors venue qu'être enfant, c'est savoir que le balancement du berceau nous rapproche et  nous éloigne en même temps de nos parents.  C'est le flux et le reflux de la vie qui, tour à tour, nous poussent vers les autres, puis nous en écartent, peut-être dans le seul but de nous permettre d'acquérir la force nécessaire pour affronter l'instant où ce mouvement de balancier nous aura tellement éloignés  de la personne que nous aimons le plus qu'elle ne sera plus là quand nous reviendrons vers elle.  page 673

J'ai eu le sentiment que je portais cette robe noire non seulement pour la mort de mon père, mais aussi pour la mort de mon enfance. page 687...Des étrangers regardant ses mains ( celles de son père) n'auraient vu en lui qu'un homme sans importance. Mais dans la vie, ou bien vous vivez dans la maison de quelqu'un d'autre, ou bien vous construisez la vôtre.  Un homme qui avait les mains de mon père était un  homme qui avait construit sa demeure avec du ciel et des étoiles.  page 690

Enterrer un père est une chose qui vous accompagne longtemps après que vous avez raccroché votre robe noire dans votre placard page 701

(Betty quitte la maison et part elle ne sait pas où) Je me suis souvenue de ce que mon père m'avait dit un jour. " Aucune eau ne connaît le repos". Je sais aujourd'hui ce qu'il voulait dire, parce que les vagues provoquées par sa mort ont perdu de  leur force mais les eaux ne seront jamais tranquilles. page 716 



Aucun commentaire: