mardi, mai 31, 2011

LES INSURRECTIONS SINGULIERES (Jeanne Benameur)

(Antoine raconte son histoire)
J'ai ouvert la porte de la maison. Sans bruit. Et je suis parti. (il a 8 ans)....
Et j'ai couru. Dans ma rue, dans mon quartier, j'ai couru.
Quitter tout ce que je connaissais par coeur. Surtout ne pas m'arrêter. Portails, pavillons, jardins, ça défilait. Rien ne pouvait plus être pareil. Je courais. J'essayais d'arracher mon corps à quelque chose. plus je courais, plus c'est moi qui devenais étranger. Je ne savais pas où j'allais mais je courais.
C'est la voie de chemin de fer qui m'a arrêté net. Page 10,11

Lui, (son père) a été un ouvrier.
Moi, j'ai fait l'ouvrier, c'est différent. Me^me si l'usine est la même. (Antoine et ses collègues ont dû prendre leur RTT car peu de travail à l'usine et est revenu chez ses parents après une rupture avec son amie Karima)




Dans le silence de mes parents, je sais ce qu'il ya sur le sujet. Ils auraient si fiers que je fasse des études, comme Loïc(son frère). "Nous, ce qu'on veut, c'est que vous ayez une meilleure vie que nous". Quand ma mère me disait cela, j'avais envie de lui répondre: Mais ma pauvre mère, votre vie à vous alors, elle vaut quoi? page 18






Je ne sais pas ce que c'est , une route à suivre. Mais, je suis sur la route, il n'y a que les pieds de celui qui marche qui la connaissent . Concrètement. page 51






Quand on regarde derrière, on perd ce qu'on est venu chercher. page 57






Il (Marcel) m'avait dit: Les voyages , soit tu les fais très jeune, soit carrément vieux...Eh bien , pour moi, c'est le deuxième cas ...Entre les deux, tu crois à tout un tas de trucs qu'il faut faire dans une vie...mais au bout du compte, tu te dis un jour, que ce n'est pas si important que ça ...et tu pars. Tu vois, je me suis tenu à un coin de terre longtemps avec Lucile (sa femme) , mais Lucile , elle est partout, elle n'est pas restée là, dans ce petit enclos de rien du tout. C'était juste un enclos pour mes larmes, faut croire. Maintenant , je n'en ai plus besoin. J'ai du sourire à revendre. Et si je pleure, ce sera en plein air, n'importe où, qu'est-ce que ça peut faire?



Il a une façon de relever la tête, Marcel quand il dit ces mots. La révolte n'a pas d'âge, non, et l'homme à côté de moi, il a vraiment osé s'insurger contre tout ce qui dit qu'à son âge il vaut mieux rester confortablement dans ce qu'on connaît. On ne va pas se mettre à courir le monde à presque quatre-vingts ans! Eh bien, si, on peut! et il le fait avec moi. page 81




Pendant longtemps, tu sais, Antoine, j'ai cru que la révolution, c'était tout le monde ensemble, à la même heure, au même endroit. Le grand soir ou le grand matin. Et puis, j'ai compris que c'était solitaire, ce qui se passait vraiment. A l'intérieur de chacun. Et ça, ça ne peut se faire tous ensemble, à la même heure. C'est dans chaque vie quelque chose de possible, on y va ou on n'y va pas. Après, si on peut, on se rassemble avec les autres... page 160




J'ai toujours aimé les fous, Antoine. Les décalés, c'est les seuls qui lui laissent la place, au désir. Dans le décalage, c'est là! ...Il faut une épice, le goût de quelque chose d'autre. Ils viennent le chercher dans les livres...Dans les livres, il y a toujours le décalage. La place pour le désir. page 165




Personne ne fait partie de la vie de quelqu'un. Qu'est-ce que c'est que ces histoires? Nos vies sont solitaires. On l'apprend forcément. Depuis qu'on est sorti du ventre de notre mère, rien à faire, pas moyen. On s'approche des autres, l'amour ça ne sert qu'à ça! Toutes les formes d'amour...pas seulement la romance des amoureux..tout ce qui nous rapproche vraiment des autres. Mais, de toute façon, jamais, non JAMAIS, on ne fait partie de la vie de quelqu'un. Et encore heureux. ce serait la fin de notre solitude, mais c'est encore plus sûrement, la perte de ce qui nous appartient vraiment: notre liberté...On peut essayer de créer des liens, c'est tout. On ne fait jamais partie, on ne fera jamais partie. C'est comme ça! page 185

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