samedi, mai 28, 2011

OURAGAN (Laurent Gaudé)

(Tempête à la Nouvelle-Orléans. La plupart des habitants ont fui. Laurent Gaudé nous décrit plusieurs personnages, tous noirs sauf le prêtre: Keanu qui a quitté Rose pour vivre sa vie et revient vers elle, un prêtre visiteur de prisons qui déteste les Noirs, Joséphine Lnc. Steelson, des prisonniers qui ont quitté la prison après le départ des gardiens, Rose et son petit garçon Byron..)



Partir. Tout recommencer à zéro. Ce n'était pas qu'il était malheureux avec Rose. Mais la vie se retrécissait. Il y avait encore tant de choses à faire. Il voulait encore essayer tant de métiers, arpenter tant de terres, vivre, vivre de tous les côtés. La vie était plus vaste que Rose. La vie était plus vaste que Lower Ninth. Il voulait partir, s'éprouver, se perdre . Il avait roulé, redoutant que la séparation ne le brûle, car il l'aimait sans le moindre doute, il l'aimait, mais plus il s'éloignait de la Nouvelle-Orléans, plus la tristesse disparaissait. La vie l'attendait là, devant lui, la vie nouvelle, exaltante. Pages 43, 44






Tout tremble, tinte et se plie. Le vent ne cesse de forcir. C'est nous qu'il veut. Il souffle pour nous arracher, nous soulever de terre et nous faire danser dans les airs au-dessus de cette ville qui ne sera bientôt plus rien. Je reste à la fenêtre. Je la sens qui tremble et crisse. Tant pis si elle éclate à ma face de négresse, je ne bougerai pas d'ici, car je suis bien. Le monde va se déchirer comme un sac et je veux voir cela. page 58


(le stade est bondé de gens qui n'ont pas pu partir avant l'arrivée de l'ouragan)

O misère du monde qui tolère cela. Spectacle de la laideur des hommes. Moi, Joséphine Linc. Steelson, je vois ce que vous ne voyez pas. Ils m'ont déposée devant le stade (les sauveteurs ), heureux de m'avoir sauvée des flots, puis ils sont repartis dans leur quatre-quatre rutilant. J'ai regardé autour de moi et j'ai vu des hommes abandonnés, ceux qui ne comptent plus, ceux que l'on a oubliés derrière soi et qui traînent les pieds. Je les ai vus...Et ils sont tous noirs. Cela personne ne semble le voir. Tous noirs, dans la crasse d'habits souillés par le déluge. Une foule immense, déféquant et pissant de peur, une foule qui ne compte pour rien car nous n'avons jamais compté...Je suis parmi les rats qui se meurent et ne manqueront à personne. Ils enverront des hélicoptères et des bidons d'eau, maos rien n'effacera le fait qu'au moment de courir, ils ne se sont pas retournés, qu'ils ont même oublié qu'ils laissaient derrrière eux les nègres de toujours. Page 118


Mon père voulait m'appeler Fidelity. Il était fier d'avoir eu cette idée et il en souriait souvent lorsqu'il y pensait, comme un bon coup qu'il allait faire au monde entier. Fidelity, parce qu'il voulait être fidèle à ceux qui s'étaient battus pour nous, les Grant, les Hooker, tous les Yankees qui avaient fait couler leur sang dans nos champs pour que nous soyons libres. Mon père est parti, vaillant, déclarer mon nom à la mairie mais ils lui ont ri au nez."Fidelity, ce n'est pas un nom!"Il a insisté. Rien n'y fit. "Même un nègre ne peut pas s'appeler comme ça!", ont-ils dit. Mon père a baiisié les yeux et a enterré ses rêves d'hommage...A quinze ans,...j'ai décidé qu'on m'appellerait Lincoln, Joséphine Lincoln Steelson. page 119


Il sent qu'il meurt. (il a été tué par un prêtre qui veut éléminer les Noirs) . mais il est heureux de l'avoir retrouvée (Rose). Il est heureux. La plate-forme n'est plus en lui. Elle n'aura été qu'une parenthèse de six ans. Il est revenu à Rose et le reste est balayé. La tempête lui a offert cela. Si souvent il a eu peur que sa vie ne soit qu'une succession de jours, vidée de sens. SI souvent, il s'est senti inutile et lent. Aujourd'hui, il y a ce nom, Rose, qui chasse l'ennui des jours infinis. Il ya Rose. Il voudrait lui dire que cela rachète tout et qu'il ne faut pas pleurer. Il voudrait lui dire que sa vie est gagnée. Et puis , d'un coup, c'est elle qui s'assoit à son chevet. Elle a changé. Elle est devenue calme subitement et résolue....page 179


Les femmes pleureront mais elles se relèveront. Je le dis, moi, Joséphine Linc. Steelson, car je l'ai vu mille fois. Les hommes mourront mais il en viendra d'autres que nous élèveront dans le souvenir des premiers. Je chante avec ma voix venue de loin et les familles tournent la tête vers moi. Les enfants cessent de crier. La faim ne leur tiraille plus le ventre. Ils me regardent. Ils veulent que ma voix continue à emplir le hall car c'est la seule chose qui les réchauffe, alors, je continue, je suis increvable, et jamais personne ne me fera renconcer. page 185

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