mardi, janvier 11, 2011

TOUTE UNE HISTOIRE ( Hanan el-Cheikh)

L'auteur rappporte avec une scrupuleuse fidélité les confessions de sa mère analphabète, Kamlech, née au début des années 1930 dans une famille chiite extrêmement pauvre, au Sud-Liban. Promise à 11 ans à son beau-frère, elle s'installe avec la famille de son futur mari dans un quartier populaire de Beyrouth. Elle est placée comme apprentie chez une couturière et tombe amoureuse du cousin de cette dernière, Mahomed, un jeune lettré féru de poésie. Forcée à 14 ans de se marier avec son fiancé, Kamlech a trois filles...Elle reste follement éprise du beau Mahomed... Elle va , bravant tous les usages, tenter d'obtenir le divorce, au risque d'être séparée de ses filles.
"On me fait croire que la couturière a besoin de prendre mes mesures pour une cousine de Khadijeh qui a la même taille que moi. Quelques semaines plus tard, je trouve par hasard, cette robe au milieu d'une pile de robes, une robe de mariée blanche. Comme dans un film, je comprends que je vais me marier. J'éclate en sanglots et me mets à tirer sur mes cheveux. Je montre à ma mère et à Khadijeh la touffe que j'ai arrachée. Je me frappe la poitrine en criant :
"Non, ne me faites pas ça! Pitié!".
Je me précipite chez Fatmeh (la couturière) pour lui raconter ce qui se passe. Elle m'avoue que si Abou Hussein(son futur mari) lui a demandé de m'apprendre la couture, c'est que pour que je sois une copie conforme de sa défunte femme Manifeh. Je me frappe la poitrine ...Page 85
Avant le film, nous regardons des "actualités" sur la guerre qui se prépare en Europe. Nous voyons l'Italien à la tête carrée qui parle à la foule - il a l'air très en colère - , l'Allemand à la petite moustache , le gros Anglais avec une grosse cigarette noire à la main - elle est en deuil, me dis-je, la guerre va commencer. Puis nous voyons les chars allemands faire la course pour entrer en Pologne. page 89
Ibrahim (son beau-frère)n'était pas le seul à vouloir contrôler les femmes de la famille. Chacune de mes amies craignait un cousin, un frère, un mari. Cela valait aussi pour les riches et le grand monde, comme ma cousine Mira. page 135
. Après cette soirée (au cinéma) je me suis mise à penser follement à Mahomed. Je me voyais en marchande de pommes; lui était l'aristocrate qui savait lire et écrire...Pour moi, le cinéma était une école. Il m'enseignait l'histoire, la géographie, me parlait d'un continent qu'on appelait l'Europe et me montrait la guerre. Il m'apprenait à parler, et à m'habiller, il me faisait entrer dans des maisons luxueuses et de pauvres masures, et je faisais connaissance avec leurs habitants. J'aurais aimé vivre comme certains et je rendais grâce à Dieu de vivre mieux que certains autres. Je rencontrais sur l'écran des gens comme moi, d'autres comme Ibrahim et même comme mon mari. page 136
Mon divorce est un scandale , parce que j'y ai joué un rôle d'homme - c'est moi qui ai répudié mon mari -, comme un homme répudie la mère de ses enfants pour épouser une autre femme. Et j'ai abandonné mes filles - l'aînée à l'âge de dix ans, la cadette à sept ans- , parce que je n'osais réclamer leur garde: je savais que le cheik me voyait comme une mauvaise mère car j'avais commis l'adultère. page 204
J'étais soulagée que mes deux aînées se soient mariées. Non pas parce que, pour une fille, le mariage est synonyme de sécurité et de stabilité, mais parce que j'avais peur que le fait d'avoir une mère divorcée soit pour elles un obstacle. page276
Au début du printemps 1975, Beyrouth est agitée par de nouveaux troubles. Un bus de réfugiés palestiniens est mitraillé par des miliciens phalangistes lors de son passage dans un quartier chrétien. Les combats entre musulmans et chrétiens reprennent. Comme tout le monde, je suis sûre que c'est pareil qu'en 1958: cela va vite s'arrêter. page 280

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