mercredi, décembre 22, 2010

ZENITH (Duong Thu Huong)

"Les anciens disent que si tu veux un homme, choisis sa notoriété, si tu veux une femme, choisis sa famille. Réfléchis-y" page 53

(Pendant la guerre contre les Américains)
(A l'armée) Même salle, mêmes beignets, même bouillon de pho. N'empêche, la cantine est séparée en deux. Lui (Ho Chi Minh )a sa place réservée en première classe. Le sol y est surélevé de vingt centimètres par un plancher en bois verni brillant. Les chaises sont de meilleure qualité, les tables recouvertes d'une nappe blanche. La vaisselle est en porcelaine chinoise. L'autre côté est plus bas, carrelé, les meubles y sont en bois grossier, sans nappe et la vaisselle est de fabrication locale, rudimentaire. Entre les deux zones, comme pour bien délimiter, des poteaux de bois reliés par une guirlande de fleurs en papier bariolé. page 64
La vie demande des choses bien concrètes dont on mesure la valeur après coup: toujours après coup..., se dit-il en français, tout en soupirant discrètement. page 98
Les anciens disent que les larmes coulent vers le bas. L'amour d'un enfant pour son père ne peut être comparé à celui d'un père pour son fils. Quand nous aimons nos parents, nous regardons vers le haut. Quand nous aimons nos enfants, nous regardons vers le bas. Les larmes obéissent à la loi naturelle et coulent toujours vers le bas. page 127
Le peuple. Ce n'est qu'un pion sur l'échiquier de l'histoire. Son rôle est d'être utile dans le jeu. S'il devient inutile, il faut le sacrifier. page 135
Le destin?
Le destin ou la volonté?
Le destin: parce que l'Amérique a choisi le Vietnam pour y ériger son mur contre l'invasion communiste.
Le destin: parce que la Chine est tombée entre les mains d'un fou fanatique. Un dément qui avait voulu cette guerre à tout prix. Cette guerre érigera à sa célébrité un monument historique, d'un héroïsme gigantesque:
"La guerre anti-américaine sera dix fois plus importante que celle contre la France coloniale. Notre triomphe ne sera que mille fois plus glorieux.
L'objectif était connu d'avance.
L'arc de triomphe avait déjà été érigé dans les esprits et dans les rêves éveillés de quelques-uns avant que tout ait commencé.
Hélas l'histoire est une partie de dés. La guerre sacrée qui mène un peuple est une pièce de théâtre secrètement conçue dans la tête d'un mégalomane. Des millions de gens sont volontairement tombés car ils avaient cru leurs sacrifices nécessaires à l'avenir de leur patrie, à l'honneur de leur peuple. En vérité, ce sont des moutons que l'on pousse vers un immense abattoir afin de glorifier l'idéologie de quelques cadavres déjà enfouis sous terre. pages 159, 160
"Ne tire pas sur les lianes, tu risques d'ébranler la forêt". page 303
Les paysans exposés au soleil toute l'année voyaient dans une peau claire le summum de la beauté.La peau de Ngan était d'une blancheur magnifique et, elle avait en plus, un léger reflet rose qui lui donnait un air juvénile. page 388
"Chacun vit sa vie, on ne peut comparer.
- C'est vrai. L'embêtant, c'est qu'il n'existe qu'un seul système de valeurs, imposé par les lois et par le pouvoir. Comme si on posait un lit standard en demandant à tout le monde de s'y coucher
et de se débrouiller pour se mettre à sa mesure. page 490
De tout temps, la lutte pour le pouvoir a été acharnée, dépouillant chaque combattant de ses belles qualités humaines pour ne lui laisser que la jalousie scélérate, la ruse abjecte et la vile méchanceté. Il (Vu, un homme proche du pouvoir) n'a jamais voulu admettre que toute cette société est devenue immorale et crapuleuse. Il avait pourtant placé en elle tant d'espérance. D'autres avaient misé sur elle toute leur vie. page 499
(dialogue fictif entre Man (Mao) et Ho Chi Minh)Man : Ce qui vous affaiblit, c'est votre sempiternelle hésitation entre l'Orient et l'Occident. D'abord, vous avez cédé à l'illusion de la démocratie, cette nourriture des diables blancs. Vous avez été le bon disciple de l'Occident, alors que vos sbires sont des indigènes. Quand ils vous ont soupçonné d'être profrançais, ils vous ont donc ligoté comme un cochon qu'on s'apprête à égorger, avec pour instrument le vote majoritaire. Vous qui avez appliqué et enseigné le sacrifice à la justice et à l'intérêt collectif, vous ne pouvez plus vous opposer à vos hommes qui le brandissent. Vous avez oublié que les Asiatiques mangent avec des baguettes et que les rôles de maître et de serviteur sont bien cadrés dans nos sociétés. Entre eux, pas d'égalité, ni de confiance, mais seulement la notion d'utilité. Par le terme de camarade, nous nous imposons au bas peuple, comme un sorcier utiliserait la magie pour diriger les troupes de l'enfer. Ce n'est qu'une écorce, une ombre. Et vous, vous l'avez confondue avec le coeur du fruit. C'est là votre erreur fatale. page 514
(Le Président en conversation avec son chauffeur : il voit dans la rue les filles d'attente) . Ce qu'il avait vu démentait ce que, dans son optimisme, il avait imaginé. La réalité, c'étaient des files d'attente où hommes et femmes se bousculaient tels des moutons dans un enclos. Sur les visages exténués, se lisaient la sous-alimentation, l'humiliation, la pression de la peur, du malheur et de la haine. Des visages de futurs malades attendant d'entrer en hôpital psychiatrique. page 557
Lors de la réunion du Bureau Politique le lendemain ( de la scène des files de gens affamés), il avait demandé à revoir la politique économique afin de redresser la situation. Il avait insisté sur le mot : bonheur. Aucune libération n'a de sens si elle n'apporte pas plus de bonheur à l'homme. Une révolution n'est qu'une folle et cruelle aventure si elle n'offre pas plus de liberté et une vie plus digne. De même pour l'indépendance. L'indépendance d'un peuple n' a aucune valeur si elle ne satisfait pas les besoins élémentaires. Personne n'avait objecté. Personne non plus ne l'avait écouté...Les généraux se distribuaient les richesses du palais. Le pouvoir de chacun se mesurait désormais au luxe de sa résidence, aux privilèges de ses acolytes ou de sa famille. Plus grand monde se souciait de la collectivité, car les intérêts particuliers ont toujours été prépondérants chez les hommes. Les soucis du Président étaient devenus futiles et sans intérêt. Toute la machine gouvernementale était à leur propre service, un service illimité, tandis que pour se nourrir, le peuple devait se serrer la ceinture dans les files d'attente, comme des moutons devant une parcelle herbeuse. pages 560, 561

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