Petit livre de 100 pages que Jorge Semprun n'a pu terminer. C'est un texte inachevé par l'arrivée de la maladie. Dans son récit, il parle surtout de son expérience de la torture qu'il a connue en tant que résistant capturé par la Gestapo.
Je note aussi le film qu'il commente sur le processus de l'Espagne qui lève le voile sur la période franquiste: Les Chemins de la Mémoire.
Je ne vois réellement qu'une personne, une seule aujourd'hui vivante, ô combien! avec qui il ne serait pas impossible, ni indécent, d' évoquer cette expérience. : Stéphane Hessel page 47
L'expérience de la torture n'est pas seulement, peut-être même pas principalement , celle de la souffrance, de la solitude abominable de la souffrance. C'est aussi sans doute, celle de la fraternité. Le silence auquel on s'accroche, contre lequel on s'arc-boute en serrant les dents, en essayant de s'évader par l'imagination ou la mémoire de son propre corps, son misérable corps, ce silence est riche de toutes les voix, toutes les vies qu'il protège, auxquelles il permet de continuer à vivre.
Et sans doute, l'être du résistant torturé devient-il un être-pour-la-mort, mais c'est aussi un être ouvert au monde, projeté vers les autres: un être-avec, dont la mort individuelle, probable, nourrit la vie.
A Madrid, n'ayant jamais été arrêté, malgré les efforts considérables déployés par la police de la dictature, je n'avais pas eu à protéger la vie des autres, leur liberté du moins, par mon silence. Ce sont les autres qui avaient préservé ma liberté, par leur silence , sous la torture. Jamais aucun des militants arrêtés pendant ces dix années de clandestinité n'aura livré à la police un rendez-vous avec moi, ni le moindre indice qui aurait pu me mettre en danger. j'ai vécu en liberté ces dix longues années de clandestinité, grâce à tous ces silences multiples....C'est une expérience de solidarité autant que de solitude. Une expérience de fraternité, il n'y a pas de mot plus approprié.pages 50,51
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