mercredi, octobre 13, 2021

L'HIBISCUS POURPRE ( Chimamanda Ngozi Adichie) 2003

 Kambili a quinze ans. Son monde est limité aux murs de la résidence luxueuse d'Enugu, au Nigeria, où elle vit avec ses parents et son frère Jaja. Son père , Eugène, est un riche notable qui régit son  foyer selon des principes d'une rigueur implacable. Sa générosité et son courage politique ( il possède le seul journal indépendant du pays) en font un véritable héros de sa communauté. Mais Eugène est aussi un fondamentaliste catholique, qui conçoit l'éducation de ses enfants comme une chasse au péché où les plus terribles punitions trouvent leur justification dans la foi. 

Quand un coup d'Etat vient secouer le Nigeria, Eugène est très impliqué dans la crise politique, est obligé d'envoyer Kambili et Jaja chez leur tante. Les deux adolescents y découvrent un foyer bruyant, plein de rires et de musique. Ils prennent goût à une vie simple, qu'ils croyaient dangereuse et païenne, et ouvrent les yeux sur la nature tyrannique de leur père. Lorsque Kamili et son frère reviennent sous le toit paternel, le conflit est inévitable et la maison se transforme en champ de bataille où les enfants vont se révolter pour gagner leur liberté. 

A la maison, la débâcle a commencé lorsque Jaja, mon frère, n'est pas allé communier et que Papa a lancé son gros missel en travers de la pièce et cassé les figurines des étagères en verre. Nous venions de rentrer de l'église. page 11...Papa s'asseyait toujours au premier rang pour la messe, au bout de banc à côté le l'allée centrale, Mama, Jaja et moi près de lui. Il était le premier à recevoir la communion. La plupart des gens ne s'agenouillaient pas pour recevoir la communion à l'autel de marbre.....mais Papa oui. page 12

Il (Papa) ne parlait pratiquement jamais ibo et même si Jaja et moi le parlions avec Mama à la maison. Il n'aimait pas que nous l'utilisions en public. Nous devions paraître civilisé en public, nous disait-il: nous devions parler anglais. La soeur de Papa, Tatie Ifeoma, avait fait remarquer que Papa était un pur produit du colonialisme. page 25

"Vas-tu remplacer les figurines? " ..;" Kpa, dit-elle ( la maman) Je ne les remplacerai pas. Peut-être Mama avait-elle compris qu'elle n'aurait  plus besoin des figurines....ce n'étaient pas seulement les figurines qui avaient dégringolé, c'était tout. Je ne me rendais pas compte qu'à présent, m'autorisais tout juste à le penser. page 28

Papa aimait l'ordre. Cela se voyait même dans ses emplois du temps, à la façon dont ses lignes tracées méticuleusement, à l'encre noire, traversaient chaque  journée, séparant le travail de la sieste, la sieste du temps familial, le temps familial des repas, les repas de la prière, et la prière du sommeil. page 37....Je voulais faire la fierté de Papa, réussir aussi bien que lui...page 57

Papa changea d'accent ( il parle avec une religieuse britannique) pour lui répondre, prenant des inflexions britanniques, exactement  comme lorsqu'l s'adressait  au père Benedict.  Il était affable, manifestant cet empressement à plaire qu'il avait toujours à l'égard des religieux, en particulier à l'égard des religieux blancs.  page 67...(Le père à sa fille) " Pourquoi crois-tu que je travaille aussi dur pour vous donner le meilleur, à Jaja et à toi?  Il faut que tu fasses quelque chose de tous ces privilèges....Je n'ai pas eu  un père qui m'envoyait  dans les meilleures écoles. Mon père passait son temps à adorer les dieux de pierre et de bois. Sans les prêtres et les soeurs de la mission, aujourd'hui , je ne serais rien.  J'ai  été boy chez le prêtre de la paroisse pendant deux ans. Oui, boy. Personne ne m'emmenait en voiture à l'école. Pendant tout mon primaire, je devais faire treize kilomètres à pied  par jour pour aller à Nimo. A l'école secondaire, je travaillais comme jardinier, pour les prêtres.  page 68

(La famille  est au pays natal) Papa appréciait  que les villageois fissent un effort pour parler anglais en sa présence. Il disait que cela montrait  qu'ils avaient du bon sens. page 88...( Jaja et sa soeur se rendent chez le grand-père) " ça ne me plaît pas de vous envoyer dans la maison d'un païen , mais Dieu vous protègera. " dit Papa. " Papa -Nnukwu  habite tout près, nous pouvons y aller à pied en cinq minutes, nous n'avons pas besoin que Kevin nous y conduise. " dit Jaja page 91

( La tante) "Quelquefois la vie commence quand le mariage prend fin" - Toi et  tes propos d'universitaire! C'est ce que tu racontes à  tes étudiantes? " Maman souriait.  - Sérieusement oui. Mais elles se marient de plus en plus tôt, ces temps-ci. A quoi sert un diplôme , me demandent-elles, si nous ne trouvons pas de travail avec? - Au moins, elles auront quelqu'un qui s'occupera d'elles si elles se marient. - Je ne sais pas qui s'occupera de qui. Six filles de mon séminaire sont mariées....elles deviennent la propriété de leur mari, elles et leurs diplômes." Mama secoua la tête. "Encore des propos d'universitaire. Un mari couronne la vie  d'une femme, Ifeoma.  C'est ce qu'elles veulent" page 108

(Chez les cousins, les enfants d' Ifeoma,  U coup d'Etat a eu lieu) ) " Pouvons-nous regarder CNN? ....;" Nous ne regardons pas beaucoup la télévision,., dis-je. -Pourquoi demanda Amanda. ....Je voulais lui expliquer que,  malgré les énormes paraboles  qui trônaient  sur le toit de nos maisons d'ici et d'Enegu, nous ne regardions pas la     télévision.  page 114  -Kambili, je crois que tu seras plus à l'aise en pantalon, me dit Tatie Ifeoma - ça ira répondis-je. ....je n'avais pas de pantalon parce que c'était un péché pour une femme de porter un pantalon. page 115

"  Papa-Nnukwu (le grand-père) est un païen" Papa serait fier que j'ai dit cela.  " Votre Papa-Nnukwu n'est pas païen, Kambili, c'est un traditionaliste. " Je la dévisageai ( la tante) . Païen ou traditionaliste , quelle importance! Il n'était pas catholique, voilà tout. Il n'avait pas la foi.  page 117

"C'est une chaîne stéréo, n'est-ce pas?  pourquoi vous ne mettez pas de musique?  -Oui, c'est une chaîne stéréo " répondit Jaja. Il n'ajouta pas que nous ne l'utilisions jamais. ...La seule chose que nous écoutions, c'étaient les nouvelles à la radio de Papa, pendant le temps familial. page 131

Papa  nous regarda nous asseoir à table, puis, il commença la prière.  Elle dura  un peu plus longtemps que d'habitude, plus de vingt minutes. page 137

( Jaja et sa soeur sont chez la Tatie Ifeoma) " Nous ne chantons pas à la maison", expliqua Jaja.  - Ici, nous chantons" dit Tatie Ifeoma page 175...Après avoir fini, nous dîmes les prières du matin au salon, une série de prières courtes ponctuées de chants. Tatie pria pour l'université, pour les professeurs et la direction, pour le Nigeria, et, à la fin, elle pria pour que nous puissions trouver paix et rires en cette journée...Je levai la tête  et cherchai le regard le visage de Jaja, pour voir s'il était aussi stupéfait que Tati Ifeoma et sa famille prient , entre toutes les choses possibles et inimaginables, les rires. page 175

" Je ne t'ai pas vue rire ni sourire aujourd'hui, Kambili" finit-il par dire. Je baissai les yeux sur mon maïs. je voulais lui dire que j'étais désolée de ne pas sourire ni rire, mais les mots refusèrent de sortir .."Elle est timide" dit Tatie Ifeoma. page 194

"ça peut être une bonne chose d'être rebelle, dit -elle ( la tante) .L'esprit de rébellion est comme la marijuana; ce n'est pas mauvais  quand on l'utilise  comme il faut. " Le ton solennel plus que le contenu sacrilège  de ces paroles, me fit lever la tête. page 201

Je me souvenais des paroles de Tatie Ifeoma la veille, me disant que Papa-Nnukwu ( il est chez  sa fille, Tatie Ifeoma) était un traditionaliste et non un païen. page 229  Papa-Nnukwu était assis sur un tabouret bas, les jambes en triangle. ...Une lampe à pétrole, baissée au minimum , était posée juste à côté de lui....IL se pencha pour tracer une ligne au sol, avec le morceau de nzu qu'il tenait à la main. Il parlait, le visage penché comme s'il s'adressait au trait de craie blanche, qui paraissait jaune à présent. Il parlait aux dieux ou aux ancêtres; je me souviens que Tatie Ifeoma avait dit qu'on pouvait les intervertir.  "Chineke! Je te remercie pour cette nouvelle matinée! Je te remercie pour le soleil qui se lève. " Sa lèvre inférieure tremblait. ...Il se pencha pour tracer une autre ligne...." Chineke! Je n'ai tué personne, je n'ai pris la terre de personne, je n'ai pas commis d'adultère! " Il se pencha et traça la troisième ligne. " Chineke! J'ai souhaité le bien des autres. J'ai aidé ceux qui n'ont rien avec le peu que mes mains ont à offrir. .." Chineke! Bénis-moi! Fais-moi trouver de quoi remplir suffisamment mon ventre. Bénis ma fille Ifeoma. Donne-lui suffisamment pour sa famille. " Il remua sur le tabouret.... "Chineke! Bénis mon fils Eugène. Que le soleil  ne se couche pas sur sa prospérité. Romps le sort qu'ils lui ont jeté. " Papa-Nnukwu se pencha et  traça une ligne de plus. J'étais étonnée qu'il priât pour Papa avec la même sincérité que pour lui-même et Tatie Ifeoma.  " Chineke! Bénis les enfants de mes enfants. Que tes yeux les regardent s'éloigner du mal et se diriger vers le bien. " Papa-Nnukwu souriait en parlant.  ..."Chineke! Ceux qui souhaitent le bien d'autrui , veille à leur bien. Ceux qui souhaitent le mal d'autrui, veille à leur mal." Papa-Nnukwu  traça une dernière ligne, plus longue que les autres, dans un grand geste de la main. Il avait fini. pages 229, 230,  231

'Papa-Nnukwu est mort dans son sommeil). "Il y a quelqu'un qui vient de se  garer devant l'appartement". dit Obiera..." Qui est-ce?" demanda Tatie Ifeoma. avec lassitude..." Oncle Eugène". Pétrifiée dans mon fauteuil, je sentis ma peau de mes bras se liquéfier pour ne faire qu'un avec les accoudoirs.  la mort de Papa-Nnukwu avait tout éclipsé...; " Bonjour Papa, dis-je mécaniquement. - Kambili, comment vas-tu? Où est Jaja? ..;" Je t'avais demandé de ne pas venir, Eugène, dit Tata Ifeoma..

- "Je ne pouvais pas les laisser rester un jour de plus " rétorqua Papa....."Eugène, notre père s'est endormi" annonça Tatie Ifeoma. ..- Quand? - Ce matin. Dans  son sommeil. Ils l'ont emmené à la morgue il y a quelques heures à peine. ..."As-tu appelé un prêtre pour lui donner l'extrême onction?  demanda-t-il..." C'est tout ce que tu trouves à dire, eh Eugène! N'as-tu rien d'autre à dire, gho? Notre père est mort! As-tu la tête à l'envers? ".."  Je ne peux pas prendre part à un rituel païen mais nous pouvons discuter avec le prêtre de la paroisse et organiser un enterrement catholique....- Notre père était-il catholique? Je te le demande,, Eugène, était-il catholique? ...." Kambili et Jaja , venez" dit Papa, en se levant.  "Allez faire vos bagages"...page 258

'Arrivés chez à  la maison, le père de Kambili et Jaja verse de l'eau bouillante dans la baignoire sur les pieds de ses deux enfants. Ils n'ont lui ont rien dit sur la venue de leur grand-père - païen - chez sa fille Ifeoma) ..." Voilà ce que tu fais quand tu marches dans la voie du péché. Tu te brûles les pieds.  Je voulais dire "Oui, Papa" parce qu'il avait raison mais la sensation de brûlure  sur mes pieds grimpait par rapides assauts de douleur atroce, à ma tête, à mes lèvres, à mes yeux. page 267

St Peter n'avait ni les immenses bougies ni le riche marbre de St Agnes. Les femmes n'attachaient pas leurs foulards sur la tête comme il faut, en couvrant le maximum de cheveux. Je les observai quand elles s'avancèrent pour l'offertoire.  Certaines avaient juste un voile noir sur leurs cheveux; d'autres étaient en pantalon, voire en jean. Papa aurait été scandalisé.  Une femme doit se couvrir les cheveux dans la maison de Dieu, et aucune ne doit porte des vêtements d'un homme, en particulier  dans la maison de Dieu, aurait-il dit. page 327

(Mama arrive chez sa belle-soeur Ifeoma  où sont  ses deux enfants . " Je ne sais pas si ma tète fonctionne correctement. " dit-elle. .."Je suis rentrée de l'hôpital aujourd'hui. Le docteur m'a dit de me reposer mais j'ai pris l'argent d'Eugène et ...J'ai demandé un taxi et je suis venue ici".  "Que s'est-il passé? " demanda doucement Tatie Ifeoma.  Mama parcourut la pièce du regard...." Tu vois la petite table où nous rangeons la Bible familiale, nne?  Ton père me l'a cassée sur le ventre. Elle parlait comme s'il s'agissait de quelqu'un d'autre qu'elle, comme si la table n'était pas en bois massif. " J'ai saigné par terre avant même qu'il m'emmène à St Agnes. Mon docteur a dit qu'il ne pouvait rien faire pour le sauver. "..."Pour le sauver? , murmura Tatie Ifeoma. Qu'est-ce que tu veux dire?  - J'étais enceinte de six semaines....Eugène ne le savait pas." ...Elle pleura longtemps. page 337

( Beaucoup de longueurs sur un peu plus de cent pages...Tatie et ses enfants partent aux USA, elle a perdu son travail à l'université....Mama verse du poison dans le thé d'Eugène et il en meurt, son fils,  Jaja, s'accuse et est emprisonné....La fin me semble un peu confuse)

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