mardi, février 14, 2012

LE VENTRE DE L'ATLANTIQUE (Fatou Diome)

Salie vit en France, son frère Madické rêve de l'y rejoindre et compte sur elle. Mais comment lui expliquer la face cachée de l'immigration. Le Ventre de l'Atlantique charrie entre l'Europe et l'Afrique des destins contrastés saisis dans le tourbillon des sentiments.

La pauvreté, c'est la face visible de l'enfer, mieux vaut mourir que de rester pauvre. page 34

Quand on vient de France, on peut épouser qui on veut, il (l'homme de Barbès) le savait. En revanche, personne ne pouvait se targuer de connaître son activité en France. A son arrivée (chez lui, au Sénégal) on se contenta d'admirer son pouvoir d'achat, faramineux par rapport à la moyenne de l'île. Lui, au moins, pouvait se permette de remplacer l'éternel riz au poisson par un délicieux riz au poulet. A son troisième congé, il commença à bâtir son imposante demeure...Cette maison lui assurerait à jamais le respect et l'admiration des villageois. ...A son septième voyage, l'homme de Barbès se construisit une boutique bien approvisionnée à l'entrée de sa demeure et s'installa définitivement au village. Devenu l'emblême de l'émigration réussie, on lui demandait son avis sur tout. page 37



Après la colonisation historiquement reconnue, règne maintenant une sorte de colonisation mentale: ...tout ce qui est enviable vient de France. Tenez, par exemple, la seule télévision, ...elle vient de France, Son propriétaire , devenu un notable au village, a vécu en France. L'instituteur, très savant, a fait une partie de ses études en France. Tous ceux qui occupent des postes importants au pays , ont étudié en France. page 60




Déraciné, Ndétare (l'instituteur) avait su , dès son arrivée, mettre à profit l'adage sévère selon lequel l'ouie et la vue seraient les meilleures hôtesses d'acueil. Il avait regardé, longtemps observé; avait tendu l'oreille, beaucoup entendu et fournissait l'effort nécessaire à son adaptation. Mais son intégration était partielle. Cette société insulaire, même lorsqu'elle se laisse approcher, reste une structure monolithique impénétrable qui ne digère jamais les corps étrangers. page 87


Mon frère galopait vers ses rêves, de plus en plus vers la France.page 93

Les amitiés d'enfance résistent parfois au temps, jamais à la distance; la différence des itinéraires nous sépare et ne nous laisse qu'une liste de prénoms qui, petit à petit, perdent leur tête et leur mélodie autrefois rassurante. page 209

Je pensais à ma vie solitaire en Europe, où personne ne se soucie de mes allées et venues, où seule ma serrure compte mes heures d'absence. Un é-mail ou un message sur le répondeur téléphonique, ça ne sourit pas, ça ne s'inquiète pas, ça ne s'impatiente pas, ça ne vide pas une tasse de café, encore moins un coeur plein de mélancolie. page 220

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