mercredi, août 26, 2009

TOUT LE MONDE EST OCCUPE (Christian Bobin)

Les bonnes manières sont des manières tristes. Ariane n'était pas douée pour la tristesse. Elle aimait et elle voulait.Vivre est si bref...Vivre est si rapide, il faut bien mettre un peu d'enthousiasme là-dedans, non? pages 11, 12

(Ariane se marie). Mariage classique. D'abord à la mairie, ensuite l'église. A la mairie, rien à dire, tout est parfait. Calme, froid , républicain. Le maire est en vacances. L'adjoint à la culture le remplace...L'adjoint à la culture ne croit pas aux vertus du mariage. Cela tombe bien, on ne lui demande pas de croire, on lui demande seulement de réciter quelques articles de loi, sans mettre le ton, surtout sans mettre le ton...Une heure plus tard, l'église. Après la loi, la grâce. Deux noeuds valent mieux qu'un. J'ignore combien dans cette assemblée croient en Dieu - prêtre compris (pensée d'Ariane)...Le prêtre oublie son émotion, rattrape sa croyance in extremis, redevient prêtre, accomplit son travail qui n'est pas mince: parler avec énergie pour que les mots de Dieu (oui, excusez du peu: les mots de Dieu, les grands rayonnnements du soleil), renversent cette muraille de parfums, de pensées et de costumes pour atteindre, sans perdre de leur puissance, quelques âmes. Au moins une. Une seule et ce sera gagné...Allez, Dieu est venu, Dieu est parti, on sort. Ariane et son mari les premiers, une pluie de roses sur leurs têtes, du soulagement pour tous, la fête va commencer - à moins qu'elle ait déjà eu lieu- comme on voudra. page 14
Les livres, pour les effacer, il suffit de ne jamais les ouvrir. Les gens, c'est pareil: pour les effacer, il suffit de ne jamais leur parler. page 22
"Les mots sont comme les gens. Leur manière de venir à nous en dit long sur leurs intentions... Il faut , comme toi, jouir d'une vie de luxe pour s'étonner que les gens se révoltent pour un peu plus de pain et de justice...Ce que les gens appellent l'ordre: un état confortable pour eux, et pour eux seuls..." page 66
Pour parler, il ne suffit pas deparler, il faut être entendu. page 99

Aucun commentaire: