jeudi, novembre 12, 2009

LE PARADOXE PERSAN (J.F. Colosimo)

"Quiconque s'opposera à l'Iran finira dans le brasier de colère divine." Mahmoud Ahmadinejad, 2005

L'islam s'est avancé à la découverte de lui-même en s'emparant du creuset sémitique, grec, latin qui l'avait dévancé. Double genèse: d'un côté, la révélation finale accordée à Mahomet; de l'autre, le djihad expansionniste de ses disciples, après sa mort, sortant de la Péninsule, partant à la conquête de l'Orient méditerranéen. Difficile superposition de l'événement et de l'avènement.
page 14, 15

L'Arabie saoudite mettra la manne des pétrodollars au service d'un prosélytisme sans précédent en Afrique, en Asie et en Europe centrale. Centre de l'Islam, elle deviendra centre de l'islamisme.page 20

"L'identité d'une culture est aussi charnelle; c'est ce dont le peuple a toujours vécu, qu'il ne saurait jamais perdre." page 35

"Nous avons survécu à toutes les tempêtes et nous avons préservé notre identité à travers toutes les vicissitudes". (la conquête du pays par les Anglais et la dynastie des Pahlavi) Toujours l'évocation de la permanence, quels que seront mes interlocuteurs, chacun égrenant à son tour les mille et un grains du paradoxe persan. Paradoxe géographique, d'abord, où que l'on tourne sa vue. Une civilisation unique a en effet surgi ici entre la Caspienne et le Golfe, le Sud et l'Euphrate. Une image de paradis - ce mot que nous tenons des Perses - un jardin en creux de zones désertiques et de contreforts montagneux. Et donc, un carrefour de civilisations. Un monde des confins aux confins des mondes arabe, slave, chinois, indien. Un passage obligé pour les routes de la soie, jadis; pour les caravanes d'épices, hier; pour les tankers de pétrole, désormais....Paradoxe géopolitique, ensuite. Un verrou militaire et un sas culturel entre l'Est et l'Ouest ont fini par émerger de cette assise singulière. Un charnier pour les rêves d'invasion venus du nord ou du sud, un refuge pour les théologies, les philosophies, les sciences venues de partout ailleurs. Un pic de résistance surtout. Empire au milieu des empires, la Perse a survécu à l'hellénisation d'Alexandre, à la romanisation de Constantin, à l'arabisation d'Omar, à la ruusification de Catherine et à l'européanisation de Victoria, comme elle a dit non , ces dernières années , à l'Amérique de Bush. Paradoxe politico-religieux, enfin. S'imposant comme ligne de démarcation entre l'Occident et l'Orient , ce lieu sans lieu est devenu , au fil des siècles, un sanctuaire pour les dissidences spirituelles. Pages 36, 37
L'Iran est la religion de l'Iran. Il est à lui-même son culte, qu'il a réinventé sous mille formes d'âge en âge. Berceau du manichéisme, refuge de l'hellénisme, il se donne à l'Eglise nestorienne, son propre christianisme. Et, avec son chiisme, son propre islam. Tout empire rêve monde. La Perse, elle, se veut un microcosmejaloux page 45
La Perse sera, en 1906, le premier pays du Moyen-Orient, à se doter d'une constitution et d'un Parlement. La Monarchie s'est mise à rêver d'un Etat fort, à l'occidentale, pour conforter son assise au moment même où le clergé, le Bazar, l'intelligentsia ont commencé à se liguer contre elle en s'inspitant des révolutions et des nationalismes européens...La base du mouvement constitutionnel, c'est la bourgeoisie. D'abord, elle s'empare du commerce, elle s'empare de l'argent, et veut , en conséquence, participer au pouvoir. page 56
Le 21 mars 1935, fête du Norouz, le Nouvel An zoroastrien, Reza Chah Pahlavi, prévient les diplomates en poste à Téhéran, que son pays se nommera désormais l'Iran. page 73
Le chiisme a surgi à la face du monde sous les traits de Ruhollah Khomeyni. Comme une révolution,. Comme une politique. Comme un régime. A tort...La mise sous tutorat théologique du politique: telle est la révélation singulière qu'apporte l'imam Khomeyni apporte au monde. Et c'est une nouveauté....Sur le modèle ascétique du combat intérieur, il désigne le chah et l'Occident comme l'adversaire, mais stigmatise le mauvais musulman, l'impie comme l'ennemi...Ce schéma de la trahison de la croyance par les croyants est celui de tous les fondamentalismes, islamiques ou autres. La modernité détruit....pages 159, 160
"Il n'y aucun doute, attaque Halévy, que les Iraniens cherchent , depuis le chah, à obtenir la capacité de créer, développer et fabriquer des armes nucléaires. Et il n'y a absolument aucun doute que les Iraniens ont concentré leurs efforts à cette fin. Ils ont les ressources intellectuelles et matérielles pour y parvenir, et si leur est arrivé de suspendre leur programme, ils ne l'ont jamais arrêté. Le nucléaire n'est d'ailleurs qu'un élément de leur volonté d'hégémonie au Moyen-Orient. L'Iran désire être une puissance qui soit entendue et la clé de sa pénétration dans le monde sunnite, a résidé dans la question palestinienne."..Page 236
"Le régime iranien actuel....est un système politique déroutant,d'une grande complexité, contradictoire, qui comporte des éléments de fanatisme, mais aussi de diversité, des éléments de modération, mais aussi de grande intolérance." page 240

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