samedi, novembre 03, 2012

LES DESORIENTES (Amin Maalouf)

Ce nouveau roman de Maalouf parle de son pays natal, des personnes inséparables lors de leur jeunesse  qui se sont dispersés, brouillés et perdus de vue, et qui se retrouvent à l'occasion de la mort   de l'un d'eux. Même si ce récit n'est pas une autobiographie, aucun personnage n'est complètement imaginaire.

" Je suis né sur une planète, pas dans un pays. Si, bien sûr, je suis né aussi dans un pays, dans une famille, dans une maternité, dans un lit...Mais la seule chose importante, pour moi comme pour tous les humains, c'est d'être venu au monde. Au monde! Naître, c'est venir au monde, pas dans tel ou tel pays, pas dans telle ou telle nation."' page 59

De la disparition du passé, on se console facilement; c'est de la disparition de l'avenir qu'on ne se remet pas".page 67

Je ne communique pas mes jugements, je ne suis pas un donneur de leçons, l'observation du monde ne suscite chez moi qu'un dialogue intérieur, un interminable dialogue avec moi-même" page72

Le téléphone est insidieux et trompeur. Il installe entre les interlocuteurs une fausse proximité; il favorise l'immédiateté et la superficialité; et ce qui est plus grave, il ne laisse aucune trace. page 164

J'ai toujours eu de l'aversion à la fois pour les riches et pour les pauvres. Ma patrie sociale, c'est l'entre-deux. Ni les possédants, ni les revendicateurs. J'appartiens à cette frange médiane qui, n'ayant la myopie des nantis, ni l'aveuglement des affamés, peut se permettre de poser, sur le monde,  un regard lucide. page 171

Une carapace est protectrice autant qu'elle est pesante, on ne peut s'en défaire sans se mettre à nu. page 207

La plupart des hommes traversent la vie, du berceau jusqu'à la tombe, sans jamais prendre le temps de se demander où va le monde et de quoi sera fait l'avenir....Il faut parfois s'élever au-dessus de la vie quotidienne pour se poser les questions essentielles. page 257

La religion, c'est important mais pas plus que la famille, pas plus que l'amitié, et pas plus que la loyauté. Il y a de plus en plus de gens pour qui la religion dépasse la morale. Ils te parlent du licite, de l'illicite, du pur, de l'impur, avec des citations à l'appui. Moi, j'aimerais qu'on se préoccupe plutôt de ce qui est honnête, et de ce qui est décent. Parce qu'ils ont une religion, ils se croient dispensés d'une morale. page 270

J'ai lu ce témoignage d'un ambassadeur israëlien, dans les années cinquante et  soixante: "Notre mission était devenue délicate, parce qu'il nous fallait persuader les Arabes qu'Israël était invincible, et persuader l'Occident qu'Israël était en danger de mort" Avec le recul, on peut dire que ce diplomate et ses collègues ont remarquablement réussi dans cette mission contradictoire Il ne faut s'étonner , dès lors, que les Occidentaux et les Arabes ne posent pas le même regard sur l'état d'Israël, ni sur l'itinéraire du peuple juif. Page 294

Il y a des moments où l'on a besoin d'être complètement seul avec ses propres délibérations intimes, et où la moindre intervention est ressentie comme une agression. Page 324

Un minoritaire a envie de taire sa différence plutôt que de la mettre en lumière ou de la porter en étendard. Il ne se dévoile que poussé dans ses retranchements - ce qui d'ailleurs finit par se produire. Page 400

Les évangiles contiennent tant d'éléments qui , aux yeux de l'historien sceptique que je suis, sont trop convenus pour être vrais. Selon l'esprit du temps, il fallait que les Apôtres soient douze - comme les douze mois de l'année, comme les douze tribus d'Israël, comme les douze dieux de l'Olympe; et que Jésus meurt à trente - trois ans - l'âge emblématique auquel était mort Alexandre. Il fallait qu'il  n'ait ni frère ni soeur, ni femme, ni enfant, et qu'il soit né d'une vierge.  Bien des épisodes sont manifestement embellis, et peut-être empruntés à des légendes antérieures afin que le mythe soit conforme aux attentes des fidèles....Pour moi, ... la grandeur du christianisme, c'est qu'il vénère un homme faible, bafoué, persécuté, supplicié, qui a refusé de lapider la femme adultère, qui a fait l'éloge du samaritain hérétique et qui n'était pas sûr de la miséricorde du ciel. ( à propos de Eli, Eli , lama shabaqtani"page 402

On parle souvent de l'enchantement des livres. On ne dit pas assez qu'il est double. Il y a l'enchantement de les lire et il y a celui d'en parler. Page 454

C'est l'Occident qui est croyant jusque dans sa laïcité, et c'est l'Occident qui est religieux , jusque dans l' athéïsme. Ici, au Levant, on ne se préoccupe pas des croyances, mais des appartenances.  Nos confessions sont des tribus, notre zèle religieux est une forme de nationalisme. Page 501




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