mercredi, janvier 16, 2013

RU ( Kim Thuy)

Ru est un petit livre aux chapîtres courts ,l'auteur voyage à travers le désordre de ses souvenirs: l'enfance dans sa cage d'or, à Saïgon,  l'arrivée de Communisme dans le Sud-Vietnam apeuré, la fuite dans le ventre d'un bateau au large du golfe de Siam, l'internement dans un camp de réfugiés en Malaisie, les premiers frissons  dans le froid du Québec ....

"Je suis venue au monde  pendant l'offensive du Têt, aux premiers jours de la nouvelle année du singe."page 11

(Dans un camp de réfugiés en Malaisie) .Le docteur  en poste ne m'a pas adressé la parole. Il a tiré l'élastique de mon pantalon pour confirmer mon sexe  plutôt que de me le demander. Boy or girl? je connaissais aussi ces deux mots. J'imagine que la physionomie d'un garçon et celle d'une fille de 10 ans devaient se ressembler énormément vu notre maigreur. page 28

L'amour  tel que mon fils Pascal le connaît se définit par le nombre de coeurs dessinés sur une carte...Je dois attendre encore quelques années avant de pouvoir lui rapporter, qu'en d'autres temps, d'autres lieux, l'amour d'un parent se révélait dans l'abandon volontaire de ses enfants, comme les parents du Petit Poucet. page 45

On oublie souvent l'existence de toutes ces femmes qui ont porté le Vietnam sur leur dos tandis que leur mari et leurs fils portaient les armes sur le leur. On les oublie parce que, sous leur chapeau conique, elles ne regardaient pas le ciel. Elles attendaient seulement que le soleil tombe  sur elles pour pouvoir  s'évanouir plutôt que s'endormir. page 47

Quelqu'un m'a dit que les liens se tissent  avec les rires, mais encore plus avec le partage, les frustrations du partage.  page 59

Ma mère a commencé à vivre, à se laisser emporter, à se réinventer, à cinquante-six ans. page 72

Très tôt, mon père a appris à vivre loin de ses parents, à quitter les lieux, à aimer le temps présent, à ne pas s'attacher au passé. page 73

Dans les permiers hivers (au Canada) nous ne savions pas  que chaque vêtement avait sa saison., qu'il ne fallait pas tout simplement porter les vêtements que nous possédions. page 80

Chaque cadeau  que nous nous offrions était réellement un cadeau car il n'était jamais futile. En fait, chaque cadeau était réellement un cadeau car il provenait  d'abord et avant tout d'un sacrifice et était la réponse à un besoin, à un désir ou à un rêve.page 84

'Un jeune serveur de Hanoî dit à l'auteur qu'elle est trop grosse pour être Vietnamienne) "J'ai compris plus tard  qu'il ne parlait pas de mes quarante-cinq kilos , mais de ce rêve américain qui m'avait épaissie, empâtée, alourdie. Ce rêve américain a donné de l'assurance à ma voix, de la détermination à mes gestes, de la précision à mes désirs,  de la vitesse à mes gestes et de la force à mon regard...Ce rêve américain m'a fait croire  que je pouvais tout avoir, que je pouvais me déplacer en voiture avec chauffeur, et en même temps, mesurer le poids des courges transportée sur une bicyclette rouillée par une femme aux yeux embués par la sueur, que je pouvais danser au même rythme que les filles qui se déhanchaient  au bar pour étourdir les hommes aux portefeuilles bien garnis de dollars américains....Mais ce jeune serveur m'a rappelé que je ne pouvais tout avoir, que je n'avais plus le droit de me proclamer vietnamienne parce que j'avais perdu leur fragilité, leur incertitude, leurs peurs. Et il avait raison de me reprendre. page 86

La plupart de ces enfants de GI sont devenus des orphelins, des sans-abri, ostracisés par la profession de leur mère, mais aussi par celle de leur père. Ils étaient la face  cachée de la guerre. page 90

Les ancêtres, qu'ils aient été joueurs, nuls ou violents,  devenaient tous respectables  et intouchables une fois morts, une fois mis sur l'autel avec de l'encens, des fruits, du thé. page 101

Seuls autant qu'ensemble, tous ces personnages de mon passé ont secoué la crasse accumulée sur leur dos afin de déployer leurs ailes au plumage rouge et or, avant de s'élancer vivement vers le grand espace bleu, décorant ainsi le ciel de mes enfants, leur dévoilant  qu'un horizon en cache toujours un autre et qu'il en est ainsi jusqu'à l'infini...page 142

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