mercredi, septembre 20, 2017

DANS L'OMBRE CHAUDE DE L'ISLAM ( Isabelle EBERHARD)
"Depuis son arrivée en Algérie en mai 1897, à l'âge de vingt ans,  jusqu'à sa mort en 1904, Isabelle Eberhart n'a cessé  d'accomplir, avec audace, son rêve d'aventure et d'écriture.
L'ensemble des textes qu'il nous reste d'elle ont été retrouvés dans les ruines de sa maison emportée par la crue de l'oued, à Aïn-Sefra."
"En 1904, quelques mois avant sa mort dans une crue de l'oued Ain-Sefra, Isabelle Eberhart , fatiguée par une série d'épreuves, se réfugie dans un havre de paix de la zaouïa de  Kenadsa.
dans cette retraite où elle se fait passer pour un jeune étudiant pieux, elle prend le temps de la réflexion et de la méditation. Calme, nostalgie, doute, incertitude l'étreignent tour à tour, au gré de ses conversations quotidiennes avec les habitants du lieu, des événements rythmant la vie de cette microsociété et des subtiles variations du paysage. Et de l'Islam, elle donne une vision paisible, celle du sage méditant sur Dieu dans le désert."

Ce livre est un recueil de nouvelles.

A Alger, j'avais dû mépriser des choses et des gens. je n'aime pas à mépriser. Je voudrais  tout comprendre et tout excuser. Pourquoi faut-il se défendre contre la sottise quand il n'y a rien à lui disputer quand on n'est pas de la partie? Je ne sais plus!  - Ces choses ne m'intéressent pas: le soleil me reste et la route me tente. Ce serait pour un peu toute une philosophie. page 15

...je me dis que l'amour est une inquiétude et qu'il faut  aimer à quitter, puisque les êtres et les choses n'ont de beauté que passagère. page 16
Le jour se lève, un jour splendide d'été, sans un nuage, sans une brume. Une brise fraîche, qui souffle depuis hier soir, a chassé toutes les poussières, toutes les vapeurs. Le ciel s'ouvre, infini, profond, d'une transparence  verte d'océan tranquille.
A  l'horizon,  dans ce vaste vert doré, une lueur plus jaune et plus ardente monte, passant bientôt à l'orange vif, puis au rouge. En face, dans l'occident obscur, la lune descend livide, comme le visage d'un mourant. page 25
Voyager, ce n'est pas penser mais voir se succéder des choses, avoir le sens de sa vie dans la mesure de l'espace. page 28
J'en arrive à la conclusion, il ne faut jamais chercher le bonheur. Il passe sur la route, mais toujours en sens inverse...Souvent, je l'ai reconnu. page 34
Vivre seule, c'est vivre libre. Je ne veux plus penser à rien. pendant des mois, j'espacerai mon âme. page 43
L'Arabe connaît l'honneur viril, et il veut mourir en brave, face à l'ennemi, mais il ignore absolument le désir de gloire posthume, ceux-là surtout, ces hommes simples, ces frustres nomades ignorent l'aventure de la renommée. Ils apportent volontairement au service de la France, leur belle audace et leur endurance inlassable; ils "servent" en loyauté, cela leur suffit. page 50
J'ai toujours été très étonnée de constater qu'un chapeau à la mode, un corsage correct, une paire de bottines bien tendues, un petit  mobilier de petits meubles encombrants, quelque argenterie et de la porcelaine suffisaient à calmer chez beaucoup de personnes la soif du bonheur. Toute jeune, j'ai senti que la terre existait et j'ai voulu en connaître les lointains. je n'étais pas faite pour tourner dans un manège avec des œillères de soie. Je ne me suis pas composé un idéal: j'ai marché à la découverte. je sais bien que cette manière de vivre est dangereuse mais le moment du danger est aussi le moment de l'espérance....Quand mon cœur souffrait, il commençait à vivre. Bien des fois, sur ma route, je me suis demandé où j'allais et j'ai fini par comprendre , parmi les gens du peuple et chez les nomades, que je remontais aux sources de la vie, que j'accomplissais un voyage dans les profondeurs de l'humanité...A travers toutes les mesquineries de mes hasards, la courbe voulue de mon existence se dessinait largement. page 53

J'aime les ruelles dont je ne connais pas l'issue. A les suivre, il me semble qu'il va se passer quelque chose dans ma vie. page 60

Des jours vont venir qui passeront sur moi, longs et sans désirs , et ma curiosité  se fera douce comme une veilleuse  dans la chambre d'un convalescent.  Je m'approfondirai  dans les secrets de ma conscience tumultueuse. page 65

Eux (les anachorètes) cherchaient dans l'extase la satisfaction de cet impérieux besoin d'éternité qui sommeille au fond de toutes les âmes simples.  Ce besoin d'éternité, je l'éprouve moi-même parfois...pas toujours. page 77

L'imam n'est pas un prêtre - on sait que l'islam n'a pas de clergé régulier -  c'est simplement le plus savant, le plus vénéré taled de l'assistance. Tout homme lettré peut servir d'imam: il doit simplement réciter la prière. page 88

Il me semble que l'essence de la prière, comme du rêve, est de ne pas finir. page 90

Quand la femme deviendra la camarade de l'homme, quand elle cessera d'être un joujou, elle commencera une autre existence. En attendant,  on les a instruites à ne respirer qu'en mesure et sur un thème de valse. page 104

Il paraît qu'une  autre génération s'annonce et qu certaines jeunes filles savent parler autrement qu'avec leurs yeux, sans tomber pour cela dans le bavardage de la conférence et les revendications sociales.  Je n'en crois absolument rien...La femme, elle, sera tout ce qu'elle voudra, mais il ne m'est pas démontré que les hommes soient désireux de la modifier autrement que dans les limites de la mode. Une esclave -ou une idole- voilà ce qu'ils peuvent aimer - jamais une égale. page 105

Ils ont l'air de s'endimancher en parlant. page 107

Un beau jour, l'étudiant marocain, subissant sans murmurer l'autorité paternelle, se marie sans joie. Alors, son existence  change. C'en est fini du rêve et de l'étude. Il entre dans la société. Il n'existe plus dans ses vices personnels et sa félinité. Il prend les manières de son monde, calmes et imposantes, un visage correct et figé. Page 127

Heureux celui qui peut se griser de sa seule pensée et qui sait éthériser par la chaleur de son âme tous les rayons de l'univers. page 131

J'étais seule dans ce coin perdu de la terre marocaine, et seule partout où j'avais vécu et seule partout où j'irais , toujours...Je n'avais point de patrie, pas de foyer, pas de famille...page 165

Etre seul, c'est être libre, et la liberté était le seul bonheur nécessaire à ma nature inquiète, impatiente, orgueilleuse quand même page 166

L'amour le plus décevant, le plus pernicieux me semble être surtout la tendance occidentale vers l'âme soeur. Page 180

Tout amour d'un seul, charnel ou fraternel, est un esclavage, un effacement plus ou moins profond de la personnalité. On renonce à soi-même pour devenir un couple. page 180

Gloire à ceux qui sont seuls dans la vie! Si malheureux qu'ils soient, ce sont les forts et les saints, les seuls êtres. ... Les autres ne sont que des moitiés d'âme.  page 181

Ne jamais se chercher dans un autre, mais se trouver soi-même. Page 182

...Nous pourrons encore bavarder au café maure...La lassitude et le désenchantement viendront après des années... Voilà mon avenir tout droit, tel que du moins, il me plaît de l'envisager. Page 185
 
J'ai lu "AMOURS NOMADES" du même auteur, passages, notés dans ce blog , le 12/08.2013, et FLEURS D'AMANDIERS, 3 septembre 2013, La Rivale , 5 août 2013.

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