lundi, août 26, 2019

STARLIGHT ( Richard Wagamese) 2019

( Voir Les Etoiles s'éteignent à l'aube que j'ai lu en fin mars 2019)
 
Quand Franklin Starlight ne s'occupe pas de sa ferme, il part photographier  la vie sauvage au cœur de l'Ouest canadien. Mais cette existence rude  et solitaire change lorsqu'il recueille  sous son toit, Emmy et sa fillette Winnie, prêtes à tout pour rompre une existence  sinistrée.
Starlight emmène les deux fugitives dans la nature, et leur apprend à la parcourir, à la ressentir, à y vivre. Au fil de cette initiation, les plaies vont se refermer, la douleur va laisser la place à l'apaisement et à la confiance. Mais, c'est compter sans Cadotte, l'ex-compagnon alcoolique d'Emmy, résolu à la traquer jusqu'aux confins de la Colombie - britannique.
Dans ce roman solaire et inspiré, on retrouve Frank, le héros désormais  adulte Les Etoiles s'éteignent à l'aube.
 
Appartenant à la tribut des Ojibwés, Richard Wagamese est l'un des principaux écrivains canadiens, récompensé à de nombreuses reprises pour son travail littéraire et journalistique. Découvert en français avec Les Etoiles s'éteignent à l'aube, et Jeu blanc, Richard Wagamese  est décédé en 2017, laissant en testament littéraire Starlight, son ultime roman.
 
Le Vieil homme, personnage des Etoiles s'éteignent à l'aube est décédé, Frank revient avec l'urne qui contiennent ses cendres .)
" Mon Dieu, dit-il, je ne m'étais jamais rendu compte avant ce jour combien cette maison avait besoin de ta présence".
Des larmes lui brûlaient les yeux et il secoua la tête pour s'en débarrasser. Il avait réussi à les retenir tout le temps des obsèques. Rien que lui, le pasteur, trois fermiers du coin et les cinq femmes formant le chœur de l'église.  page 8
 
A présent, la chaleur chassait la raideur qu'il avait en lui; il se frotta les yeux, ramassa l'urne et la serra contre lui, la berçant d'avant en arrière, en chantant d'une voix rocailleuse l'unique gospel que le vieil homme connaissait, l'histoire d 'une maison qu'il n'avait jamais vue,  au-delà de la rivière. Il laissa finalement venir les larmes et pleura tout son saoul, puis, il se leva alla dans s a chambre et se changea. Il aliment ale feu, souffla les bougies, et, portant l'urne dans ses bras, traversa la cour jusqu'à l'écurie où les chevaux, dans leurs stalles, têtes posées sur les balustrades supérieures, étaient semblables aux tableaux des ancêtres dans un grand corridor, assistant à la procession du défunt. pages 9 et 10

Il avait appris la frugalité et l'économie auprès du vieil homme: ils n'avaient toujours eu que le nécessaire. Pas de surplus. Rien n'était perdu. Rien n'était gaspillé. Les cartons contenaient tout ce que le vieil homme avait possédé....page 11
La ferme était le seul monde qu'il eût jamais connu. Elle paraissait vide, étrangère, sans le vieil homme. Il y avait un tout autre monde là-bas, derrière la vallée où elle se trouvait.  page 12
 
Cadotte était l'homme avec lequel elle  vivait depuis trois ans. C'était lui qu'elle craignait le plus. Une brute bouillonnant dans un silence et un calme palpables qui pouvaient remplir une pièce de leur infinie méchanceté. Il était grand, costaud, mais comparé à la corpulence  d'Anderson, il paraissait minuscule. Ensemble, ils étaient redoutables. C'étaient des hommes sauvages...Page 19
"Maman, dit-elle, partons" page 23
 
(Une meute de loups) Le grand mâle se retourna pour regarder par-dessus son épaule. Starlight vit le chatoiement de ses yeux et se sentit pétrifié par ce regard. Il s'arrêta et demeura debout, en pleine lumière, dos à la paroi. Le vide était derrière lui. Le clair de lune. Il n'avait nulle part où aller, il resta donc là, il respira, attendit et observa le loup qui gardait les yeux fixés sur lui, ouvrait la gueule, laissait pendre sa langue et soufflait si fort, qu'un instant, Starlight eut l'impression qu'il riait, puis, il tourna la tête et examina les arbres sur le replat.  Les autres étaient patiemment assis. Aucun nese retourna. Le leader se releva lentement, fit le dos rond, s'étira et les autres l'imitèrent. Ensuite, ils démarrèrent. De concert. Il s'émerveilla devant cette capacité à communiquer par la pensée, leur langage imperceptible; façonné par le pouvoir de l'intention; quand ils se furent éloignés, il repartit à grandes enjambées et les suivit. page 26
Le loup se rassit et sembla étudier le panorama. Puis, il souleva son nez et lança un hurlement glaçant face  à la lune et aux étoiles éparpillées autour. C'était un cri aigu et perçant qui amena tous les autres à s'asseoir, les yeux rivés sur le grand disque d'argent. Starlight fit glisser le sac de son dos, en sortit un appareil photo et un téléobjectif, qu'il s'empressa de visser sur le boîtier. Il se dégagea sur le côté de façon à voir les loups de profil. Ils restèrent immobiles. La douzaine qu'ils étaient, comme des condisciples réunis devant un sanctuaire. Il s'agenouilla, fit le point....Quand il ( le loup) ouvrit la gueule pour hurler, il le laissa japper les premières syllabes, puis , appuya sur le déclencheur en cet instant rare et singulier. Les loups se retournèrent au bruit émis par l'appareil. Ils étudiaient Starlight....Ils se mirent à hurler. Il le ressentit dans sa colonne vertébrale,. Il le ressentit dans son ventre.  page 28
Emmy trouva un petit bout de crayon et un sac en papier kraft, sur lequel elle griffonna un mot:
" On est désolées pour les dégâts. On avait juste faim, c'est tout, et on  a pris que la nourriture. pardon" (elles ont pénétré dans une maison) page 36
 
" La terre se traite en égal, finit-il par dire. Si tu passes un peu de temps seul ici, comme je l'ai fait toute ma vie, elle te parle, elle te livre des secrets auxquels la plupart des gens n'ont jamais accès". (Starlight) page 41
 
C'était un homme économe. Son éducation lui avait appris à connaître la valeur des choses, mais aussi à la relativiser en l'aidant à comprendre ce qu'est l'application et avoir conscience que son propre travail lui assurait l'essentiel et le nécessaire. C'était du bon sens paysan et il en était fier. S'il était taciturne, c'était dû aux mots qu'il trouvait en général inadéquats et embarrassants, alors il préférait la réserve. page 56
 
Il aimait venir en ville. Il se réjouissait de connaître les gens avec lesquels il traitait, leurs histoires, leurs familles, leurs visages apparemment taillés dans la même étoffe que la ville elle-même: rougeauds, honnêtes, pas corrompus par des choses comme le progrès et le temps. Les quelques fois où il se rendait à l'église, le dimanche,  étaient des moments d'échanges et il se sentait fier d'être connu et reconnu.  Depuis que le vieil homme était mort et qu'il avait fait ce demi-tour au bout du chemin, l'idée d'aller ailleurs ne l'avait jamais plus effleuré. C'était ici chez lui et tous ces gens étaient sa famille. Il se disait vieux jeu. Si c'était le cas, il pouvait s'en accommoder. Son statut de célibataire lui accordait plus de crédit qu'il ne suscitait de commérages. Même le fait qu'il fût indien n'était qu'un des ingrédients du riche  salmigondis qui constituaient  le mot " terre natale". page 58
 
Eh bien , transcender signifie surpasser, s'élever au-dessus. Ton travail aide les gens à transcender la qualité  de leur vie. Ton travail les élève, les transporte et les emmène littéralement au-delà de ce qu'ils croient reconnaître. C'est la marque d'un véritable artiste. page 362 ( Starlight montre ses photos de loups à un photographe professionnel)

(Emmy et sa fille Winnie ont été prises à voler dans un magasin et sont au commissariat)
" ...Frank, ou Mr Starlight, cherche une gouvernante. Il y a de la place pour vous et votre fille dans sa ferme. Ils sont deux à y vivre. Starlight et Mr Roth....
Elle se tourna vers Frank qui baissa la tête en face de son regard. " Pourquoi faites-vous ça? "
...."Pour la petite" finit-il par dire.
Il observa Emmy.
" Et parce que je crois que les choses sauvages m'attirent". page 93
 
(Jeff et Anderson sont sortis de l'hôpital, Emmy avait mis le feu à la cabane avant de s'enfuir  avec sa fille).
- Mais on va la r'trouver.
- Et comment qu'on va la retrouver. Je vais lui en faire baver à cette salope. Et elle a  cramé ma turne". page 94
 
-Donc, j'aimerais qu'on mette les choses au point, dit Roth. Tu vas en ville chercher du beuure et des œufs et tu reviens avec une femme et une fillette?
- En résumé, c'est ça, répondit Starlight.
- Bon, alors, ça met les choses au point. je ne pourrai plus jamais te laisser partir en ville tout seul.
- Elles avaient besoin d'aide.
- On n'est pas exactement c'que j'appellerai du genre  "dîner à six heures" apporte-moi mes pantoufles."
- ça n'a pas besoin d'être comme ça.
 - Comment tu vois les choses?
- Voilà ce que je pense: elle nettoie, fait la lessive, prépare les repas et nos déjeuners  pendant un temps...Quand elles auront économisé assez d'argent pour déménager et s'installer, elles partiront et rien n'aura changé.  page 97
 
"C'est une maison de célibataire quand le vieil homme habitait ici. C'est encore le cas. On n'a jamais envisagé qu'il y aurait une femme, ajouta Starlight.
- C'est une bonne chose, ce que vous faites. Vous le  savez , non? Là où elles squattent, ça ne pouvait convenir à personne.
- ça m'a paru normal, c'est tout.  page 104
 
...Le plus important, c'est de vous dire merci. Merci de nous avoir amenées ici. Merci de m'aider à mettre les choses en ordre pour ma fille. Nous ne vous  dérangerons pas.
 - Vous ne m'avez pas demandé ce que je vous devais, ajouta Starlight.
- C'est moi qui vous dois quelque chose, répliqua-t-elle. Un salaire?  Bon sang, ce serait génial. page 106 
 
Il conduisait de façon détendue et sans se presser afin que la petite puisse voir le plus possible de paysage. le silence entre eux avait quelque chose d'un être vivant.  page 114
..." Vous n'êtes pas si vieille que ça.
- C'est pas tant d'années. C'est comment on les ressent. page 116
...Moi, je n'arrive pas à imaginer qu'une histoire soit sans aspérités. la mienne ne fait pas exception.
- C'est un bon mot, aspérités.
- Il résume bien les choses en quelque sorte, non?
- D'une certaine façon" répondit-elle.  page 117
 
Il était attiré par les gens. Il (Frank) les trouvait fascinants. Ils étaient aussi particuliers que les créatures sauvages  et il admirait chez eux les germes de sauvagerie qu'ils révélaient lorsqu'ils ne faisaient pas la chose attendue ou appropriée. page 118
 
(Maddie, assistante sociale) ) Ce que je voulais dire, c'est que vous n'êtes pas des hommes typiques. Vous êtes dur et bourru, Eugène, mais vous êtes docile et doux au fond. Et Frank, vous avez toujours été poli, bien élevé et fort. Vous êtes tous les deux des gentlemen. Vous n'avez pas besoin de vous forcer. Vous ne faites pas semblant. Vous êtes juste de bons gars par nature. Je pense que c'est ce qu'elles (Winnie et Emmy) ont besoin de voir au quotidien, parce que, je suis convaincue que ce qu'elles ont vécu est à l'opposé. page 138
 
J'vais vous dire quelque chose à propos de Frank, rétorqua Roth. S'il y a jamais eu un homme qui puisse assurer la sécurité de quelqu'un n'importe où , c'est lui.  page 151

(Emmy embauchée chez Frank lui fait acheter un congélateur, un lave-linge, un sèche-linge, un nouveau réfrigérateur) Il s'était habitué à prendre ou à acheter ce dont il avait besoin quand il avait besoin, si bien que l'idée de conserver et de stocker était nouvelle et étrange pour lui. page 164

- Je ne connais pas les trucs indiens. Je n'ai pas été élevé là-dedans. Mais j'ai appris à connaître la nature et la façon dont elle m'emplit. J'ai appris à connaître le calme. Au bout du compte, je crois que j'ai appris à connaître un peu la paix, la rectitude et à respecter l'ordre des choses. page 167

La  nuit était profonde quand Starlight se leva pour aller dans la forêt.
- Où va - t-il? demanda - t-elle
- Si jamais vous arrivez à le savoir, vous me direz, répliqua Roth. Là-bas; il se retrouve.
- Plus qu'à la ferme?
- La ferme, c'est où il habite. Ici, c'est chez lui.
.... -
 Il n'a jamais raconté ce qu'il faisait tout seul pendant tout ce temps?
-  Non. Mais j'ai entendu un mot quand j'étais jeune et qu'on m'obligeait à aller à l'église. Communion, c'était. ..Il me semble que communion, ça veut dire être en accord avec quelque chose, c'est approcher. Avoir l'impression que chaque partie de vous-même est en harmonie avec tout cela. C'est ce qu'il fait là-bas. Il entre en commun ion. page  184

"Le vieil homme avait l'habitude de dire que la terre nous apprendra toujours ce qu'on doit savoir, commenta -t il.
- Il vous manque?
Starlight l'observa un instant...
"Je ne sais pas si c'est le cas. On venait si souvent ici ensemble que les choses que je connais sont reliées à lui. Je ne peux sentir le vent sur mon visage sans penser que c'est lui qui me touche; Je ne peux pas entendre un orignal au loin sans imaginer qu'il est en train de me parler par le biais de cet hurlement. Ce genre de choses. j'ai toujours l'impression qu'il est dans tout cela. Alor, je viens ici et ça me réconforte.
- Vous donnez l'impression de l'avoir beaucoup aimé.
- Comme je disais, il était mon père, même si ce n'était pas le vrai. page 205
 
On aurait dit qu'il (Starlight) bougeait dans la sérénité. Il y avait une vibration en lui. page 212
 
(Roth à Starlight) La gratitude? C'est longtemps que c'est fini, Frank. Tu lui as donné accès à la nature. Tu as réveillé des choses qu'elle avait toujours ignoré avoir en elle. Tu lui as montré que les hommes ne sont pas tous comme ce à quoi elle s'était habituée. Tu lui as appris que la vie peut être différente. Meilleure. Tu lui as montré comment accéder au possible et tu l'as fait avec la même douceur qu'avec un poulain pas encore débourré. Ouais, la gratitude, elle est partie bien loin , à présent, mon vieux. Et tu portes en toi le même désir et tu ne sais pas quoi en faire non plus.
- Je n'ai jamais eu de femme. Tu le sais .dit Starlight.
- Je sais. ça ne veut pas dire que tu n'as jamais éprouvé de désir pour une femme.
- Avec elle, je me sens maladroit, ça c'est sûr.  page 232
 
"J'ai longtemps gardé le vieil homme ici après sa mort. Ses cendres, je veux dire. J'ai gardé son urne sur une étagère de la sellerie parce que je ne savais pas où il aurait voulu que je les répande. Il m'a fallu deux ans environ pour le déterminer. mais parfois, c'est comme si je le sentais auprès de moi. Rassurant. Vous saisissez?
....Ce qu'il y a de drôle, c'est que l'endroit sur lequel j'ai arrêté mon choix n'était même pas ici, ni nulle part sur la propriété.
- C'était où alors?
 - Un lieu où le vieil homme n'avait jamais été. A deux jours de cheval d'ici. Dans le pays d'en haut où personne ne va jamais. Pas même les quads et les motos....Alors je l'ai emmené là-bas.....J'ai répandu ses cendres dans la brise et je les ai laissées se poser sur toute cette beauté. J'avais l'impression de le sentir à côté de moi quand j'ai fait ça, et je savais que c'était le bon choix. page 235
 
En Cadotte couvait un  copieux venin. Il y avait chez Anderson une part de lui-même qui comprenait et craignait cette noirceur.  page 241
" Tu es violent et de plus en plus.
- Quoi, J'me défoule un peu, c'est tout.
- Non. T'as dépassé ce stade , il y a trois villes. A présent, tu es une vraie brute page 242
 
(Starlight, Roth, Emmie et Winnie sont à Vancouver pour l'exposition des photos de Starlight) Ses photos étaient disposées sur les murs et sur des présentoirs pyramidaux placés stratégiquement autour de la pièce principale afin de favoriser leur observation de près. Il n'en avait jamais vu une telle quantité exposée à la fois et il fut  surpris de constater qu'il avait capté autant de choses.....page 255

Je ne leur demande ( aux bêtes sauvages) pas le moins du monde de poser, de se faire belles, ni de se transformer pour me plaire. Juste me laisser saisir un tout petit peu de ce qu'elles sont vraiment...La récompense c'est de savoir qu'en même temps, je saisis un  petit peu de ce que je suis moi-même...page 260

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