"Au milieu du XIXè siècle, Narcisse Pelletier, un jeune matelot français, est abandonné sur une plage d'Australie. Dix-sept ans plus tard, un navire anglais le retrouve par hasard: il vit nu, tatoué, sait chasser et pêcher à la manière de la tribu qui l'a recueilli.. Il a perdu l'usage de la langue française et oublié son nom.
Que s'est-il passé pendant ces 17 années? C'est l'énigme à laquelle se heurte Octave de Vallombrun, l'homme providentiel qui recueille à Sydney celui qu'on surnomme désormais "le sauvage blanc".
Ce récit est tiré d'une histoire vraie. C'est une réflexion sur l'altérité et sur le complexe de supériorité culturelle.
Quand il parvint au sommet de la petite falaise, il découvrit qu'il était seul. La chaloupe n'était plus tirée sur la plage, ne nageait pas sur les eaux turquoise. La goélette n'était plus au mouillage à l'entrée de la baie, aucune voile n'apparaissait même à l'horizon. Il ferma les yeux, secoua la tête. Rien n'y fit. Ils étaient partis. Page 9
Alors, il découvrit qu'il était seul. Il poussa un hurlement , qu'aucun navire ne pouvait entendre...Page 11
( Octave de Vallombrun a recueilli Narcisse et est en réunion dans le bureau du gouverneur anglais à Sydney)."Je n'écoutai pas les bavardages des autres participants, qui se félicitaient de ce que aucun de leurs compatriotes (anglais) n'ait atteint ce degré d'abaissement, et qu'il fallait décidément être français pour tomber aussi bas" page 40
Les progrès de Narcisse m'apprennent d'autres choses, que je ressens confusément et ne parviens pas à mettre en ordre. Peut-être ne saurais-je jamais rien de ces nègres australiens- mais ce que j'entrevois à travers le parcours de Narcisse est porteur d'enseignements d'une autre nature, et qui ne me semblent pas moins importants...Narcisse ne parvient pas à écrire, ni à penser le futur, ni à raconter son séjour. Je croyais au début que son esprit n'était qu'une page blanche sur laquelle mes leçons allaient se graver, ou une cire molle sur laquelle j'imprimerai ma marque page105
Il faudrait reconnaître comme civilisées les coutumes barbares que Narcisse révèle chaque instant? Cela ne se peut. page 110
Je regarde Narcisse qui regarde la mer. (en route vers la Grande Bretagne) Quatre mois déjà que nous passons toutes nos journées, ensemble le sauvage blanc, muet, effrayant, apeuré, est devenu ce compagnon de voyage souriant et réservé qui n'attire pas l'attention et moi, ai-je été transformé par cette aventure? Les observations que je fais, minent leurs certitudes. Qu'est-ce qu'un sauvage? et si Narcisse était devenu complètement sauvage, quel jour et à quelle heure est-il redevenu civilisé ? page 134
La Société de Géographie a procédé, à ma demande, à une recension de tous les cas connus . Aucun n'est resté dix-huit ans dans une solitude absolue.Aucun pour tout dire n'a ainsi adopté entièrement les moeurs et la langue des sauvages. Le cas d'un jeune homme blanc, devenu complètement sauvage, oubliant entièrement ses origines, semble sans exemple. ...On connaît, à l'inverse, des sauvages amenés en Europe et qui se sont adaptés à notre mode de vie...Ainsi, le sauvage vivant au milieu des Blancs adopte nos usages, alors que le Blanc précipité parmi eux conserve les bienfaits de la civilisation, des années durant - à la seule exception connue et pour cela fascinante de Narcisse. Peut-on mieux démonter la supériorité du Blanc sur le sauvage? La force d'attraction ainsi mise en valeur, et qui s'exerce toujours dans le même sens, confirme xe que le bon sens suggère. A l'exception de Narcisse. page 233
Narcisse -est employé au Service des Phares- ne fait que reproduire le savoir appris des sauvages, me direz-vous? Certes. Mais il y a donc un savoir des sauvages? Quel est-il? Quels autres trésors contient-il? page 254
Dialogue entre De Vallombrun et Narcisse: "Tu étais seul sur la plage..le navire était parti et tu ne savais pas s'il reviendrait...
- Après...après...ce n'était pas Narcisse., parvint-il à dire dans un souffle.
-Entre les deux, qui étais-tu?
Il releva son visage , noyé de larmes silencieuses et finit par dire, d'une voix agonisante : " Parler, c'est comme mourir".page 297 ( Narcisse disparaît à jamais après ce dialogue)
"Parler , c'est comme mourir" Parler, c'est parler de l'indicible de ces journée là-bas, c'est raconter , c'est mettre en mots ses souvenirs que je sollicitais sans cesse et à jamais frappés d'interdit.S'il répondait à mes questions, il se mettait dans le danger le plus extrême. Mourir, non pas de mort clinique, mais mourir à lui-même et à tous les autres. Mourir de ne pas pouvoir penser à la fois ces deux mondes. Mourir de ne aps pouvoir être en même temps blanc et sauvage. page 299,300
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