vendredi, juillet 20, 2012

SOUS L'ETOILE DE LA LIBERTE (Sylvain Tesson)

Petit livre sur les 6000km à travers l'Eurasie sauvage sur les traces des échappés du goulag. S. Tesson  a fait ce rude voyage en 8 mois de mai  à décembre 2003- à la rencontre de survivants du système concentrationnaire, c'est une célébration de l'esprit d'évasion et un hommage à ceux qui choisissaient la liberté au prix du froid, de la faim, de la solitude.
L'auteur a voulu refaire le parcours de Salavomir Rawiez, auteur d'"A Marche Forcée," qui a inspiré le film "Les Chemins de la Liberté" adapté en 2010 par Peter Weir.

"Des centaines d'hommes ont lutté contre le vent, le froid et la faim pour reconquérir leur liberté volée. Des Russes, des Bouriates, des Mongols, des Chinois ont réussi à gagner les Indes  fuyant les totalitarismes qui se répandaient sur l'Eurasie au cours du xxè siècle. Que font les Tibétains qui passent actuellement  l'Himalaya pour échapper à la coercition des Hans? Ils s'enfuient à marche forcée, sur les chemins de la liberté....L'évadé est un homme révolté. Il donne espoir aux oppressés. Il souffre pour eux et endosse le poids d'une responsabilité transcendante: il est chargé de dire au monde entier que l'individu peut triompher des machineries  répressives. La puissance étatique ne peut pas arrêter l'homme en marche". préface

Conversation avec Inagda-Yakoutsk: "Vous n'avez jamais songé à vous évader Inagda? - Moi?  Mais pour s'évader, il faut savoir où aller!" page 38

L'évadé est un sédentaire contraint de passer  par le nomadisme extrême pour reconquérir sa nature. page 63

La yourte exprime l'élan de l'âme. On y résume l'univers: par l'ouverture cerclée au sommet où convergent  les arceaux de charpente, on veille à la bonne marche des étoiles. La colonne de fumée qui s'en échappe figure le pilier du ciel. La tente-astrolabe, orientée sur les points cardinaux, donne un sens à l'espace. A la fois, boussole et phare, nid et foetus, la yourte ne présente aucun angle auquel le cavalier risquerait de se cogner.. Elle est le seule marque de l'homme dans la steppe...La yourte est l'écriture d'un peuple qui n'a transmis ni fondations, ni ruines. Les nomades sont condamnés au mouvement perpétuel. Cette fuite en avant qui est leur malédiction (ou leur nature) ne leur permet pas de laisser quoi que ce soit derrière eux de pierre  ou de bois. pages 64, 65

Avant de partir, je pensais que la solitude serait mon pire ennemi. Je ne la connaissais pas, et c'est une compagne merveilleuse. On devrait l'appeler Félicité.  Elle est le plus beau cadeau que l'on puisse faire à son âme. Elle maintient l'équilibre entre soi-même et le monde extérieur, elle renoue le lien entre l'être et le cosmos. La solitude est un moyen de transport, un infatigable attelage.. Elle fait parfois souffrir. Je me suis surpris à parler tout haut pour la chasser. Je l'ai maudite dans les steppes où ne pousse même pas un arbre pour s'appuyer ou se pendre. Lorsque je sombrais pendant la journée dans une courte et profonde sieste et que, après avoir rêvé des miens et de mes amis, je m'éveillais, seul, dans le néant, environné de vide, la solitude alors étreignait mon coeur. Le reste du temps, elle gonflait mon âme comme le vent se prend dans la voile. page 87

Une évasion ressemble à un couloir de  mort  qui, en définitive,  mènerait à la vie. Page 98


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