Ce livre, publié en avril 2013," réunit les blocs-notes de Sylvain Tesson parus dans des journaux et magazines, de janvier 2006 à 2011. Il y évoque ses voyages, ses lectures, il y parle de la Russie, de l'Aghanistan, de Haïti, de l'Islande, de New-York, de Paris....C'est un pamphlet poétique contre la lourdeur du monde, révélant la part secrète d'un voyageur pour qui les retours sont des brûlures."
"cette merveilleuse définition des gares : "un endroit où l'on veut se débarrasser de vous au plus vite en vous indiquant soit les heures de départ soit la sortie." page 13
"Je fais toujours attention aux derniers mots de mes interlocuteurs quand ils me quittent. C'est important les derniers mots. En cas de malheur , c'est l'ultime trace que l'on conserve de quelqu'un. Voilà pourquoi il faut soigner ses sorties."page 24
"Ce beau mot russe: razliubit. Il désigne le sentiment à l'égard d'un être qu'on a aimé et pour qui on éprouve encore une nostalgique affection mais plus d'attirance charnelle. Raliubit est intraduisible en français. Notre langue qui sait si bien servir l'amour passionné ou le dépit enragé n'a pas de mot pour les états de l'entre-deux. " page 62
Le tao chinois fascinait Gengis Khan ( ce héros destrructeur) . La doctrine postule l'existence d'un chaos originel que l'homme par ses pensées, sa conduite, son harmonie intérieure peut rééquilibrer. Page 66
Etre Français, c'est vivre dans un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer. page 162
Les livres sont des rivères aurifères. La lecture est le tamis qui permet de remonter les pépites. page 174
Le guide voyage est le hamburger du gastronome: on le dévore en cachette...Partir, cest revenir de tout et écrire un guide consiste à peindre le monde non tel qu'il est mais tel que le touriste souhaite le découvrir . page 212
Ce que l'on a vécu ne peut nous être retiré. page 223
Je me méfie beaucoup de l'indignation : de toutes les vertus, c'est celle qui se trompe le plus souvent de cible. page 254
Ennui de la navigation à voile: Faire des milliers de miles pour aller étendre ses pièces de linge aux vents des confins. page 267
Je relis pour la troisième fois de ma vie Le Coran...Ce livre est plus réussi que le traité d'Onfray parce qu'il vous rend vraiment athée: si Dieu a prononcé toutes ses paroles, qui peut réellement croire à sa grandeur? Au nom du Très Haut, plus de vingt morts à Bali. L'islamisme est une idolâtrie païenne de type précolombien qui a besoin de sang sacrificiel. page 271
Le viol, moins que le banditisme ou les ouragans, n'a jamais ébranlé les structures d'un état. Une femme détruite ne menace pas les fondations d'une société...Je redeviendrai chrétien lorsqu'on ajoutera aux Tables de la Loi (écrites par des hommes) :" Tu ne violeras pas." page 273
Pour le malheur du Dalaï-Lama, les fils de Mao, eux, ne font jamais grève. page 275
Le carburant que nous consommons alimente les guerres et fournit sa force à certaines puissances terroristes.Le pétrole est le sang de l'islamisme, le nerf de la djihad, de la houille au service d'une idéologie fossile. A chaque fois que nous mettons le pistolet de la pompe dans le trou du réservoir, on appuie en fait sur la tempe de l'Occident. page 276
Le PIB qui prétend fournir une indication du bien-être des peuples ne tient pas compte de la qualité de l'existence. La preuve? L'indice peut fleurir dans un pays irrespirable, surpeuplé, dévasté par le déchaînement technique. Pire, le calcul peut faire le miel de son malheur. Page 293
"Les forêts précèdent les hommes, les déserts leur succèdent" écrivit Chateaubriant dans ses Mémoires d'outre-Tombe. page 296
Je marche parce que c'est la moindre des choses lorsque l'on est humain...Je marche parce qu'un jour, il faudra nous y remettre. Nous avons oublié que la fête ne va pas durer...Je marche parce que c'est désuet. La marche me semble la plus agréable manière de s'afficher antimoderne et de refuser les diktats d'un monde soumis à la technique...Marcher, c'est célébrer la lenteur dans un monde qui s'agite; accepter l'ennui dans une société qui ne croit qu'au divertissement; s'adonner au plaisir modeste dans un monde où tout se paie; se replier dans ses pensées dans le brouhaha ambiant; chercher l'imprévu dans une nation guidée par le principe de précaution; accueillir le local dans une humanité droguée par l'illusion de la globalité. Enfin, ne compter que sur soi. Flâner, courir les bois, se promener, musarder sont des actes de liberté, minuscules certes, mais qui appartiennent à celui qui les accomplit. Les Etats le savent: ils ont érigé le vagabondage en délit!...Je marche parce que cela me donne des idées...Ne fait-on pas les cent pas quand on cherche un mot? Marcher éclaircit l'esprit, favorise la mécanique de la pensée, libère du temps du cerveau disponible...Le corps est occupé, l'esprit peut divaguer. Marcher , c'est donner à l'esprit l'occasion d'exercer son office...Je marche pour demeurer maigre. j'ai horreur du gras , pas celui des autres mais du mien propre...L'ascèse physique est le miroir de l'ascèce spirituelle et si l'on veut alléger sa pensée, il faut se dégraisser le corps...Je marche parce que la marche ralentit le temps...Le marcheur médite pour échapper à l'ennui.Il mesure l'espace au rythme de sa foulée. Le lent défilement du paysage auquel il s'intègre, constitue une distraction...En chemin, demain n'existe pas...Je marche parce que la marche me réconcilie avec la nature. La différence entre un marcheur et un automobiliste? Le premier habite la géographie, le second la traverse. L'un prend le temps, l'autre sort son appareil photo et vole des instantanés. Marcher est l'unique manière de voir...Je marche parce que les gens me parlent plus gentiment lorsque je vais à pied. A-t-on entendu un piéton dire à un autre piéton: "Avance, espèce d'abruti!"...Je marche parce que c'est un jeu...Je marche parce que marcher m'aide à conduire ma vie...Je marche parce que c'est romantique...Je marche parce que cela ne laisse pas de traces...Je marche parce que je ne peux pas faire autrement, parce que je ne sais rien faire d'autre, parce que je ne suis bon qu'à ça, parce que les routes ne sont pas faites pour les chiens et parce que l'évolution m'a doté de deux jambes...pages 322 à 330.
Tout voyageur est un Monsieur Jourdain: il fait de la philosophie sans le savoir.. Les écoles de pensées grecques, épicuriennes, stoïciennes l'ont affirmé: philosopher , n'est pas construire des systèmes. Philosopher, c'est apprendre à vivre. Et vivre, c'est descendre en soi pour se connaître, accepter ce qui advient. Et comprendre que les sens sont des fenêtres. L'essentiel est de les ouvrir...Le voyage invite à conquérir l'essentiel...L'essentiel est de ne pas rater notre rendez-vous avec nous-mêmes, avec le temps, avec l'espace, avec les autres...Voyager offre de s'amender...En voyage, on se frotte l'âme et le corps. Partir décape...Voyager inspire. On se met en route: les tourments s'évaporent, les pensées affluent...En voyage, on accueille le silence...On regarde le ciel, la lisière d'un bois, on ne pense plus à rien: on a fait taire en soi le brouhaha intérieur...pages 337, 338, 339
La lecture est un refuge par temps de laideur...Les livres: bunkers de papier. Ils nous offrent d'échapper à cet impératif de la modernité, ce nouveau commandement des sociétés transparentes: "Etre joignable".Lire, c'est le contraire: on se coupe, on s'isole, on s'installe dans l'histoire et, si elle vous captive, le monde peut s'écrouler.. Les seules personnes joignables sont le lecteur et l'auteur... Lire nous confirme que la solitude est un trésor.Un livre peut changer la vie...Lire, c'est laisser une parole s'élever dans le silence, vous traverser, vous emporter et vous laisser, métamorphosé, sur le rivage de la dernière page. Pour que cette alchimie opère, il faut être seul...Le livre féconde l'espace.Le lecteur se rappellera le lieu où il a lu un livre comme du berceau d'une nouvelle naissance. Les livres fécondent le temps...La pensée en puissance est accumulée entre les pages et attend l'opération de lecture pour se libérer. Le pouvoir poétique des livres? Ils nous font oublier le réel. Lire rend beau. Il m'a toujours semblé que les filles qui lisaient dans le train étaient les plus jolies. J'ai l'impression que quelque chose me donne le droit d'engager la conversation... Pages 340, 341, 342, 343, 344, 345.
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