Sous les rayons du soleil couchant, la plaine du Hénan est rouge, rouge comme le sang. Ce sang que vendent les habitants du village des Ding pour connaître une vie meilleure. Mais, quelques années plus tard, atteints de la "fièvre", ile se flétrissent et quittent ce monde, emportés par le vent d'automne comme des feuilles mortes. Seul, le fils du vieux Ding, qui a bâti sa fortune sur la collecte de sang, continue de s'enrichir en vendant des cercueils et en organisant des "mariages dans l'au-delà" pour unir ceux que la mort a séparés.
Le Rêve du village des Ding est un roman bouleversant. Bouleversant dans la tragédie qu'il raconte, bouleversant parce qu'il n'est que la fiction d'une réalité plus terrible encore. C'est l'histoire de centaines de milliers de paysans du Hénan contaminés par le sida que l'auteur évoque dans ce roman d'une émotion poignante, traversé de rêves et de prémonitions. "Colère et passion sont l'âme de mon travail" dit Yan Lianke. Son livre est interdit en Chine et l'auteur privé de parole.
Mon grand-père Ding Shuiyang, revenait de la ville. Le chemin qui conduisait au village des Ding avait été cimenté dix ans plus tôt quand tous les villageois vendaient leur sang. page 8
La situation était grave. dans ce petit village qui comptait moins de deux cents familles et moins de huit cents habitants, plus de quarante personnes étaient mortes en deux ans. Il mourait une personne tous les dix ou quinze jours mais, quand l'an prochain, la saison des morts battrait son plein, les tombes seraient aussi nombreuses que les gerbes de blé en été. Les morts seraient des adultes de cinquante ans ou des enfants de trois ou cinq ans. page 15
.."Quand tu as appelé à vendre son sang, tout le monde a vendu son sang. Tout le monde a vendu son sang à ton aîné Ding Hui. A l'époque, il utilisait la même aiguille pour trois personnes...N'en parlons plus. C'est toujours à lui que j'ai vendu mon sang et maintenant, quand je le rencontre, dans la rue, il ne daigne même pas m'adresser la parole. page 21
Mon grand-père repartit en direction de notre maison qui était dans la nouvelle rue au sud du village. C'était une nouvelle rue car les maisons avaient été construites après que le village était devenu riche. A cette époque, quiconque avait de l'argent, se faisait construire aussitôt dans cette rue une maison d'un étage conforme aux normes officielles....Les gros collecteurs de sang étaient devenus riches. Mon père qui avait le premier à exercer cette activité, avait aussi été le plus gros d'entre eux. Notre maison était donc la mieux située...pages 22,23
C'était il y a plusieurs dizaines d'années. Les instituteurs percevaient un salaire mais mon grand-père, en guise de rétribution, avait droit au contenu solide et liquide des latrines. Cette source d'engrais avait permis à sa famille d'obtenir de belles récoltes. page 33
"Maintenant , rentrez chez vous et réfléchissez bien! Dans les villages du district où les gens vendent leur sang, ils ont construit de belles maisons, alors que vous autres, habitants du village des Ding, bien que libérés depuis plusieurs décennies, guidés par le parti communiste depuis plusieurs décennies, vous habitez toujours dans des chaumières"
Sur ces mots, il s'éloigna.
Mon grand-père partit de son côté.
Les villageois se dispersèrent et rentrèrent chez eux . Il dépendait d'eux de rester pauvres ou de devenir riches. page 38
Les choses se compliquaient. Il n'était plus possible de tendre le bras à volonté puis de rester, un flacon accroché à la ceinture, à manger et à boire en laissant le flacon se remplir, pour finalement toucher son argent et manger quelque temps à sa faim. Les gens ne pouvaient se rendre à un poste de collecte quand bon leur semblait et examiner au soleil, un beau billet de cent yuans pour s'assurer de son authenticité.....
Or, un jour, mon père se rendit à la ville et revint avec un sac d'aiguilles, des tubes, du coton hydrophile et des flacons. Il posa tout l'attirail sur le lit et alla chercher une planche dans l'enclos à cochons sur laquelle il peignit: "Poste de collecte du sang de la famille des Ding"...."Que tous ceux qui veulent vendre leur sang viennent ici me trouver! Les autres donnent quatre-vingts yuans par flacon. Moi, je donne quatre-vingt-cinq yuans ! " pages 50, 51
La lune s'était levée quand Ma Xianglin commença à chanter....Les villageois étaient venus après le repas du soir. Ils devaient être deux ou trois cents, assis par terre, serrés les uns contre les autres, les malades devant, les autres derrière.
C'était la fin de l'automne et le froid tombait sur la plaine de l'Est du Hénan. pour assister au concert, certains avaient revêtu leur veste matelassée, d'autres l'avaient simplement posée sur leurs épaules. les malades étaient ceux qui craignaient le plus d'attraper froid car , pour eux, un simple rhume pouvait être fatal. Ils étaient donc couverts comme en hiver. On ne parlait que 'une chose: le nouveau médicament. Une seule piqure et c'était la guérison. Les visages rayonnaient de bonheur. pages 56, 57
"Moi, Ding Shuiyang, je m'agenouille et je me prosterne. J'implore tout le monde de ne pas haïr ma famille"
Il se prosterna une seconde fois.
- Moi, Ding Shuiyang, je vous demande pardon. C'est moi qui, au départ, vous aidit que plus on prélevait le sang, plus il se renouvelait.
Il se prosterna une troisième fois.
- En outre, c'est moi qui, pour obéir aux instructions des autorités, vous ai rassemblés pour vous emmener visiter le district de Caixian où ce que vous avez vu vous a décidés à vendre votre sang. A la suite de quoi, vous avez attrapé la maladie....
A partir de demain ...tous les malades pourront venir vivre dans l'école. Ils y seront nourris. je vais aller voir les autorités pour leur demander de fournir le nécessaire. Moi, Ding Shuiyang, je vous autorise, si je ne tiens pas ma promesse, à empoisonner mon fils aîné, mon deuxième fils, leurs cochons, et leurs volailles et tous les membres de la famille.
Il poursuivit:
- Je vous dois la vérité. Les autorités ne m'ont pas dit qu'un nouveau médicament a été mis au point. En revanche, elles m'ont dit que la maladie était le sida. pages 65, 66
"Pourquoi as-tu vendu ton sang?
- Je voulais acheter un flacon de shampoing. Une fille du village qui se lavait la tête avec du shampoing avait des cheveux superbes...J'ai vendu mon sang pour pouvoir en acheter. page 85
Je ne sais combien tu as mis d'engrais mais je sais que c'est l'engrais que tu as acheté en vendant ton sang. En vendant un flacon, tu peux acheter deux sacs d'engrais...
- D'accord, mais ..ceux qui vendent trop de sang, n'ont plus la force de travailler...page 95
- J'en prends combien? demandait mon père.
- Prends en jusqu'à ce que tu vois mon visage devenir jaune.
Mon père prenait la plus grosse poche dont il disposait, ne retirant son aiguille que lorsqu'il voyait le visage de Zhao Dequan devenir blanc. page 112
Si vous avez quelque chose dans le ventre, dénoncez-vous! Chacun doit fournir vingt-cinq kilos de farine. Celui qui a mis quatre briques doit donc dix kilos à la collectivité. Quel malhonnête! page 150
Qui a mis ce cadenas? Alors que nous n'avons plus que quelques jours à vivre, devons-nous nous préoccuper de cette histoire d'adultère? Pourquoi leur refuser un moment de bonheur? Ouvre la porte Grand Frère Ding Liang. Tu es mille fois meilleur que ton frère Hui.
Il continua en regardant le cadenas.
- Il faut ouvrir la porte. Ding Liang et Lingling n'ont guère plus de vingt ans....page 158
Mon oncle se rendit chez ma tante Song Tingting dont le village se tenait à plusieurs kilomètres du Village des Ding....Mon oncle dit:
" Je veux épouser Lingling avant e mourir pour profiter pleinement des derniers jours de ma vie.
Ma tante resta muette un instant avant de répondre:
- Je suis d'accord pour divorcer à condition que tu me fournisses deux bons cercueils. Ils devront être de qualité et parfaitement décorés.
- C'est pour qui?
-ça te regarde pas.
Mon oncle sourit de son sourire moqueur. page 257
Il continua en regardant le cadenas.
- Il faut ouvrir la porte. Ding Liang et Lingling n'ont guère plus de vingt ans....page 158
Mon oncle se rendit chez ma tante Song Tingting dont le village se tenait à plusieurs kilomètres du Village des Ding....Mon oncle dit:
" Je veux épouser Lingling avant e mourir pour profiter pleinement des derniers jours de ma vie.
Ma tante resta muette un instant avant de répondre:
- Je suis d'accord pour divorcer à condition que tu me fournisses deux bons cercueils. Ils devront être de qualité et parfaitement décorés.
- C'est pour qui?
-ça te regarde pas.
Mon oncle sourit de son sourire moqueur. page 257
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