lundi, juin 25, 2018

L'ENFANT DE LA PLANTATION ( José Lins Do Rego)
 
"Lisez donc L'enfant De La Plantation.
Je ne sais pas comment cela se fait, mais quand je lis ces pages,  des oiseaux sautent d'une ligne à l'autre. Mon sang bat plus vite.
Tout le Brésil est dans ce livre transparent. "
Blaise Cendras.

José Lins Do Rego est né le 3 juin 1901 dans une plantation du Paraíba, un état rural du Nordeste du Brésil. Il publie en 1932 l'Enfant De La Plantation, son premier livre, qui est immédiatement acclamé par la critique.
 
HUMANITE ET UNIVERSALITE: Voici donc l'histoire d'un orphelin de père et de mère. Entre quatre et douze ans, le jeune Carlinhos a entendu de nombreuses histoires, a joui d'une liberté presque totale et a acquis une précocité terrible autour de sujets "interdits" mais inévitables.
L'enfant de la plantation est un roman sensible et imprégné de tendresse, au style savoureux, naturel et débordant et imparfait - comme la parole.
L'enfant de la plantation, miroir de la société  rurale et des secrets de l'enfance, est d'une réalité profonde et d'une intense humanité. ". C'est le reflet de tout le Brésil, et un peu du monde entier. C'est la vie telle qu'elle est. Son régionalisme touche à l'universel.  Paula  Anacaona, Mars 2013
 
"J'avais à peu près quatre ans lorsque ma mère est morte. Un matin, alors que je dormais dans ma chambre, je fus réveillé par une intense agitation dans toute la maison. Des gens criaient et couraient en tous sens, et la chambre à coucher de mon père était remplie d'inconnus. Je m'y précipitai et je vis maman étendue par terre, papa écroulé sur elle, l'air hagard. page 9
Pauvre papa! Je le vois encore sortir de la maison encadré de soldats, le jour du crime. Quel air de désespoir sur son visage encore jeune.  page 12
 
Trois jours après le drame, on m'emmena à la plantation de canne à sucre de mon grand-père maternel. C'et là désormais que j'allais vivre. Un  monde nouveau s'ouvrait à moi. page 14
J'avais toujours vécu au premier étage d'une maison. Je ne connaissais de la campagne que ce que j'en voyais du tram, lorsque nous quittions la ville pour nous promener à Dois Irmaos. page 20
 
Nous retournâmes à la maison à la nuit tombante. Le soir allongeait  les ombres sur la route.  Les feuilles de canne réverbéraient les derniers rayons du soleil de la journée. Les gamins commencèrent à parler des revenants. Serrés autour de  ma tante, terrorisés par les âmes de l'autre monde, nous fîmes le trajet du retour en silence. page 37

Toute la maison fut réveillée au milieu de la nuit par le vacarme de l'eau  qui montait toujours. Si cela continuait de la sorte, la maison serait inondée au petit matin. page 44
Depuis l'extrémité de la véranda, grand-père contemplait ses plants de canne submergés, sa récolte presque entièrement détruite.  Mais il ne se plaignait pas car il connaissait  la valeur du limon que le fleuve avait laissé sur ses terres. page 45

Pour apprendre l'alphabet, on m'envoya  chez un certain Figueiredo , qui venait  de la capitale et s'était momentanément établi à Pilar. Pour la première fois, j'allais passer toute la journée  avec des étrangers.
Je fus reçu avec les ménagements et les égards réservés au petit-fils du seigneur de la terre. page 51

Les Noires restaient  en cuisine , assises, se racontant à voix basse les épisodes de la Passion. On n 'allait pas se baigner dans le fleuve afin de ne pas montrer nus devant les autres. On ne maltraitait pas les animaux. On n'injuriait personne. On m'obligea à relâcher un canari que j'avais capturé.  Nous allions même jusqu'à désapprouver  la volonté de Dieu: Jésus Christ aurait dû anéantir  tous les juifs et s'emparer de Jérusalem.  Cette semaine-là; on ouvrait l'oratoire , on recouvrait l'autel d'un drap noir et on retournait toutes les images contre  le mur. Les saints avaient honte de regarder le monde. Voilà la religion où j'ai grandi. page 64
 
J'étais un enfant triste. J'aimais jouer avec mes cousins, et faire toutes leurs bêtises. J'étais toujours fourré avec les gamins mais , dans le fond, j'étais un enfant triste. Parfois, je restais seul, avec mes pensées et me promenais sous les arbres, écoutant le chant des oiseaux. page 95
Je m'attardais sur tout ce à quoi je n'osais penser en présence des autres. Cela faisait maintenant plus de quatre ans que j'habitais à la plantation. J'avais changé beaucoup depuis mon arrivée à Recife. page 96
 
Le vieux José Paulino gouvernait sa plantation avec bonté. Je ne l'ai jamais vu avec des armes dans sa chambre ou des carabines  qu'il gardait derrière son armoire étaient tellement inutiles qu'on nous permettait de jouer avec elles. page 105
 
Les cousins étaient revenus de pension, transformés  les premiers jours du moins.
"Il n'y a que le collège pour dresser les enfants"
C'est ainsi que tout le monde parlait de cette cure miraculeuse. Mais rapidement, ils devenaient les mêmes diables qu'avant. page 116
 
J'étais tellement habitué à voir ces hommes réduits à cette misère qu'elle ne me choquait pas.  Jamais, dans mon enfance, je n'eus pitié d'eux. Je trouvais tout naturel que ces hommes dorment dans des porcheries, ne mangent rien et travaillent comme des bêtes de somme. Dans ma compréhension du monde, j'y voyais l'œuvre de Dieu.
Dieu avait voulu que ces hommes naissent ainsi et que nous ,les  Blancs, nous soyons leur maîtres, de même que nous l'étions des bœufs,  des mulets et des terres. page 128

La belle Judith, qui m'avait appris à lire sur ses genoux , avait été mon premier amour. Mais mon cœur de huit ans commençait à battre avec plus de violence. Des cousines de Récife vinrent passer quelque temps à la plantation. C'étaient des filles qui gardaient leurs bas du matin au soir, qui ne parlaient que français entre elles et ne causaient que théâtre. "Le ténor Untel, quel bel homme". "L'actrice untel, quel chic." page 134

Grand-père avait eu des nouvelles de mon père.  J'avais surpris, sans le vouloir, une conversation entre lui et l'oncle Juca, alors que j'étais dans le salon  à feuilleter de vieilles revues. Le directeur de l'hôpital avait écrit pour demande s'il fallait garde mon père car sa famille avait cessé de payer la pension de puis de mois. page 141

Tu entreras en pension le mois prochain. ...
Et on préparait mon trousseau, on me faisait des chemises d'homme, des pantalons longs et des caleçons. Le linge de lit s'entassait dans ma nouvelle  malle pour l'internat. La perspective du collège me consolait de mon chagrin. Je n'avais pas peur d'entrer en pension. Au contraire, j'attendais même avec impatience le jour de mon départ. Mes cousins étaient partis et il pleuvait tous les jours. page 155
 
J'entrerais en pension au mois de juin. La date de mon départ était fixée.
On avait recours au collège comme à une maison de correction. Personne ne s'occupait des enfants qu'on laissait libres de tout faire, comptant ensuite  sur les punitions de l'internat pour les corriger. L'enfance ne semblait  ne pas avoir d'importance, alors que ce sont des années cruciales.
...Je prendrais le train le lendemain. Oncle Juca allait me confier aux prêtres du collège, leur laissant carte blanche  à mon sujet. page 166
 
Le vieux Paulino m'avait dit au moment de partir:
" Ne perds pas ton temps. Etudie, tu ne t'en repentiras pas". 
...J'étais un enfant perdu, j'étais l'enfant de la plantation. page 170
 

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