mercredi, septembre 15, 2021

LE TRAIN DES AUTRES ( Viola Ardone) 2021

 Naples , 1946. Amerigo quitte son quartier pour monter dans un train. Avec  des milliers d'autres enfants du Sud, il traversera toute la péninsule et passera quelques mois dans une famille du Nord: une initiative du parti communiste vouer à arracher les plus jeunes à la misère après le dernier conflit mondial. Loin de ses repères, de sa mère Antonietta et les ruelles de Naples, Amerigo découvre une autre vie. Déchiré entre l'amour maternel et sa famille d'adoption, quel chemin choisira-t-il?  S'inspirant de faits historiques, Viola Ardone raconte l'histoire 'un amour manqué entre un fils et sa mère. Immense succès en Italie et en cours de traduction dans 29 pays, ce roman remarquable révèle une auteure d'exception. 

Le Train des enfants est une histoire qu'il fallait absolument raconter, et Viola Ardone le fait avec passion et maestria. ( Il corriere della Sera) 

Moi, des chaussures neuves, je n'en ai jamais eu, je porte celles des autres et elles me font toujours mal. Maman me dit que je marche de traviole. C'est pas ma faute. C'est à cause des chaussures des autres. Elles ont la forme des pieds qui les ont utilisées avant moi. Elles ont pris leurs habitudes, elles faisaient d'autres trajets, d'autres jeux.  Et, quand elles m'arrivent, elles ne peuvent pas savoir comment je marche et où  je veux aller. Elle doivent s'habituer petit à petit , mais entre -temps, mes pieds grandissent , mes chaussures deviennent trop serrées et c'est reparti pour un tour. page 11

Maddalena  parle dans un entonnoir en fer qui lui fait une grosse voix. " Quand il a fallu chasser les Allemands, nous autres femmes, on a fait notre devoir. Mère, filles, épouses, jeunes et vieilles: on es toutes descendues dans la rue et on s'est battues. Vous y étiez, j'y étais moi aussi.  Maintenant, c'est une autre bataille, mais contre des ennemis les plus dangereux: la faim et la pauvreté. Et si vous vous battez,  vos enfants seront victorieux." Chaque mère regarde les siens. " Ils vous reviendront  plus en chair et plus beaux. Et vous serez récompensés  des innombrables efforts que vous aurez dû fournir jusque-là. .."page 43

(A la gare) Chacun reçoit une paire de chaussures marron toutes neuves, brillantes, avec des lacets, mais trop petites. "Comment elles te vont? Tu te sens bien? " J'ai fait quelques pas et j'étais à l'étroit. " Bien, bien! Elles me vont très bien" j'ai dit, parce que j'avais peur qu'ils me les reprennent, et je les ai gardées. page 54 Je regarde maman par la fenêtre. Elle se serre dans son châle, en silence. Le silence, c'est sa spécialité. Puis, le train se met à hurler...page 58

Soudain, dans la nuit, une lumière me brûle les yeux. Le train est sorti du tunnel et une grosse lune éclaire tout en blanc. On dirait de la mie de pain. " La neige! je m'exclame pour me convaincre. la neige! la neige" ! je répète de plus en plus fort. page 72

(Amerigo est dans sa famille - chez Derna, à Modène) J'ouvre les yeux, c'est le matin....La dame est dans la cuisine, au fond du couloir. Je l'observe de dos. Elle prépare à manger en écoutant la radio. Des radios je n'en avais vu que dans les maisons de certaines dames qui me donnaient leurs chiffons. Sur la table, il y a une tasse de lait, du pain, un petit pot de confiture, un gros morceau de fromage. ..Et puis, un couteau, une fourchette, une petite cuillère, des tasses et des petites assiettes toutes pareilles, de la même couleur. ..."Tu as fail? J'ai préparé plusieurs choses, je ne sais pas ce que tu aimes. - J'aime tout" je réponds. page 104

On les a fait venir ici, ces pauvres petits.. ;toutes ces heures de voyage, le manque de confort. Et quand ces belles vacances seront fin ies, il leur faudra retourner dans leur misère. Ce n'aurait pas été mieux de leur donner de l'argent à leurs familles, plutôt que de les faire venir ici? " page 131

(Dans une fête) ...maintenant, ils sont tous beaux et élégants, et on ne sait plus qui sont les gosses du Sud et ceux qui étaient déjà dans le Nord.  page 159

(Les enfants doivent rentrer chez eux, le train est en partance de Bologne) Tout ce que j'avis, je ne l'ai p déjà plus: le gâteau pour mon anniversaire, le dix sur dix en mathématiques e M Ferrari, le signaux lumineux à la fenêtre, l'odeur des pianos, le goût du pain qui sort du four, les chemisiers blancs de Derna. J'attrape mon violon (cadeau ) , j'ouvre l'étui, je passe mes doigts sur les cordes et je mis mon prénom sur le rectangle de tissu: Amerigo Speranza....Tommasino a raison. On est coupés en deux , maintenant. page 180

(Arrivée chez lui avec sa maman) Elle pose un verre de lait et du pian d'hier sur la table. " Tu veux manger quelque chose? Tu dois avoir faim après ce voyage " C'est ce que je mangeais avant le partir, mais maintenant, ça m'a l'air d'être un goûter de bric et de broc. Ma vie est redevenue toute petite. J'ouvre la valise et je sors les pots de confiture, le fromage mou et le fromage sec, le jambon et la mortadelle, les friands enveloppés dans le torchon à rayures blanches et jaunes qui sent encore l'odeur de la cuisine de Rosa, les pâtes fraîches qu'elle a faites hier matin: je l'ai aidée à casser les oeufs et à pétrir, j'avais de la farine jusqu'aux coudes. J'ai l'impression que c'était il y a des siècles.....Elle fait le tour de la pièce et ramasse tout ce que j'ai apporté. les habits, les cahiers, la nourriture. je ne vois pas ce qu'elle en fait.  " Tout ça, ça ne sert à rien, ici. Le violon, l'étui, et mon nom dedans disparaissent sous le lit . Je ne dis rien...page 186

(Amerigo travaille chez un savetier) Je ne vois que ça toute la journée. Celles qui sont usées au bout, celles au talon tordu, celles aux lacets cassés, celles qui ont changé de forme au contact des pieds qui les portaient .Les miennes me font mal. C'est Alcide qui me les a achetées, toutes neuves, et maintenant , elles me serrent au talon. Elles sont encore en bon état , c'est mes pieds qui ont grandi et qui ne vont plus.  page 197

(Amerigo se rend chez Maddalena qui a organisé le séjour à Modane) Elle me donne le paquet de lettres. Dedans, il y a les mots de Derna, de Rosa, de mes frères, de là-haut, d'Alcide. Leurs voix, leurs vid=sages, les odeurs explosent dans ma tête. je me lève d'un bond, les lettres tombent par terre. " Ils t'avaient des colis de nourriture, comme personne ne venait les chercher, je les ai distribués à des gens qui en avaient besoin. C'aurait été dommage de gaspiller.......Elle ne t'a rien dit" finit par dire Maddalena...;" - Maman est méchante" Je pars en courant....page 204 (Il se rend chez sa mère) "Où est mon violon? " je demande sans bouger du lit. Elle ne répond pas...Je ne bouge pas. " Je veux savoir où est mon violon" J'ai la voix qui tremble. " Un violon, ça ne donne pas à manger. Un violon, c'est pour les gens qui ont déjà tout ce qu'il leur faut.- Il était à moi! Où est-il? " Cette fois, je crie. Il est là où il doit être...Avec l'argent du violon, j'ai acheté à manger et tes nouvelles chaussures...."page 207

1994 ( page 217) Amerigo a quitté sa mère et s'est enfui à Modane, il est devenu un violoniste réputé. Il revient chez lui à la mort de sa mère). Chacun perfectionne sa méthode pour ne pas mourir et tout le monde se trompe. On se trompe quand on pense échapper à la mort en se préparant une sauce genovese pour le lendemain. On se trompe quand on s'enfuit dans une autre ville à la recherche d'un destin différent. On se trompe quand on pense que la musique nous protègera. Il n'y a pas de refuge. la mort vient chercher tout le monde et peut-être que moi aussi, je mourrai ici, de peur, de chaud et de mélancolie. page 240

" Tu as connu tout ça. Tu as été aidé, tu as fait des études, tu es devenu un musicien reconnu. Tuas eu ta chance, tu es devenu quelqu'un de bien, et tu sais que ça vaut toujours la peine d'essayer, même si parfois on se trompe. ..On doit faire tout ce qu'on peut faire" Maggalena à Amerigo.page 253

Je conserve mes doutes, je les porte en moi, ils me tiennent compagnie. Je n'ai rien résolu et ça n'a aucune importance.  page 89

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