dimanche, février 27, 2022

LE PARFUM DES FLEURS LA NUIT (Leïla Slimani, 2021 )

Comme un écrivain qui pense que "toute audace véritable vient de l'intérieur", Leïla Slimani n'aime aps sortir de chez elle, et préfère la solitude à la distraction. Pourquoi alors accepter une proposition d'une nuit blanche à la Pointe de la Douane , à Venise, dans des collections d'art qui ne lui parlent guère?  Autour de cette "impossibilité" d'un livre , avec un art subtil de disgresser, Leïla Slimani nous parle d'elle, de l'enferment, du mouvement, du voyage, de l'intimité, de l'identité,  de l'entre-deux, entre Orient et Occident, où elle navigue et chaloupe, come Venise à La Pointe de la Douane, comme la cité sur pilotis vouée à la destruction et à la beauté s'enrichissent et empruntant, silencieuse et raconteuse à la fois. Une confession discrète, pudique, qui n'appuie jamais , légère, grave et toujours à sa juste place : " Ecrire, c'est jouer avec  avec le silence, c'est dire, de manière détournée, des secrets indicibles de la vie réelle. "

Ecrire, c'est découvrir la liberté de s'inventer soi-même et d'inventer le monde. page 17

Ce que l'on ne dit pas nous appartient pour toujours. Ecrire, c'est jouer avec le silence, c'est dire , de manière détournée, des secrets indicibles dans la vie réelle.  La littérature est un art de la rétention. page 29

Je n'ai pas peur de la mort. La mort n'est rien sans d'autre qu'une solitude, aboutie, entière, absolue.  C'est la fin des conflits et des malentendus,. C'est le retour, aussi, à la vérité des choses, au dénuement. Ce que je crains, c'est la résistance du corps. La déchéance. La douleur qui ronge les chairs page 65

J'ai été élevée comme un animal d'intérieur. Je n'ai jamais pratiqué aucun  sport. Je ne sais pas  faire du vélo, et je n'ai  pas le permis de conduire. Enfant, je passais le plus clair de mon temps à la maison, j'étudiais...page 75   A l'adolescence, sont apparus rêves de fuite, désirs d'errance, de nuits sans chaperon et de rues où je serais une passante qui regarde les autres et qui est regardée. ...S'émanciper, c'était fuir, sortir de la prison qu'était la maison...Je ne voulais devenir "une femme d'intérieur" En terminale,  notre professeur de philosophie...nous avait expliqué  qu'exister, c'était à la fois, sortir de soi et de chez soi. Il ne pouvait pas avoir  d'individualité , de liberté, sans arrachement. Il fallait fuir toutes cases qui enferment ne donnant l'illusion du confort. Il fallait se méfier de "l'embourgeoisement du cœur", préférer être un nomade, un errant, un voyageur compulsif. page 76

La domination nationale, je l'ai compris, modèle non seulement les esprits mais aussi les corps, qu'elle contraint et enferme. Celui qui est dominé n'ose pas bouger, se rebeller,  sortir de ses gonds ou de son quartier, s'exprimer. " La  première chose qu'apprend l'indigène, écrit Frank Fanon, dans Les Damnés de la terre, c'est à rester à sa place, à ne pas dépasser les limites; c'est pourquoi les rêves de l'indigène sont des rêves musculaires, des rêves d'action,  des rêves agressifs. Je rêve que je saute, que je nage,  que je cours, que je grimpe. Je rêve que j'éclate de rire, que je franchis le fleuve d'une enjambée,...Pendant la colonisation, le colonisé ne s'arrête pas de se libérer entre neuf heures du soir et  six heures du matin."


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