dimanche, juin 19, 2022

GUERRE ( Louis Ferdinand CELINE )

 Parmi les œuvres de Louis Ferdinand Céline, récemment retrouvés, figurait une liasse  de deux cent cinquante feuillets révélant un roman dont l'action se situe dans les Flandres Durant la Grande Guerre. Avec la transcription de ce manuscrit de premier jet, écrit quelque deux ans après la parution du Voyage au bout de la nuit ( 1932) une pièce capitale de l'œuvre  de l'écrivain est mise au jour. Car Céline, entre récit autobiographique et œuvre d'imagination, y lève le voile sur l'expérience central de son existence: le traumatisme physique et moral du front, dans l'abattoir international en folie". On y suit la convalescence du brigadier Ferdinand depuis le moment où gravement blessé, il reprend conscience sur le champ de bataille jusqu'au départ pour Londres. A l'hôpital de Peurdu-sur-la-lys, objet de toutes les attentions d'une infirmière entreprenante, Ferdinand s'étant lié  d'amitié au souteneur Bébert, trompe la mort et s'affranchit du destin qui lui était jusqu'à lors promis. Ce temps brutal de la désillusion et de la prise de conscience que l'auteur n'avait jamis abordé sous la forme d'un récit littéraire autonome, apparaît ici dans  sa lumière la plus crue. Vingt ans après 14, le passé , " toujours saoul d'oubli" prend  des "petites mélodies en route qu'on ne lui demandait pas". mais il reste vivant, à jamais inoubliable, et Guerre en témoigne tout autant que la suite de l'oeuvre de Céline. 

Soixante ans après sa mort, voici qu'est publié un roman inédit de Céline, dont l'action se situe durant la Grande Guerre et qui porte plus précisément sur la blessure de l'auteur et ses suites. Ces deux cents cinquante feuillets ont été évoqués sous le titre de Guerre par Céline lui-même dans une lettre à son éditeur Robert Denoël, datée du 16 juillet 1934: " J'ai résolu d'éditer Mort à crédit, 1er livre, l'année prochaine Enfance, Guerre, Londres" Page 9

C'était plat ce pays-là - mais les fosses traîtres et bien profonds, pleins d'eau, rendaient l'avance très difficile. Fallait faire des détours à n'en plus finir, on revenait au même endroit. Il me semble quand même avoir entendu des balles piauler; Tout de même , sûrement l'abreuvoir où je me suis arrêté, c'était un vrai. Je tenais le bras avec l'autre parce que je ne pouvais le mettre droit.  Il était mort sur mon côté. Y avait  une espèce de grande éponge faite avec de l'étoffe et du sang à hauteur d'homme. Si je bougeais, j'arrêtais de vivre tellement ça me procure une peine atroce jusqu'au fond de la vie, c'est le cas de le dire. page 29

Je voyais plus  très clair mais je voyais rouge par-dessus. Je m'étais divisé en parties tout le corps. La partie mouillée, la partie qu'était saoule, la partie du bras qu'était atroce, la partie de l'oreille qu'était abominable, la partie de l4anglias qu'était bien consolante, la partie du genou qui s'en barrait comme au hasard la partie du passé déjà du passé qui cherchait, je m'en souviens bien, à s'accrocher au présent et qui pouvait plus - et puis l'avenir qui me faisait plus peur  que tout le reste, enfin une drôle de partie qui voulait  par-dessus les autres me raconter une histoire.  C'était plus du malheur qu'on peut appeler ça, c'était drôle. Après on  a fait  encore un kilomètre et puis, je refuse d'avancer. page 31

J'ai lu Guerre, beaucoup de pages  sur les horreurs de la guerre, des phrases crues...Bref, la guerre est une horreur.

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