Quatorze ans après la disparition des jumelles Vignes, l'une d'elle apparaît à Mallard, leur ville natale, dans le sud d'une Amérique fraîchement déségrégationnée. Adolescentes, elles av aient fugué main dans la main, décidées à affronter le monde. Pourtant, lorsque Desiree refait surface, elle a perdu la trace de sa jumelle depuis bien longtemps: Stella a disparu des années auparavant pour mener à Boston la vie d'une jeune femme Blanche. Mais jusqu'où peut-on renoncer à une partie de soi-même?
Dans ce roman magistral sur l'identité, l'auteure interroge les mailles fragiles dont sont tissés les individus, entre la filiation, le rêve de devenir une autre personne et le besoin dévorant de trouver sa place.
A Mallard, on ne se mariait pas avec plus noir que soi; on ne partait pas non plus. page 14
On peut fuir un lieu mais pas son sang. Les jumelles Vignes avaient cru échapper aux deux. page 16
" Jolies filles. Incroyablement claires, n'est-ce pas? " ( Mme Dupont à son mari lors de l'arrivée des jumelles chez eux, comme employées. page 26
( Desiree à Washington) " Je ne savais pas qu'il y avait des avocats de couleur". - Bien sûr que si. C'est pas ton bled de ploucs ici". dit Roberta. " Une ville entière de gens aussi clairs que toi?". - Plus clairs, même, répondit-elle. songeant à Mme Fontenot qui se vantait toujours du teint lait caillé de ses enfants. - Eh bien, il faudra m'emmener là-bas un jour. Je veux la voir de mes propres yeux, cette ville où les Noirs sont presque blancs. " (dit Sam). Mais il disait cela pour flirter. Il était né dans l'Ohio . C'était la désespérance dans les campus. IL avait assisté à des cours où les professeurs blancs ignoraient ces questions...Il sortait avec des filles à la peau claire qui refusaient de lui donner la main en public. Le racisme du Nord, il le connaissait, celui du Sud, non merci. page 35, page 37
Un garçon à la peau noire qui traversait la clairière pour lui apporter des fruits. ..;C'était la première fois qu'elle rencontrait un garçon intéressant, le seul qui imaginait une vie de Mallard. ...Elle savait qu'elle ne pourrait jamais fréquenter ouvertement Early Jones. Il le savait aussi, même s'ils n'en parlaient jamais. Il venait toujours quand sa mère était au travail et repartait dès que le ciel s'obscurcissait. page 73... sa mère était comme tous ceux qui détestaient la peau noire et faisaient tout pour s'en démarquer. page 74
" Sa soeur est partie et maintenant, elle se prend pour une Blanche, tu vois le genre. " .... et puis, Desire a eu cette gosse. - Elle a quoi cette gosse? - Elle a rien, dit lentement l'homme au Stenson. C'est juste qu'elle est noire comme ce n'est pas permis. page 81
Jouer les Blanches pour s'en sortir, c'était plutôt une preuve de bon sens. Mais épouser un homme ausi noir? Pire, porter son enfant? Cette petite était allée chercher les ennuis et ils ne la lâcheraient pas. "page 91
" T'inquiète pas maman. Je reviendrai te voir". Elles avaient toutes les deux ( Desiree et sa fille, Jude) qu'elle ne reviendrait jamais. page 122 Elle était noire. Noir-bleu. Non, d'un noir qui tirait sur le violet. Aussi noire que le café, l'asphalte, l'es pace intersidéral. Aussi noire que le début et la fin du monde. page 123
On croit qu'être unique, ça fait de soi quelqu'un d'exceptionnel. Non, ça fait juste quelqu'un de seul. Ce qui est exceptionnel, c'est d'être reconnu et accepté. page 129
Elle savait comment on surnommait les Noires qui mettaient du rouge à lèvres. Cul de babouin. page 163
Au fil des ans, elle avait appris à apprécier la piscine et tout ce dont , selon Blake, on ne pouvait se passer à Los Angeles: sa Thunderbird rouge, la bonne Yolande, et mille autres commodités. Avant son mari, elle ignorait ce qu'est le confort. Elle e n avait pris conscience à son contact , s'émerveillant lorsqu'il commandait un steak entier, elle qui s'était souvent couchée avec le ventre creux. Ou qu'elle le voyait hésiter entre deux cravates, pour finalement, acheter les deux - elle qui allait à l'école à pied, dans des souliers trop petits qui lui écrasaient les orteils. Ou qu'elle trouvait Yolande , dans la cuisine en train de faire l'argenterie et qu'elle songeait à la Stella d'autrefois regardant son reflet dans les fourchettes des Dupont . page 21
Elle était consciente que c'était affligeant de ne rien vivre de plus excitant. Ses jours se succédaient et se renvoyaient leur reflet, identiques, comme si elle était prisonnière d'un palais de miroirs semblable à celui où sa sœur l'avait entraînée à la fête foraine. page 220
D'abord Martin Luther King à Memphis, puis Bob Kennedy à Los Angeles. On avait l'impression de ne plus pouvoir ouvrir un journal sans voir le corps ensanglanté d'un homme important. Stella prit l'habitude les informations dès que sa fille dévalait l'escalier à l'heure du petit déjeuner. Lorette mentionna que , deux mois plus tôt, Cindy avait demandé ce qu'est un assassinat politique. Elle lui avait dit la vérité, bien sûr, c'était quand une personne tuait une autre pour faire passer un message. page 251
A Maison Blanche, Stella tapait le courrier de M. Saunders. C'était le plus jeune cadre du service marketing et il avait un physique d'acteur de cinéma. Toutes les filles du bâtiment l'enviaient. page 260...."Je vos invite à déjeuner, aujourd'hui. J'aime bien connaître les gens qui travaillent pour moi. " Elle était tellement perturbée qu'elle passa la matinée à se tromper d'adresse sur les enveloppes. page 261
La plupart des gens se laissent guider par le cœur plus que par la tête. Stella n'était pas différente des autres. Sa décision de quitter La Nouvelle Orléans avec Blake n'était-elle pas été dictée par ses émotions? Et son choix de rester ave lui pendant toutes ces années? page 308..Elle 'Stella) était heureuse de fréquenter des esprits aussi brillants. Des penseurs. Pour les collègues de Blake, l'intelligence était un moyen pour atteindre un but, en l'occurrence gagner plus d'argent. Au département de mathématiques de santa Monica College, personne ne comptait devenir riche. La connaissance était une fin en soi. Elle avait la chance de pouvoir passer ses journées à apprendre. page 310
Ce soir, elle comprenait enfin: Kennedy ( la fille de Stella ) n'était qu'une pimbêche de Mallard qui croyait aux mensonges qu'on lui avait racontés. " Pauvre idiote. Tu ne sais même pas qui tu es. - C'est-à-dire? - Ta mère vient de Mallard! comme la mienne. Elles sont jumelles. Elles se ressemblent comme deux goutes d'eau. Même tu verrais que...." Kennedy éclata de rire. " Tu es complètement malade. - C'est ta mère qui est malade. Elle t'a menti toute ta vie. " Elle regrettait déjà se s)p)aroles, mais il était trop tard. Elle avait déclenché une alarme qui ne se tairait jamais. page 353
Lorsqu'on épousait quelqu'un, on s'n gageait à épouser toutes les personnes qu'il serait. Il avait promis ( le mari de Stella) d'aimer toutes celles qu'elle avait été. Et ils étaient là, à essayer encore, quand bien même le passé et l'avenir demeuraient un mystère. page 357
Elle ( Stella) avait fait l'erreur de croire qu'elle pouvait s'installer. Il fallait constamment bouger ou le passé vous rattrapait. page 361
On ne devrait pas dire la vérité aux gens pour leur faire du mal mais parce qu'ils veulent savoir. page 402
( A Mallard) " Ils n'aiment pas les Nègres blancs. Tu te sentirais chez toi. - Je ne suis aps noire" dit Kennedy. Jude rit encore, cette fois plus mal à l'aise. " Ta mère l'est". - Et après? - Donc toi aussi. - Pas du tout. Mon père est blanc, tu sais. Et tu n'as le droit de te pointer et de me dire qui je suis". Ce n'était pas une question de race. Elle ne supportait pas qu'on l'assigne à une place. Elle était comme sa mère, sur ce point. Si elle était noire, pas de problème. mais si ce n'était pas le cas, et Jude n'avait pas à lui dire qu'elle était quelqu'un qu'elle n'était pas. page 412
Adele Vigne s( la grand-mère) fut enterrée au cimetière Saint-Paul du côté autrefois réservé aux gens de couleur. Tout le monde trouvait ça normal. Il en avait été toujours ainsi, les Blancs au nord, les Blancs , au sud. Personne ne s'en était jamais plaint, jusqu'au jour où l'église qui possédait le cimetière, avait décidé de nettoyer les tombes pour la Toussaint, mais seulement au nord. page 476
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire