jeudi, novembre 16, 2017

VIVRE UNE VIE PHILOSOPHIQUE (Michel Onfray)
 
THOREAU LE SAUVAGE.
 
"Thoreau est un philosophe rare - de ceux qui ont mené une vie philosophique. Il a, en même temps, pensé sa vie et vécu sa pensée. L'enfant qu'il fut  a été bien été le père  de l'homme qu'il a été. " M. O.

Ce livre est un hommage en même temps qu'une percutante introduction à la vie et à l'œuvre de ce "penseur des champs" ou "romantique indien" solitaire et rebelle , qui a prôné, toute  sa vie, une existence farouchement libre.
Le philosophe dégage un portrait  double de Thoreau , écologiste  et libertaire et, par - delà, celui d'un modèle de vie où la pensée contemplative associée à l'action créent les conditions d'une existence authentique.
Un modèle auquel Michel  Onfray s'apparente, qui invite chaque philosophe  et chacun d'entre nous à mettre en adéquation sa pensée et ses actions.
 
Le plus grand des hommes est souvent celui qui, pour les autres, ne passe pas pour tel, mais ne fait pas de bruit et traverse son existence sur la pointe des pieds ontologiques. Ses combats sont contre lui-même, ses victoires aussi. Ses champs de bataille? Lui-même encore. Ses embuscades ou ses assauts, ses rixes et ses offensives? Encore et toujours lui-même. page 13
 
Napoléon fut grand tant qu'il crut aux faits et aux événements; il a dompté la Révolution française en lui permettant de survivre dans des institutions durables. ...En revanche, Napoléon fut petit quand il a cessé de croire aux faits et aux événements pour se soumettre aux simulacres , quand le démocrate est devenu un tyran. page 19
 
Emerson  affirme aussi que le grand homme, c'est l'homme représentatif. Sa grandeur  réside dans sa représentativité. Plus l'homme représente son temps, son époque, sa civilisation, sa culture, son continent géographique, historique, culturel, mental, plus il est grand. Paradoxalement, c'est en portant son individualité à son point d'incandescence que l'homme parvient à l'universel et qu'il devient grand. Montaigne fut ainsi, Emerson aimait beaucoup Montaigne. page 20

Thoreau est issu d'une famille anglo-normande. Sa famille paternelle habitait en effet Saint-Hélier , à Jersey. Venant de France, du Poitou plus particulièrement, elle y est arrivée en 1685, après la révocation de l'Edit de Nantes. Elle a quitté l'île en 1773 pour embarquer sur un bateau  corsaire en direction des Etats-Unis....Ses parents militent pour l'abolition de l'esclavage, ils reçoivent , chez eux, des  esclaves fugitifs, des militants de la cause abolitionniste. Ils pratiquent la philanthropie...Page 28
 
 
Thoreau est un élève brillant. Il traduit le grec et le latin. Mais il fait souvent l'école buissonnière avec son frère Jack...Nous disposons d'écrits de jeunesse qui sont ses devoirs qu'il rendit à ses professeurs, des sujets de dissertation rédigés quand il avait entre 16 et 20 ans. Les questions alors posées aux élèves sont de haute tenue, les réponses données par Thoreau d'une étonnante maturité.
Ainsi cette question: "Je vis comme un prince: non pas pour ce qui est de la pompe dans la grandeur, mais pour ce qui est de l'orgueil et de la liberté; maître de mes livres et de mon temps". Parlez des plaisirs et des privilèges d'un lettré. Question à laquelle Thoreau répond par une citation d'une épître de Horace en latin: "Tous ceux qui se mêlent d'écrire aiment les bois et fuient les villes"...page 32
 
Il propose un double mouvement: refuser les fausses valeurs de la civilisation - la mode, l'argent, les honneurs, les richesses, le pouvoir, la réputation, les villes, l'art, l'intellectualisme, le succès, les mondanités - et vouloir les vraies valeurs de la nature - la simplicité, la vérité, la justice, la sobriété, le génie, le sublime, la volonté, l'imagination, la vie. page 38
 
Il invite à ce que chacun se prenne en charge pour travailler sur soi et se faire le créateur de lui-même. page 63
 
Il publie Walden en 1854. Il s'agit d'un authentique et grand livre de philosophie. On n'y trouve aucun concept, aucun personnage corporel, mais une réflexion sur les conditions de possibilité d'une   expérience existentielle: comment mener une vie philosophique? Thoreau n'invite pas à ce qu'on l'imite, mais il montre comment on peut faire, à charge pour chacun d'inventer son chemin, de trouver sa voie. ....Se féliciter de la splendeur de chaque matin; opposer  une volonté de jouissance au mouvement naturel de la négativité qui nous tire vers le pessimisme; désirer le bonheur qui n'est pas donné, mais à construire; se mettre ou se remettre au centre de soi; transformer les inconvénients en avantages; rechercher le positif dans le négatif; vouloir faire de sa vie, une fête.
Il invite également à refuser " la vie mesquine". La vie mesquine, c'est la vie tournée vers les fausses valeurs: l'argent, les honneurs, le pouvoir, les richesses, la propriété, la réputation. C'st la vie salie par les vices de la société de consommation: convoiter, acheter, posséder, consommer, remplacer. C'est aussi une fausse vie avec autrui: une vie réduite à la surface, aux apparences, à la mondanité, aux salons, au bavardage. pages 68, 69

Il est serein face à la mort parce qu'il sait qu'elle est , non pas disparition, mais dilution dans le grand Tout. page 71

Revenons aux exercices spirituels Voici  six formules: "Explore-toi toi-même"; "Vivre la vie qu'on a imaginée"; "Aime ta vie";  "Simplifiez, simplifiez";  Fais-toi un corps parfait";  Vivez libres et sans liens. page 71

Une utopie concrète que chacun  peut commencer à pratiquer dès l'instant où il le décide.  Thoreau enseigne la vraie révolution... celle qui permet, en se changeant  et en invitant autrui à se changer, de changer l'ordre du monde. page 78
 
La liberté, pour lui,  c'est l'autonomie, l'indépendance, la souveraineté sur soi-même. C'est l'art de   se donner ses propres règles et de vivre en leur regard, sans jamais nuire à autrui.  page 80
 
Thoreau ne veut ni suivre , ni guider, ni avoir un maître, ni être commandé, ni commander. page 80
 
Marcher, c'est donc marcher vers son destin, ce qui suppose le dépouillement total afin de se retrouver seul face à soi-même, pour se construire avec ce matériau purifié par la marche. page87
 
La presse transforme l'accessoire en essentiel, elle s'attarde sur le futile et nous détourne de ce qui est fondamental  - la vie philosophique. page90
 
Le meilleur des gouvernements, c'est celui qui gouverne le moins. page 96

Le philosophe mène une vie philosophique, autrement dit, il vit sa pensée et il pense sa vie. page100

Il sait qu'il va mourir. Il est serein, calme, en paix. Il envisage les choses avec naturel. Il s'est préparé. Un ami s'inquiète de son état d'esprit avant de quitter ce monde pour un autre. Il répond: "un monde à la fois"...Il meurt le lendemain, à Concord, à 9 heures, le 6 mai 1962. Le matin est toute promesse de beauté. Les pommiers sont en fleurs. page 105
 
 

 
 
 

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