mardi, avril 23, 2019

POUR L'AMOUR DES LIVRES ( MIchel Le Bris , 2019)

"Nous naissons, nous grandissons, dans le bruissement des milliers de récits, de romans,  de poèmes, qui nous ont précédés.  Sans eux, sans leurs échos éveillés en nous, ne resterions-nous pas tels des enfants perdus dans des forêts obscures? Donnant mots, visage à l'inconnu du monde, nous révélant à nous-mêmes, ils sont, si l'on y réfléchit, notre première, notre véritable demeure.
Je leur dois tout. Mon enfance  fut pauvre et  solitaire, même si ma mère sut faire de notre maison sans eau, ni électricité un paradis. Par la grâce d'une rencontre avec un instituteur, engagé, sensible, qui m'ouvrit sans retenue sa bibliothèque et me laissa libre de mes rédactions, j'y ai découvert la puissance de la libération des livres, et, par eux,  nous pouvions nous arracher à tout ce qui prétend nous déterminer et nous contraindre.
J'ai voulu ce livre comme un acte de remerciements. pour dire simplement ce que je dois  au livre; ce que, tous, nous devons au livre. plus nécessaire que jamais, face au brouhaha du monde: il est en  chacun de nous, un royaume, une dimension d'éternité, qui nous fait humains et nous fait libres. Tel est  son grand message: que tous, nous sommes plus grands  que nous. "
M.L.B.
 
GARDIENS DU FEU
 
"Le monde est parcouru de lignes de chants" écrivait Bruce Chatwin, reprenant un mythe d'aborigènes  australiens - e lignes de chant que chacun doit parcourir et reparcourir sans cesse,  et sous ses pas,  en écho à sa voix, chaque chose nommée, oiseau, plante, roche, alors s'éveillera. Mais que les hommes un jour interrompent leur chant, et le monde à coup sûr, s'effacera, et nous avec lui....Est-il plus belle métaphore du métier d'écrivain, et du pouvoir des mots? "Il était un e fois":  notre première, notre véritable, peut-être notre seule demeure. page 14

En récompense à mon examen réussi d'entrée en sixième, ma mère m'avait promis un livre. Que nous étions allés choisir solennellement à Morlaix , dans la librairie Riou -Quéré, aujourd'hui défunte. La Guerre du Feu de J.H. Rosny, aîné, " roman des âges farouches" Page 14
 
Je tournai ma première rédaction en roman-fleuve ( en sixième). L'instituteur, Monsieur Ropars, m'avait regardé longuement, interloqué: où avais - je pêché ça? J'avais tenté de lui expliquer ce qui m'agitait, la poursuite des Kzamm dévoreurs d 'hommes, l'alliance avec les mammouths géants, le combat contre l'ours gris, et il s'en était allé vers son pupitre sans dire un mot. A la troisième, il m'avait pris à part, et sans doute, s'était-il renseigné sur notre situation, à ma mère et à moi. N'était-ce pas trop difficile pour elle? Pourquoi étais-je rentré si tard à l'école? ...Avais-je au moins des livres, à la maison? Il avait hésité, une dernière fois, avant de me faire le plus inattendu, le plus beau des cadeaux, qui allait décider, je ne savais pas encore, du reste de ma vie:
- Tu sais,  je donne des sujets, mais si tu as envie de raconter une autre histoire, n'hésite pas....
...sujet libre j'eus, pour mes rédactions à venir, jusqu'au BEPC. Quatre années  de liberté, lui, me guidant, veillant à ne jamais éteindre la flamme par trop de directives, jusqu'à me faire découvrir le plus rare, même si je le crois celé en chacun de nous: que j'avais  moi aussi le pouvoir de créer des mondes  avec des mots. pages 16, 17
 
Par eux, ( les instituteurs) s'opérait une alchimie. comme si venaient à moi, une infinité de mondes, une cohue de personnages, hommes, femmes, enfants qui se bousculaient, me captivaient - m'envahissaient?  Non: m'agrandissaient. page 20
 
Le Rhin  de Victor Hugo, dans l'édition Hetzel de 1861, illustré par Beauce et Lancelot!
L'auteur, au moins, avait la phrase ample, la respiration profonde, ne lésinait pas sur l'hyperbole, jonglait avec les mots, les images, les siècles jusqu'à vous brasser dans son flot, toute résistance  brisée - juste ce qu'il me fallait, après La Guerre du Feu, pour m'emporter plus loin.... page 24
 
Peut-être est-ce cela, devenir adulte: croire que les mots sont pleinement d'usage , pour désigner les choses. page 25
 
Des mondes: ils étaient là. Dans les gravures de mes magazines, dans les récits que je dévorais, réfugié en mon royaume de poussière sous le toit ... Ce n'était pas seulement les lointains qui se rapprochaient de moi, l'infinie variété des êtres et des choses qui m'était révélée, c'était aussi le monde , autour  de moi, qui s'élargissait,  se peuplait d'images, de  récits. Les livres, en somme, m'apprenaient ceci: que les mots ne désignent pas seulement les choses, mais, leur donnant forme, les donnent à voir.
Je peuplais le dehors de mes rêveries , de mes lectures, noircissais fiévreusement les pages de mon cahier de rédaction et chaque chose devenait merveille, bruissait d'histoires nouvelles. page 31
 
Vinrent presque aussitôt après Joseph Conrad, avec Typhon et Le Nègre du Narcisse, dans la miraculeuse "Bibliothèque verte" puis Herman Melville, quand mon maître me prêta, avec d'infinies précautions, le Moby Dick qu'il venait de s'offrir  dans une édition de luxe...
Mes livres. Qui s'imposèrent avec la force d'une évidence immédiate, absolue, définitive. Ils étaient plus que les miens: ils étaient moi. page 35
 
J'eus un enfance très pauvre, solitaire, mais qui ne fut jamais malheureuse, illuminée qu'elle fut par la générosité infinie de ma mère qui sacrifia sa vie, par le soutien d'un maître et la grâce des livres.
ma mère avait dix ans lorsque, rentrant de l'école, elle avait trouvé ma grand-mère tombée dans son jardin, paralysée. Elle avait réussi à grand-peine à la hisser dans la brouette pour la conduire jusqu'à son lit  - que la pauvre ne devait plus quitter. Et ma mère avait dû chercher du travail - à dix ans! - pour survivre. Elle rêvait d'être institutrice,  et sa vie fut détruite à compter de ce jour.  A quoi s'ajouté , dans l'enchaînement des malheurs, de se trouver "fille-mère" comme on le disait  alors. ...Survivre fut son souci premier, levée avant le jour pour laver au bassin proche, le linge des commerçants et des notables du  bourg avant de courir au manoir chauffer les baquets d'eau nécessaires au bain des châtelains et de leurs invités, préparer leur  déjeuner, puis, vaisselle faite, courir au restaurant proche ^pour recommencer, revenir au plus vite pour s'occuper de sa mère, repartir au plus vite pour une ronde qui n'avait pas de fin, à laquelle s'ajoutait la labeur au jardin pour vendre nos surplus et, à chaque marée, le travail sur les parcs à huîtres, avant de s'écrouler la nuit tombée. Dans une maison,  sans eau courante, sans  sanitaires,  au toit qui fuyait....Sans électricité, bien sûr-  nous avions failli l'avoir en 1954, si je m'en souviens bien, mais , alertée par un voisin bienveillant, la châtelaine était accourue de Paris pour nous l'interdire -  pour qui nous prenions-nous?  Et nous avions donc continué à nous éclairer à la lampe à pétrole. page 37, page 38
J'aurais dû devenir un bloc de colère ou de haine: elle m'en sauva. ....Elle me sauva, comme à sa manière me sauva monsieur Ropars. Comme me sauvèrent les livres.
J'étais, je le compris très tôt sa revanche. sur l'existence. ....Mes débuts, pourtant, furent un peu chaotiques.  Comment aller à l'école à l'âge prescrit, sans personne d'autre que moi pour garder ma grand-mère, prendre soin d'elle, en l'absence d'une mère aux travaux forcés.  page 39
Un jour, le directeur d'école, monsieur Blévec, vint y mettre bon ordre , au grand désarroi de ma mère. page 40
Ma deuxième chance fut un professeur de lettres de l'Ecole supérieure de Saint-Cloud qui passait ses vacances dans le hameau voisin et qui me prit en affection.  Ses cinq enfants devinrent mes compagnons de jeux, attendus chaque été comme un naufragé attend ses sauveteurs, avec lesquels, je pouvais parler, échanger, et partager rêves et lectures. ....Et si je dois tout à monsieur Ropars, je peux en dire tout autant de ce brave cœur, honnête homme s'il s'en fut: Pierre Andrieu.
L'un me faisait lire dans le désordre, professant qu'il n'est pas de genre supérieur aux autres, que les livres plaisent , ou ne plaisent pas, que l'important est de lire, de lire toujours, et d'écrire.  L'autre voulait le classicisme même, dans  sa plus belle expression, se vouait tout entier à l'admiration des grands œuvres.page 41
Malgré l'humeur vacancière de la maisonnée, leur père s'obstinait à son rêve impossible de me faire progresser en latin. page 42
(Après le succès au BEPC) Et , alors, surprise,  qu'accourut monsieur Andrieu. Dès l'annonce des résultats, il avait sauté dans le train. Pour explique r à ma mère bouleversée que non, ça n'était pas possible , ne pouvant terminer ainsi, qu'il fallait pour moi d'autres ambitions ( d'être instituteur). Il se faisait fort de me faire admettre dans un lycée - non pas à Morlaix: au lycée Hoche de Versailles, dont il connaissait le proviseur. Ma mère retenait ses larmes.  page 43
 
" Ne cède jamais sur tes idées, sois prêt à les défendre jusqu'au bout! " répétait-il simplement ( monsieur Ropars)  - un conseil que je me suis efforcé d'appliquer, même s'il me coûta cher parfois -   mais en ajoutant: "Sauf , si on te démontre que tu as tort" page 46
 
TOUS RACONTEURS D'HISTOIRE
 
Peut-être les livres n'ont-ils d'influence profonde sur nous  que dans l'enfance, soutenait Graham Greene ...En cette conviction, je ne peux que rejoindre Graham Greene et Stevenson: ils furent pour moi, les chemins de la merveille.  page 52
 
Michel Tournier a écrit quelque part qu'il  n'y a  d'amitié que dans le partage d'admirations communes . page 55
 
Ecouter les écrivains évoquer leur "premier livre" et le cheminement qui s'ensuivit: passé les réponses convenues, chacun d'eux vous livrera un invraisemblable bric-à-brac page 63
 
Et si nous faisions confiance à la fiction? depuis le fond des âges, dans toutes les cultures, nous déployons une énergie sans limites pour nous raconter des histoires  - à cette étrange manie, il doit bien y avoir une raison! page 67
C'est en souvenir des émerveillements des livres de mon enfance et par souci de rendre ce qui m'avait été donné qu'n 1991, approché par un enseignant détaché du rectorat, Bernard Le Doze, j'avais décidé de lancer un concours d'écriture de nouvelles ouvert aux lycéens et collégiens, dans la cadre du tout récent festival Etonnants Voyageurs. Non pas pour commenter, résumer, analyser un texte, mais écrire vraiment une histoire.  Le succès fut immédiat. page 69
 
"LES POEMES SONT DES CHOSES QU'ON NE PEUT PAS DIRE AUTREMENT."
 
On ne regarde plus une armoire de la même manière après avoir laissé résonner en  soi le poème de Guillevic et pareillement une simple assiette ou une chaise après ce même recueil. Ainsi s'grandit le monde, s'enrichit d'harmoniques....
Assiettes de faïence usées,
Dont s'en va le blanc; 
Vous êtes venues neuves
Chez nous.
 
Nous avons beaucoup appris,
Pendant ce temps. page 74
 
A l'occasion de la parution d'un Livre d'or de la Bretagne, chez Seghers, où il est longuement mis en avant (Yvon Le Men) l'auteur, Philippe Durand vient le filmer chez lui, l'invite à rencontrer le poète Xavier Grall. Visage émacié, intense, Xavier est une torche vive, rimbaldien fou, chrétien fervent, déjà une légende en Bretagne.  Rencontre immédiate. Le" choc de  leur ressemblance" , dira Yvon Le Men, eux en même temps si différents. Deux manières aussi radicales de vivre en" poésie". " tu vis la vie que je voudrais vivre si j'avais ton âge" lui confie le poète, presque  cloué à demeure par son emphysème pulmonaire, et il le dira à "son jeune frère". Auquel il apporte un  monde  totalement étranger: Bernanos, Céline, Péguy, la poésie de Villon, de Charles d'Orléans et ...puis quelque chose de plus précieux, peut-être: le désengagement des idéologies, la foi retrouvée de son enfance....page 89, page 90
 
La poésie, c'est sortir de soi et faire  rentrer les autres.  ( Gérald Neveu) page 90
 
Les temps difficiles viendront après 1981 et la victoire de la gauche....Les portes se ferment, il crève silencieusement de faim, plusieurs fois sent venir le découragement...Etonnants Voyageurs, né en 1990, lui confiera la partie poésie du festival, où il fait salle comble chaque année. Il y invite des poètes du monde entier....
Ceux qui le feront tenir , aussi, ce seront les enfants. Par des interventions dans les écoles à la demande des professeurs connaissant son œuvre ou l'ayant découvert  à l'occasion d'un de ses spectacles.  page 91
 
Leur première exigence à tous deux ( Chateaubriand et Rimbaud): réinventer la vie, la vouloir rebelle,  effervescente , généreuse. page 97
 
Je ne savais de Hugo que ce que j'en lisais,  ou m'en disait monsieur Ropars. Il adorait aussi Emile Verhaeren, poète flamand et anarchiste dont il faisait des lectures vibrantes....Ou bien , c'était François Villon....Robert Desnos..., Verlaine...José Maria De Heredia...Leconte de Lisle ...Le tout en désordre et sans jamais se perdre en " analyses" ou en explications superflues.  Et peu lui importait l'époque: si les poèmes vivaient, ils étaient pour nous au présent.  Comptaient  surtout les mots et leur musique, la voix qui passait  à travers eux, portée par le rythme page 101, page 102
 
La poésie, en somme, est ce qui fait lien.  Et c'est ce lien qui a été rompu. page 105
 
"Une conception étriquée de la littérature, qui la coupe du monde dans lequel on vit, s'est imposée dans l'enseignement, dans la critique, et même chez nombre d'écrivains. Le lecteur, lui, cherche dans les œuvres de quoi donner sens à son existence. Et c'est lui qui a raison." page 108
 
TROUVER CE QUE L'ON NE CHERCHE PAS.
 
"Tout récit de voyage réussi est un fragment d'autobiographie. " Robert Louis Stevenson. page 109
 
Je suis aussi sensible que quiconque aux merveilles de la nature et même à celles des villes....Mais force m'est de constater que mes géographies voyageuses s'ordonnent, et de plus en plus, où que je me trouve, en un fin réseau de bibliothèques et de librairies. page 109
 
Les librairies ne sont pas des distributeurs automatiques. Les sites de vente en ligne sont là pour ça, avec un catalogue infiniment plus vaste que celui de la plus vaste librairie et,,  dès lors, à quoi bon? Mais vivantes, elles sont irremplaçables. , parce que, à chaque fois , singulières, pour un peu dirais-je  fragments d'une autobiographie.  Derrière chacune d'elles, est la passion d'une ou plusieurs personnes, façonnant leur espace au gré de leurs lectures.  Et c'est un bonheur pour l'acheteur poussant  la porte que d'y découvrir un ordre particulier, l'expression d'une sensibilité, et une conversation peut s'engager, pas simplement de conseils mais d'échanges. Au libraire de deviner les attentes de son acheteur, de lui suggérer une découverte, de le surprendre! page 117
 
Nous naissons, nous avançons, dans le bruissement des livres qui nous ont faits, des rencontres dont nous nous sommes nourris, et dont tant furent des libraires. page 127
 
Je ne trancherai pas la question du hasard et de la nécessité, mais il est des rencontres apparemment fortuites dont vous vous dîtes après coup, qu'il fallait qu'elles aient lieu, puisqu'elles changèrent le cours de votre vie, que tout, dans votre parcours, les appelait en creux.  Et dans ceux-là, il y eut des livres, bien sûr, beaucoup de livres, des écrivains, des maîtres trop rapidement évoqués dans ces pages, et aussi des libraires, beaucoup de libraires, qui me furent des passeurs. page128
 
LA GUERRE DE L'ESPACE
 
Il n'y a pas de fin à la multiplication des livres.
L'Ecclésiaste XII, 12. page 137
 
Ma maladie s'est déclarée très tôt. la bibliothèque de monsieur Ropars, à laquelle s'était ajoutée celle du presbytère qui me fournissait en "Signes de piste" et en volumes de la "Bibliothèque verte", aggrava ma fringale au lieu de l'apaiser: avoir des livres à moi! ....La grève au pied de la maison fut bientôt mise à sac, pour me fournir en bigorneaux que j'allais vendre dans les restaurants alentour e tà Jean Scornet, ostréiculteur, qui ne cherchait pour ses parcs,; - le bigorneau , comme chacun sait, étant friand des algues vertes, ennemies des belons. page 137
Les livres de poche faisaient leur apparition chez  Guiguite, qui tenait dans le bourg de  Plougasnou une papeterie-épicerie-mercerie-librairie (entre autres), dont la brave dame était la seule à maîtriser le chaos et je n'en finissais pas de rêver devant les couvertures richement illustrées, Pierre Benoît me déçut, Les Hauts de Hurlevent , d'Emily Brontë, qui me laissa une impression extraordinaire, Les Conquérants et La Voie Royale de Malraux.....Mes premiers livres. je les protégeais d'un film plastique, comme s'il s'agissait de trésors. - et trésors ils sont, que j'ai toujours, intacts. ....Lorsque, calé entre deux briques, j'atteignis mon premier mètre, sur le buffet, je me sentis le roi du monde. Innocence de la jeunesse!  Ceux-là, déjà, me tenaient captifs. page 138 
Plus tard, au lycée Hoche, à Versailles, un condisciple me fit découvrir  la "Série noire", Chandler, Hammert, Burnett , Chester, Hîmes et à partir de là, le roman américain.
...S'était ajouté, pour mon premier Noël de lycéen, un électrophone Teppaz. Je n'aurais plus à attendre de retrouver les copains d'enfance pour découvrir le jazz dans l'été.  page 139
 
Pour qu'il y ait échange entre les êtres,  encore faut-il que chacun diffère des autres: il n'y pas de conversation véritable qu'entre sujets, chacun unique, et non  entre clones interchangeables. page 146
 
Personnages de fiction et personnages réels se répondent, se nourrissent les uns les autres, dans un rêve d'un ailleurs qui ne s'épuiserait pas en un nouvel "ici" - dans cette conviction qu'au fond de l'inconnu se trouve quelque chose , ou quelqu'un, peut-être notre propre visage, qui nous attend.
Le livre à écrire était lui-même une bibliothèque. page 149
 
Dans ce tumulte (de 1968) deux amers, pour user d'un vocabulaire maritime, m'évitèrent de céder totalement aux sirènes de l'époque: la littérature et la musique.  page 189
 
" Nous rêvons de voyage à travers l'univers, l'univers n'est-il pas en nous? Les profondeurs de notre " esprit  nous sont inconnues. le chemin mystérieux va vers l'intérieur. " Novalis  page 195
 
ICI ET MAINRENANT
 
Mon départ de  la Gauche prolétarienne avait signifié pour moi, un adieu au communisme, et à l'idéologie à laquelle celui-ci s'adossait. Si nous avions eu encore quelques hésitations,  ou prudences, pour ne pas être cloué immédiatement au pilori, la lecture de l'Archipel du Goulag de Soljenitsyne emportait tout dans son flot puissant. Par l'énorme travail de réflexion, sa documentation, son réquisitoire implacable, mais aussi, par son style somptueux, qui n'est pas simplement le "bien-être" de son œuvre, mais le mouvement irrépressible d'une âme révoltée puisant au plus profond l'énergie d'affronter les monstres. Ce qu'il décrivait des mécanismes du système totalitaire, était à la puissance 1000ce que nous avions  vécu, sans parvenir à les surmonter. Puissance 1000 mais les mêmes... Autour de Maurice Clavel, nous avions pris l'habitude de nous retrouver de loin en loin chez lui, à Asquins, au pied du Vézelay, où se croisaient Michel Foucault, André Glucksmann, Guy Lardeau, Christian Jamber, pour réfléchir aux voies possibles d'une philosophie de la liberté.  pages 2017, 218
 
(Aux Etonnants Voyageurs de 1993, Michel Le Bris avait invité une trentaine d'écrivains de l'Est...)
Vidosav Stevanovic, grand opposant au régime de Milsevic: Parce que nous ne comprenons pas: comment est-il possible que notre cauchemar soit encore vos rêves?   Parce que si vous voulez savoir ce qu'est le communisme, nous sommes tous là, nous pouvons vous expliquer: le mensonge systématique, le  sens de chaque mot perverti, renversé  en son contraire, la surveillance généralisée, chacun devenant le flic pour tous les autres.
Il avait fixé la foule  de tous les autres!
- Mais nous avons compris une chose : c'est que vous ne voulez pas. Vous attendez que nous  repartions chez nous  pour pouvoir continuer   à agiter votre moulin à prières. Eh bien, nous allons donc repartir , mais c'est une grande déception.
Le silence  avait été écrasant. Et la question reste encore posée à la gauche.Faute d'y répondre, elle mourra. Elle meurt d'ailleurs. page 221
 
Dans un livre prémonitoire, Modernity  at Large: Cultural Dimensions  of Globalization un  philosophe d'origine  indienne, né à Bombay, Arjun Appadurai, avait proposé une vision très éclairante du monde qui se dessinait, où la littérature se trouvait occuper à une place centrale.
Flux  de populations, comme jamais le monde n'n  connut, migrations, volontaires ou subies, flux de capitaux, flux   d'images, de sons, d'informations, dont nous voyons  bien     qu'elles traversent toutes les structures qui tentaient jusque la   de les contenir ou de les réguler....page 232
 
 
 
 
 
 
 

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