" Son nom est connu dans un cercle d'initiés qui la considèrent comme une icône de la pensée con temporaine et qui se ressourcent régulièrement dans ses écrits.
Je fais partie de ces personnes qui, par les hasards d'une amitié, à l'adolescence, ont eu la chance de tomber sur La Pesanteur et la Grâce, et, comme bon nombre d'étudiants, je le suppose, j'ai appris par coeur certains fragments qui résonnaient en moi comme des aphorismes de sagesse et de compréhension du monde. Pendant des années , ce livre de chevet fut pour moi comme la boussole du marin au milieu de l'océan déchaîné.
Trente ans après, mes recherches sur Hannah Arendt me firent lire ou relire certains textes comme La Condition ouvrière ou L'Enracinement. Je fus, de nouveau , frappée par sa profondeur d'analyse, son courage physique et intellectuel, la pertinence de ses propositions, son mystère aussi, ce mystère d'une vie brisée à trente-quatre ans dans le feu de la recherche de la vérité.
Aujourd'hui, nous avons besoin de la pensée de Simonne Weil, de sa clairvoyance, de son courage, de ses propositions pour réformer la société, de ses fulgurances, de ses questionnements, de son désir de réenchanter le monde. "
Une dévoratrice de tout ce que pouvaient lui offrir la bonté des êtres et la beauté du monde. Page 14
Fille, elle était née. Garçon manqué, ne sachant pas vivre le présent, elle demeurera. C'est sans doute pour cela qu'elle voulut agir sur les événements, se battre sur tous les fronts. Page 16
Depuis le 25 décembre 1942, un petit bureau lui avait été affecté dans l'annexe d'un hôtel particulier de Londres, au 19, Hill Street où s'était installé le commissariat à l'Intérieur. Certains résistants, comme Jean-Louis Crémieux- Brilhac la décrivent, dans ce mystérieux repaire, en retrait de la demeure des maîtres , ouvrant sur une impasse....page 17
Elle croit que tout être possède en lui le désir de faire le bien du berceau à la tombe. page 24
( Elle est atteinte de tuberculose) Que signifie être en vie? S'approcher de la mort permet-il de rejoindre la vérité. Où se situe la limite entre être encore en ce monde et s'imaginer partir? Seule , la mort est vraie. page 33
" Il se trouve en moi un dépôt d'or pur qui est à transmettre". Le problème, elle le sait, c'est que personne ne veut le recevoir. page 39
Au seuil. Elle essaie de franchir des portes mais elle reste au seuil. Personne ne veut d'elle. Elle s'impose. Elle a réussi à imposer sa présence dans l'entourage du Général sans jamais le voir. Elle a l'impression d'être plus tolérée qu'acceptée. Elle ne comprend pas les raisons pour lesquelles elle ne peut aller se battre en France, en première ligne. On la dit gauche, maladroite, elle se sent précise, rigoureuse, les sens en éveil, l'intelligence en feu, la détermination entière. Peur de rien. On la prend pour une intello. page 41
Elle se sentait coupable d'avoir professé des opinions pacifistes jusqu'à l'entrée des troupes d'Hitler dans Prague le 15 mars 1939.page 51
On sait qu'un texte de Simone Weil fut lu en entier par le Général De Gaulle. Intitulé " Conseil suprême de la révolte, il fut, selon Simone Pétrement, à l'origine de la décision de créer le Conseil de la Résistance. page 55
Lire, comparer, discuter. Il fallait être à sa hauteur et la prendre au sérieux. page 73
Vertige de l'absolu, désir de s'approcher du renoncement suprême, force incroyable d'ébullition où Simone Weil, simultanément, des lectures de toutes les civilisations, réinterprétées par ses fulgurances poétiques? Désir exacerbé d'anonymat, volonté de se rattacher à ce qu'elle nomme " la pâte de l'humanité", prescience de sa fin à venir? page 80
Simone Weil est la cadette, d'un an, de Claude Lévi- Strauss. des passions communes les unissent: le devenir des civilisations,, l'écrasement, par le matérialisme , de l'évolution des sociétés, la place du je, l'appel à une nouvelle science de compréhension des êtres humains. Relire la fin de Tristes Tropiques: " Pourtant j'existe. Non point certes comme individu; car que suis-je sous ce rapport, sinon l'enjeu, à chaque instant remis en cause, de la lutte entre une autre société...et mon corps qui lui sert de robot.....le moi, n'est pas seulement haïssable, il n'y a pas de place entre un nous et un rien". page 81
Elle était arrivée à Marseille le 15 septembre 1940. Elle avait quitté Paris déclarée ville ouverte en compagnie de son père et de sa mère. page 83
De l'attitude du peuple français à l'annonce de l'armistice, elle se sent responsable et coupable, à titre individuel, comme à titre collectif. Il n'y a pas, pour elle, d'un côté les bons, de l'autre, les méchants, mais une défaite collective en raison de l'endormissement du peuple français, de son inertie, de sa paresse, de sa somnolence. page 85
Le 3 octobre 1940, est promulgué le statut des juifs. page 88..;Onn le siat Simone Weil ne s'est jamais considérée comme juive, ses parents sont agnostiques et ne lui ont donné aucune éducation religieuse. page 89
Dans son cahier, elle note: Philosophie = réflexion sur les valeurs. La philosophie - recherche de la sagesse- est une vertu. C'est un travail sur soi. Une transformation de l'être. Page 95
La philosophie a donc "pour objet une manière de vivre, une meilleure vie, non pas ailleurs, mais en ce monde". page 104 Simone Weil n'est pas une étoile filante mais fait partie d'une constellation, même si l'étendue de son érudition, l'acuité de son intelligence, le courage physique dont elle fait preuve, la générosité et le don de soi dont elle ne se départit jamais font d'elle une personne unique et exceptionnelle. Page 105
Quand elle était jeune étudiante en khâgne, elle avait inventé une méthode qu'elle nommait sa méditation ultra-spinoziste: regarder un objet fixement en se demandant ce que c'est, sans rapport avec rien d'autre, pendant des heures. C'est ce qu'on appelle un koan, notion qu'elle a trouvée dans les écrits qu'elle annotait fiévreusement de Suzuki. page 141
Elle vit, come tous les réfugiés, dans l'attente d'un départ sans cesse différé. page 147
Simone Weil a écrit son testament avant de quitter la France, définitivement. page 149
A la lumière des événements politiques en URSS, et de son analyse de Marx, elle rédige un article qu'elle intitulera " Méditation sur l'obéissance et la liberté. " Prenant acte qu'un seul homme puisse faire régner la terreur sur un sixième du globe, Simone Weil, qui est l'une des premières intellectuelles à avoir saisi l'essence même du totalitarisme dans ses mécanismes, dissèque la notion de minorité au pouvoir qui fait bloc, et donc peut agir, face au plus grand nombre , masse d'individualités ajoutées sans possibilité de cohésion.. La société, "gros animal" docile, a besoin de manger, de dormir, de se protéger.. Marx avait tort d'affirmer que l'économie était la clef de l'énigme sociale....page 156
Peu après la déclaration de guerre, Simone Weil rédige un long article intitulé " Quelques réflexions sur les origines de l'hitlérisme". Elle fait de Richelieu le précurseur l'Hitler, le compare à Louis XIV et à Napoléon puis se livre à une longue analyse historique en rapprochant la Rome ancienne de l'actuel système hitlérien: même méthode d'asservissement des peuples, même certitude de vouloir dominer le monde , même volonté d'écraser les consciences...Se battre ,résister est donc vital et nécessaire. Simone Weil pense qu'Hitler n' a pas le talent des empereurs romains et que l'Angleterre saura lui résister. Optimiste, elle pense que la coalition franco-anglaise saura barrer la route à l'hitlérisme et réfléchit à la manière dont la France, après sa victoire contre l'Allemagne, devra la démembrer sans , pour autant, l'humilier. page 164
La lutte contre le colonialisme constitue un fil rouge et de son oeuvre et de son engagement. page 165
On ne dira jamais assez que à quel point cette femme a soif de beauté et de jouissance. On n'insistera jamais assez sur son sens de la liberté. page 174
Quand la guerre d'Espagne commence, Simone Weil est déchirée: d'un côté, elle professe un pacifisme intransigeant, de l'autre, elle ne supporte pas d'assister, impuissante, au malheur d'un peuple. page 181
Des rescapés de la guerre d 'Espagne diront leur indignation devant sa dénonciation des crimes et des agissements du camp républicain et mettrons en doute les faits qu'elle avait exposés. Albert Camus, tout en comprenant la réaction de ceux qui avaient risqué leur vie, se fera l'interprète de la pensée de Simone Weil: " il est bon que la violence révolutionnaire, inévitable, , se sépare parfois de la hideuse bonne conscience où elle est désormais installée." Aujourd'hui, des études historiques prouvent que tout ce que Simone Weil a dénoncé s'est réellement produit. page 195
(La victoire du Front Populaire en 1936): Pour elle, c'est une délivrance. page 201
Le mardi 4 décembre 1934, elle rentre comme manoeuvre à l'usine Alsthom. Elle a vingt-cinq ans . Vit seule. Se sent fragile physiquement. page 213
( A Berlin) ....dès le 25 août 1932, elle tire la sonnette d'alarme, dénonce le massacre systématique des communistes dont le parti vient d'être interdit et relève les appels aux meurtres quotidiennement relayés dans les journaux nazis. Sa force d'intuition et sa faculté de comprendre la nature même du parti nazi impressionnent.....Pour elle, Hitler signifie le massacre organisé, la suppression de toute liberté et de toute culture. page 223
Simone Weil s'est éteinte dans son sommeil le 24 août 1943, au sanatorium d'Ashford, au milieu d'une nature bienveillante, magnifiée par l'été. page 268. le 11 février 1951, Alber Camus écrit à Selma Weil: " Simone Weil est le plus grand esprit de notre temps et je souhaite que ceux qui le reconnaissent en reçoivent assez de modestie pour ne pas essayer d'annexer ce témoignage bouleversant" page 269
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